CA Paris, Pôle 1 - ch. 11, 26 novembre 2025, n° 25/06534
PARIS
Autre
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile
ORDONNANCE DU 26 NOVEMBRE 2025
(1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/06534 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CMJ4D
Décision déférée : ordonnance rendue le 23 novembre 2025, à 15h07, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris
Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Marie Bounaix, greffière aux débats et au prononcé de l'ordonnance,
APPELANT :
M. [Z] [W] [D]
né le 04 mars 1996 à [Localité 1], de nationalité sénégalaise
RETENU au centre de rétention : [Localité 2] 1
assisté de Me Joëlle Soussan avocat de permanence, avocat au barreau de Paris
INTIMÉ :
LE PREFET DE POLICE
représenté par Me Ludivine Floret pour le cabinet Adam-Caumeil, avocat au barreau de Paris
MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience
ORDONNANCE :
- contradictoire
- prononcée en audience publique
- Vu l'ordonnance du 23 novembre 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris rejetant l'exception de nullité soulevée, déclarant recevable la requête en contestation de la légalité du placement en rétention, ordonnons la jonction deux procédures, rejetant la requête en contestation de la décision du placement en rétention et ordonnant la prolongation du maintien de M. [Z] [W] [D] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée maximale de vingt six jours, soit jusqu'au 19 décembre 2025 ;
- Vu l'appel motivé interjeté le 24 novembre 2025, à 14h57, par M. [Z] [W] [D] ;
- Vu les conclusions et pièces versées par M. [Z] [W] [D] le 25 novembre 2025 à 13h31 et à 13h35 ;
- Après avoir entendu les observations :
- de M. [Z] [W] [D], assisté de son avocat, qui demande l'infirmation de l'ordonnance ;
- du conseil du préfet de police tendant à la confirmation de l'ordonnance ;
SUR QUOI,
Monsieur [Z] [W] [D], né le 04 mars 1996 à [Localité 1] (Sénégal), a été placé en rétention par arrêté préfectoral en date du 19 novembre 2025, sur la base d'un arrêté préfectoral portant OQTF en date du 08 janvier 2025, notifié le 29 janvier 2025.
Par ordonnance en date du 23 novembre 2025, le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de [Localité 2] a rejeté la requête en contestation de l'arrêté de placement en rétention et fait droit à la requête de la préfecture aux fins de prolongation de la mesure de rétention.
Monsieur [Z] [W] [D] a interjeté appel, il sollicite l'infirmation de la décision en soulevant les moyens suivants :
- l'irrégularité du contrôle d'identité ayant précédé son placement en rétention et le caractère déloyal de son interpellation,
- l'irrégularité d'un avis au procureur de la République de son placement en rétention antérieur au placement effectif,
- l'annulation de l'arrêté de placement en rétention en raison d'un défaut de motivation.
Sur ce,
Sur le contrôle d'identité
Il appartient au juge judiciaire, en sa qualité de gardien de la liberté individuelle, de se prononcer sur les irrégularités, invoquées par l'étranger, affectant les procédures préalables à la notification de la décision de placement en rétention. (2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.002, Bull. 1995, II, n° 221, 2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.006, Bull. 1995, II, n° 212, 2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.005, Bull., 1995, II, n° 211).
Aux termes de l'article L. 743-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.
L'article 78-2 du code de procédure pénale énonce que « Les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1° peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner :
- qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ;
- ou qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit ;
- ou qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas de crime ou de délit;
- ou qu'elle a violé les obligations ou interdictions auxquelles elle est soumise dans le cadre d'un contrôle judiciaire, d'une mesure d'assignation à résidence avec surveillance électronique, d'une peine ou d'une mesure suivie par le juge de l'application des peines ;
- ou qu'elle fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.
Sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d'infractions qu'il précise, l'identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d'identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.
L'identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens.»
