CA Riom, 1re ch., 25 novembre 2025, n° 23/01889
RIOM
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE [Localité 9]
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 25 novembre 2025
N° RG 23/01889 - N° Portalis DBVU-V-B7H-GDGW
- PV- Arrêt n°
S.A.S. COLISEE IMMOBILIER / [R] [M], [D] [S], [X] [O]
Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 8], décision attaquée en date du 11 Décembre 2023, enregistrée sous le RG n° 22/03010
Arrêt rendu le MARDI VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Madame Anne-Laure FOULTIER, Vice-Président placé
En présence de :
Mme Céline DHOME, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
S.A.S. COLISEE IMMOBILIER
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Maître Anne-Sophie ROCHE de la SCP SAGON-VIGNOLLE- VIGIER-PRADES-ROCHE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
APPELANTE
ET :
M. [R] [M]
et
Mme [D] [S]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentés par Maître Jean-Michel DE ROCQUIGNY de la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
Mme [X] [O]
[Adresse 10]
[Localité 1]
Non représentée
INTIMES
DÉBATS :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 6 octobre 2025, en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. ACQUARONE et Mme FOULTIER, rapporteurs.
ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 25 novembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme DHOME, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte authentique du 21 octobre 2020, Mme [N] [S] et M. [R] [M] ont fait l'acquisition auprès de Mme [X] [O] d'une maison d'habitation située [Adresse 2] dans la commune du [Adresse 6] (Puy-de-Dôme), moyennant le prix de 230.000,00 €. Cette transaction a été effectuée par l'intermédiaire de la SAS COLISÉE IMMOBILIER, exerçant une activité d'agence immobilière à [Localité 7] (Puy-de-Dôme). Mme [S] et M. [M] ont ainsi pris possession de cette maison le 7 novembre 2020.
Se plaignant de difficultés de fonctionnement et de plusieurs dégâts du fait du dispositif d'évacuation des eaux usées, résultant notamment de l'obstruction de la canalisation des WC du fait de la pipe des WC, mais également de dysfonctionnements de l'installation électrique, Mme [S] et M. [M] ont assigné en référé le 31 mai 2021 la société COLISÉE et Mme [O] devant le Président du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand qui, suivant une ordonnance de référé rendue le 22 juillet 2022, a ordonné une mesure d'expertise judiciaire confiée à M. [Z] [V], expert en construction près la cour d'appel de Riom. Après avoir rempli sa mission, l'expert judiciaire commis a établi son rapport le 3 mai 2022.
En lecture de ce rapport d'expertise judiciaire, Mme [S] et M. [M] ont assigné la société COLISÉE et Mme [O] devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand qui, suivant un jugement n° RG-22/03010 rendu le 11 décembre 2023, a :
- condamné Mme [O] à payer au profit de Mme [S] et M. [M] :
* au titre de la responsabilité civile décennale prévue aux articles 1792 et suivants du Code civil, la somme totale de 20.530,60 € en indemnisation de leur préjudice matériel de réparation des réseaux internes d'assainissement (à hauteur de 13.403,50 €) et des travaux de reprise et de création d'un escalier (à hauteur de 7.127,10 €), outre application, en cas d'augmentation, de l'indice BT-01 du coût de la construction de la date du 3 mai 2022 à celle à laquelle le jugement deviendra définitif ;
* la somme de 500,00 € en réparation de leur préjudice de jouissance ;
* la somme de 110,00 € en remboursement de frais d'inspection télévisuelle des réseaux d'assainissement ;
- au titre de la responsabilité civile délictuelle prévue aux articles du Code civil, condamné la société COLISÉE à payer à Mme [S] et M. [M] la somme de 13.810,50 € en indemnisation de leur préjudice résultant des réparations à effectuer sur l'installation électrique, outre application du même dispositif d'indexation BT-01 ;
- condamné in solidum la société COLISÉE et Mme [O] :
* à payer au profit de Mme [S] et M. [M] une indemnité de 5.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
* aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
Par déclaration formalisée par le RPVA le 20 décembre 2023, le conseil de la société COLISÉE a interjeté appel du jugement susmentionné à l'encontre de M. [M] et Mme [S] ainsi que de Mme [O], l'appel portant sur l'ensemble des condamnations pécuniaires prononcé ainsi que sur le rejet de ses demandes.
