CA Versailles, ch. soc. 4-2, 26 novembre 2025, n° 23/00357
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 26 NOVEMBRE 2025
N° RG 23/00357
N° Portalis DBV3-V-B7H-VVLH
AFFAIRE :
[X] [F]
C/
Société ELIOR SERVICES FM
Décision déférée à la cour : Jugement rendu
le 16 Septembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
N° Section : AD
N° RG : F 21/01203
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Manon HEC
Me Guillaume ROLAND
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de VERSAILLES a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [X] [F]
né le 29 Décembre 1965 à IRAN
nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Manon HEC, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 346
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 786460022022010575 du 30/12/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 9])
APPELANT
****************
Société ELIOR SERVICES FM
N° SIRET : 391 322 831 RCS [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Guillaume ROLAND de la SCP Herald anciennement Granrut, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0014
Substitué à l'audience par Maître Julie PLEUVRET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P0014
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 Octobre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Présidente,
Madame Laure TOUTENU, Conseillère,
Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,
Greffière en préaffectation lors des débats : Meriem EL FAQIR,
Greffière lors du prononcé : Madame Isabelle FIORE
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [F] a été engagé par la société FMC ' First Maintenance Company, devenue Elior Services FM, en qualité d'hôte d'accueil standardiste, niveau 1, coefficient 120, par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à hauteur de 32 heures par semaine, à effet du 25 août 2011.
Cette société est spécialisée dans l'externalisation de l'accueil et autres prestations associées. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 50 salariés.
La relation contractuelle était régie par la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.
M. [F] a été désigné membre du comité d'hygiène, de la sécurité et des conditions de travail (CHSCT) à compter de mai 2013, puis a été élu délégué du personnel le 7 mai 2015 pour une durée de deux ans.
M. [F] a fait l'objet de deux avertissements le 25 avril et le 11 décembre 2014 en raison de problèmes de comportements et manquements à ses obligations légales et contractuelles.
M. [F] a été placé en arrêt de travail du 27 au 30 janvier 2015.
Le salarié a déclaré un accident corporel subi le 15 juillet 2015 sous forme de malaise suite à un conflit au travail et a déposé une main courante le 28 juillet 2015 pour diverses nuisances.
Par un avenant à son contrat de travail du 1er août 2015, la durée du travail de M. [F] est passée à temps plein à compter du 1er août 2015.
Le 3 août 2015, M. [F] s'est vu notifier une mise à pied disciplinaire de deux jours en raison d'un comportement menaçant.
Le 28 octobre 2015, M. [F] a déposé une seconde main courante, se plaignant que M. [G], responsable évènementiel lui a hurlé dessus et mentionnant un arrêt de travail du 27 au 30 octobre 2015.
Par lettre du 11 mai 2018, M. [F] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 22 mai 2018.
M. [F] a été licencié par lettre du 6 juin 2018 pour faute grave dans les termes suivants :
« Vous avez été convoqué à un entretien préalable à sanction disciplinaire pouvant entrainer un licenciement, le mardi 22 Mai 2018 à 13h00, au sein de nos locaux situés au [Adresse 3], auquel vous vous êtes présenté accompagné de Mr [Z] [A], représentant du personnel.
En effet, vous occupez les fonctions d'hôte d'accueil / Standardiste au sein du site de la mairie d'[Localité 6] depuis le 15/01/2018.
Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements et constitutifs d'une faute grave.
Nous avons constaté les faits suivants :
Concernant votre attitude :
Le 10 Avril 2018
' Nous avons été informés de votre comportement non professionnel et de vos propos inappropriés lors d'un échange avec notre interlocuteur client :
En effet lorsque Mr [T] s'étonne que vous ne débarrassiez pas le pot du Maire, comme convenu dans le cadre de notre prestation, vous répondez « Ce n'est pas mon travail, débarrasser et faire la vaisselle est un métier pour les femmes »
Le ler Mai 2018
' Notre client nous signale de nouveau votre refus de réaliser certaines missions et notamment le débarrassage des tasses, verres et thermos.
Lors de notre entretien, vous niez avoir tenu de tels propos mais indiquez qu'effectivement vous refusez de débarrasser la vaisselle afin de la mettre dans le lave-vaisselle. Vous indiquez que cela n'est pas dans votre contrat ni dans votre fiche de poste.