L'article 78-2-2 du même code énonce que :
« I.- Sur réquisitions écrites du procureur de la République, dans les lieux et pour la période de temps que ce magistrat détermine et qui ne peut excéder vingt-quatre heures, renouvelables sur décision expresse et motivée selon la même procédure, les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux 1°, 1° bis et 1° ter de l'article 21 du présent code, peuvent procéder aux contrôles d'identité prévus au septième alinéa de l'article 78-2, aux fins de recherche et de poursuite des infractions suivantes :
1° Actes de terrorisme mentionnés aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal ;
2° Infractions en matière de prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs mentionnées aux 1° et 2° du I de l'article L. 1333-9, à l'article L. 1333-11, au II des articles L. 1333-13-3 et L. 1333-13-4 et aux articles L. 1333-13-5, L. 2339-14, L. 2339-15, L. 2341-1, L. 2341-2, L. 2341-4, L. 2342-59 et L. 2342-60 du code de la défense ;
3° Infractions en matière d'armes mentionnées à l'article 222-54 du code pénal et à l'article L. 317-8 du code de la sécurité intérieure ;
4° Infractions en matière d'explosifs mentionnés à l'article 322-11-1 du code pénal et à l'article L. 2353-4 du code de la défense ;
5° Infractions de vol mentionnées aux articles 311-3 à 311-11 du code pénal ;
6° Infractions de recel mentionnées aux articles 321-1 et 321-2 du même code ;
7° Faits de trafic de stupéfiants mentionnés aux articles 222-34 à 222-38 dudit code.»
Par décision en date du 24 janvier 2017 le Conseil constitutionnel, dans un considérant 23 a émis la réserve suivante : « En second lieu, il ressort des dispositions contestées que les réquisitions du procureur de la République ne peuvent viser que des lieux et des périodes de temps déterminés. Ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître la liberté d'aller et de venir, autoriser le procureur de la République à retenir des lieux et périodes sans lien avec la recherche des infractions visées dans ses réquisitions. Elles ne sauraient non plus autoriser, en particulier par un cumul de réquisitions portant sur des lieux ou des périodes différents, la pratique de contrôles d'identité généralisés dans le temps ou dans l'espace. »
Il s'en déduit que les réquisitions doivent permettre d'établir, soit par leur seule lecture, soit par le renvoi à une demande annexée, l'effectivité du lien entre le lieu du contrôle et les infractions visées, par exemple en listant un certain nombre de faits constatés sur une période donnée.
En l'espèce, Monsieur [Z] [W] [D] a été contrôlé sur réquisitions du procureur de la République. Les réquisitions sont produites et y est annexée la demande de la préfecture de police ce qui permet d'établir l'effectivité du lien entre le lieu du contrôle et les infractions visées. Le contrôle est donc régulier et dénué de toute déloyauté.
Sur l'avis au procureur de la République du placement en rétention
Il ressort de l'article L.741-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que « Le procureur de la République est informé immédiatement de tout placement en rétention.»
Le juge doit rechercher à quel moment le procureur de la République a été informé du placement en rétention administrative, pour que la Cour de cassation puisse exercer son contrôle (2e Civ., 9 janvier 2003, pourvoi n° 01- 50.065, Bull. 2003, II, n°2 , 2e Civ., 27 mars 2003, pourvoi n° 01 50.086, Bull. 2003, II, n°80).
Si l'avis au procureur peut être implicite et se déduire, par exemple, du fait que le procès-verbal de notification de l'arrêté de maintien dans des locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire mentionne que les fonctionnaires de police agissent sur instructions de ce procureur (2e Civ., 4 novembre 2004, pourvoi n° 04-50.021), le juge doit pouvoir s'assurer à la lecture des éléments du dossier qu'il a été fait de façon réelle et effective.
L'absence d'avis au procureur de la République porte atteinte aux droits de la personne en rétention administrative. Ce défaut d'information conduit à ce que la procédure soit entachée d'une nullité d'ordre public, sans que l'étranger qui l'invoque ait à démontrer l'existence d'un grief. (Civ1. 14 octobre 2020, n°19-15.197).
Aucune disposition n'interdit un avis anticipé du placement en rétention.
