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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 25 novembre 2025, n° 24/01843

AMIENS

Arrêt

Autre

CA Amiens n° 24/01843

25 novembre 2025

ARRET



[N]

C/

S.A. BANQUE CIC NORD OUEST

copie exécutoire

le 25 novembre 2025

à

Me Soubelet-Caroit

Me [Localité 5]

OG

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 25 NOVEMBRE 2025

N° RG 24/01843 - N° Portalis DBV4-V-B7I-JB7X

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE COMPIEGNE DU 27 FEVRIER 2024 (référence dossier N° RG 23F00090)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [H] [N]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AVOCATS, avocat au barreau D'AMIENS

Ayant pour avocat plaidant Me Sophie SOUBELET-CAROIT, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEE

S.A. BANQUE CIC NORD OUEST agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Thibaut ROQUES de la SCP DRYE DE BAILLIENCOURT ET ASSOCIES, avocat au barreau de SENLIS

***

DEBATS :

A l'audience publique du 16 Septembre 2025 devant Mme Odile GREVIN, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 805 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2025.

GREFFIERE : Madame Elise DHEILLY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Odile GREVIN en a rendu compte à la cour composée de :

Mme Odile GREVIN, présidente de chambre,

Mme Florence MATHIEU, présidente de chambre,

Mme Valérie DUBAELE, conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 25 Novembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, présidente a signé la minute avec Madame Elise DHEILLY, greffière.

*

* *

DECISION

Le 27 octobre 2018 la société Eco construction JMA co-gérée par M. [E] [I] et M. [H] [N] a ouvert un compte courant professionnel auprès de la SA Banque CIC Nord Ouest puis a contracté deux prêts professionnels le 4 janvier 2019, un prêt d'un montant de 62000 euros destiné au financement de matériel informatique et bureautique au taux de 1,40% l'an hors assurance remboursable en 60 mensualités et un prêt d'un montant de 20000 euros destiné au financement de la trésorerie au taux de 1,40% l'an hors assurance remboursable en 36 mensualités.

Aux termes du même acte M. [N] et M. [I] se sont portés cautions solidaires des deux prêts contractés par la société à hauteur de la somme de 15499,80 euros pour une durée de 84 mois pour le premier prêt et à hauteur d'une somme de 4999,80 euros pour une durée de 60 mois au titre du second prêt.

Par acte sous seing privé en date du 10 décembre 2020 M. [N] s'est également porté caution solidaire de la société Eco construction MJA, de toutes sommes dues par celle-ci pour un montant maximum de 9000 euros et pour une durée de 5 ans à compter de la signature de l'acte.

Par deux avenants en date du 7 mai 2021 la durée des deux prêts a été augmentée de six mois et les cautions ont donné leur accord quant à ces nouvelles conditions et sur la prorogation de la durée de leur cautionnement afin que son échéance soit au moins égale à celle du prêt majorée de 24 mois.

Par jugement du tribunal judiciaire de Compiègne en date du 6 septembre 2021 la société Eco construction MJA a été placée en liquidation judiciaire et le 16 septembre 2021 la SA Banque CIC Nord Ouest a déclaré une créance de 9459,49 euros au titre du solde débiteur du compte courant professionnel, une créance d'un montant de 42724,44 euros au titre du premier prêt et de 8460,15 euros au titre du second prêt outre une créance de 36781,30 euros s'agissant d'un prêt garanti par l'Etat.

Un certificat d'irrecouvrabilité sera délivré le 24 octobre 2022 pour chacune de ces créances.

Par courrier recommandé en date du 17 septembre 2021 la SA Banque CIC Nord Ouest a mis en demeure M. [N] en sa qualité de caution solidaire de lui régler la somme de 28729,87 euros.

Un plan d'apurement de la dette n'ayant pu être mis en place au contraire de M. [I] par acte de commissaire de justice en date du 2 mai 2023 la SA Banque CIC Nord Ouest a fait assigner M. [N] devant le tribunal de commerce de Compiègne aux fins de le voir condamner à lui payer en sa qualité de caution solidaire les sommes de 7877,49 euros au titre du solde du compte courant professionnel, de 15499,80 euros au titre du premier prêt et de 4230,07 euros au titre du second prêt selon décompte arrêté au 23 janvier 2023.