Le 27 Avril 2018
' Vous sollicitez de nouveau votre responsable hiérarchique pour réclamez le paiement d'heures supplémentaires. Cela fait suite à de multiples explications de la part de cette dernière. Car en effet, vos horaires (planning) et votre durée de travail n'excèdent pas 35 heures hebdomadaires prévues dans votre contrat de travail.
Lors de notre entretien vous finissez par admettre qu'effectivement vous ne réalisez pas d'heures supplémentaires.
Concernant le respect des procédures :
Depuis le 1er Mai 2018
' Nous constatons un défaut de pointage lors de la prise et la fin de poste.
Sur ce point vous indiquez qu'un problème technique, depuis cette date, vous empêche de réaliser le pointage correctement. Le serveur vous indiquant « pointage Hors délai ».
Le 14 Mai 2018
' Lors de la venue sur site de la personne en charge du contrôle qualité, nous constatons de nouveau que vous n'avez pas signé le protocole en place depuis l'ouverture de votre site d'affectation. Cela malgré les demandes de votre responsable hiérarchique en date du 9 Janvier 2018 et 14 Mars 2018.
Vous confirmez que ce protocole, plan de prévention et charte qualité n'étaient toujours pas signés à la date de notre entretien. Vous indiquez également ne pas avoir eu connaissance de ce protocole avant le 14 Mai 2018 puis vous expliquez de manière contradictoire que vous ne souhaitez pas le signer car vous n'avez pas pris connaissance en totalité des documents qui le compose. Puis vous dévoilez finalement que vous avez lu le protocole mais que vous ne l'avez pas signé.
Le 24 Avril 2018
' Vous avez fait parvenir à votre responsable hiérarchique une demande de congés payés pour la période allant du 7 au 18 Mai 2018.
Votre responsable vous a clairement indiqué par retour d'email, notre impossibilité de vous accorder ces congés pour une raison d'organisation (délai trop court ne permettant pas de vous remplacer). Elle vous a également indiqué la possibilité de report de ces jours à compter de la prochaine période (soit à partir du mois de juin 2018).
Le 3 Mai 2018
' Vous nous faites de nouveau parvenir une nouvelle demande de congés payés pour les 7 et 9 Mai 2018. Vous indiquez par ailleurs, que vous avez déjà réservé votre moyen de transport ainsi que votre logement pour cette période et ne souhaitez donc pas subir de préjudice en cas d'annulation.
Demande à laquelle votre responsable a répondu de manière négative étant donné le délai (moins de 2 jours ouvrés). Refus dont vous n'avez aucunement tenu compte. Etant donné que vous ne vous êtes pas présenté à votre poste de travail le 7 et 9 Mai 201.
Le 7 Mai 2018
' Vous ne vous êtes pas présenté sur votre poste de travail.
' Votre responsable hiérarchique reçoit un email de votre collègue de travail indiquant que vous vous êtes arrangés pour que celle-ci réalise une journée sans pause de 7h00 à 19h00 afin d'assurer la prestation sur votre site d'affectation. Cette organisation n'a aucunement été validée par votre hiérarchie. Celle-ci a été mise sur le fait accompli le jour même par connaissance de votre arrangement à cette date.
Lors de notre entretien vous reconnaissez ces faits.
Concernant ce dernier point, vous avez parfaitement connaissance des procédures en place au sein de l'entreprise depuis votre embauche. Vous avez opéré de manière délibérée et en cachette de votre hiérarchie jusqu'à ce que votre collègue nous informe de vos écarts de comportements respectifs.
Nous vous rappelons les termes de l'article 6 : « Les sorties pendant les heures de travail doivent être exceptionnelles et faire l'objet, sauf cas de force majeure, d'une autorisation de la direction ou du supérieur hiérarchique. »
Et en son article 7 : « Le personnel doit effectuer personnellement le travail qui lui est confié. Il lui est interdit de faire effectuer son travail par toute autre personne appartenant ou non au personnel de l'entreprise ou de travailler à un autre poste que le sien, sans autorisation de son supérieur hiérarchique. »
Par ailleurs et concernant l'ensemble des faits évoqués précédemment, nous vous rappelons une nouvelle fois que les termes les termes de l'article 7 du règlement intérieur applicable au sein de notre société précisent : « ...] dans l'exécution de son travail, le personnel est tenu de respecter les instructions de ses supérieurs hiérarchiques /.... »
Vous n'êtes pas sans savoir que vous devez respecter les procédures et consignes de travail du site sur lequel vous êtes affectée. Cette attitude est non professionnelle et ne respecte pas les instructions sur le sujet.