' Par dernières conclusions d'appelant notifiées par le RPVA le 23 avril 2025, la SAS COLISÉE IMMOBILIER a demandé de :
' au visa des articles L.134-7 et L.271-4 du code de la construction et de l'habitation et des articles 1240 et suivants du Code civil ;
' infirmer le jugement du 11 décembre 2023 du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en toutes ses décisions de condamnations pécuniaires prononcées à son encontre et de rejets de ses demandes et statuer de nouveau ;
' débouter Mme [S] et M. [M] de l'ensemble de leurs demandes formé à son encontre après avoir jugé qu'elle a satisfait à ses obligations d'information et de conseil, qu'aucune faute n'est démontrée à son encontre et qu'aucun lien de causalité n'existe entre les désordres allégués et son intervention ;
' condamner in solidum Mme [S] et M. [M] :
* à lui payer une indemnité de 4.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* aux entiers dépens de première instance [et d'appel], en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
' Par dernières conclusions d'intimé notifiées par le RPVA le 10 juin 2024, Mme [D] [S] et M. [R] [M] ont demandé de :
' au visa de l'article 1240 du Code civil ;
' confirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise ;
' condamner en conséquence la société COLISÉE à leur payer la somme de 13.810,50 € en indemnisation de leur préjudice résultant des réparations à effectuer sur l'installation électrique, outre application du même dispositif d'indexation BT-01 ;
' condamner la société COLISÉE :
* à leur payer une indemnité de 4.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
* au paiement des entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
' Mme [X] [O] n'a pas constitué avocat et n'était donc pas comparante.
Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, les moyens développés par les parties à l'appui de leurs prétentions sont directement énoncés dans la partie 'Motifs de la décision'.
Après évocation de cette affaire et clôture des débats lors de l'audience civile collégiale du 6 octobre 2025 à 14h00, au cours de laquelle chacun des conseils des parties a réitéré ses précédentes écritures, la décision suivante a été mise en délibéré au 25 novembre 2025, par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1/ Questions préalables
Il sera rappelé qu'en application des dispositions de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, « La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif [des conclusions d'appel] (') », de sorte que les mentions tendant à 'Constater que'', 'Dire et juger que'', 'Juger que'', 'Dire que'' ou 'Donner acte...' qui figurent dans certains dispositifs de conclusions d'appel ne seront pas directement répondues dans le dispositif de la présente décision, constituant des éléments simplement redondants qui renvoient aux moyens et arguments développés dans le corps de ces mêmes conclusions et donnant lieu à motivation.
Le jugement de première instance n'a fait l'objet d'aucun appel principal ou incident en ce qui concerne les condamnations de Mme [O] à payer au profit de Mme [S] et M. [M] les sommes respectives de 20.530,60 € outre indexation au visa des articles 1792 et suivants au titre du préjudice matériel et de travaux concernant les réseaux internes d'assainissement et l'escalier en lecture du rapport d'expertise judiciaire, de 500,00 € en indemnisation du préjudice de jouissance et de 110,00 € à titre de remboursement de frais d'inspection télévisuelle. Il en est de même en ce qui concerne la condamnation de Mme [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [S] et M. [M] et au paiement des entiers dépens de première instance incluant les frais d'expertise judiciaire.
La présente décision sera rendue de manière réputée contradictoire à l'égard de l'ensemble des parties au litige par application des dispositions de l'article 474 alinéa 1er du code de procédure civile, Mme [O] qui n'a pas constitué avocat s'étant vue remettre à sa personne la signification de la déclaration d'appel le 22 février 2024.