Par jugement en date du 27 février 2024 le tribunal de commerce de Compiègne a condamné M. [N] au paiement de l'ensemble de ces sommes avec intérêts conventionnels à compter du 17 septembre 2021 ainsi qu'une somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 17 avril 2024 M. [N] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 5 mars 2025 M. [N] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau , à titre principal de déclarer les trois engagements de caution inopposables à la caution, de prononcer en outre la nullité du cautionnement du compte courant et d'ordonner que lui soient restituées l'ensemble des sommes versées par son cofidéjusseur en paiement de ce cautionnement nul.

A titre subsidiaire il demande que soit constaté le manquement de la banque à son devoir de mise en garde et de juger que le préjudice par lui subi de ce fait vient en compensation des sommes dont la banque serait créancière à son égard.

A titre infiniment subsidiaire il demande qu'il soit constaté que son cofidéjusseur M. [I] s'est acquitté de la somme de 18756 euros et compte tenu de l'effet libératoire de ce paiement de fixer à la somme de 10165,51 euros à parfaire la somme restant due à la banque.

Il demande à être autorisé à régler cette somme en 24 mensualités sans intérêts au bénéfice de la banque.

Il sollicite enfin la condamnation de la SA Banque CIC Nord Ouest aux entiers dépens et au paiement de la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions remises le 16 octobre 2024 la SA Banque CIC Nord Ouest demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter M. [N] de ses demandes et de le condamner aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 septembre 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'inopposabilité du cautionnement pour disproportion manifeste

M. [N] indique que lors de la souscription des deux premiers prêts il était en recherche d'emploi et que la banque lui a fait souscrire un troisième engagement de caution alors que la société était en difficulté et qu'après avoir perçu des indemnités de chômage ayant pris fin en août 2019, il ne percevait qu'une rémunération de gérant d'un montant de 1500 euros et qu'il était fortement endetté.

Il reproche ainsi à la banque de n'avoir tiré aucune conséquence de la situation patrimoniale effective dont elle avait connaissance au regard de la fiche patrimoniale produite.

Il conteste la prise en compte des revenus et du patrimoine de son épouse dont il est désormais divorcé et qui ne peut être considérée comme ayant donné un consentement éclairé au cautionnement des deux premiers prêts ni comme étant caution elle-même en ayant rempli de sa main la mention relative à l'engagement de caution des personnes physiques et qui en outre n'a pas consenti au troisième cautionnement. Il conteste également la prise en compte du bien immobilier et des comptes bancaires appartenant à la communauté.

Il fait valoir que ses revenus n'étaient pas de 72756 euros mais seulement de 45371 euros en 2019 et ne seraient que de 27282 euros en 2020 compte tenu de la perte de ses indemnités de chômage.

Il ajoute que la banque ne pouvait apprécier sa situation en considération des perspectives d'avenir de la société, les revenus escomptés de l'opération garantie par le cautionnement ne pouvant être pris en compte dans le calcul de la proportionnalité de l'engagement.

Il rappelle que la disproportion doit étre appréciée en tenant compte de l'endettement global de la caution et qu'ayant des crédits en cours pour un montant de 24749 euros le cautionnement issu des deux prêts pour un montant de 20499,60 euros était manifetsement disproportionné ainsi que le troisième engagement de caution d'un montant de 9000 euros avec un endettement préexistant de 39254,60 euros et alors que son revenu annuel à cette date était de 24000 euros.

Il soutient que la banque ne peut se prévaloir d'un retour à meilleur fortune dès lors qu'elle n'en justifie pas par une simple capture d'écran du salaire moyen d'un animateur réseau.

La SA Banque CIC Nord Ouest conteste le caractère manifestement disproportionné des engagements de caution et rappelle qu'un établissement bancaire peut valablement se fonder sur les seules informations données par la caution sur ses revenus et son patrimoine.