En l'espèce, le placement en rétention a eu lieu à 11h50 le 19 novembre 2025 et le procureur de la République a été informé à 11h39. Il n'en résulte ni irrégularité ni atteinte aux droits de Monsieur [Z] [W] [D].
Sur la contestation de l'arrêté de placement en rétention
L'article L.741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que « L'étranger qui fait l'objet d'une décision de placement en rétention peut la contester devant le magistrat du siège du tribunal judiciaire, dans un délai de quatre jours à compter de sa notification.
Il est statué suivant la procédure prévue aux articles L. 743-3 à L. 743-18. ».
En application de l'article L.741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile « L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente. »
Par ailleurs, l'article L.741-3 du même code prévoit que « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet. »
Enfin, l'article L. 741-4 énonce que « La décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger.
Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention. »
Le préfet n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'intéressé dès lors que les motifs positifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention. Il y a lieu de se placer à la date à laquelle le préfet a statué pour procéder à l'examen de la légalité de l'arrêté de placement en rétention.
En l'espèce, l'arrêté de placement en rétention est motivé par une menace à l'ordre public visant une condamnation du 31 octobre 2023 ; la soustraction à une précédente OQTF en date du 08 janvier 2025, l'absence de justification d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation, ajoutant que Monsieur [Z] [W] [D] ne réunit pas les conditions d'une assignation à résidence administrative.
Or, il ressort des pièces du dossier que la préfecture de police a elle-même assigné à résidence Monsieur [Z] [W] [D] depuis le 02 juillet 2025, à une adresse donc connue et établie, qui demeure la même. Elle ne démontre pas que cette assignation à résidence n'aurait pas été respectée, Monsieur [Z] [W] [D] faisant la preuve, au contraire, de ce qu'il se rend régulièrement aux convocations lui étant délivrées. Il est donc inexact d'affirmer que les conditions d'une assignation à résidence ne sont pas respectées.
Au surplus, sur al soustraction à l'OQTF du 08 janvier 2025, la préfecture ne peut ignorer que Monsieur [Z] [W] [D] était soumis à une assignation à résidence, décidée par elle-même, et elle ne prouve pas qu'elle aurait tenté d'exécuter en vain cette obligation et que l'intéressé s'y serait soustrait.
Enfin, sur la menace à l'ordre public, la cour observe qu'il ressort de la décision du juge d'application des peines en date du 04 octobre 2024, que cette condamnation est l'unique ayant été prononcée à l'encontre de Monsieur [Z] [W] [D]; qu'elle est relativement ancienne (31 octobre 2023) ; que dans le cadre de son suivi il a bénéficié d'un aménagement de peine au regard de ses garanties de représentation et d'insertion (travail dans le bâtiment depuis septembre 2023), de sorte que la menace à l'ordre public n'est pas établie.
Dans ces conditions, l'arrêté de placement en rétention apparaît insuffisamment motivé.
Sur les conséquences d'un défaut de motivation
L'article R.741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que la contestation de l'arrêté de placement en rétention consiste en une contestation de la régularité de la décision.
Le Tribunal des conflits a rappelé que la compétence pour contrôler la régularité d'un acte administratif entraînait la compétence pour annuler cet acte (cf. TC 9 décembre 2019, N° C4174, à propos des soins psychiatriques).
Enfin, il convient de préciser que le juge judiciaire, chargé d'appliquer les dispositions de la loi interne et du droit de l'Union, a l'obligation d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire (Civ1, 7 octobre 2015, pourvoi n°14-20.370).
Dans ces conditions, et au regard du défaut de motivation établi, il convient d'annuler l'arrêté de placement en rétention pris à l'encontre de Monsieur [Z] [W] [D] le 19 novembre 2025.
PAR CES MOTIFS
INFIRMONS l'ordonnance,
STATUANT À NOUVEAU,
ANNULONS l'arrêté de placement en rétention,
REJETONS la requête du préfet,
DISONS n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de M. [Z] [W] [D],
RAPPELONS à l'intéressé qu'il a l'obligation de quitter le territoire français,
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.
