CA Poitiers, 1re ch., 25 novembre 2025, n° 24/00173
POITIERS
Arrêt
Autre
ARRET N°358
N° RG 24/00173 - N° Portalis DBV5-V-B7I-G6XL
S.A. PACIFICA
C/
[X]
[U]
[U]
Société MATMUT
Loi n° 77-1468 du30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
Le à
Le à
Le à
Copie gratuite délivrée
Le à
Le à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00173 - N° Portalis DBV5-V-B7I-G6XL
Décision déférée à la Cour : jugement du 22 décembre 2023 rendu par le TJ de [Localité 13].
APPELANTE :
S.A. PACIFICA
[Adresse 8]
[Localité 5]
ayant pour avocat Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
INTIMES :
Madame [B] [X]
née le 05 Mars 1951 à [Localité 14] (49)
[Adresse 7]
[Localité 1]
ayant pour avocat postulant Me Marion LE LAIN de la SELARL 1927 AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Jean MONTAMAT, avocat au barreau de BORDEAUX, substitué par Me Méghane SACHON, avocat au barreau de Poitiers
Monsieur [K] [U]
né le 08 Février 1947 à [Localité 12]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Madame [R] [U] épouse [U]
née le 27 Septembre 1948 à [Localité 11]
[Adresse 2]
[Localité 3]
ayant tous les deuxp pour avocat postulant Me Henri-noël GALLET de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Davy LABARTHETTE, avocat au barreau de BAYONNE
Société MATMUT
[Adresse 4]
[Localité 6]
ayant pour avocat Me Vincent LAGRAVE de la SCP LAGRAVE JOUTEUX MADOULE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 25 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
M. Dominique ORSINI, Conseiller
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Mme Noelle ETOUBLEAU
ARRÊT :
- Contradictoire
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, Président et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ :
[B] [X] a acquis des époux [U]/[S] selon acte du 5 août 2011 une maison d'habitation sise à [Adresse 9] pour un prix de 500.000 €.
Faisant état d'une forte humidité intérieure et du dysfonctionnement d'un certain nombre d'éléments d'équipement, elle a procédé à une déclaration de sinistre dégât des eaux en décembre 2011 auprès de son assureur multirisque habitation, la compagnie Pacifica, qui a refusé sa garantie.
Elle a alors obtenu en référé le 3 juillet 2012 l'institution d'une expertise judiciaire au contradictoire des vendeurs, les opérations ayant été ultérieurement étendues à la société Pacifica en 2014 puis à la compagnie Matmut, assureur multirisque habitation des époux [U], en 2017.
L'expert commis, M. [T], a déposé un pré-rapport le 29 juillet 2013 sans achever sa mission, et a été remplacé par M. [A], lequel a déposé son rapport définitif le 10 décembre 2018.
Mme [X] a fait assigner par actes des 6 et 11 novembre 2019 les époux [U], la société Pacifica et la société Matmut devant le tribunal judiciaire de Saintes pour obtenir réparation de ses préjudices.
Par jugement du 22 décembre 2023, le tribunal judiciaire de Saintes a
- condamné la SA Pacifica à payer à Mme [B] [X] la somme de 159.267,50 € TTC
- dit que cette somme sera indexée sur l'indice du coût de la construction BT 01, l'indice de référence étant le dernier publié au 10 décembre 2018 et le nouvel indice le dernier publié au jour du prononcé du présent jugement
- condamné la SA Pacifica à payer à Mme [B] [X] la somme de 57.508€ au titre des préjudices immatériel et consécutif
- condamné la SA Pacifica à payer à Mme [X] la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- rejeté les autres demandes
- condamné la SA Pacifica aux dépens, incluant les frais d'expertise
- ordonné l'exécution provisoire.
Pour statuer ainsi, les premiers juges ont retenu, en substance :
- que la réalité et la gravité des désordres affectant la maison vendue était établie, l'expert judiciaire ayant constaté une dégradation des pieds de cloisonnement placo ainsi que des pieds de doublage périphérique de l'habitation, avec un pourrissement complet des placo et laines d'isolant constituant le placostyle, au point que les meubles hauts de la cuisine avaient dû être démontés par précaution pour décharger la cloison
- que l'expert estimait que les infiltrations dataient du prédécesseur de Mme [X], et concluait qu'il s'agissait d'un dégât des eaux dont l'origine était exceptionnellement bien cachée et quasi indétectable avant que les dégâts n'atteignent un degré de gravité tel qu'atteint au jour de ses opérations
- qu'en présence de la clause de non-garantie des vices cachés stipulée dans l'acte de vente, il incombait à Mme [X] d'établir que les vices allégués étaient cachés au moment de la vente, qu'ils trouvaient leur origine antérieurement à celle-ci, et que les vendeurs en avaient connaissance
- que cette connaissance par les vendeurs du vice, qui s'entend de sa cause, de sa gravité et de son caractère évolutif, n'était pas établie en l'espèce, où l'humidité anormale n'avait été constatée par Mme [X] elle-même que plusieurs mois après la vente et son emménagement dans les lieux, et où la cause des désordres n'avait réellement été mise à jour qu'au moment de l'expertise, sept ans après la vente
- que Mme [X] devait ainsi être déboutée de son action en tant que dirigée contre les époux [U]
- qu'elle devait l'être aussi en tant que dirigée contre l'assureur des époux [U], la Matmut, la preuve n'étant pas rapportée que les infiltrations soient apparues pendant la période où ceux-ci étaient propriétaires de l'immeuble
- que Pacifica, auprès de laquelle Mme [X] avait souscrit une assurance multirisque à effet du 5 août 2011, et fait une déclaration de sinistre dégât des eaux le 19 décembre 2011, lui devait sa garantie, la police couvrant les dommages matériels causés par l'eau à l'intérieur des locaux
- qu'il ressortait de l'expertise que le préjudice matériel s'élevait à 159.267,50 €TTC, coût de la maîtrise d'oeuvre inclus
- que la maison étant sinon inhabitable du moins d'occupation très incommode depuis 2018, l'assureur devait aussi indemniser Mme [X] pour un total de (25.000 + 18.000 + 14.508)= 57.508€ au titre des préjudices immatériels consécutifs pour son préjudice de jouissance et ses frais de relogement, déménagement et garde-meubles pendant les six mois que dureront les travaux, sans pouvoir lui opposer une franchise dont il n'est pas établi qu'elle ait été portée à la connaissance de l'assurée et acceptée
- que la demande de Mme [X] n'était pas fondée du chef de la piscine, l'état dégradé du liner étant apparent, et cet élément devant au demeurant être changé tous les dix ans
- que la demande de Mme [X] fondée sur la responsabilité décennale des constructeurs-vendeurs au titre du réseau d'évacuation des [Localité 10]/EV/EP devait être rejetée en l'absence de preuve d'un dommage survenu pendant la durée, aujourd'hui échue, de la garantie.
La compagnie Pacifica a relevé appel le 24 janvier 2024.
Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique :
* le 25 mars 2025 par la SA Pacifica
* le 16 juillet 2024 par Mme [B] [X]
* le 21 août 2024 par les époux [U]/[M]
* le 6 février 2025 par la société Matmut.
La SA Pacifica demande à la cour :
- de réformer le jugement
statuant à nouveau :
À titre principal :
Vu les articles L.124-1-1 et L.124-5, alinéa 3, du code des assurances:
- de juger qu'elle ne doit pas sa garantie contractuelle à Mme [X] en vertu de la police multirisques habitation que celle-ci a souscrite à effet du 2 août 2011
À titre subsidiaire :
Si par extraordinaire ladite garantie devait être mobilisée :
- de juger alors que Mme [X] ne sera indemnisée que sur la base des plafonds de garantie contractuelle de la police d'assurance concernant les réparations des fuites d'eau plafonnée à 25 fois l'indice de 133,50€ soit à lui revenir une somme de 3.358€
- de débouter en conséquence Mme [X] de toutes ses demandes plus amples ou contraires, et notamment des fins de son appel incident
En tout état de cause :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [X] de ses demandes relatives à la piscine : réfection du liner et contrôle de son réseau
Vu les articles 1147 (ancien), 1792-1 et 1792-2 du code civil :
- de juger que les époux [U] doivent, en leur qualité de vendeurs de l'immeuble, la garantie décennale à Mme [X]
- de juger en conséquence que la garantie contractuelle de la SA Pacifica en qualité d'assureur multirisques habitation, n'est pas mobilisable au profit de Mme [X]
- de débouter les époux [U] et la Matmut de toutes leurs demandes, fins et conclusions
- de condamner Mme [X] au paiement de la somme de 4.000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens, incluant le coût de l'expertise judiciaire de M. [A].
La société Pacifica maintient ne pas devoir sa garantie en faisant valoir au visa de l'article L.124-5 du code des assurances que sa garantie est déclenchée par le fait dommageable, que celui-ci est celui qui constitue la cause génératrice du dommage, et qu'en l'espèce, tant le cabinet Vitale Assistance dans son rapport de compte-rendu de recherche de fuite que l'expert judiciaire dans son rapport, concluent que le dommage est causé par des infiltrations antérieures à l'acquisition de la maison par son assurée, laquelle le soutient aussi, de sorte que les désordres sont antérieurs à la prise d'effet du contrat d'assurance, qui ne peut être mobilisé.
Elle soutient que c'est la Matmut qui doit couvrir le sinistre, sans pouvoir opposer de prescription à Mme [X] qui exerce contre elle à titre principal l'action directe, ni à ses assurés les époux [U], auxquels faute d'en produire un exemplaire signé elle ne peut opposer les clauses de sa police afférentes à la prescription.
Elle considère que les désordres invoqués relèvent de la garantie décennale des constructeurs dont les époux [U], vendeurs, sont débiteurs, ou de la garantie des dommages intermédiaires, qui n'est pas prescrite car le délai en a été interrompu par l'assignation en référé-expertise du 24 avril 2012 conformément à l'article 2241-1, alinéa 1er, du code civil.