2/ Sur la demande principale
L'article 1240 du Code civil dispose que « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » tandis que l'article 1241 du Code civil dispose que « Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. ». Dans le cadre de la relation extracontractuelle qu'ils ont eue avec la société COLISÉE, qui était le mandataire de Mme [O] dans la négociation et la finalisation de la vente de la maison litigieuse, Mme [S] et M. [M] recherchent au visa des dispositions législatives susvisées la responsabilité délictuelle de la société COLISÉE pour ne leur avoir pas loyalement indiqué lors de cette vente immobilière, au titre de l'obligation professionnelle d'information et de conseil de l'intermédiaire professionnel, un certain nombre de renseignements jugés essentiels en ce qui concerne l'installation électrique.
En l'espèce, l'expert judiciaire commis M. [Z] [V] énonce notamment dans son rapport le 3 mai 2022 que :
* l'installation électrique intérieure, concernant notamment la cuisine, la salle de bain et le séjour ainsi que le garage transformé en atelier de céramiste, a fait l'objet du temps de Mme [O] de plusieurs transformations avec recours à un électricien qualifié, la création d'une chambre et d'une salle de bain en rez-de-chaussée ayant par ailleurs donné lieu à des modifications électriques effectuées « amiablement » par un électricien qui était une connaissance de Mme [O] ;
* toujours est-il que le diagnostic électrique DÔMES DIAGNOSTICS qui a été établi le 29 juillet 2020 du fait de la mise en vente de l'immeuble litigieux fait mention de plusieurs anomalies pour lesquelles il est explicitement recommandé d'agir afin d'éliminer un certain nombre de dangers, les domaines faisant l'objet d'anomalie étant des matériels électriques présentant des risques de contacts directs et des points de contrôle n'ayant pu être vérifiés et nécessitant de faire intervenir un électricien qualifié afin d'installer des conducteurs de protection sur les circuits qui n'en sont pas équipés, de remplacer des matériels présentant des détériorations, de remplacer des isolants présentant des détériorations et de remplacer des matériels présentant des parties actives nues sous tension ;
* il résulte notamment des éléments qui précèdent que « L'installation électrique présente des anomalies qui se sont additionnées et qu'un électricien professionnel ne peut reprendre sans engager sa responsabilité sur le respect complet de la normalisation pour la totalité de l'installation. ».
Mme [S] et M. [M] reprochent dès lors à la société COLISÉE de ne pas les avoir correctement informés et conseillés au titre de ses obligations d'information et de conseil à l'occasion de cette vente immobilière sur un certain nombre d'anomalies concernant l'installation électrique et pouvant engendrer des travaux importants et onéreux. Ils font valoir que s'ils avaient eu connaissance de ces anomalies et dangers concernant l'installation électrique, ils n'auraient pas acquis le bien litigieux ou auraient négocié une diminution de prix en conséquence. De son côté, la société COLISÉE proteste de sa loyauté professionnelle et considère avoir fait toutes diligences en la matière, rappelant notamment qu'elle n'est pas spécialiste en matière d'électricité et que les candidats à cette acquisition immobilière avaient accès à ce diagnostic explicitant ces anomalies électriques.
En l'occurrence, il n'est pas contestable que ce diagnostic technique du 29 juillet 2020 incluant l'examen de l'installation électrique a bien été intégré à l'initiative de la société COLISÉE dans le cadre de son mandat immobilier aux documents précontractuels et contractuels de la vente immobilière litigieuse, conformément en cela à ses obligations résultant des dispositions de l'article L.271-4 du code de la construction et de l'habitation. La société COLISÉE, qui n'est pas un professionnel de la construction et qui n'a qu'un devoir de communication de l'ensemble des documents techniques obligatoires en matière de vente immobilière, justifie en tout cas que ce diagnostic technique obligatoire a bien été annexé dans son intégralité dans le compromis de vente conclu sous seing privé le 18 août 2020 alors qu'il n'est par ailleurs pas contesté que ce document a été également annexé dans son intégralité dans l'acte authentique de vente du 21 octobre 2020.