Nous sommes particulièrement choqués d'un tel comportement de votre part. Ces agissements sont inacceptables et remettent en cause la relation de confiance existante avec votre supérieur hiérarchique. Par ailleurs ces manquements fragilisent la qualité du service que nous devons rendre à notre client ainsi que la pérennité du contrat commercial.
En raison des manquements graves et répétés dans l'exécution de votre contrat de travail évoqués précédemment, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité [']. »
Par lettre du 27 juin 2018, M. [F] a contesté son licenciement.
Contestant son licenciement, par requête du 24 décembre 2018, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de voir condamner son employeur à lui payer la somme de 11 200 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.
Par jugement du 16 septembre 2022, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section activités diverses) a :
. Condamné la société Elior Services FM a à payer à M. [F] les sommes suivantes :
- 2 868,75 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 3 200 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 320 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- 52,50 euros au titre de sa prime d'assiduité du mois de mai 2018,
- 140 euros correspondant aux tickets-restaurant du mois de février 2017,
- 271,55 euros au titre des heures supplémentaires,
- 27,15 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente,
. Condamné la société Elior Services FM à payer à M. [F] la somme de 950 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
. Débouté M. [F] du surplus de ses demandes,
. Débouté la société Elior Services FM de sa demande reconventionnelle,
. Condamné la société Elior Services FM aux entiers dépens.
Par déclaration par voie électronique du 6 février 2023, M. [F] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 10 septembre 2025.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [F] demande à la cour de :
. Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a condamné la société Elior Services FM à payer à M. [F] les sommes suivantes :
- 2 868,75 euros à titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 3 200 euros au titre de l'indemnité compensatrice préavis,
- 320 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- 52,50 euros au titre de sa prime d'assiduité du mois de mai 2018, 140 euros correspondant aux tickets-restaurant du mois de février 2017,
- 271,55 euros au titre des heures supplémentaires,
- 27,15 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente,
. Infirmer le jugement en ce qu'il a :
- Débouté M. [F] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Débouté M. [F] de sa demande de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis,
- Limité le quantum des sommes allouées au titre de l'article 700 à la somme de 950 euros,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
. Juger que le licenciement de M. [F] est nul en raison de la violation des libertés fondamentales du salarié que sont sa liberté d'expression et sa liberté contractuelle,
En conséquence,
. Condamner la société Elior Services FM à verser à M. [F] une indemnité pour licenciement nul de 18 700 euros nets,
A titre subsidiaire,
. Juger que le licenciement de M. [F] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
. Condamner la société Elior Services FM à verser à M. [F] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
A titre principal,
. Juger que doit être écarté le plafonnement prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'organisation internationale du travail et le droit au procès équitable,
. Condamner en conséquence la société Elior Services FM à verser à M. [F] la somme de 18 700 nets de contribution sociale généralisée et de contribution au emboursement de la dette sociale et de charges sociales à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
A titre subsidiaire, en cas d'application du plafond,
. Condamner la société Elior Services FM à verser à M. [F] une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail (plafonnée) à hauteur de 12 400 euros bruts,
En tout état de cause
. Condamner la société Elior Services FM à verser à M. [F] des dommages-intérêts au titre de la discrimination subie à hauteur de 15 000 euros,
. Condamner la société Elior Services FM à payer à M. [F] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (frais de première instance),
. Condamner la société Elior Services FM à payer à Me [E] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (frais d'appel),
. Fixer la moyenne des salaires mensuels de M. [F] à la somme de 1 562,20 euros,
. Assortir ces sommes des intérêts à taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,
. Condamner la société Elior Services FM aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution de la décision à intervenir,
. Débouter la société de l'ensemble de ses demandes.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 juillet 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Elior Services FM demande à la cour de :
. Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 16 septembre 2022 en ce qu'il a :
- Débouté M. [F] de sa demande de 11 200 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Débouté M. [F] de sa demande de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,
. Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 16 septembre 2022 sur le surplus de ses dispositions, en ce qu'il a condamné la société Elior Services FM à verser :
- 2 868,75 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 3 200 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 320 euros au titre des congés payés afférents,
- 52,50 euros au titre de la prime d'assiduité,
- 140 euros correspondant aux tickets-restaurant du mois de février 2017,
- 271,55 euros à titre d'heures supplémentaires, outre 27,15 euros au titre des heures supplémentaires,
- 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
. Dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. [F] est fondé,
. Débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
. Condamner M. [F] à payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
. Condamner M. [F] aux entiers dépens.