Elle affirme que les désordres de l'habitation et de la piscine dont se plaint Mme [X] ne présentent pas de caractère accidentel et ne constituent pas un sinistre mais résultent de la vétusté, et qu'ils ne sont pas assurables.
À titre subsidiaire, si sa garantie était toutefois jugée mobilisable, elle rappelle qu'il s'agit d'une assurance de dommages relative aux biens, plafonnée par les clauses du contrat.
Elle invoque le paragraphe 39 'indexation' des conditions générales pour affirmer que l'indemnité liée à la réparation de la fuite d'eau est plafonnée à 25 fois l'indice FFB soit 3.338€.
Elle approuve subsidiairement le tribunal d'avoir chiffré le coût des travaux de réparation à la somme, maîtrise d'oeuvre incluse, de 159.267,50€.
S'agissant des préjudices immatériels, elle tient pour non justifié le préjudice de jouissance allégué en estimant qu'il peut tout au plus exister pendant les six mois que prendront les travaux; elle observe que Mme [X] fait appel incident sur les frais de déménagement, garde-meubles et relogement sur lesquels elle a pourtant obtenu satisfaction ; elle estime que le préjudice moral fait doublon avec le préjudice de jouissance et que Mme [X] bat monnaie.
Mme [B] [X] demande à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé mobilisable la police d'assurance souscrite auprès de Pacifica
- de le réformer sur le quantum de l'indemnisation
statuant à nouveau :
- de condamner Pacifica à lui payer
.au titre de la réfection de la cuisine et du rez-de-chaussée : 245.415,85€, ou à tout le moins 161.589,50€ comme chiffré par l'expert
.au titre de la reprise des réseaux eaux usées et eaux pluviales : 21.079€
.au titre de la reprise du liner : 10.727€
.au titre du contrôle des réseaux de la piscine : 4.217€
.au titre des frais de déménagement/réemménagement et garde-meubles: 14.508€
.au titre de son préjudice de jouissance durant les travaux : 18.000€
.au titre de son préjudice de jouissance arrêté provisoirement au 30.11.2024 : 399.000€ à parfaire
.au titre de son préjudice moral : 30.000€
- d'ordonner l'indexation du coût des travaux réparatoires sur l'indice BT01
À titre subsidiaire :
- de réformer le jugement en ce qu'il a fait application au profit des vendeurs de la clause d'exclusion de la garantie des vices cachés
- d'écarter le jeu de cette clause
- de juger que les époux [U] ont engagé leur responsabilité au titre des vices cachés dont ils avaient connaissance avant la vente
- de condamner solidairement les époux [U] à lui payer les sommes ci-dessus détaillées et d'ordonner l'indexation du coût des travaux réparatoires sur l'indice BT01
À titre infiniment subsidiaire :
- de condamner la Matmut à lui régler
.245.415,85€, ou à tout le moins 161.589,50€ au titre des travaux de réfection de la cuisine et du rez-de-chaussée
.14.508€ au titre des frais de déménagement/réenménagement et garde-meubles
.399.000€, à parfaire au jour de l'arrêt, au titre de son préjudice de jouissance arrêté provisoirement au 30.11.2024
.18.000€ au titre du préjudice de jouissance pendant les travaux
- d'ordonner l'indexation du coût des travaux réparatoires sur l'indice BT01
En tout état de cause :
- de prononcer la revalorisation des travaux réparatoires en application de l'indice BT01
- de condamner solidairement M. et Mme [U] et à défaut toute partie succombante à lui régler la somme de 40.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens incluant les frais d'expertise judiciaire.
Mme [X] relate le long historique du litige.
À titre principal, elle demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la mobilisation de la garantie de son assureur Pacifica mais sa réformation quant à la limitation du quantum de l'indemnité.
Elle indique que le contrat garantit les dommages matériels causés par l'eau à l'intérieur des locaux garantis.
Elle objecte que l'assureur ne précise pas les dispositions sur lesquelles il se fonde pour prétendre que la garantie serait déclenchée par le fait dommageable et non par la réclamation. Elle récuse la référence à l'article L.125-4 du code des assurances.
Elle indique avoir évidemment découvert les traces d'humidité et les désordres après l'achat du bien, qu'elle n'aurait pas acquis si elle les avait connus. Elle rappelle avoir régularisé une déclaration de sinistre auprès de son assureur le 19 décembre 2011, quelques jours après en avoir fait dresser constat.
Elle soutient qu'il s'agit bien d'un dégât des eaux au sens du contrat.
Elle récuse les clauses de limitation que Pacifica prétend lui opposer en faisant valoir que la compagnie ne justifie pas par la production de conditions signées qu'elle les aurait connues et acceptées.
Elle conteste subsidiairement que l'indemnité d'assurance puisse être limitée à 3.388€ en faisant valoir que cette clause ne s'applique qu'aux frais de recherche de fuite et non aux réparations du bien endommagé par le sinistre.
S'agissant du quantum de l'indemnité, elle se prévaut de l'évaluation faite par la société LCP mandatée par la Matmut qui chiffrait le montant des travaux réparatoires à la somme de 245.415,85€ qu'elle réclame, par voie d'appel incident.
Elle détaille ses préjudices immatériels en maintenant ne plus habiter la maison depuis onze ans, et réclame 3.000€ par mois sur la période de 133 mois courant de novembre 2013 à novembre 2024, soit la somme de 399.000€ à parfaire.
Elle soutient subir un important préjudice moral du fait de la mauvaise foi des acheteurs..
Si la cour jugeait que la garantie de Pacifica n'est pas mobilisable, Mme [X] demande à titre subsidiaire à la cour de juger que ses vendeurs sont tenus envers elle de la garantie des vices cachés , en soutenant que la clause d'exclusion stipulée à l'acte ne joue pas car les époux [U] avaient connaissance de l'humidité anormale du bien vendu, observant qu'ils l'ont reconnu devant l'expert, et affirmant qu'ils ont cherché à en camoufler les stigmates en repeignant partiellement la cuisine avant la vente et en refaisant l'enduit de l'arrière-cuisine côté garage. Elle s'estime fondée à leur réclamer sur ce fondement les mêmes sommes qu'elle demande à titre principal à son assureur. Elle y inclut les désordres affectant la piscine et les pompes de relevage
Elle réclame aux époux [U] sur le fondement de l'article 1792-1 du code civil le coût de remise en état du réseau d'évacuation des eaux usées-eaux vannes-eaux de pluie, dont l'expert a constaté l'insuffisance de la pente et pointé le risque d'accumulation de matières.
À titre infiniment subsidiaire, elle réclame indemnisation à la Matmut, assureur multirisques habitation des époux [U], au motif qu'elle était l'assureur dégât des eaux des époux [U] à l'époque où les infiltrations existaient déjà, en rejetant son moyen de prescription aux motifs que la prescription biennale de l'article L.114-1 est inapplicable à l'action directe de la victime et que le formalisme requis dans le contrat d'assurance pour que l'assureur puisse opposer la prescription n'est pas respecté par les conditions générales de la police de la Matmut.
Les époux [U]/[M] demandent à la cour :
À titre principal :
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement
- de débouter en conséquence Mme [X], la Matmut et la société Pacifica de l'ensemble de leurs demandes, moyens, fins et prétentions présentés à leur encontre
À titre subsidiaire :
Si par impossible la cour infirmait le jugement déféré :
- de condamner la Matmut à les relever et garantir indemnes de toute condamnation de toute nature qui pourrait être prononcée à leur encontre, en application des dispositions de la police d'assurance souscrite
En tout état de cause :
- de dire et juger que l'indemnisation qui pourrait être allouée à Mme [X] ne saurait excéder les chiffrages retenus au sein du rapport d'expertise judiciaire
- de modérer en conséquence massivement le montant des réclamations formulées au titre des dommages matériels et immatériels par Mme [X]
- de dire et juger que ladite indemnisation se verra appliquer un coefficient de minoration de 40% en considération des fautes commises par Mme [X] dans le cadre du suivi des opérations d'expertise et de la procédure subséquente, et de leurs conséquences sur l'ampleur finale des dommages
- de débouter Pacifica, Mme [X] et la Matmut de l'ensemble des moyens, fins et prétentions présentés à leur encontre
- de condamner toute partie succombante à leur payer la somme de 6.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise.
Les époux [U] maintiennent n'avoir jamais eu connaissance des infiltrations dans le mur de la cuisine, rappelant que Mme [X] indique elle-même n'avoir pas constaté la moindre trace d'humidité avant décembre 2021, quatre mois après la vente, et n'en ayant pas fait état dans son courrier du 25 septembre 2021 qui listait des désordres dont elle se plaignait.
Ils se prévalent des conclusions tant du premier expert dans son pré-rapport déposé avant son remplacement, que de M. [A] selon lesquelles la fuite, insidieuse, était indétectable.
Ils précisent que l'éclat de la peinture d'un mur qu'ils ont déclaré avoir remarqué n'a rien à voir, s'agissant d'un mur différent de celui impacté.
Ils récusent a fortiori toute dissimulation en s'expliquant sur la sens des photographies du bien et sur la peinture refaite à un endroit.
Ils déclinent leur garantie au titre du vice caché.
Ils approuvent le tribunal d'avoir dit que la faiblesse de pente du réseau ne caractérisait pas un désordre, et qu'il n'y avait pas de désordre décennal constaté dans le délai d'épreuve, expiré à la date où il statuait. Ils ajoutent que l'acte de vente stipulait en tout état de cause que l'assainissement n'avait fait l'objet d'aucun contrôle et que l'acheteur le prenait en l'état et faisait son affaire des travaux éventuellement nécessaires.
Ils soutiennent que Pacifica doit bien sa garantie à son assurée.
Ils approuvent l'évaluation du dommage matériel par les premiers juges, en soutenant que Mme [X] réclame réparation sur la base d'un devis et non du rapport d'expertise judiciaire.
Ils discutent les préjudices immatériels.