Elle fait valoir qu'étant mariés sous le régime de la communauté de biens les revenus et biens des époux devaient être pris en compte.

Elle indique qu'il était déclaré que le couple était propriétaire d'un bien immobilier estimé à 325000 euros, leurs comptes bancaires étant créditeurs, que Mme [N] percevait un revenu annuel de 18600 euros et M. [N] un revenu de 24000 euros au titre de son mandat de gérant d'une société Archi Bat Design outre une indemnité de retour à l'emploi d'un montant de 26376 euros annuelle et un loyer annuel de 3780 euros réglé par la société Archi Bat Design. S'agissant de l'engagement de caution souscrit en 2020 elle fait valoir que M. [N] avait fourni une attestation comptable certifiant que du 1er décembre 2018 au 31 décembre 2019 les gérants avaient perçu une rémunération brute de 19866 euros et un tableau indiquant qu'à compter de mars 2020 il était prévu une rémunération mensuelle de 2500 euros sauf en avril 2020 mois au cours duquel la rémunération était de 1500.

Elle ajoute qu'au moment où il a été appelé en qualité de caution M. [N] travaillait en qualité d'animateur réseau et percevait un revenu compris entre 2500 euros et 4375 euros.

Selon l'article L 332-1du code de la consommation, applicable à l'espèce un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il est admis, au visa de l'article L332-1 du code de la consommation qu'il appartient à la caution, personne physique, qui entend se prévaloir du caractère manifestement disproportionné du cautionnement à ses biens et revenus, lors de la souscription de son engagement, d'en apporter la preuve et qu'il appartient au créancier en cas de cautionnement manifestement disproportionné lors de l'engagement d'établir qu'au moment où elle est appelée la caution peut faire face à son obligation.

Par ailleurs la caution qui a rempli, à la demande de la banque, une fiche de renseignements relative à ses revenus et charges annuels et à son patrimoine, dépourvue d'anomalies apparentes sur les informations déclarées, ne peut, ensuite, soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle a déclarée au créancier, étant ajouté cependant que la caution peut faire état de dettes non mentionnées sur la fiche de renseignement si le créancier ne pouvait les ignorer, en particulier lorsqu'il est lui-même le créancier.

Enfin le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'est pas tenu de vérifier l'exactitude des biens et revenus déclarés par la caution et n'est pas tenu de rapporter la preuve que le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation au moment où elle a été appelée, dès lors que ce cautionnement n'était pas, au moment de sa conclusion, manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution.

Par ailleurs la solvabilité de deux époux communs en biens ayant souscrit des cautionnements pour un même acte doit être appréciée tant au regard de leurs biens communs qu'au regard de leurs biens et revenus propres.

Toutefois si un époux commun en biens s'est porté caution avec le consentement de l'autre c'est la masse formée par ses biens propres et la totalité de la communauté y compris les revenus du conjoint qui doit être prise en compte pour apprécier la proportionnalité de l'engagement et s'il s'est engagé sans le consentement de son conjoint la proportionnalité s'apprécie par rapport à ses biens propres et ses revenus mais également par rapport aux biens communs, seuls étant exclus les biens propres et revenus du conjoint.

Enfin les revenus escomptés de l'opération financée n'ont pas à être pris en compte.

En l'espèce il résulte du contrat de prêt que l'épouse de M [N] est intervenue pour les deux prêts en la qualité de conjointe de la caution même si elle a recopié la formule de l'engagement de caution de son époux et qu'elle a ainsi indéniablement consenti à cet engagement.

La fiche de renseignements remplie et signée par M.[N] établissait que les époux étaient propriétaires en commun d'un immeuble d'une valeur de 325000 euros sur lequel il assumait un prêt d'un montant restant dû de 300258 euros soit une valeur nette de patrimoine de 24742 euros.

Les revenus de M. [N] par ailleurs gérant d'une autre société la SARL Archi Bat Design créée en avril 2017 s'élevaient à une somme annuelle de 24000 euros et il était précisé une allocation de retour à l'emploi de 26376 euros et des revenus d'un loyer pour 3780 euros .M. [N] indiquait être tenu au remboursement de trois autres prêts pour un montant annuel de 9569 euros outre le prêt immobilier pour 15180 euros.

