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CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 26 novembre 2025, n° 25/00505

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/00505

26 novembre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2025

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/00505 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CKSXB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Novembre 2024 - Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2024049091

APPELANTS

M. [O] [Y]

Né le [Date naissance 4] 1957 à [Localité 15] (92)

[Adresse 5]

[Localité 9]

M. [Z] [X]

De nationalité française

Né le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 13] (92)

[Adresse 1]

[Localité 12]

Représentés par Me Marie-Hélène DUJARDIN, avocate au barreau de PARIS, toque : D2153

Assistés par Me Caroline BORIS de l'AARPI C3C, avocate au barreau de PARIS, toque : P0138

INTIMÉES

S.E.L.A.R.L. AXYME en la personne de Maître [C] [S], mandataire judiciaire, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société SPF DISTRIBUTION

[Adresse 7]

[Localité 8]

Immatriculée au RCS de [Localité 16] sous le numéro 830 793 972

Assignation à personne conformément aux dispositions de l'article 654 du code de procédure civile. Non constituée (signification de la déclaration d'appel en date du 19 mars 2025)

S.A.R.L. SPF DISTRIBUTION prise en la personne de son représentant légal en exercice Monsieur [W] [J]

[Adresse 11]

[Localité 10]

Immatriculée au RCS de [Localité 16] sous le numéro 751 755 125

Assignation à personne conformément aux dispositions de l'article 654 du code de procédure civile. Non constituée (signification de la déclaration d'appel en date du 20 mars 2025)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Novembre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Raoul CARBONARO, Président de chambre

Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère

Caroline TABOUROT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA

ARRÊT :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Raoul CARBONARO, président, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

Suivant acte sous seing privé du 14 janvier 2010 Madame [V] [P] [R] a donné à bail à la société SODIREM, les locaux sis dont s'agit situés au rez-de-chaussée de l'immeuble [Adresse 2] à [Localité 14] (92).

Le 21 septembre 2012, la SARL SODIREM a cédé à SPF Distribution le fonds de commerce auquel le bail susvisé.

Selon exploit introductif d'instance du 04 avril 2017, Madame [R] représentée par son mandataire Foncia Colbert assignait la Société SPF Distribution devant le tribunal judiciaire de Nanterre en acquisition de la clause résolutoire, pour défaut des loyers.

Par ordonnance de référé du 13 novembre 2017, le Président du tribunal constatait que les conditions de l'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies, condamnait la Société SPF Distribution au paiement d'un arriéré locatif de 28.445,898 €, suspendait toutefois les effets de la clause résolutoire autorisant la preneuse à bail à se libérer en 12 acomptes mensuels de 2.370,49 € et dit qu'à défaut de règlement d'un seul acompte ou d'un seul loyer courants à échéance l'intégralité de la dette serait immédiatement exigible et la clause résolutoire produirait son plein et entier effet.

La société SPF Distribution ne relevait pas appel, mais arguant d'erreur sur les décomptes établis par le mandataire de Madame [R] [V] Veuve [P] l'assignait afin de voir prononcer la nullité du commandement de payer du 04 avril 2017, la nullité du commandement d'avoir à quitter les lieux et sa condamnation au paiement d'une somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts.

Madame [V] [R] est décédée le [Date décès 6] 2019 et est désormais représentée par ses ayants droit Messieurs [Z] [X] et [O] [Y] qui sont désormais propriétaires indivis des locaux.

Par jugement du 16 février 2023, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire, avec une date de cessation des paiements au 2 juin 2022, à l'égard de la société SPF Distribution et a désigné Maître [S] comme liquidateur.

Le 23 mai 2024, Messieurs [Z] [X] et [O] [Y] ont déposé une requête en relevé de forclusion aux fins de pouvoir déclarer leur créance.

Par ordonnance du 11 juillet 2024, le Juge commissaire a rejeté la demande en relevé de forclusion de Messieurs [Z] [X] et [O] [Y] la considérant comme tardive.

Par jugement du 19 novembre 2024, par le tribunal de commerce de Paris a confirmé l'ordonnance du juge commissaire et :

' « DIT que Monsieur [Z] [X] et Monsieur [O] [Y] recevables mais mal fondés en leurs recours ;

' CONFIRME l'ordonnance du juge commissaire du 11 juillet 2024 statuant sur la demande de relevé de forclusion ;

' DEBOUTE les demandeurs de l'intégralité de leurs demandes ;

' DIT que les dépens de la présente instance, liquidés à la somme de 139,14 euros dont TVA 23,19 euros seront à la charge des demandeurs ».