Ils maintiennent que l'état de la piscine tient à sa vétusté et nullement à un sinistre.
Ils soutiennent que faute de justifier de conditions générales et/ou particulières du contrat d'assurance signées par eux, la Matmut ne peut leur opposer les limitations stipulées au contrat d'assurance, de sorte que seules s'appliquent les dispositions légales, qui s'agissant de la prescription disposent à l'article L.114-1 du code des assurances que le délai ne court, en cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, et ils indiquent avoir assigné leur assureur quelques jours après la note de l'expert judiciaire du 10 octobre 2017 ayant fait état pour la première fois d'infiltrations qui pouvaient être anciennes, de sorte que leur action contre leur assureur n'est nullement prescrite.
Ils ajoutent que la Matmut ne peut opposer le délai biennal à Mme [X].
Ils récusent toute déclaration tardive du sinistre à la Matmut.
La société Matmut demande à la cour :
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions
- de débouter en conséquence Mme [X], Pacifica et les époux [U] de toutes leurs demandes dirigées à son encontre
À titre subsidiaire :
- de déclarer irrecevables et infondés les époux [U] pour défaut de qualité et intérêt à agir
- de déclarer irrecevables et infondés Mme [X] et les époux [U] pour cause de prescription biennale en application des articles L.114-1 et L.114-2 du code des assurances et déclaration tardive de sinistre
À titre infiniment subsidiaire :
- de débouter Mme [X] et les époux [U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à son encontre
- en conséquence : de la mettre hors de cause
En tout état de cause :
- de limiter la garantie aux seuls désordres accidentels survenus durant la période de garantie du contrat soit antérieurement à l'achat de la maison en 2011 et bénéficiant d'une garantie contractuelle selon l'expert judiciaire
- de limiter la garantie de la Matmut aux conséquences du sinistre non consécutives à l'inaction de Mme [X] et rejeter toute autre demande
- de condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens comprenant ceux de première instance.
La Matmut déclare approuver à titre principal la position de ses assurés sur l'impossibilité d'agir contre eux sur le fondement de la garantie des vices cachés comme sur celui de la responsabilité décennale.
Elle soutient que Pacifica est tenue de mobiliser sa garantie.
À titre subsidiaire, elle oppose la prescription biennale à ses assurés comme à Mme [X] et à Pacifica, en affirmant être en droit de le faire dès lors qu'ils sont tiers subrogés ou bénéficiaires de l'assurance, et quand bien même elle ne produit pas d'exemplaire du contrat d'assurance signé, dès lors que les [U] admettent l'existence du contrat d'assurance, qu'ils invoquent.
Elle considère que le point de départ du délai pour agir se situe à la date du constat dressé par un huissier de justice le 11 décembre 2011, qui faisait déjà état de l'humidité. Elle tient pour établi par l'expertise que les époux [U] connaissaient depuis de nombreuses années le désordre.
Elle objecte subsidiairement que sa garantie dégât des eaux couvre des dommages dont il incombe à l'assuré de prouver le caractère accidentel, et elle soutient que tel n'est pas le cas en l'espèce, où les dégâts proviennent de l'inaction persistante des assurés.
Très subsidiairement, s'agissant de l'indemnité d'assurance qui pourrait être due, elle demande qu'il soit tenu compte de l'absence de réparation de la fuite sept années durant ; elle soutient que nombres de postes de préjudice matériel invoqués par Mme [X] ne relèvent pas du dégât des eaux et de ses suites ; elle discute les préjudices immatériels.
L'ordonnance de clôture est en date du 19 mai 2025.
À l'audience, la cour a invité les parties à faire toutes observations éventuelles sur la nécessité de rectifier l'erreur matérielle affectant le jugement entrepris en son en-tête, qui désigne la compagnie d'assurance Pacifica comme la société 'Pacifa'.
Le conseil de la société Pacifica a déclaré adhérer à la rectification évoquée. Les autres plaideurs ont indiqué s'en remettre à justice de ce chef.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
* sur une erreur matérielle entachant le jugement entrepris
Selon l'article 462 du code de procédure civile, les erreurs matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours, sur requête ou d'office, être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.
Le jugement déféré est affecté d'une erreur matérielle en sa page 1 désignant les parties à l'instance, en ce que la compagnie d'assurance défenderesse y est désignée comme 'la SA PACIFA', alors qu'il s'agit de la SA PACIFICA.
Il y a lieu d'ordonner la rectification de cette erreur matérielle.
* sur les infiltrations
En cause d'appel, Mme [X], demanderesse à l'action, sollicite confirmation du jugement en ce qu'il a retenu que son assureur Pacifica devait l'indemniser des conséquences dommageables des infiltrations affectant sa maison d'habitation de [Adresse 9].
C'est donc, du chef des infiltrations, cette action, dirigée contre la seule compagnie Pacifica sur le fondement de sa police d'assurance, qu'il échet d'examiner au principal, les demandes de réparations qu'elle formule du chef des infiltrations contre ses vendeurs les époux [U] et leur assureur la Matmut, ne l'étant qu'à titre subsidiaire, pour le cas où la cour ne confirmerait pas l'obligation d'indemnisation mise par le tribunal à la charge de Pacifica.
¿ sur la réalité du dégât des eaux invoqué par Mme [X]
L'expert judiciaire [I] [A] a constaté contradictoirement lors de la réunion tenue sur site le 10 octobre 2017 un état de grave ruine de la cloison séparative de la cuisine et du cellier d'accès sur le garage et a proposé, ce qui a été accepté, de faire procéder lors de la réunion ultérieure à un sondage dans la dalle du cellier par un plombier fin d'en déterminer l'origine.
La démolition du pied de la cloison séparative entre la cuisine et le cellier a révélé que les placo et la laine d'isolant constituant le placostyl étaient complètement pourris ; il s'est avéré nécessaire par précaution, afin de décharger la cloison, de démonter les meubles hauts de la cuisine ; la chape examinée est apparue ruinée, au point que le ciment en avait disparu.
M. [A] en a déduit qu'il y avait eu régulièrement des écoulements importants qui se sont dispersés dans la chape du rez-de-chaussée et n'étaient pas remontés en surface (page 21).
Lors de la réunion du 5 décembre 2017, où l'entreprise 'Fuites et Mesures' intervenant sur sa requête a fait passer une caméra pour rechercher une fuite, cet instrument a révélé un défaut d'emboîtement du branchement cuisine sur le coude réseau noyé dans la chape, illustré par deux clichés photographiques annexé au rapport (cf p.22).
M. [A] a conclu à des infiltrations par les réseaux encastrés masqués par les bétons de dalle.
Il a qualifié ces infiltrations de 'particulièrement silencieuses et sournoises' (cf p.23).
Il a indiqué que 'les dégradations apparaissent généralement tardivement', par 'effet de mèche'.
Il a noté que les consorts [U] avaient déclaré avoir noté une légère humidité, en indiquant que ceux-ci ne s'étaient pas alarmés et ne pouvaient pas en apprécier la portée technique (page 24). Invité par voie de dire à expliciter son opinion sur ce que les époux [U] savaient ou ne savaient pas, il a indiqué ne jamais les avoir accusés d'avoir connaissance d'un défaut de raccord encastré, avoir simplement dit qu'ils avaient connaissance d'une humidité et qu'ils n'y avaient pas accordé d'importance (cf p. 44).
Il conclut :
'À l'origine, c'est bien un dégât des eaux dont l'origine est exceptionnellement bien 'caché' et quasi indétectable tant qu'il n'atteignait pas un degré de gravité comme nous avons pu le mettre en évidence dans nos opérations'.
Ces conclusions, assises sur des constatations personnelles et des analyses motivées, sont circonstanciées et argumentées.
Elles sont cohérentes avec les premières constatations du précédent expert judiciaire n'ayant pas conduit à leur terme ses opérations, et avec les énonciations du rapport de recherche de fuite faite en octobre 2012 par le cabinet Vitale Assistance missionné par la société Pacifica.
Elles ne sont ni contredites, ni véritablement discutées.
Il en résulte que le sinistre déclaré par Mme [X] à son assureur Pacifica en décembre 2011 a bien la nature d'un dégât des eaux.
¿ sur la garantie due par Pacifica au titre de la police multirisque habitation
Il résulte de l'attestation d'assurance multirisque habitation établie par la compagnie Pacifica en date du 21 juillet 2011 qu'elle garantissait son assurée [B] [X] à effet du 2 août 2011 au titre du risque dégât des eaux pour son habitation (pièce n°3).
Dans les assurances 'dégât des eaux', l'assureur est tenu à garantie dès lors que le sinistre est survenu pendant la période de validité du contrat d'assurance (cf Cass. 3° civ. 16.03.2022 P n°18-23954).
La compagnie Pacifica n'est pas fondée à refuser sa garantie au motif que l'origine des fuites remontait à la période antérieure à la prise d'effet de sa police, dès lors que c'est l'apparition des désordres consécutifs à ces infiltrations certes anciennes mais selon l'expert 'quasiment indétectables', qui constitue le sinistre avant lequel aucune déclaration ne pouvait être faite, et que cette apparition est survenue après l'achat et la prise de possession de l'immeuble par Mme [X], dont l'expert judiciaire [T] indique dans son pré-rapport (page 38) qu'elle en avait fait quatre visites dont une avec un artisan (cf pages 8 et 38) avant de l'acquérir, sans que rien n'ait été décelable; qui n'en a pas fait état dans son courrier du 25 septembre 2011 à son notaire recensant minutieusement toutes ses doléances après quelques semaines de prise de possession sur la maison, son annexe, la piscine, le terrain et les projets constructifs dans le lotissement (cf sa pièce n°2) en une liste de trois pages où seule leur absence de visibilité peut expliquer que les dégâts litigieux ne soient pas mentionnés ; et qui avait indiqué en réunion contradictoire à l'expert judiciaire [T], qui l'avait consigné (cf page 10) que c'est peu de temps après son emménagement qu'elle avait constaté une humidité anormale sur une cloison.