L'engagement de caution d'un montant total de 20499,60 euros pris aux termes des actes de prêt du 4 janvier 2019 ne peut en aucun cas être considéré comme manifestement disproportionné au regard de ces éléments même en tenant compte du fait que l'allocation de retour à l'emploi devait prendre fin en août 2019.

S'agissant de l'engagement de caution souscrit le 10 décembre 2020 aucune nouvelle fiche de renseignements n'a été souscrite, toutefois il était produit un tableau prévisionnel des rémunérations des co-gérants au sein de la société Eos Construction JMA faisant apparaître un revenu mensuel de 2500 euros (sauf au mois d'avril 2020 1500 euros).

Par ailleurs il n'est fait état d'aucun nouveau prêt contracté par les époux ou M. [H] seul et le prêt immobilier ayant été réglé 18 mois supplémentaires la valeur nette du patrimoine immobilier n'avait pu qu'augmenter.

Dès lors cet engagement de caution d'un montant de 9000 euros uniquement s'ajoutant aux précédents engagements d'un montant de 20499,60 euros ne peut davantage constituer un engagement manifestement disproportionné même en ne tenant pas compte des revenus de son épouse.

Il convient de rejeter la demande de M. [N] tendant à voir déclarer inopposables les cautionnements par lui souscrits auprès de la SA Banque CIC Nord Ouest pour le compte de la société EOS construction JMA.

Sur la nullité du cautionnement du 10 décembre 2020

M. [N] soutient que son engagement est nul au motif que son consentement a été vicié par la violence économique et le défaut d'information dont s'est rendue coupable la banque.

Il fait valoir que dans le contexte de la crise sanitaire la vie de la société se trouvait compromise que lui-même était dans un état de détresse économique, et donc sous la dépendance de la banque qui était son unique alternative pour un financement en raison de l'endettement existant de la société et du contexte économique global et qu'ainsi il a été contraint d'accepter ce nouvel engagement de caution.

Il considère que la banque a abusé de la situation de péril économique pour en retirer un avantage excessif soit un troisième cautionnement de sa part alors qu'elle connaissait sa situation patrimoniale et le fait que celle-ci ne s'était pas améliorée.

Il conteste la bonne santé financière de la société invoquée par la banque estimant que l'augmentation du chiffre d'affaires est à mettre en relation avec le résultat net et que la mise à l'escompte d'une créance client pour 114658,60 euros était un procédé de dernier recours pour offrir une trésorerie à une société à bout de souffle.

La SA Banque CIC Nord Ouest soutient que le consentement d'une partie est vicié pour avoir été obtenu par violence si le cocontractant a abusé de son état de dépendance économique afin de lui faire souscrire un contrat dont les conditions étaient défavorables pour elle mais dont il tire un avantage manifestement excessif.

Elle fait valoir en outre qu'il n'est aucunement établi qu'elle aurait dissimulé une information déterminante à M. [N] pour lui faire souscrire cet engagement de caution.

Elle rappelle à ce titre que M. [N] l'a lui-même contactée pour obtenir un découvert autorisé de 15000 euros sur trois mois en raison d'un décalage de chantiers cette demande étant accompagnée d'un tableau de suivi comptable et le bilan provisoire au 30 juin 2020 faisant état d'un chiffre d'affaires de 184460 euros et d'un résultat net comptable de 16758 euros avec des créances clients à recouvrer fin septembre et octobre 2020 d'un montant de 114658,60 euros et qu'enfin il était attesté d'un chiffre d'affaires HT au 30 septembre 2020 de 457779,80 euros.

Elle fait valoir qu'ainsi elle pouvait légitimement croire que la situation économique de la société s'améliorait malgré la crise sanitaire.

Elle conteste avoir détenu une information déterminante que ne connaissait pas M. [N] sur la situation de la société et avoir exercé une violence faute de dépendance économique de la société.

En application de l'article 1112-1 du code civil celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que légitimement cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Par ailleurs en application de l'article 1143 du code civil constitue une violence viciant le consentement le fait pour une partie d'abuser de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard et d'obtenir de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et d'en tirer un avantage excessif.