Fait à [Localité 2] le 26 novembre 2025 à
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Le préfet ou son représentant L'intéressé L'avocat de l'intéressé
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile
ORDONNANCE DU 26 NOVEMBRE 2025
(1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/06534 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CMJ4D
Décision déférée : ordonnance rendue le 23 novembre 2025, à 15h07, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris
Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Marie Bounaix, greffière aux débats et au prononcé de l'ordonnance,
APPELANT :
M. [Z] [W] [D]
né le 04 mars 1996 à [Localité 1], de nationalité sénégalaise
RETENU au centre de rétention : [Localité 2] 1
assisté de Me Joëlle Soussan avocat de permanence, avocat au barreau de Paris
INTIMÉ :
LE PREFET DE POLICE
représenté par Me Ludivine Floret pour le cabinet Adam-Caumeil, avocat au barreau de Paris
MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience
ORDONNANCE :
- contradictoire
- prononcée en audience publique
- Vu l'ordonnance du 23 novembre 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris rejetant l'exception de nullité soulevée, déclarant recevable la requête en contestation de la légalité du placement en rétention, ordonnons la jonction deux procédures, rejetant la requête en contestation de la décision du placement en rétention et ordonnant la prolongation du maintien de M. [Z] [W] [D] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée maximale de vingt six jours, soit jusqu'au 19 décembre 2025 ;
- Vu l'appel motivé interjeté le 24 novembre 2025, à 14h57, par M. [Z] [W] [D] ;
- Vu les conclusions et pièces versées par M. [Z] [W] [D] le 25 novembre 2025 à 13h31 et à 13h35 ;
- Après avoir entendu les observations :
- de M. [Z] [W] [D], assisté de son avocat, qui demande l'infirmation de l'ordonnance ;
- du conseil du préfet de police tendant à la confirmation de l'ordonnance ;
SUR QUOI,
Monsieur [Z] [W] [D], né le 04 mars 1996 à [Localité 1] (Sénégal), a été placé en rétention par arrêté préfectoral en date du 19 novembre 2025, sur la base d'un arrêté préfectoral portant OQTF en date du 08 janvier 2025, notifié le 29 janvier 2025.
Par ordonnance en date du 23 novembre 2025, le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de [Localité 2] a rejeté la requête en contestation de l'arrêté de placement en rétention et fait droit à la requête de la préfecture aux fins de prolongation de la mesure de rétention.
Monsieur [Z] [W] [D] a interjeté appel, il sollicite l'infirmation de la décision en soulevant les moyens suivants :
- l'irrégularité du contrôle d'identité ayant précédé son placement en rétention et le caractère déloyal de son interpellation,
- l'irrégularité d'un avis au procureur de la République de son placement en rétention antérieur au placement effectif,
- l'annulation de l'arrêté de placement en rétention en raison d'un défaut de motivation.
Sur ce,
Sur le contrôle d'identité
Il appartient au juge judiciaire, en sa qualité de gardien de la liberté individuelle, de se prononcer sur les irrégularités, invoquées par l'étranger, affectant les procédures préalables à la notification de la décision de placement en rétention. (2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.002, Bull. 1995, II, n° 221, 2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.006, Bull. 1995, II, n° 212, 2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.005, Bull., 1995, II, n° 211).
Aux termes de l'article L. 743-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.
L'article 78-2 du code de procédure pénale énonce que « Les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1° peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner :
- qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ;
- ou qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit ;
- ou qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas de crime ou de délit;
- ou qu'elle a violé les obligations ou interdictions auxquelles elle est soumise dans le cadre d'un contrôle judiciaire, d'une mesure d'assignation à résidence avec surveillance électronique, d'une peine ou d'une mesure suivie par le juge de l'application des peines ;
- ou qu'elle fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.
Sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d'infractions qu'il précise, l'identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d'identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.
L'identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens.»