MOTIFS
A titre liminaire la cour constate que le salarié, qui n'invoque pas la qualité de salarié protégé, demande, en tout état de cause, la condamnation de l'employeur à lui payer des dommages-intérêts au titre de la discrimination syndicale subie, demande nouvelle en cause d'appel dont l'employeur ne conteste pas la recevabilité.
Par ailleurs, le salarié ne demandait pas la nullité de son licenciement devant le conseil de prud'hommes, demande nouvellement formée en appel dont la recevabilité n'est pas contestée par l'employeur. Enfin, le salarié ne sollicite pas la nullité du licenciement sur le fondement de la discrimination syndicale.
Sur la discrimination syndicale
En application des dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales.
Aux termes de l'article L. 2141-5 alinéa 1 du code du travail, « Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail. »
En application de l'article L. 1134-1 du code du travail, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En l'espèce, le salarié invoque une discrimination en raison de ses activités syndicales.
Il présente les éléments suivants :
« une réaction à un courrier collectif » :
A l'appui de ce fait, le salarié produit aux débats :
. une lettre collective du 21 août 2014 de l'équipe d'accueil de la Cité de l'architecture et du patrimoine à l'attention du directeur des opérations, copie à l'inspection du travail, demandant que la paie soit réglée ponctuellement, que les tickets restaurant soient mieux vérifiés et livrés de façon diligente, que les heures supplémentaires soient mieux contrôlées et réglées,
. les témoignages précis et concordants de trois anciens collègues : Mme [S], adjointe aux ressources humaines, du 22 novembre 2015, Mme [N], enseignante, du 15 décembre 2015, M. [D], documentaliste, du 20 novembre 2015, relatant des pressions de la direction à l'encontre de l'équipe pour obtenir leur rétractation et isolant M. [F] du reste de l'équipe,
. un tract intersyndical relatant des man'uvres d'intimidation et de chantage sur certains collègues, des personnes en contrat à durée déterminée ayant été menacées du non-renouvellement de leur contrat, outre une lettre ouverte intersyndicale du 28 novembre 2014 à l'attention du directeur des opérations, copie à l'inspection du travail, dénonçant des pressions, la direction ayant « réussi à retourner contre lui certains de ses collègues » après l'envoi de la lettre collective.
Ce fait est donc établi.
- « Des sanctions injustifiées » : deux avertissements le 25 avril et le 11 décembre 2014 et une mise à pied disciplinaire le 3 août 2015. Le salarié produit un compte-rendu d'entretien du 31 mars 2014, une lettre d'avertissement du 25 avril 2014 lui reprochant d'être arrivé en retard de 30 minutes le 17 mars 2014 et d'avoir créé un conflit avec la chef d'équipe, une lettre de contestation du 29 mai 2014, le salarié expliquant lors de l'entretien qu'il était en réunion CHSCT et qu'il avait posé un temps d'heure de délégation.
. la lettre de contestation du 10 janvier 2015 après avertissement du 11 décembre 2014 suite à un différend avec une collègue Mme [J] qui l'a agressé verbalement le 5 octobre 2014 devant un visiteur, le salarié relevant que Mme [J] n'a pas été convoquée et n'a pas fait l'objet d'un avertissement. Le salarié produit, en outre, aux débats une convocation à entretien préalable du 22 juillet 2015, une mise à pied disciplinaire du 3 août 2015, une déclaration d'accident le 15 juillet 2015 ainsi qu'une main courante du 28 juillet 2015. Le salarié explique qu'il a été victime et non responsable d'une altercation avec sa responsable et Mme [H] et qu'il s'est présenté au poste d'infirmerie après avoir fait un malaise.
Ces faits doivent donc être retenus puisqu'établis.
- « La déduction injustifiée d'1h15 de travail en février 2015 » : le salarié présente sa lettre de réclamation du 9 avril 2015 où il explique s'être trouvé le 22 février 2015 à l'infirmerie en raison d'un malaise résultant d'un conflit avec sa chef d'équipe ce qui a donné lieu à une retenue indue sur son salaire d'1h15. Ce fait doit être considéré comme établi.