La SA Banque CIC Nord Ouest justifie que les éléments dont elle disposait quant à la situation de la société étaient fournis par le comptable de la société et n'avaient rien d'alarmant tant au regard du bilan provisoire au 30 juin 2020 que lorsque l'expert-comptable faisait état au 28 octobre 2020 d'une progression remarquable du chiffre d'affaires passant de 184460 euros au 30 juin à 457779,80 euros en septembre 2020.

Il n'est aucunement démontré par M. [N] que la banque ait pu détenir au moment de son engagement de caution d'autres informations inconnues du dirigeant de la société ni que dans ce contexte elle ait abusé d'un état de dépendance de M. [N] dont la société ne sera placée en liquidation judiciaire qu'en septembre 2021 avec une date de cessation des paiements au 1er juin 2021.

Par ailleurs il ne peut être considéré qu'elle a tiré de cet engagement limité à 9000 euros un avantage excessif.

Il convient en conséquence de débouter M. [N] de ce chef de demande.

Sur le manquement au devoir de mise en garde

M. [N] souligne que la qualité de caution avertie ne peut se déduire de la seule qualité de dirigeant et d'associé de la société débitrice principale et fait valoir qu'il était lors de la souscription des engagements de caution un jeune entrepreneur désireux de lancer l'activité de la société Eos construction JMA fondée avec son beau-père et qu'il n'était pas en mesure de comprendre l'ampleur de son engagement étant mû par l'effervescence de son projet et par sa croyance en celui-ci. Il soutient que son expérience commerciale au sein d'un grand groupe ne peut être comparée à celle requise pour le dirigeant social et gestionnaire d'une TPE.

Il fait valoir que la banque ne l'a pas mis en garde sur les risques afférents au cautionnement des prêts d'une société qui démarrait son activité alors qu'il lui incombait de l'avertir sur le risque d'endettement excessif résultant de l'octroi de ces prêts.

La SA Banque CIC Nord Ouest soutient que M. [N] ayant la qualité de caution avertie elle n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde à son égard.

Elle fait valoir que M. [N] avait déjà créé en 2017 une SARL dont il était le gérant ayant pour activité la construction, les travaux tout corps d'état et la maîtrise d'oeuvre et qu'il a ensuite constitué la société EOS construction JMA dont il était cogérant et qu'il était associé égalitaire dans les deux sociétés.

Elle ajoute que sa formation professionnelle en termes de diplômes impliquant des connaissances intellectuelles certaines et ses fonctions antérieures de directeur commercial au sein du groupe Orange avec la gestion de 9 magasins,comprenant également la stratégie commerciale et les relations avec les fournisseurs ainsi que ses compétences revendiquées en création et gestion d'entreprise aux termes de son curriculum vitae en faisait une caution avertie.

Elle soutient au demeurant qu'il n'est pas établi que les prêts cautionnés étaient inadaptés aux capacités financières de la société et que par ailleurs les engagements de caution souscrits constituaient un risque d'endettement excessif pour M. [N].

Le devoir de mise en garde du banquier ne bénéficie qu'aux cautions non averties.

Si la qualité de dirigeant de la société cautionnée ne suffit pas à accorder la qualité de caution avertie au dirigant ayant cautionné la société, il convient de relever en l'espèce que M. [N] n'était aucunement novice en matière de création de société ni inexpérimenté dès lors qu'il avait déjà créé une société commerciale en 2017 dont il était le dirigeant et associé, déjà dans le domaine de la construction.

Par ailleurs son curriculum viae faisait état d'une formation en matière commerciale et d'une expérience en qualité de directeur commercial.

Il convient de considérer que M. [N] était bien une caution avertie lors de ses engagements de caution au profit de la seconde société par lui constituée et dirigée.

Il convient de le débouter de sa demande au titre du manquement de la banque au devoir de mise en garde.

Sur les sommes dues au titre des cautionnements

M. [N] soutient que le paiement partiel de la dette par un codébiteur solidaire présente un effet extinctif à l'égard de tous.