L'article 78-2-2 du même code énonce que :
« I.- Sur réquisitions écrites du procureur de la République, dans les lieux et pour la période de temps que ce magistrat détermine et qui ne peut excéder vingt-quatre heures, renouvelables sur décision expresse et motivée selon la même procédure, les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux 1°, 1° bis et 1° ter de l'article 21 du présent code, peuvent procéder aux contrôles d'identité prévus au septième alinéa de l'article 78-2, aux fins de recherche et de poursuite des infractions suivantes :
1° Actes de terrorisme mentionnés aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal ;
2° Infractions en matière de prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs mentionnées aux 1° et 2° du I de l'article L. 1333-9, à l'article L. 1333-11, au II des articles L. 1333-13-3 et L. 1333-13-4 et aux articles L. 1333-13-5, L. 2339-14, L. 2339-15, L. 2341-1, L. 2341-2, L. 2341-4, L. 2342-59 et L. 2342-60 du code de la défense ;
3° Infractions en matière d'armes mentionnées à l'article 222-54 du code pénal et à l'article L. 317-8 du code de la sécurité intérieure ;
4° Infractions en matière d'explosifs mentionnés à l'article 322-11-1 du code pénal et à l'article L. 2353-4 du code de la défense ;
5° Infractions de vol mentionnées aux articles 311-3 à 311-11 du code pénal ;
6° Infractions de recel mentionnées aux articles 321-1 et 321-2 du même code ;
7° Faits de trafic de stupéfiants mentionnés aux articles 222-34 à 222-38 dudit code.»
Par décision en date du 24 janvier 2017 le Conseil constitutionnel, dans un considérant 23 a émis la réserve suivante : « En second lieu, il ressort des dispositions contestées que les réquisitions du procureur de la République ne peuvent viser que des lieux et des périodes de temps déterminés. Ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître la liberté d'aller et de venir, autoriser le procureur de la République à retenir des lieux et périodes sans lien avec la recherche des infractions visées dans ses réquisitions. Elles ne sauraient non plus autoriser, en particulier par un cumul de réquisitions portant sur des lieux ou des périodes différents, la pratique de contrôles d'identité généralisés dans le temps ou dans l'espace. »
Il s'en déduit que les réquisitions doivent permettre d'établir, soit par leur seule lecture, soit par le renvoi à une demande annexée, l'effectivité du lien entre le lieu du contrôle et les infractions visées, par exemple en listant un certain nombre de faits constatés sur une période donnée.
En l'espèce, Monsieur [Z] [W] [D] a été contrôlé sur réquisitions du procureur de la République. Les réquisitions sont produites et y est annexée la demande de la préfecture de police ce qui permet d'établir l'effectivité du lien entre le lieu du contrôle et les infractions visées. Le contrôle est donc régulier et dénué de toute déloyauté.
Sur l'avis au procureur de la République du placement en rétention
Il ressort de l'article L.741-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que « Le procureur de la République est informé immédiatement de tout placement en rétention.»
Le juge doit rechercher à quel moment le procureur de la République a été informé du placement en rétention administrative, pour que la Cour de cassation puisse exercer son contrôle (2e Civ., 9 janvier 2003, pourvoi n° 01- 50.065, Bull. 2003, II, n°2 , 2e Civ., 27 mars 2003, pourvoi n° 01 50.086, Bull. 2003, II, n°80).
Si l'avis au procureur peut être implicite et se déduire, par exemple, du fait que le procès-verbal de notification de l'arrêté de maintien dans des locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire mentionne que les fonctionnaires de police agissent sur instructions de ce procureur (2e Civ., 4 novembre 2004, pourvoi n° 04-50.021), le juge doit pouvoir s'assurer à la lecture des éléments du dossier qu'il a été fait de façon réelle et effective.
L'absence d'avis au procureur de la République porte atteinte aux droits de la personne en rétention administrative. Ce défaut d'information conduit à ce que la procédure soit entachée d'une nullité d'ordre public, sans que l'étranger qui l'invoque ait à démontrer l'existence d'un grief. (Civ1. 14 octobre 2020, n°19-15.197).
Aucune disposition n'interdit un avis anticipé du placement en rétention.
En l'espèce, le placement en rétention a eu lieu à 11h50 le 19 novembre 2025 et le procureur de la République a été informé à 11h39. Il n'en résulte ni irrégularité ni atteinte aux droits de Monsieur [Z] [W] [D].