Or, il résulte de manière suffisamment explicite de la lecture de ce diagnostic technique du 29 juillet 2020 que Mme [S] et M. [M] étaient pleinement informés de la nécessité de faire intervenir un électricien qualifié sur un ensemble d'anomalies qui y sont dûment mentionnées à propos de l'installation électrique, jusque sur la dernière page n° 9 de ce document qui recommande explicitement en guise de synthèse de « Faire appel à un installateur électricien qualifié afin de lever les anomalies constatées ». Il n'est pas davantage contesté que ce document daté du 29 juillet 2020 (ou au plus tard du 31 juillet 2020) était librement consultable au cours d'une partie suffisamment longue de la phase de négociation de cette vente immobilière, soit antérieurement à la date du 18 août 2020 de la signature du compromis de vente. À ce stade de négociations immobilières, il était dès lors aisément loisible aux candidats à l'acquisition de faire faire un devis par un électricien professionnel, y compris encore pendant le délai supplémentaire de 10 jours afférents au délai légal de rétractation par application de l'article L.271-1 du code de la construction et de l'habitation, afin de se déterminer en bonne et entière connaissance de cause sur l'ampleur et le coût prévisibles de ces travaux de conformité touchant à un aspect essentiel de ce lieu d'habitation en matière de sécurité d'occupation.
Dans ces conditions, le jugement de première instance sera infirmé en sa décision de condamnation de la société COLISÉE à payer au profit de Mme [S] et M. [M] la somme principale de 13.810,50 € outre indexation au titre de réparations à réaliser sur l'installation électrique de l'immeuble litigieux.
3/ Sur les autres demandes
En conséquence des motifs qui précèdent à titre principal, le jugement de première instance sera infirmé en sa décision de condamnation, in solidum avec Mme [O], de la société COLISÉE au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [S] et M. [M] et au paiement des entiers dépens de l'instance incluant les frais d'expertise judiciaire.
Il serait effectivement inéquitable, au sens des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, de laisser à la charge de la société COLISÉE les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager à l'occasion de cette instance et qu'il convient d'arbitrer à la somme de 4.000,00 € en tenant compte à la fois des frais de première instance et des frais de procédure d'appel, à la charge de Mme [S] et M. [M].
Enfin, succombant à l'instance, Mme [S] et M. [M] seront purement et simplement déboutés de leur demande de défraiement formée au visa de l'article 700 du code de procédure civile et en supporteront les entiers dépens, étant rappelé que les frais d'expertise judiciaire sont déjà intégrés dans l'imputation des dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et de manière réputée contradictoire,
INFIRME le jugement n° RG-22/03010 rendu le 11 décembre 2023 par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en ses décisions de condamnations de la SAS COLISÉE IMMOBILIER à payer :
- au profit de Mme [N] [S] et M. [R] [M] la somme principale de 13.810,50 € à titre de réparation de l'installation électrique de la maison susmentionnée, outre application, en cas d'augmentation, de l'indice BT-01 du coût de la construction de la date du 3 mai 2022 jusqu'à celle à laquelle ce jugement doit devenir définitif ;
- au profit de Mme [N] [S] et M. [R] [M] et in solidum avec Mme [X] [O], une indemnité de 5.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- in solidum avec Mme [X] [O], les entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
CONSTATE que ce même jugement n'a fait l'objet d'aucun appel ou en tout cas ne donne lieu à aucune demande particulière en ce qui concerne ses autres dispositions.
Y ajoutant.
CONDAMNE Mme [N] [S] et M. [R] [M] à payer au profit de la SAS COLISÉE IMMOBILIER une indemnité de 4.000,00 €, en dédommagement de ses frais irrépétibles prévus à l'article 700 du code de procédure civile.
REJETTE le surplus des demandes des parties.
CONDAMNE Mme [N] [S] et M. [R] [M] aux entiers dépens de l'instance.