La déclaration de sinistre faite en décembre 2011 par Mme [X] auprès de Pacifica est intervenue sitôt apparues les dégradations causées par ces infiltrations insidieuses, et elle ne revêt aucun caractère tardif.
La société Pacifica n'est pas davantage fondée à dénier sa garantie en présence d'un sinistre avéré et déclaré de dégât des eaux au motif qu'il incomberait à son assurée de rechercher réparation à l'encontre de ses vendeurs sur le fondement de la garantie décennale ou de la garantie des dommages intermédiaires.
Les conditions générales du contrat produites par la compagnie Pacifica en leur édition 2011 (cf sa pièce n°4) énoncent au titre de la garantie dégâts des eaux :
'Ce que nous garantissons
° les dommages matériels causés par l'eau à l'intérieur des locaux garantis et les frais consécutifs à un événement garanti, nécessités par les travaux de recherche et de réparation de la fuite des canalisations, à concurrence du montant figurant page 29
° les dégâts provoqués par le refoulement des égouts à l'intérieur des locaux garantis
° les dégâts causés au mobilier et embellissements par les infiltrations par façades'.
Le 'tableau des limites de garantie' constituant la page 29 à laquelle renvoie cette clause énonce que la limite de garantie est fixée pour les bâtiments à la 'valeur de reconstruction' et à '25 fois l'indice' pour les 'frais de recherche et de réparation de fuite d'eau'.
La compagnie Pacifica est donc tenue de prendre en charge la valeur de reconstruction des désordres à l'immeuble causés par le dégât des eaux, sans être fondée à prétendre que sa garantie serait contractuellement limitée de ce chef à cette valeur de '25 fois l'indice' qui vise expressément, comme l'objecte pertinemment Mme [X], sa prise en charge des frais de recherche et de réparation de fuite d'eau, et ne concerne pas les dommages au bâtiment.
S'agissant des préjudices matériels, c'est à bon droit que plutôt que l'évaluation faite par le cabinet mandaté par la Matmut, les premiers juges ont retenu l'évaluation à 144.789,50€ TTC outre 10% au titre du coût des honoraires de maîtrise d'oeuvre soit 159.267,50€TTC qu'en a faite l'expert judiciaire [A], dont c'était un des chefs de mission et dont les analyses et chiffrages ne sont pas réfutés à l'appui de son appel incident par Mme [X], qui en sera déboutée.
C'est aussi pertinemment que les premiers juges ont indexé ce montant sur l'indice applicable du coût de la construction.
La cour n'a pas à ordonner une nouvelle indexation sur cette somme qui en est déjà assortie et qui a été allouée par un chef de décision exécutoire et confirmé. Il sera précisé en tant que de besoin que l'indexation court jusqu'au paiement effectif.
S'agissant du préjudice immatériel consécutif, garanti par le contrat d'assurance, le préjudice de jouissance causé à Mme [X] par le dégât des eaux est certain au vu de la grande humidité intérieure de la maison et de l'impossibilité d'utiliser certains équipements.
Mme [X] ne rapporte pas la preuve, aisée, qu'elle a durant tout ou partie de la procédure, résidé ailleurs que dans la maison litigieuse, à l'adresse de laquelle sont libellés les devis de travaux établis en 2017 et 2018.
Il reste que, comme retenu par le tribunal, l'occupation des lieux est très dégradée en raison des infiltrations, que l'expert qualifie de 'graves' et dont les effets le sont en effet, ce qui constitue un préjudice de jouissance certain.
La société Pacifica est fondée à opposer à son assurée le plafond fixé 'à concurrence de la valeur locative pendant deux années au maximum' stipulé en page 29 des conditions générales au titre de la perte d'usage de l'habitation dont l'assuré est propriétaire et ce, quand bien même les conditions générales qu'elle produit ne sont pas signées de Mme [X], dès lors qu'elle verse aux débats la demande d'adhésion à ce contrat datée du 21 juillet 2011 et signée de Mme [X] dans laquelle celle-ci a reconnu dans une mention inscrite lisiblement juste au-dessus de l'emplacement dévolu à la signature que 'les montants des plafonds et franchises figurent dans le tableau des garanties joint' (cf pièce n°6 de l'appelante).
Au vu de l'attestation de valeur locative établie par une agence immobilière en 2018 que produit Mme [X], et dont la pertinence n'est pas contredite, chiffrant à 3.000€ la valeur locative de cette grande maison de 220 m² habitables avec trois garages, un studio et une piscine sur un terrain de 3.800 m², acquise 500.000€, elle recevra à ce titre, par infirmation du jugement de ce chef, la somme de (3.000 x 24) = 72.000€ à titre d'indemnité.
Le tribunal a retenu à raison, conformément aux conclusions non contredites de l'expert judiciaire [A], que les travaux de réparations nécessités par le sinistre impliqueraient la nécessité pour Mme [X] d'exposer pendant six mois que dureront les travaux des frais de déménagement, garde-meubles, relogement et réenménagement, qu'il a chiffrés à raison à 18.000€ et 14.508€ au vu des justificatifs produits.
Mme [X] n'est pas fondée à présenter comme un préjudice indemnisable par son assureur au titre du dégât des eaux le préjudice moral qu'elle affirme subir du fait d'une prétendue mauvaise foi de ses vendeurs qui est étrangère à cette garantie et qui n'est au demeurant nullement établie, alors que les infiltrations n'ont été manifestes qu'après la vente et que l'expert judiciaire a conclu sans être contredit qu'ils ne pouvaient pas apprécier la portée de la légère humidité intérieure qu'ils avaient, seule, pu remarquer.
Le préjudice immatériel indemnisable par l'assureur conformément au contrat s'établit ainsi à la somme totale de 104.508€, le jugement étant de ce chef réformé.
* sur les désordres de la piscine
Madame [X] reprend devant la cour par voie d'appel incident sa demande d'indemnisation au titre de la réfection du liner de la piscine et du contrôle de ses réseaux.
Comme pertinemment retenu par les premiers juges, il n'est pas établi qu'il s'agisse de désordres liés au dégât des eaux que la société Pacifica doit garantir, l'expert judiciaire indiquant au contraire qu'il s'agit de l'effet de la vétusté sur des équipements anciens à changer périodiquement, et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.
* sur les demandes formulées par Mme [X] contre les époux [U]
Madame [X] formulant à titre subsidiaire envers les époux [U] les mêmes demandes que celles qu'elle dirige à titre principal contre son assureur Pacifica, il y a lieu d'examiner à ce titre les trois chefs de prétentions dont elle a été déboutée au titre de la garantie du dégât des eaux.
S'agissant de la réfection du liner de la piscine et du contrôle de ses réseaux, leur prise en charge par les époux [U] ne relève ni de leur garantie de vendeurs, ni de la garantie décennale dont ils seraient tenus, s'agissant selon les constatations et conclusions non réfutées de l'expert judiciaire d'une usure naturelle d'un revêtement qui n'est pas réellement un liner mais une membrane armée collée qui se change tous les dix ans et qui avait onze ans au jour de la vente, et pour le reste d'opérations d'entretien normal (cf rapport p.27 et 28).
S'agissant des pompes de relevage, l'expert judiciaire indique qu'il s'agit d'éléments d'une centaine d'euros qui ont une durée de vie limitée et doivent être régulièrement changés, et les époux [U] ne sauraient être tenus à aucun titre s'il faut les remplacer.
S'agissant du réseau d'évacuation [Localité 10]/EV/EP, l'expert judiciaire conclut que sa pente est un peu faible et qu'il y a un risque d'accumulation de matières et de charges, mais ainsi que l'ont pertinemment retenu les premiers juges, cette faiblesse de pente ne caractérise pas un désordre par elle-même, et il n'est ni démontré, ni soutenu, que des désordres soient effectivement survenus dans le délai d'épreuve, expiré à la date où les premiers juges statuaient, de sorte que la garantie décennale n'est pas mobilisable.
La demande n'est pas davantage fondée au titre de la garantie des vices cachés due par les vendeurs, alors que cette faiblesse de pente ne constitue pas un vice en dehors de tout désordre ou inconvénient induit avéré.
* sur la mise en cause de la Matmut
Au vu du sens du présent arrêt, qui retient que la garantie dégât des eaux est due à Mme [X] par son assureur Pacifica et qui la déboute de ses demandes dirigées contre les époux [U], la Matmut n'est pas tenue à indemnisation, et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées à son encontre.
* sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Les chefs de décision du jugement afférents aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile sont pertinents et adaptés, et ils seront confirmés.
La société Pacifica succombe en son recours et supportera les dépens d'appel.
Elle versera en application de l'article 700 du code de procédure civile une indemnité pour frais irrépétibles d'appel aux intimés qu'elle a attraits devant la cour.
PAR CES MOTIFS
la cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:
ORDONNE la rectification de l'erreur matérielle affectant l'en-tête du jugement rendu le 22 décembre 2023 par le tribunal judiciaire de Saintes, en ce que la première partie défenderesse portée en page 1 est la SA. PACIFICA et non la 'SA PACIFA'
DIT qu'il sera procédé aux soins du greffe dudit tribunal à cette rectification sur la minute et les expéditions de cette décision
CONFIRME le jugement ainsi rectifié sauf en ce qu'il condamne la SA Pacifica à payer 57.508 € à Mme [X] au titre des préjudices immatériel et consécutif
statuant à nouveau de ce chef :
CONDAMNE la SA Pacifica à payer à Mme [B] [X] la somme de 104.508€ au titre de l'indemnisation des préjudices immatériel et consécutif que lui a causé le dégât des eaux constaté dans son habitation en décembre 2011
ajoutant :
DÉBOUTE les parties de toutes demandes autres, contraires ou plus amples
CONDAMNE la SA Pacifica aux dépens d'appel
CONDAMNE la SA Pacifica à payer en application de l'article 700 du code de procédure civile
* à Mme [B] [X] : la somme de 5.000€
* aux époux [U]/[S], ensemble : la somme de 5.000€
* à la mutuelle Matmut : la somme de 4.000€.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
N° RG 24/00173 - N° Portalis DBV5-V-B7I-G6XL
S.A. PACIFICA
C/
[X]
[U]
[U]
Société MATMUT
Loi n° 77-1468 du30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
Le à
Le à
Le à
Copie gratuite délivrée
Le à
Le à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00173 - N° Portalis DBV5-V-B7I-G6XL
Décision déférée à la Cour : jugement du 22 décembre 2023 rendu par le TJ de [Localité 13].