Il fait valoir que son cofidéjusseur a procédé au remboursement de la dette par différents virements de 600 euros et que la somme restant due s'élève à 10165,51 euros au total selon décompte de la banque en date du 3 février 2025 soit 3978 au titre du cautionnement du compte courant, 4375,80 au titre du cautionnement du premier prêt et 1811,71 euros aui titre du cautionnement du second prêt.

Il résulte toutefois du contrat de crédit que chacune des cautions s'est engagée à cautionner la société de manière solidaire mais que les deux cautions ne se sont pas engagées solidairement entre elles.

Le contrat précise qu'en cas de pluralité de cautions lorsque chacune d'elles garantit un montant inférieur à celui du crédit, comme c'est le cas en l'espèce, elles garantissent chacune une fraction distincte du crédit à hauteur de leur engagement et ne s'engageant pas solidairement entre elles, les montants de leurs engagements s'ajoutent entre eux.

Ainsi le prêt d'un montant de 62000 euros a été cautionné à hauteur de 30999,60 euros et le second prêt à hauteur de 9999,60 euros.

Néanmoins la SA Banque CIC Nord Ouest a déclaré au passif de la société débitrice ses créances et ne peut obtenir davantage des cautions qui ne peuvent également être tenues au-delà de leur engagement.

Il convient en conséquence de tenir compte des sommes restant dues du fait des règlements intervenus mais il n'y a pas lieu de limiter les sommes dues par M. [N] aux sommes restant dues par M. [I] dans la limite de son cautionnement.

Au regard du décompte en date du 3 février 2025 il reste dû au titre du solde du compte courant la somme de 4313,49 euros, au titre du prêt d'un montant de 62000 euros la somme de 33312,05 euros et au titre du second prêt la somme de 6364,18 euros.

Il convient en conséquence de condamner M. [N] dans la limite de ses engagements de caution à payer à la SA Banque CIC Nord Ouest les sommes de :

- au titre du solde du compte courant 4313,49 euros

- au titre du prêt de 62000 euros 15499,80 euros

- au titre du prêt de 20000 euros 4230,07 euros conformément à la demande

le tout avec intérêts au taux conventionnel à compter du 4 février 2025.

Sur les délais de paiement

M. [N] indique qu'il se trouve encore dans une situation extrèmement tendue dès lors qu'il a divorcé en 2022, a été licencié pour motif économique également en 2022 et doit désormais assumer des charges locatives et parvient tout juste à stabiliser sa vie professionnelle et personnelle.

La SA Banque CIC Nord Ouest s'oppose à la demande de délais dès lors que M. [N] ne justifie pas de sa situation financière.

En application de l'article 1343-5 du code civil le juge peut compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier vreporter ou échelonner dans la limite de deux années le paiement des sommes dues .

M. [N] ne justifiant pas de sa situation financière actuelle et ayant de fait déjà bénéficié de larges délais sera débouté de sa demande.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il convient de confirmer le jugement entrepris sur ces chefs et y ajoutant de condamner M. [N] aux entiers dépens d'appel et à payer à la SA Banque CIC Nord Ouest la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,

Confirme le jugement entrepris excepté sur le quantum des condamnations ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ,

Déboute M. [H] [N] de ses demandes tendant à voir constater l'inopposabilité de ses engagements de caution, à voir prononcer la nullité de son engagement de caution du 10 décembre 2020, et de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement du manquement à l'obligation de mise en garde ;

Condamne M. [H] [N] à payer à la SA Banque CIC Nord Ouest les sommes de :

- au titre du solde du compte courant 4313,49 euros

- au titre du prêt de 62000 euros 15499,80 euros

- au titre du prêt de 20000 euros 4230,07 euros

le tout avec intérêts au taux conventionnel à compter du 4 février 2025.

Déboute M. [H] [N] de sa demande de délais ;

Condamne M. [H] [N] aux entiers dépens d'appel ;

Condamne M. [H] [N] à payer à la SA Banque CIC Nord Ouest la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés à hauteur d'appel.

La Greffière, La Présidente,

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