Le greffier Le président
DE [Localité 9]
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 25 novembre 2025
N° RG 23/01889 - N° Portalis DBVU-V-B7H-GDGW
- PV- Arrêt n°
S.A.S. COLISEE IMMOBILIER / [R] [M], [D] [S], [X] [O]
Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 8], décision attaquée en date du 11 Décembre 2023, enregistrée sous le RG n° 22/03010
Arrêt rendu le MARDI VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Madame Anne-Laure FOULTIER, Vice-Président placé
En présence de :
Mme Céline DHOME, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
S.A.S. COLISEE IMMOBILIER
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Maître Anne-Sophie ROCHE de la SCP SAGON-VIGNOLLE- VIGIER-PRADES-ROCHE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
APPELANTE
ET :
M. [R] [M]
et
Mme [D] [S]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentés par Maître Jean-Michel DE ROCQUIGNY de la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
Mme [X] [O]
[Adresse 10]
[Localité 1]
Non représentée
INTIMES
DÉBATS :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 6 octobre 2025, en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. ACQUARONE et Mme FOULTIER, rapporteurs.
ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 25 novembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme DHOME, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte authentique du 21 octobre 2020, Mme [N] [S] et M. [R] [M] ont fait l'acquisition auprès de Mme [X] [O] d'une maison d'habitation située [Adresse 2] dans la commune du [Adresse 6] (Puy-de-Dôme), moyennant le prix de 230.000,00 €. Cette transaction a été effectuée par l'intermédiaire de la SAS COLISÉE IMMOBILIER, exerçant une activité d'agence immobilière à [Localité 7] (Puy-de-Dôme). Mme [S] et M. [M] ont ainsi pris possession de cette maison le 7 novembre 2020.
Se plaignant de difficultés de fonctionnement et de plusieurs dégâts du fait du dispositif d'évacuation des eaux usées, résultant notamment de l'obstruction de la canalisation des WC du fait de la pipe des WC, mais également de dysfonctionnements de l'installation électrique, Mme [S] et M. [M] ont assigné en référé le 31 mai 2021 la société COLISÉE et Mme [O] devant le Président du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand qui, suivant une ordonnance de référé rendue le 22 juillet 2022, a ordonné une mesure d'expertise judiciaire confiée à M. [Z] [V], expert en construction près la cour d'appel de Riom. Après avoir rempli sa mission, l'expert judiciaire commis a établi son rapport le 3 mai 2022.
En lecture de ce rapport d'expertise judiciaire, Mme [S] et M. [M] ont assigné la société COLISÉE et Mme [O] devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand qui, suivant un jugement n° RG-22/03010 rendu le 11 décembre 2023, a :
- condamné Mme [O] à payer au profit de Mme [S] et M. [M] :
* au titre de la responsabilité civile décennale prévue aux articles 1792 et suivants du Code civil, la somme totale de 20.530,60 € en indemnisation de leur préjudice matériel de réparation des réseaux internes d'assainissement (à hauteur de 13.403,50 €) et des travaux de reprise et de création d'un escalier (à hauteur de 7.127,10 €), outre application, en cas d'augmentation, de l'indice BT-01 du coût de la construction de la date du 3 mai 2022 à celle à laquelle le jugement deviendra définitif ;
* la somme de 500,00 € en réparation de leur préjudice de jouissance ;
* la somme de 110,00 € en remboursement de frais d'inspection télévisuelle des réseaux d'assainissement ;
- au titre de la responsabilité civile délictuelle prévue aux articles du Code civil, condamné la société COLISÉE à payer à Mme [S] et M. [M] la somme de 13.810,50 € en indemnisation de leur préjudice résultant des réparations à effectuer sur l'installation électrique, outre application du même dispositif d'indexation BT-01 ;
- condamné in solidum la société COLISÉE et Mme [O] :
* à payer au profit de Mme [S] et M. [M] une indemnité de 5.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
* aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
Par déclaration formalisée par le RPVA le 20 décembre 2023, le conseil de la société COLISÉE a interjeté appel du jugement susmentionné à l'encontre de M. [M] et Mme [S] ainsi que de Mme [O], l'appel portant sur l'ensemble des condamnations pécuniaires prononcé ainsi que sur le rejet de ses demandes.