APPELANTE :
S.A. PACIFICA
[Adresse 8]
[Localité 5]
ayant pour avocat Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
INTIMES :
Madame [B] [X]
née le 05 Mars 1951 à [Localité 14] (49)
[Adresse 7]
[Localité 1]
ayant pour avocat postulant Me Marion LE LAIN de la SELARL 1927 AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Jean MONTAMAT, avocat au barreau de BORDEAUX, substitué par Me Méghane SACHON, avocat au barreau de Poitiers
Monsieur [K] [U]
né le 08 Février 1947 à [Localité 12]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Madame [R] [U] épouse [U]
née le 27 Septembre 1948 à [Localité 11]
[Adresse 2]
[Localité 3]
ayant tous les deuxp pour avocat postulant Me Henri-noël GALLET de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Davy LABARTHETTE, avocat au barreau de BAYONNE
Société MATMUT
[Adresse 4]
[Localité 6]
ayant pour avocat Me Vincent LAGRAVE de la SCP LAGRAVE JOUTEUX MADOULE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 25 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
M. Dominique ORSINI, Conseiller
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Mme Noelle ETOUBLEAU
ARRÊT :
- Contradictoire
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, Président et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ :
[B] [X] a acquis des époux [U]/[S] selon acte du 5 août 2011 une maison d'habitation sise à [Adresse 9] pour un prix de 500.000 €.
Faisant état d'une forte humidité intérieure et du dysfonctionnement d'un certain nombre d'éléments d'équipement, elle a procédé à une déclaration de sinistre dégât des eaux en décembre 2011 auprès de son assureur multirisque habitation, la compagnie Pacifica, qui a refusé sa garantie.
Elle a alors obtenu en référé le 3 juillet 2012 l'institution d'une expertise judiciaire au contradictoire des vendeurs, les opérations ayant été ultérieurement étendues à la société Pacifica en 2014 puis à la compagnie Matmut, assureur multirisque habitation des époux [U], en 2017.
L'expert commis, M. [T], a déposé un pré-rapport le 29 juillet 2013 sans achever sa mission, et a été remplacé par M. [A], lequel a déposé son rapport définitif le 10 décembre 2018.
Mme [X] a fait assigner par actes des 6 et 11 novembre 2019 les époux [U], la société Pacifica et la société Matmut devant le tribunal judiciaire de Saintes pour obtenir réparation de ses préjudices.
Par jugement du 22 décembre 2023, le tribunal judiciaire de Saintes a
- condamné la SA Pacifica à payer à Mme [B] [X] la somme de 159.267,50 € TTC
- dit que cette somme sera indexée sur l'indice du coût de la construction BT 01, l'indice de référence étant le dernier publié au 10 décembre 2018 et le nouvel indice le dernier publié au jour du prononcé du présent jugement
- condamné la SA Pacifica à payer à Mme [B] [X] la somme de 57.508€ au titre des préjudices immatériel et consécutif
- condamné la SA Pacifica à payer à Mme [X] la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- rejeté les autres demandes
- condamné la SA Pacifica aux dépens, incluant les frais d'expertise
- ordonné l'exécution provisoire.
Pour statuer ainsi, les premiers juges ont retenu, en substance :
- que la réalité et la gravité des désordres affectant la maison vendue était établie, l'expert judiciaire ayant constaté une dégradation des pieds de cloisonnement placo ainsi que des pieds de doublage périphérique de l'habitation, avec un pourrissement complet des placo et laines d'isolant constituant le placostyle, au point que les meubles hauts de la cuisine avaient dû être démontés par précaution pour décharger la cloison
- que l'expert estimait que les infiltrations dataient du prédécesseur de Mme [X], et concluait qu'il s'agissait d'un dégât des eaux dont l'origine était exceptionnellement bien cachée et quasi indétectable avant que les dégâts n'atteignent un degré de gravité tel qu'atteint au jour de ses opérations
- qu'en présence de la clause de non-garantie des vices cachés stipulée dans l'acte de vente, il incombait à Mme [X] d'établir que les vices allégués étaient cachés au moment de la vente, qu'ils trouvaient leur origine antérieurement à celle-ci, et que les vendeurs en avaient connaissance
- que cette connaissance par les vendeurs du vice, qui s'entend de sa cause, de sa gravité et de son caractère évolutif, n'était pas établie en l'espèce, où l'humidité anormale n'avait été constatée par Mme [X] elle-même que plusieurs mois après la vente et son emménagement dans les lieux, et où la cause des désordres n'avait réellement été mise à jour qu'au moment de l'expertise, sept ans après la vente
- que Mme [X] devait ainsi être déboutée de son action en tant que dirigée contre les époux [U]
- qu'elle devait l'être aussi en tant que dirigée contre l'assureur des époux [U], la Matmut, la preuve n'étant pas rapportée que les infiltrations soient apparues pendant la période où ceux-ci étaient propriétaires de l'immeuble
- que Pacifica, auprès de laquelle Mme [X] avait souscrit une assurance multirisque à effet du 5 août 2011, et fait une déclaration de sinistre dégât des eaux le 19 décembre 2011, lui devait sa garantie, la police couvrant les dommages matériels causés par l'eau à l'intérieur des locaux
- qu'il ressortait de l'expertise que le préjudice matériel s'élevait à 159.267,50 €TTC, coût de la maîtrise d'oeuvre inclus
- que la maison étant sinon inhabitable du moins d'occupation très incommode depuis 2018, l'assureur devait aussi indemniser Mme [X] pour un total de (25.000 + 18.000 + 14.508)= 57.508€ au titre des préjudices immatériels consécutifs pour son préjudice de jouissance et ses frais de relogement, déménagement et garde-meubles pendant les six mois que dureront les travaux, sans pouvoir lui opposer une franchise dont il n'est pas établi qu'elle ait été portée à la connaissance de l'assurée et acceptée
- que la demande de Mme [X] n'était pas fondée du chef de la piscine, l'état dégradé du liner étant apparent, et cet élément devant au demeurant être changé tous les dix ans
- que la demande de Mme [X] fondée sur la responsabilité décennale des constructeurs-vendeurs au titre du réseau d'évacuation des [Localité 10]/EV/EP devait être rejetée en l'absence de preuve d'un dommage survenu pendant la durée, aujourd'hui échue, de la garantie.
La compagnie Pacifica a relevé appel le 24 janvier 2024.
Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique :
* le 25 mars 2025 par la SA Pacifica
* le 16 juillet 2024 par Mme [B] [X]
* le 21 août 2024 par les époux [U]/[M]
* le 6 février 2025 par la société Matmut.
La SA Pacifica demande à la cour :
- de réformer le jugement
statuant à nouveau :
À titre principal :
Vu les articles L.124-1-1 et L.124-5, alinéa 3, du code des assurances:
- de juger qu'elle ne doit pas sa garantie contractuelle à Mme [X] en vertu de la police multirisques habitation que celle-ci a souscrite à effet du 2 août 2011
À titre subsidiaire :
Si par extraordinaire ladite garantie devait être mobilisée :
- de juger alors que Mme [X] ne sera indemnisée que sur la base des plafonds de garantie contractuelle de la police d'assurance concernant les réparations des fuites d'eau plafonnée à 25 fois l'indice de 133,50€ soit à lui revenir une somme de 3.358€
- de débouter en conséquence Mme [X] de toutes ses demandes plus amples ou contraires, et notamment des fins de son appel incident
En tout état de cause :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [X] de ses demandes relatives à la piscine : réfection du liner et contrôle de son réseau
Vu les articles 1147 (ancien), 1792-1 et 1792-2 du code civil :
- de juger que les époux [U] doivent, en leur qualité de vendeurs de l'immeuble, la garantie décennale à Mme [X]
- de juger en conséquence que la garantie contractuelle de la SA Pacifica en qualité d'assureur multirisques habitation, n'est pas mobilisable au profit de Mme [X]
- de débouter les époux [U] et la Matmut de toutes leurs demandes, fins et conclusions
- de condamner Mme [X] au paiement de la somme de 4.000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens, incluant le coût de l'expertise judiciaire de M. [A].
La société Pacifica maintient ne pas devoir sa garantie en faisant valoir au visa de l'article L.124-5 du code des assurances que sa garantie est déclenchée par le fait dommageable, que celui-ci est celui qui constitue la cause génératrice du dommage, et qu'en l'espèce, tant le cabinet Vitale Assistance dans son rapport de compte-rendu de recherche de fuite que l'expert judiciaire dans son rapport, concluent que le dommage est causé par des infiltrations antérieures à l'acquisition de la maison par son assurée, laquelle le soutient aussi, de sorte que les désordres sont antérieurs à la prise d'effet du contrat d'assurance, qui ne peut être mobilisé.
Elle soutient que c'est la Matmut qui doit couvrir le sinistre, sans pouvoir opposer de prescription à Mme [X] qui exerce contre elle à titre principal l'action directe, ni à ses assurés les époux [U], auxquels faute d'en produire un exemplaire signé elle ne peut opposer les clauses de sa police afférentes à la prescription.
Elle considère que les désordres invoqués relèvent de la garantie décennale des constructeurs dont les époux [U], vendeurs, sont débiteurs, ou de la garantie des dommages intermédiaires, qui n'est pas prescrite car le délai en a été interrompu par l'assignation en référé-expertise du 24 avril 2012 conformément à l'article 2241-1, alinéa 1er, du code civil.