Par déclaration du 17 décembre 2024, Messieurs [Z] [X] et [O] [Y] ont interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées et notifiées par RPVA le 13 mars 2025, Monsieur [Z] [X] demande à la cour de :

INFIRMER le jugement du 19 novembre 2024 en ce qu'il a :

« DIT que Monsieur [Z] [X] et Monsieur [O] [Y] recevables mais mal fondés en leurs recours ;

CONFIRME l'ordonnance du juge commissaire du 11 juillet 2024 statuant sur la demande de relevé de forclusion ;

DEBOUTE les demandeurs de l'intégralité de leurs demandes ;

DIT que les dépens de la présente instance, liquidés à la somme de 139,14 euros dont TVA 23,19 euros seront à la charge des demandeurs ».

STATUANT de nouveau :

LES RELEVER de la forclusion encourue ;

LES AUTORISER à déclarer leur créance au passif ;

ORDONNER qu'elle soit admise, à titre chirographaire, au passif de la société SPF DISTRIBUTION pour la somme de 152.255,64 euros ainsi que les intérêts de retard au taux légal pour mémoire.

Par conclusions déposées et notifiées par RPVA le 13 mars 2025, Monsieur [O] [Y] demande à la cour de :

INFIRMER le jugement du 19 novembre 2024 en ce qu'il a :

« DIT que Monsieur [Z] [X] et Monsieur [O] [Y] recevables mais mal fondés en leurs recours ;

CONFIRME l'ordonnance du juge commissaire du 11 juillet 2024 statuant sur la demande de relevé de forclusion ;

DEBOUTE les demandeurs de l'intégralité de leurs demandes ;

DIT que les dépens de la présente instance, liquidés à la somme de 139,14 euros dont TVA 23,19 euros seront à la charge des demandeurs ».

STATUANT de nouveau :

Relever Messieurs [Z] [X] et [O] [Y] de la forclusion encourue ;

LES AUTORISER à déclarer leur créance au passif ;

ORDONNER qu'elle soit admise, à titre chirographaire, au passif de la société SPF Distribution pour la somme de 152.255,64 euros ainsi que les intérêts de retard au taux légal pour mémoire.

La société SPF Distribution n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 octobre 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Monsieur [Y] soutient que le gérant de la société SPF Distribution était en faillite personnelle et qu'il n'a pas été informé des jugements rendus les 16 février et 14 décembre 2023 par le tribunal de commerce de Paris constatant l'état de cessation des paiements de la SARL SPF Distribution et prononçant la liquidation judiciaire de celle-ci. Ce n'est qu'à l'occasion de la procédure initiée par la société SPF Distribution de contestation du décompte et pendante devant le tribunal judiciaire, qu'il a eu connaissance de la liquidation par le médiateur désigné. Il souligne qu'à aucun moment, il n'a été invité à déclarer sa créance après ces jugements déclaratifs et n'a commis aucune erreur en ne recherchant pas l'existence de la procédure collective dont fait l'objet la SARL SPF Distribution. Il considère ainsi que la société SPF Distribution a volontairement omis de mentionner Messieurs [Z] [X] et [O] [Y] avec lesquels une procédure est en cours dans la liste des créanciers au titre de l'ordonnance du 13 novembre 2017, aucune décision l'invalidant n'ayant été rendue depuis. Il en conclut qu'il ressort incontestablement des faits de la cause que l'absence de déclaration de leur créance par Messieurs [Z] [X] et [O] [Y] en leur qualité de bailleurs, dans le délai légal, résulte d'une abstention volontaire du dirigeant de la débitrice ou d'une omission mais certes pas des appelants.

Monsieur [X] soulève le fait que le gérant de la société SPF Distribution, Monsieur [J] était en faillite personnelle depuis le 21 février 2022 et qu'il a « omis » d'indiquer que sa société était en liquidation pendant l'instance, laissant ainsi rendre une ordonnance du juge de la mise en état le 7 novembre 2023 pour une médiation. Il n'a appris l'existence de la présente procédure collective qu'au cours de la médiation. Dans ces conditions, l'absence de déclaration de leur créance, en leur qualité de bailleurs, dans le délai légal, qui résulte d'une abstention volontaire du dirigeant de la débitrice n'est manifestement pas due à leur fait. Il soutient que depuis le 16 février 2023, date de la liquidation judiciaire, Maître [S] aurait dû les prévenir et ne pas laisser le tribunal judiciaire de Nanterre travailler inutilement, laissant rendre notamment une ordonnance de médiation, à laquelle Monsieur [J] et son conseil ont participé, sans même indiquer que ce dernier était en faillite personnelle.