' Par dernières conclusions d'appelant notifiées par le RPVA le 23 avril 2025, la SAS COLISÉE IMMOBILIER a demandé de :
' au visa des articles L.134-7 et L.271-4 du code de la construction et de l'habitation et des articles 1240 et suivants du Code civil ;
' infirmer le jugement du 11 décembre 2023 du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en toutes ses décisions de condamnations pécuniaires prononcées à son encontre et de rejets de ses demandes et statuer de nouveau ;
' débouter Mme [S] et M. [M] de l'ensemble de leurs demandes formé à son encontre après avoir jugé qu'elle a satisfait à ses obligations d'information et de conseil, qu'aucune faute n'est démontrée à son encontre et qu'aucun lien de causalité n'existe entre les désordres allégués et son intervention ;
' condamner in solidum Mme [S] et M. [M] :
* à lui payer une indemnité de 4.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* aux entiers dépens de première instance [et d'appel], en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
' Par dernières conclusions d'intimé notifiées par le RPVA le 10 juin 2024, Mme [D] [S] et M. [R] [M] ont demandé de :
' au visa de l'article 1240 du Code civil ;
' confirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise ;
' condamner en conséquence la société COLISÉE à leur payer la somme de 13.810,50 € en indemnisation de leur préjudice résultant des réparations à effectuer sur l'installation électrique, outre application du même dispositif d'indexation BT-01 ;
' condamner la société COLISÉE :
* à leur payer une indemnité de 4.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
* au paiement des entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
' Mme [X] [O] n'a pas constitué avocat et n'était donc pas comparante.
Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, les moyens développés par les parties à l'appui de leurs prétentions sont directement énoncés dans la partie 'Motifs de la décision'.
Après évocation de cette affaire et clôture des débats lors de l'audience civile collégiale du 6 octobre 2025 à 14h00, au cours de laquelle chacun des conseils des parties a réitéré ses précédentes écritures, la décision suivante a été mise en délibéré au 25 novembre 2025, par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1/ Questions préalables
Il sera rappelé qu'en application des dispositions de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, « La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif [des conclusions d'appel] (') », de sorte que les mentions tendant à 'Constater que'', 'Dire et juger que'', 'Juger que'', 'Dire que'' ou 'Donner acte...' qui figurent dans certains dispositifs de conclusions d'appel ne seront pas directement répondues dans le dispositif de la présente décision, constituant des éléments simplement redondants qui renvoient aux moyens et arguments développés dans le corps de ces mêmes conclusions et donnant lieu à motivation.
Le jugement de première instance n'a fait l'objet d'aucun appel principal ou incident en ce qui concerne les condamnations de Mme [O] à payer au profit de Mme [S] et M. [M] les sommes respectives de 20.530,60 € outre indexation au visa des articles 1792 et suivants au titre du préjudice matériel et de travaux concernant les réseaux internes d'assainissement et l'escalier en lecture du rapport d'expertise judiciaire, de 500,00 € en indemnisation du préjudice de jouissance et de 110,00 € à titre de remboursement de frais d'inspection télévisuelle. Il en est de même en ce qui concerne la condamnation de Mme [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [S] et M. [M] et au paiement des entiers dépens de première instance incluant les frais d'expertise judiciaire.
La présente décision sera rendue de manière réputée contradictoire à l'égard de l'ensemble des parties au litige par application des dispositions de l'article 474 alinéa 1er du code de procédure civile, Mme [O] qui n'a pas constitué avocat s'étant vue remettre à sa personne la signification de la déclaration d'appel le 22 février 2024.