Elle affirme que les désordres de l'habitation et de la piscine dont se plaint Mme [X] ne présentent pas de caractère accidentel et ne constituent pas un sinistre mais résultent de la vétusté, et qu'ils ne sont pas assurables.
À titre subsidiaire, si sa garantie était toutefois jugée mobilisable, elle rappelle qu'il s'agit d'une assurance de dommages relative aux biens, plafonnée par les clauses du contrat.
Elle invoque le paragraphe 39 'indexation' des conditions générales pour affirmer que l'indemnité liée à la réparation de la fuite d'eau est plafonnée à 25 fois l'indice FFB soit 3.338€.
Elle approuve subsidiairement le tribunal d'avoir chiffré le coût des travaux de réparation à la somme, maîtrise d'oeuvre incluse, de 159.267,50€.
S'agissant des préjudices immatériels, elle tient pour non justifié le préjudice de jouissance allégué en estimant qu'il peut tout au plus exister pendant les six mois que prendront les travaux; elle observe que Mme [X] fait appel incident sur les frais de déménagement, garde-meubles et relogement sur lesquels elle a pourtant obtenu satisfaction ; elle estime que le préjudice moral fait doublon avec le préjudice de jouissance et que Mme [X] bat monnaie.
Mme [B] [X] demande à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé mobilisable la police d'assurance souscrite auprès de Pacifica
- de le réformer sur le quantum de l'indemnisation
statuant à nouveau :
- de condamner Pacifica à lui payer
.au titre de la réfection de la cuisine et du rez-de-chaussée : 245.415,85€, ou à tout le moins 161.589,50€ comme chiffré par l'expert
.au titre de la reprise des réseaux eaux usées et eaux pluviales : 21.079€
.au titre de la reprise du liner : 10.727€
.au titre du contrôle des réseaux de la piscine : 4.217€
.au titre des frais de déménagement/réemménagement et garde-meubles: 14.508€
.au titre de son préjudice de jouissance durant les travaux : 18.000€
.au titre de son préjudice de jouissance arrêté provisoirement au 30.11.2024 : 399.000€ à parfaire
.au titre de son préjudice moral : 30.000€
- d'ordonner l'indexation du coût des travaux réparatoires sur l'indice BT01
À titre subsidiaire :
- de réformer le jugement en ce qu'il a fait application au profit des vendeurs de la clause d'exclusion de la garantie des vices cachés
- d'écarter le jeu de cette clause
- de juger que les époux [U] ont engagé leur responsabilité au titre des vices cachés dont ils avaient connaissance avant la vente
- de condamner solidairement les époux [U] à lui payer les sommes ci-dessus détaillées et d'ordonner l'indexation du coût des travaux réparatoires sur l'indice BT01
À titre infiniment subsidiaire :
- de condamner la Matmut à lui régler
.245.415,85€, ou à tout le moins 161.589,50€ au titre des travaux de réfection de la cuisine et du rez-de-chaussée
.14.508€ au titre des frais de déménagement/réenménagement et garde-meubles
.399.000€, à parfaire au jour de l'arrêt, au titre de son préjudice de jouissance arrêté provisoirement au 30.11.2024
.18.000€ au titre du préjudice de jouissance pendant les travaux
- d'ordonner l'indexation du coût des travaux réparatoires sur l'indice BT01
En tout état de cause :
- de prononcer la revalorisation des travaux réparatoires en application de l'indice BT01
- de condamner solidairement M. et Mme [U] et à défaut toute partie succombante à lui régler la somme de 40.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens incluant les frais d'expertise judiciaire.
Mme [X] relate le long historique du litige.
À titre principal, elle demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la mobilisation de la garantie de son assureur Pacifica mais sa réformation quant à la limitation du quantum de l'indemnité.
Elle indique que le contrat garantit les dommages matériels causés par l'eau à l'intérieur des locaux garantis.
Elle objecte que l'assureur ne précise pas les dispositions sur lesquelles il se fonde pour prétendre que la garantie serait déclenchée par le fait dommageable et non par la réclamation. Elle récuse la référence à l'article L.125-4 du code des assurances.
Elle indique avoir évidemment découvert les traces d'humidité et les désordres après l'achat du bien, qu'elle n'aurait pas acquis si elle les avait connus. Elle rappelle avoir régularisé une déclaration de sinistre auprès de son assureur le 19 décembre 2011, quelques jours après en avoir fait dresser constat.
Elle soutient qu'il s'agit bien d'un dégât des eaux au sens du contrat.
Elle récuse les clauses de limitation que Pacifica prétend lui opposer en faisant valoir que la compagnie ne justifie pas par la production de conditions signées qu'elle les aurait connues et acceptées.
Elle conteste subsidiairement que l'indemnité d'assurance puisse être limitée à 3.388€ en faisant valoir que cette clause ne s'applique qu'aux frais de recherche de fuite et non aux réparations du bien endommagé par le sinistre.
S'agissant du quantum de l'indemnité, elle se prévaut de l'évaluation faite par la société LCP mandatée par la Matmut qui chiffrait le montant des travaux réparatoires à la somme de 245.415,85€ qu'elle réclame, par voie d'appel incident.
Elle détaille ses préjudices immatériels en maintenant ne plus habiter la maison depuis onze ans, et réclame 3.000€ par mois sur la période de 133 mois courant de novembre 2013 à novembre 2024, soit la somme de 399.000€ à parfaire.
Elle soutient subir un important préjudice moral du fait de la mauvaise foi des acheteurs..
Si la cour jugeait que la garantie de Pacifica n'est pas mobilisable, Mme [X] demande à titre subsidiaire à la cour de juger que ses vendeurs sont tenus envers elle de la garantie des vices cachés , en soutenant que la clause d'exclusion stipulée à l'acte ne joue pas car les époux [U] avaient connaissance de l'humidité anormale du bien vendu, observant qu'ils l'ont reconnu devant l'expert, et affirmant qu'ils ont cherché à en camoufler les stigmates en repeignant partiellement la cuisine avant la vente et en refaisant l'enduit de l'arrière-cuisine côté garage. Elle s'estime fondée à leur réclamer sur ce fondement les mêmes sommes qu'elle demande à titre principal à son assureur. Elle y inclut les désordres affectant la piscine et les pompes de relevage
Elle réclame aux époux [U] sur le fondement de l'article 1792-1 du code civil le coût de remise en état du réseau d'évacuation des eaux usées-eaux vannes-eaux de pluie, dont l'expert a constaté l'insuffisance de la pente et pointé le risque d'accumulation de matières.
À titre infiniment subsidiaire, elle réclame indemnisation à la Matmut, assureur multirisques habitation des époux [U], au motif qu'elle était l'assureur dégât des eaux des époux [U] à l'époque où les infiltrations existaient déjà, en rejetant son moyen de prescription aux motifs que la prescription biennale de l'article L.114-1 est inapplicable à l'action directe de la victime et que le formalisme requis dans le contrat d'assurance pour que l'assureur puisse opposer la prescription n'est pas respecté par les conditions générales de la police de la Matmut.
Les époux [U]/[M] demandent à la cour :
À titre principal :
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement
- de débouter en conséquence Mme [X], la Matmut et la société Pacifica de l'ensemble de leurs demandes, moyens, fins et prétentions présentés à leur encontre
À titre subsidiaire :
Si par impossible la cour infirmait le jugement déféré :
- de condamner la Matmut à les relever et garantir indemnes de toute condamnation de toute nature qui pourrait être prononcée à leur encontre, en application des dispositions de la police d'assurance souscrite
En tout état de cause :
- de dire et juger que l'indemnisation qui pourrait être allouée à Mme [X] ne saurait excéder les chiffrages retenus au sein du rapport d'expertise judiciaire
- de modérer en conséquence massivement le montant des réclamations formulées au titre des dommages matériels et immatériels par Mme [X]
- de dire et juger que ladite indemnisation se verra appliquer un coefficient de minoration de 40% en considération des fautes commises par Mme [X] dans le cadre du suivi des opérations d'expertise et de la procédure subséquente, et de leurs conséquences sur l'ampleur finale des dommages
- de débouter Pacifica, Mme [X] et la Matmut de l'ensemble des moyens, fins et prétentions présentés à leur encontre
- de condamner toute partie succombante à leur payer la somme de 6.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise.
Les époux [U] maintiennent n'avoir jamais eu connaissance des infiltrations dans le mur de la cuisine, rappelant que Mme [X] indique elle-même n'avoir pas constaté la moindre trace d'humidité avant décembre 2021, quatre mois après la vente, et n'en ayant pas fait état dans son courrier du 25 septembre 2021 qui listait des désordres dont elle se plaignait.
Ils se prévalent des conclusions tant du premier expert dans son pré-rapport déposé avant son remplacement, que de M. [A] selon lesquelles la fuite, insidieuse, était indétectable.
Ils précisent que l'éclat de la peinture d'un mur qu'ils ont déclaré avoir remarqué n'a rien à voir, s'agissant d'un mur différent de celui impacté.
Ils récusent a fortiori toute dissimulation en s'expliquant sur la sens des photographies du bien et sur la peinture refaite à un endroit.
Ils déclinent leur garantie au titre du vice caché.
Ils approuvent le tribunal d'avoir dit que la faiblesse de pente du réseau ne caractérisait pas un désordre, et qu'il n'y avait pas de désordre décennal constaté dans le délai d'épreuve, expiré à la date où il statuait. Ils ajoutent que l'acte de vente stipulait en tout état de cause que l'assainissement n'avait fait l'objet d'aucun contrôle et que l'acheteur le prenait en l'état et faisait son affaire des travaux éventuellement nécessaires.
Ils soutiennent que Pacifica doit bien sa garantie à son assurée.
Ils approuvent l'évaluation du dommage matériel par les premiers juges, en soutenant que Mme [X] réclame réparation sur la base d'un devis et non du rapport d'expertise judiciaire.
Ils discutent les préjudices immatériels.
Ils maintiennent que l'état de la piscine tient à sa vétusté et nullement à un sinistre.