Sur la contestation de l'arrêté de placement en rétention
L'article L.741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que « L'étranger qui fait l'objet d'une décision de placement en rétention peut la contester devant le magistrat du siège du tribunal judiciaire, dans un délai de quatre jours à compter de sa notification.
Il est statué suivant la procédure prévue aux articles L. 743-3 à L. 743-18. ».
En application de l'article L.741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile « L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente. »
Par ailleurs, l'article L.741-3 du même code prévoit que « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet. »
Enfin, l'article L. 741-4 énonce que « La décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger.
Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention. »
Le préfet n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'intéressé dès lors que les motifs positifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention. Il y a lieu de se placer à la date à laquelle le préfet a statué pour procéder à l'examen de la légalité de l'arrêté de placement en rétention.
En l'espèce, l'arrêté de placement en rétention est motivé par une menace à l'ordre public visant une condamnation du 31 octobre 2023 ; la soustraction à une précédente OQTF en date du 08 janvier 2025, l'absence de justification d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation, ajoutant que Monsieur [Z] [W] [D] ne réunit pas les conditions d'une assignation à résidence administrative.
Or, il ressort des pièces du dossier que la préfecture de police a elle-même assigné à résidence Monsieur [Z] [W] [D] depuis le 02 juillet 2025, à une adresse donc connue et établie, qui demeure la même. Elle ne démontre pas que cette assignation à résidence n'aurait pas été respectée, Monsieur [Z] [W] [D] faisant la preuve, au contraire, de ce qu'il se rend régulièrement aux convocations lui étant délivrées. Il est donc inexact d'affirmer que les conditions d'une assignation à résidence ne sont pas respectées.
Au surplus, sur al soustraction à l'OQTF du 08 janvier 2025, la préfecture ne peut ignorer que Monsieur [Z] [W] [D] était soumis à une assignation à résidence, décidée par elle-même, et elle ne prouve pas qu'elle aurait tenté d'exécuter en vain cette obligation et que l'intéressé s'y serait soustrait.
Enfin, sur la menace à l'ordre public, la cour observe qu'il ressort de la décision du juge d'application des peines en date du 04 octobre 2024, que cette condamnation est l'unique ayant été prononcée à l'encontre de Monsieur [Z] [W] [D]; qu'elle est relativement ancienne (31 octobre 2023) ; que dans le cadre de son suivi il a bénéficié d'un aménagement de peine au regard de ses garanties de représentation et d'insertion (travail dans le bâtiment depuis septembre 2023), de sorte que la menace à l'ordre public n'est pas établie.
Dans ces conditions, l'arrêté de placement en rétention apparaît insuffisamment motivé.
Sur les conséquences d'un défaut de motivation
L'article R.741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que la contestation de l'arrêté de placement en rétention consiste en une contestation de la régularité de la décision.
Le Tribunal des conflits a rappelé que la compétence pour contrôler la régularité d'un acte administratif entraînait la compétence pour annuler cet acte (cf. TC 9 décembre 2019, N° C4174, à propos des soins psychiatriques).
Enfin, il convient de préciser que le juge judiciaire, chargé d'appliquer les dispositions de la loi interne et du droit de l'Union, a l'obligation d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire (Civ1, 7 octobre 2015, pourvoi n°14-20.370).
Dans ces conditions, et au regard du défaut de motivation établi, il convient d'annuler l'arrêté de placement en rétention pris à l'encontre de Monsieur [Z] [W] [D] le 19 novembre 2025.
PAR CES MOTIFS
INFIRMONS l'ordonnance,
STATUANT À NOUVEAU,
ANNULONS l'arrêté de placement en rétention,
REJETONS la requête du préfet,
DISONS n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de M. [Z] [W] [D],
RAPPELONS à l'intéressé qu'il a l'obligation de quitter le territoire français,
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.
Fait à [Localité 2] le 26 novembre 2025 à
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Le préfet ou son représentant L'intéressé L'avocat de l'intéressé