2/ Sur la demande principale
L'article 1240 du Code civil dispose que « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » tandis que l'article 1241 du Code civil dispose que « Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. ». Dans le cadre de la relation extracontractuelle qu'ils ont eue avec la société COLISÉE, qui était le mandataire de Mme [O] dans la négociation et la finalisation de la vente de la maison litigieuse, Mme [S] et M. [M] recherchent au visa des dispositions législatives susvisées la responsabilité délictuelle de la société COLISÉE pour ne leur avoir pas loyalement indiqué lors de cette vente immobilière, au titre de l'obligation professionnelle d'information et de conseil de l'intermédiaire professionnel, un certain nombre de renseignements jugés essentiels en ce qui concerne l'installation électrique.
En l'espèce, l'expert judiciaire commis M. [Z] [V] énonce notamment dans son rapport le 3 mai 2022 que :
* l'installation électrique intérieure, concernant notamment la cuisine, la salle de bain et le séjour ainsi que le garage transformé en atelier de céramiste, a fait l'objet du temps de Mme [O] de plusieurs transformations avec recours à un électricien qualifié, la création d'une chambre et d'une salle de bain en rez-de-chaussée ayant par ailleurs donné lieu à des modifications électriques effectuées « amiablement » par un électricien qui était une connaissance de Mme [O] ;
* toujours est-il que le diagnostic électrique DÔMES DIAGNOSTICS qui a été établi le 29 juillet 2020 du fait de la mise en vente de l'immeuble litigieux fait mention de plusieurs anomalies pour lesquelles il est explicitement recommandé d'agir afin d'éliminer un certain nombre de dangers, les domaines faisant l'objet d'anomalie étant des matériels électriques présentant des risques de contacts directs et des points de contrôle n'ayant pu être vérifiés et nécessitant de faire intervenir un électricien qualifié afin d'installer des conducteurs de protection sur les circuits qui n'en sont pas équipés, de remplacer des matériels présentant des détériorations, de remplacer des isolants présentant des détériorations et de remplacer des matériels présentant des parties actives nues sous tension ;
* il résulte notamment des éléments qui précèdent que « L'installation électrique présente des anomalies qui se sont additionnées et qu'un électricien professionnel ne peut reprendre sans engager sa responsabilité sur le respect complet de la normalisation pour la totalité de l'installation. ».
Mme [S] et M. [M] reprochent dès lors à la société COLISÉE de ne pas les avoir correctement informés et conseillés au titre de ses obligations d'information et de conseil à l'occasion de cette vente immobilière sur un certain nombre d'anomalies concernant l'installation électrique et pouvant engendrer des travaux importants et onéreux. Ils font valoir que s'ils avaient eu connaissance de ces anomalies et dangers concernant l'installation électrique, ils n'auraient pas acquis le bien litigieux ou auraient négocié une diminution de prix en conséquence. De son côté, la société COLISÉE proteste de sa loyauté professionnelle et considère avoir fait toutes diligences en la matière, rappelant notamment qu'elle n'est pas spécialiste en matière d'électricité et que les candidats à cette acquisition immobilière avaient accès à ce diagnostic explicitant ces anomalies électriques.
En l'occurrence, il n'est pas contestable que ce diagnostic technique du 29 juillet 2020 incluant l'examen de l'installation électrique a bien été intégré à l'initiative de la société COLISÉE dans le cadre de son mandat immobilier aux documents précontractuels et contractuels de la vente immobilière litigieuse, conformément en cela à ses obligations résultant des dispositions de l'article L.271-4 du code de la construction et de l'habitation. La société COLISÉE, qui n'est pas un professionnel de la construction et qui n'a qu'un devoir de communication de l'ensemble des documents techniques obligatoires en matière de vente immobilière, justifie en tout cas que ce diagnostic technique obligatoire a bien été annexé dans son intégralité dans le compromis de vente conclu sous seing privé le 18 août 2020 alors qu'il n'est par ailleurs pas contesté que ce document a été également annexé dans son intégralité dans l'acte authentique de vente du 21 octobre 2020.