Ils soutiennent que faute de justifier de conditions générales et/ou particulières du contrat d'assurance signées par eux, la Matmut ne peut leur opposer les limitations stipulées au contrat d'assurance, de sorte que seules s'appliquent les dispositions légales, qui s'agissant de la prescription disposent à l'article L.114-1 du code des assurances que le délai ne court, en cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, et ils indiquent avoir assigné leur assureur quelques jours après la note de l'expert judiciaire du 10 octobre 2017 ayant fait état pour la première fois d'infiltrations qui pouvaient être anciennes, de sorte que leur action contre leur assureur n'est nullement prescrite.
Ils ajoutent que la Matmut ne peut opposer le délai biennal à Mme [X].
Ils récusent toute déclaration tardive du sinistre à la Matmut.
La société Matmut demande à la cour :
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions
- de débouter en conséquence Mme [X], Pacifica et les époux [U] de toutes leurs demandes dirigées à son encontre
À titre subsidiaire :
- de déclarer irrecevables et infondés les époux [U] pour défaut de qualité et intérêt à agir
- de déclarer irrecevables et infondés Mme [X] et les époux [U] pour cause de prescription biennale en application des articles L.114-1 et L.114-2 du code des assurances et déclaration tardive de sinistre
À titre infiniment subsidiaire :
- de débouter Mme [X] et les époux [U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à son encontre
- en conséquence : de la mettre hors de cause
En tout état de cause :
- de limiter la garantie aux seuls désordres accidentels survenus durant la période de garantie du contrat soit antérieurement à l'achat de la maison en 2011 et bénéficiant d'une garantie contractuelle selon l'expert judiciaire
- de limiter la garantie de la Matmut aux conséquences du sinistre non consécutives à l'inaction de Mme [X] et rejeter toute autre demande
- de condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens comprenant ceux de première instance.
La Matmut déclare approuver à titre principal la position de ses assurés sur l'impossibilité d'agir contre eux sur le fondement de la garantie des vices cachés comme sur celui de la responsabilité décennale.
Elle soutient que Pacifica est tenue de mobiliser sa garantie.
À titre subsidiaire, elle oppose la prescription biennale à ses assurés comme à Mme [X] et à Pacifica, en affirmant être en droit de le faire dès lors qu'ils sont tiers subrogés ou bénéficiaires de l'assurance, et quand bien même elle ne produit pas d'exemplaire du contrat d'assurance signé, dès lors que les [U] admettent l'existence du contrat d'assurance, qu'ils invoquent.
Elle considère que le point de départ du délai pour agir se situe à la date du constat dressé par un huissier de justice le 11 décembre 2011, qui faisait déjà état de l'humidité. Elle tient pour établi par l'expertise que les époux [U] connaissaient depuis de nombreuses années le désordre.
Elle objecte subsidiairement que sa garantie dégât des eaux couvre des dommages dont il incombe à l'assuré de prouver le caractère accidentel, et elle soutient que tel n'est pas le cas en l'espèce, où les dégâts proviennent de l'inaction persistante des assurés.
Très subsidiairement, s'agissant de l'indemnité d'assurance qui pourrait être due, elle demande qu'il soit tenu compte de l'absence de réparation de la fuite sept années durant ; elle soutient que nombres de postes de préjudice matériel invoqués par Mme [X] ne relèvent pas du dégât des eaux et de ses suites ; elle discute les préjudices immatériels.
L'ordonnance de clôture est en date du 19 mai 2025.
À l'audience, la cour a invité les parties à faire toutes observations éventuelles sur la nécessité de rectifier l'erreur matérielle affectant le jugement entrepris en son en-tête, qui désigne la compagnie d'assurance Pacifica comme la société 'Pacifa'.
Le conseil de la société Pacifica a déclaré adhérer à la rectification évoquée. Les autres plaideurs ont indiqué s'en remettre à justice de ce chef.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
* sur une erreur matérielle entachant le jugement entrepris
Selon l'article 462 du code de procédure civile, les erreurs matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours, sur requête ou d'office, être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.
Le jugement déféré est affecté d'une erreur matérielle en sa page 1 désignant les parties à l'instance, en ce que la compagnie d'assurance défenderesse y est désignée comme 'la SA PACIFA', alors qu'il s'agit de la SA PACIFICA.
Il y a lieu d'ordonner la rectification de cette erreur matérielle.
* sur les infiltrations
En cause d'appel, Mme [X], demanderesse à l'action, sollicite confirmation du jugement en ce qu'il a retenu que son assureur Pacifica devait l'indemniser des conséquences dommageables des infiltrations affectant sa maison d'habitation de [Adresse 9].
C'est donc, du chef des infiltrations, cette action, dirigée contre la seule compagnie Pacifica sur le fondement de sa police d'assurance, qu'il échet d'examiner au principal, les demandes de réparations qu'elle formule du chef des infiltrations contre ses vendeurs les époux [U] et leur assureur la Matmut, ne l'étant qu'à titre subsidiaire, pour le cas où la cour ne confirmerait pas l'obligation d'indemnisation mise par le tribunal à la charge de Pacifica.
¿ sur la réalité du dégât des eaux invoqué par Mme [X]
L'expert judiciaire [I] [A] a constaté contradictoirement lors de la réunion tenue sur site le 10 octobre 2017 un état de grave ruine de la cloison séparative de la cuisine et du cellier d'accès sur le garage et a proposé, ce qui a été accepté, de faire procéder lors de la réunion ultérieure à un sondage dans la dalle du cellier par un plombier fin d'en déterminer l'origine.
La démolition du pied de la cloison séparative entre la cuisine et le cellier a révélé que les placo et la laine d'isolant constituant le placostyl étaient complètement pourris ; il s'est avéré nécessaire par précaution, afin de décharger la cloison, de démonter les meubles hauts de la cuisine ; la chape examinée est apparue ruinée, au point que le ciment en avait disparu.
M. [A] en a déduit qu'il y avait eu régulièrement des écoulements importants qui se sont dispersés dans la chape du rez-de-chaussée et n'étaient pas remontés en surface (page 21).
Lors de la réunion du 5 décembre 2017, où l'entreprise 'Fuites et Mesures' intervenant sur sa requête a fait passer une caméra pour rechercher une fuite, cet instrument a révélé un défaut d'emboîtement du branchement cuisine sur le coude réseau noyé dans la chape, illustré par deux clichés photographiques annexé au rapport (cf p.22).
M. [A] a conclu à des infiltrations par les réseaux encastrés masqués par les bétons de dalle.
Il a qualifié ces infiltrations de 'particulièrement silencieuses et sournoises' (cf p.23).
Il a indiqué que 'les dégradations apparaissent généralement tardivement', par 'effet de mèche'.
Il a noté que les consorts [U] avaient déclaré avoir noté une légère humidité, en indiquant que ceux-ci ne s'étaient pas alarmés et ne pouvaient pas en apprécier la portée technique (page 24). Invité par voie de dire à expliciter son opinion sur ce que les époux [U] savaient ou ne savaient pas, il a indiqué ne jamais les avoir accusés d'avoir connaissance d'un défaut de raccord encastré, avoir simplement dit qu'ils avaient connaissance d'une humidité et qu'ils n'y avaient pas accordé d'importance (cf p. 44).
Il conclut :
'À l'origine, c'est bien un dégât des eaux dont l'origine est exceptionnellement bien 'caché' et quasi indétectable tant qu'il n'atteignait pas un degré de gravité comme nous avons pu le mettre en évidence dans nos opérations'.
Ces conclusions, assises sur des constatations personnelles et des analyses motivées, sont circonstanciées et argumentées.
Elles sont cohérentes avec les premières constatations du précédent expert judiciaire n'ayant pas conduit à leur terme ses opérations, et avec les énonciations du rapport de recherche de fuite faite en octobre 2012 par le cabinet Vitale Assistance missionné par la société Pacifica.
Elles ne sont ni contredites, ni véritablement discutées.
Il en résulte que le sinistre déclaré par Mme [X] à son assureur Pacifica en décembre 2011 a bien la nature d'un dégât des eaux.
¿ sur la garantie due par Pacifica au titre de la police multirisque habitation
Il résulte de l'attestation d'assurance multirisque habitation établie par la compagnie Pacifica en date du 21 juillet 2011 qu'elle garantissait son assurée [B] [X] à effet du 2 août 2011 au titre du risque dégât des eaux pour son habitation (pièce n°3).
Dans les assurances 'dégât des eaux', l'assureur est tenu à garantie dès lors que le sinistre est survenu pendant la période de validité du contrat d'assurance (cf Cass. 3° civ. 16.03.2022 P n°18-23954).
La compagnie Pacifica n'est pas fondée à refuser sa garantie au motif que l'origine des fuites remontait à la période antérieure à la prise d'effet de sa police, dès lors que c'est l'apparition des désordres consécutifs à ces infiltrations certes anciennes mais selon l'expert 'quasiment indétectables', qui constitue le sinistre avant lequel aucune déclaration ne pouvait être faite, et que cette apparition est survenue après l'achat et la prise de possession de l'immeuble par Mme [X], dont l'expert judiciaire [T] indique dans son pré-rapport (page 38) qu'elle en avait fait quatre visites dont une avec un artisan (cf pages 8 et 38) avant de l'acquérir, sans que rien n'ait été décelable; qui n'en a pas fait état dans son courrier du 25 septembre 2011 à son notaire recensant minutieusement toutes ses doléances après quelques semaines de prise de possession sur la maison, son annexe, la piscine, le terrain et les projets constructifs dans le lotissement (cf sa pièce n°2) en une liste de trois pages où seule leur absence de visibilité peut expliquer que les dégâts litigieux ne soient pas mentionnés ; et qui avait indiqué en réunion contradictoire à l'expert judiciaire [T], qui l'avait consigné (cf page 10) que c'est peu de temps après son emménagement qu'elle avait constaté une humidité anormale sur une cloison.