SUR CE,

Aux termes de l'article L.622-26 du code de commerce, à défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande.

(...)

L'action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le délai de six mois. Ce délai court à compter de la publication du jugement d'ouverture ou, pour les institutions mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail, de l'expiration du délai pendant lequel les créances résultant du contrat de travail sont garanties par ces institutions. Pour les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié, il court à compter de la réception de l'avis qui leur est donné. Par exception, si le créancier justifie avoir été placé dans l'impossibilité de connaître l'obligation du débiteur avant l'expiration du délai de six mois, le délai court à compter de la date à laquelle il est établi qu'il ne pouvait ignorer l'existence de sa créance.

L'expiration du délai de relevé de forclusion enlève au juge-commissaire le pouvoir de se prononcer sur la demande.

Il a également été jugé que la fraude du débiteur n'a pas pour effet d'interrompre ou de suspendre le délai (Cass. com., 26 octobre 1999, n097-13-238).

En l'espèce, le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation de la société SPF Distribution est du 16 février 2023, publié au BODACC le 5 mars 2023.

Messieurs [Z] [X] et [O] [Y] avaient 2 mois à compter de la publication au BODACC pour déclarer leur créance et 6 mois pour exercer une action en relevé de forclusion.

Aucune déclaration n'a été faite dans le délai de 2 mois.

La requête en relevé de forclusion devait être présentée dans les 6 mois de la publication au BODACC soit avant le 5 septembre 2023. Or, Messieurs [Z] [X] et [O] [Y] ont déposé une requête le 23 mai 2024.

Il est cependant prévu que le point de départ du délai de forclusion puisse être décalé à la date à laquelle il est établi que le créancier, qui justifie avoir été placé dans l'impossibilité de connaître l'obligation du débiteur avant l'expiration du délai de six mois précité, ne pouvait ignorer l'existence de sa créance.

La jurisprudence considère que le décalage de ce point de départ du délai de forclusion ne peut profiter à un créancier qui connaît l'existence de sa créance, fait qui peut être rapporté lorsque le créancier a envoyé à son débiteur des mises en demeure. Egalement, le fait d'ignorer le montant exact de la créance ne peut être assimilé au fait d'ignorer l'existence de sa créance.

Or, comme l'a justement indiqué le tribunal de commerce, préalablement à la liquidation judiciaire de leur locataire, il est établi que la société SPF Distribution ne payait plus ses loyers et charges et que de ce fait, le tribunal judiciaire de Nanterre a prononcé l'acquisition de la clause résolutoire du bail au préjudice de SPF Distribution, le 13 novembre 2017. Egalement, les bailleurs ont pu récupérer les locaux et chiffrer la remise en état dès 2019 puisqu'il est acquis que leur locataire a abandonné les locaux au mois de juillet 2019. Plus encore, Messieurs [Z] [X] et [O] [Y] estiment que la société SPF Distribution est redevable au titre de loyers impayés selon un décompte de janvier 2021(souligné par la cour) à hauteur de 90 955,64 euros, d'indemnités d'occupation pour 46 300,00 euros, ainsi que des frais de remise en état des locaux évalués à 15 000,00 euros, soit une somme totale s'élevant à 152 255,64 euros.

Il en résulte qu'ils ne peuvent bénéficier du décalage du point de départ du délai de forclusion puisqu'ils n'étaient pas placés dans l'impossibilité de connaître l'existence de leur créance avant l'expiration du délai de l'action de six mois. Et s'ils font valoir qu'ils n'ont appris que de manière fortuite l'existence de la procédure de la liquidation judiciaire de leur locataire, ce moyen est inopérant puisqu'il ne répond pas à la condition de l'article L. 622-26 précité. En outre, il convient d'ajouter que ce n'est pas au mandataire liquidateur d'informer personnellement les créanciers qu'il ne connaît pas, puisque lors de la liquidation judiciaire, la société débitrice n'était pas dans les lieux.

L'expiration du délai de relevé de forclusion enlève à la cour le pouvoir de se prononcer sur la demande.

La demande de Messieurs [Z] [X] et [O] [Y] est par conséquent irrecevable, car hors délai.

Il y a lieu de confirmer le jugement, par substitution de motifs.

Les dépens seront à la charge de Messieurs [Z] [X] et [O] [Y].

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Confirme le jugement du 19 novembre 2024 ;

- Condamne Messieurs [Z] [X] et [O] [Y] au paiement des entiers dépens.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

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