Or, il résulte de manière suffisamment explicite de la lecture de ce diagnostic technique du 29 juillet 2020 que Mme [S] et M. [M] étaient pleinement informés de la nécessité de faire intervenir un électricien qualifié sur un ensemble d'anomalies qui y sont dûment mentionnées à propos de l'installation électrique, jusque sur la dernière page n° 9 de ce document qui recommande explicitement en guise de synthèse de « Faire appel à un installateur électricien qualifié afin de lever les anomalies constatées ». Il n'est pas davantage contesté que ce document daté du 29 juillet 2020 (ou au plus tard du 31 juillet 2020) était librement consultable au cours d'une partie suffisamment longue de la phase de négociation de cette vente immobilière, soit antérieurement à la date du 18 août 2020 de la signature du compromis de vente. À ce stade de négociations immobilières, il était dès lors aisément loisible aux candidats à l'acquisition de faire faire un devis par un électricien professionnel, y compris encore pendant le délai supplémentaire de 10 jours afférents au délai légal de rétractation par application de l'article L.271-1 du code de la construction et de l'habitation, afin de se déterminer en bonne et entière connaissance de cause sur l'ampleur et le coût prévisibles de ces travaux de conformité touchant à un aspect essentiel de ce lieu d'habitation en matière de sécurité d'occupation.
Dans ces conditions, le jugement de première instance sera infirmé en sa décision de condamnation de la société COLISÉE à payer au profit de Mme [S] et M. [M] la somme principale de 13.810,50 € outre indexation au titre de réparations à réaliser sur l'installation électrique de l'immeuble litigieux.
3/ Sur les autres demandes
En conséquence des motifs qui précèdent à titre principal, le jugement de première instance sera infirmé en sa décision de condamnation, in solidum avec Mme [O], de la société COLISÉE au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [S] et M. [M] et au paiement des entiers dépens de l'instance incluant les frais d'expertise judiciaire.
Il serait effectivement inéquitable, au sens des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, de laisser à la charge de la société COLISÉE les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager à l'occasion de cette instance et qu'il convient d'arbitrer à la somme de 4.000,00 € en tenant compte à la fois des frais de première instance et des frais de procédure d'appel, à la charge de Mme [S] et M. [M].
Enfin, succombant à l'instance, Mme [S] et M. [M] seront purement et simplement déboutés de leur demande de défraiement formée au visa de l'article 700 du code de procédure civile et en supporteront les entiers dépens, étant rappelé que les frais d'expertise judiciaire sont déjà intégrés dans l'imputation des dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et de manière réputée contradictoire,
INFIRME le jugement n° RG-22/03010 rendu le 11 décembre 2023 par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en ses décisions de condamnations de la SAS COLISÉE IMMOBILIER à payer :
- au profit de Mme [N] [S] et M. [R] [M] la somme principale de 13.810,50 € à titre de réparation de l'installation électrique de la maison susmentionnée, outre application, en cas d'augmentation, de l'indice BT-01 du coût de la construction de la date du 3 mai 2022 jusqu'à celle à laquelle ce jugement doit devenir définitif ;
- au profit de Mme [N] [S] et M. [R] [M] et in solidum avec Mme [X] [O], une indemnité de 5.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- in solidum avec Mme [X] [O], les entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
CONSTATE que ce même jugement n'a fait l'objet d'aucun appel ou en tout cas ne donne lieu à aucune demande particulière en ce qui concerne ses autres dispositions.
Y ajoutant.
CONDAMNE Mme [N] [S] et M. [R] [M] à payer au profit de la SAS COLISÉE IMMOBILIER une indemnité de 4.000,00 €, en dédommagement de ses frais irrépétibles prévus à l'article 700 du code de procédure civile.
REJETTE le surplus des demandes des parties.
CONDAMNE Mme [N] [S] et M. [R] [M] aux entiers dépens de l'instance.
Le greffier Le président