La déclaration de sinistre faite en décembre 2011 par Mme [X] auprès de Pacifica est intervenue sitôt apparues les dégradations causées par ces infiltrations insidieuses, et elle ne revêt aucun caractère tardif.
La société Pacifica n'est pas davantage fondée à dénier sa garantie en présence d'un sinistre avéré et déclaré de dégât des eaux au motif qu'il incomberait à son assurée de rechercher réparation à l'encontre de ses vendeurs sur le fondement de la garantie décennale ou de la garantie des dommages intermédiaires.
Les conditions générales du contrat produites par la compagnie Pacifica en leur édition 2011 (cf sa pièce n°4) énoncent au titre de la garantie dégâts des eaux :
'Ce que nous garantissons
° les dommages matériels causés par l'eau à l'intérieur des locaux garantis et les frais consécutifs à un événement garanti, nécessités par les travaux de recherche et de réparation de la fuite des canalisations, à concurrence du montant figurant page 29
° les dégâts provoqués par le refoulement des égouts à l'intérieur des locaux garantis
° les dégâts causés au mobilier et embellissements par les infiltrations par façades'.
Le 'tableau des limites de garantie' constituant la page 29 à laquelle renvoie cette clause énonce que la limite de garantie est fixée pour les bâtiments à la 'valeur de reconstruction' et à '25 fois l'indice' pour les 'frais de recherche et de réparation de fuite d'eau'.
La compagnie Pacifica est donc tenue de prendre en charge la valeur de reconstruction des désordres à l'immeuble causés par le dégât des eaux, sans être fondée à prétendre que sa garantie serait contractuellement limitée de ce chef à cette valeur de '25 fois l'indice' qui vise expressément, comme l'objecte pertinemment Mme [X], sa prise en charge des frais de recherche et de réparation de fuite d'eau, et ne concerne pas les dommages au bâtiment.
S'agissant des préjudices matériels, c'est à bon droit que plutôt que l'évaluation faite par le cabinet mandaté par la Matmut, les premiers juges ont retenu l'évaluation à 144.789,50€ TTC outre 10% au titre du coût des honoraires de maîtrise d'oeuvre soit 159.267,50€TTC qu'en a faite l'expert judiciaire [A], dont c'était un des chefs de mission et dont les analyses et chiffrages ne sont pas réfutés à l'appui de son appel incident par Mme [X], qui en sera déboutée.
C'est aussi pertinemment que les premiers juges ont indexé ce montant sur l'indice applicable du coût de la construction.
La cour n'a pas à ordonner une nouvelle indexation sur cette somme qui en est déjà assortie et qui a été allouée par un chef de décision exécutoire et confirmé. Il sera précisé en tant que de besoin que l'indexation court jusqu'au paiement effectif.
S'agissant du préjudice immatériel consécutif, garanti par le contrat d'assurance, le préjudice de jouissance causé à Mme [X] par le dégât des eaux est certain au vu de la grande humidité intérieure de la maison et de l'impossibilité d'utiliser certains équipements.
Mme [X] ne rapporte pas la preuve, aisée, qu'elle a durant tout ou partie de la procédure, résidé ailleurs que dans la maison litigieuse, à l'adresse de laquelle sont libellés les devis de travaux établis en 2017 et 2018.
Il reste que, comme retenu par le tribunal, l'occupation des lieux est très dégradée en raison des infiltrations, que l'expert qualifie de 'graves' et dont les effets le sont en effet, ce qui constitue un préjudice de jouissance certain.
La société Pacifica est fondée à opposer à son assurée le plafond fixé 'à concurrence de la valeur locative pendant deux années au maximum' stipulé en page 29 des conditions générales au titre de la perte d'usage de l'habitation dont l'assuré est propriétaire et ce, quand bien même les conditions générales qu'elle produit ne sont pas signées de Mme [X], dès lors qu'elle verse aux débats la demande d'adhésion à ce contrat datée du 21 juillet 2011 et signée de Mme [X] dans laquelle celle-ci a reconnu dans une mention inscrite lisiblement juste au-dessus de l'emplacement dévolu à la signature que 'les montants des plafonds et franchises figurent dans le tableau des garanties joint' (cf pièce n°6 de l'appelante).
Au vu de l'attestation de valeur locative établie par une agence immobilière en 2018 que produit Mme [X], et dont la pertinence n'est pas contredite, chiffrant à 3.000€ la valeur locative de cette grande maison de 220 m² habitables avec trois garages, un studio et une piscine sur un terrain de 3.800 m², acquise 500.000€, elle recevra à ce titre, par infirmation du jugement de ce chef, la somme de (3.000 x 24) = 72.000€ à titre d'indemnité.
Le tribunal a retenu à raison, conformément aux conclusions non contredites de l'expert judiciaire [A], que les travaux de réparations nécessités par le sinistre impliqueraient la nécessité pour Mme [X] d'exposer pendant six mois que dureront les travaux des frais de déménagement, garde-meubles, relogement et réenménagement, qu'il a chiffrés à raison à 18.000€ et 14.508€ au vu des justificatifs produits.
Mme [X] n'est pas fondée à présenter comme un préjudice indemnisable par son assureur au titre du dégât des eaux le préjudice moral qu'elle affirme subir du fait d'une prétendue mauvaise foi de ses vendeurs qui est étrangère à cette garantie et qui n'est au demeurant nullement établie, alors que les infiltrations n'ont été manifestes qu'après la vente et que l'expert judiciaire a conclu sans être contredit qu'ils ne pouvaient pas apprécier la portée de la légère humidité intérieure qu'ils avaient, seule, pu remarquer.
Le préjudice immatériel indemnisable par l'assureur conformément au contrat s'établit ainsi à la somme totale de 104.508€, le jugement étant de ce chef réformé.
* sur les désordres de la piscine
Madame [X] reprend devant la cour par voie d'appel incident sa demande d'indemnisation au titre de la réfection du liner de la piscine et du contrôle de ses réseaux.
Comme pertinemment retenu par les premiers juges, il n'est pas établi qu'il s'agisse de désordres liés au dégât des eaux que la société Pacifica doit garantir, l'expert judiciaire indiquant au contraire qu'il s'agit de l'effet de la vétusté sur des équipements anciens à changer périodiquement, et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.
* sur les demandes formulées par Mme [X] contre les époux [U]
Madame [X] formulant à titre subsidiaire envers les époux [U] les mêmes demandes que celles qu'elle dirige à titre principal contre son assureur Pacifica, il y a lieu d'examiner à ce titre les trois chefs de prétentions dont elle a été déboutée au titre de la garantie du dégât des eaux.
S'agissant de la réfection du liner de la piscine et du contrôle de ses réseaux, leur prise en charge par les époux [U] ne relève ni de leur garantie de vendeurs, ni de la garantie décennale dont ils seraient tenus, s'agissant selon les constatations et conclusions non réfutées de l'expert judiciaire d'une usure naturelle d'un revêtement qui n'est pas réellement un liner mais une membrane armée collée qui se change tous les dix ans et qui avait onze ans au jour de la vente, et pour le reste d'opérations d'entretien normal (cf rapport p.27 et 28).
S'agissant des pompes de relevage, l'expert judiciaire indique qu'il s'agit d'éléments d'une centaine d'euros qui ont une durée de vie limitée et doivent être régulièrement changés, et les époux [U] ne sauraient être tenus à aucun titre s'il faut les remplacer.
S'agissant du réseau d'évacuation [Localité 10]/EV/EP, l'expert judiciaire conclut que sa pente est un peu faible et qu'il y a un risque d'accumulation de matières et de charges, mais ainsi que l'ont pertinemment retenu les premiers juges, cette faiblesse de pente ne caractérise pas un désordre par elle-même, et il n'est ni démontré, ni soutenu, que des désordres soient effectivement survenus dans le délai d'épreuve, expiré à la date où les premiers juges statuaient, de sorte que la garantie décennale n'est pas mobilisable.
La demande n'est pas davantage fondée au titre de la garantie des vices cachés due par les vendeurs, alors que cette faiblesse de pente ne constitue pas un vice en dehors de tout désordre ou inconvénient induit avéré.
* sur la mise en cause de la Matmut
Au vu du sens du présent arrêt, qui retient que la garantie dégât des eaux est due à Mme [X] par son assureur Pacifica et qui la déboute de ses demandes dirigées contre les époux [U], la Matmut n'est pas tenue à indemnisation, et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées à son encontre.
* sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Les chefs de décision du jugement afférents aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile sont pertinents et adaptés, et ils seront confirmés.
La société Pacifica succombe en son recours et supportera les dépens d'appel.
Elle versera en application de l'article 700 du code de procédure civile une indemnité pour frais irrépétibles d'appel aux intimés qu'elle a attraits devant la cour.
PAR CES MOTIFS
la cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:
ORDONNE la rectification de l'erreur matérielle affectant l'en-tête du jugement rendu le 22 décembre 2023 par le tribunal judiciaire de Saintes, en ce que la première partie défenderesse portée en page 1 est la SA. PACIFICA et non la 'SA PACIFA'
DIT qu'il sera procédé aux soins du greffe dudit tribunal à cette rectification sur la minute et les expéditions de cette décision
CONFIRME le jugement ainsi rectifié sauf en ce qu'il condamne la SA Pacifica à payer 57.508 € à Mme [X] au titre des préjudices immatériel et consécutif
statuant à nouveau de ce chef :
CONDAMNE la SA Pacifica à payer à Mme [B] [X] la somme de 104.508€ au titre de l'indemnisation des préjudices immatériel et consécutif que lui a causé le dégât des eaux constaté dans son habitation en décembre 2011
ajoutant :
DÉBOUTE les parties de toutes demandes autres, contraires ou plus amples
CONDAMNE la SA Pacifica aux dépens d'appel
CONDAMNE la SA Pacifica à payer en application de l'article 700 du code de procédure civile
* à Mme [B] [X] : la somme de 5.000€
* aux époux [U]/[S], ensemble : la somme de 5.000€
* à la mutuelle Matmut : la somme de 4.000€.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,