- « Une humiliation subie par Mme [H] et Mme [U] » : le salarié produit une déclaration de main courante du 28 juillet 2015 dans laquelle il relate un entretien le 15 juillet 2015 dans le hall du musée avant sa prise de poste, sa responsable ayant soutenu la chef d'équipe, ce qui lui a créé un malaise. Ce fait doit donc être retenu puisqu'établi.
- « Une main courante en octobre 2015 » : le salarié produit une déclaration de main courante du 28 octobre 2015 dans laquelle il relate une discussion le 27 octobre 2015 avec la responsable et la chef d'équipe ainsi que l'arrivée de M. [B], responsable évènementiel, qui lui a hurlé dessus. Ce fait est donc établi.
- « Une désinformation lors de son changement d'affectation en janvier 2016 » : le salarié indique que son affectation à la Cité de l'architecture et du patrimoine a pris fin le 1er janvier 2016, qu'il a ensuite été affecté sur le site de Bramer à [Localité 7]. Le salarié produit des échanges montrant des difficultés de communication entre les parties sur la nouvelle affectation située à près de 2 heures de son domicile. Ainsi, l'employeur reproche au salarié une absence injustifiée au salarié du 5 au 19 janvier 2016, sans en justifier, et l'a convoqué à un entretien préalable pouvant aller jusqu'au licenciement le 22 janvier 2016 pour un entretien fixé le 2 février 2016. Cet entretien n'a finalement débouché sur aucune sanction. Ce fait doit donc être retenu puisqu'établi.
Ainsi, le salarié établit plusieurs éléments de fait, qui pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte en raison de ses activités syndicales.
Sur la réaction au courrier collectif, l'employeur ne produit pas d'observations, se contentant de critiquer les attestations produites par le salarié. Toutefois, la cour considère que ces attestations sont précises et concordantes et que le salarié a subi une mise à l'écart à l'initiative de sa hiérarchie après avoir été à l'origine de ce courrier.
Sur des sanctions injustifiées : l'employeur produit un rapport d'incident sur les faits du 17 mars 2014, M. [L] déclarant qu'il relatait la réunion accueil CHSCT qui venait d'avoir lieu à la chef d'équipe et que le salarié est venu écouter et s'est énervé. L'employeur ne produit pas d'autre élément à l'appui de la lettre d'avertissement du 11 décembre 2014. L'employeur verse aux débats un rapport d'incident de Mme [H], les attestations de M. [O] du 19 juillet 2015, M. [L] du 16 juillet 2015, M. [R] du 16 juillet 2015 faisant part d'un énervement et de paroles fortes du salarié suite à un problème de pause, ce que Mme [H] a reconnu, précisant que le 12 juillet 2015, un imprévu et la fermeture des caisses l'avaient amenée à oublier de donner une pause facultative de 5 à 10 minutes au salarié.
Sur la déduction injustifiée d'1h15 de travail en février 2015 : l'employeur confirme que le salarié est passé à l'infirmerie pour un malaise, précisant que ce malaise est indéterminé.
Sur les mains courantes, l'employeur indique qu'il s'agit de preuves que le salarié se constitue pour lui-même, sans plus d'éléments.
Sur le changement d'affectation en janvier 2016 : l'employeur ne produit pas d'éléments.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'employeur ne démontre pas que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination syndicale.
Il y a donc lieu de considérer que le salarié a été victime de discrimination en raison de ses activités syndicales.
Le salarié justifie de la dégradation de son état de santé psychologique par la production d'un certificat médical du docteur [K], médecin généraliste du 27 janvier 2015 et d'un arrêt de travail d'une semaine du 27 janvier 2015 en lien avec ses conditions de travail.
Il convient d'allouer à M. [F] une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral résultant de la dégradation de sa santé psychologique en lien avec la discrimination syndicale subie.
Ajoutant au jugement, la société Elior Services FM sera, par conséquent, condamnée à payer à M. [F] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination en raison de ses activités syndicales.
Sur la validité du licenciement et ses conséquences
Au motif d'une atteinte à la liberté d'expression
Le salarié considère qu'il a été licencié en partie pour avoir exercé sa liberté d'expression, en sollicitant le paiement d'heures supplémentaires et en formulant une demande de congés tardivement. Il rappelle que la liberté d'expression a été érigée en liberté fondamentale, et que le licenciement d'un salarié fondé, même partiellement, sur l'exercice de sa liberté d'expression est nul en l'absence d'abus.
L'employeur fait valoir que les courriers litigieux adressés par le salarié consistent d'une part, en une demande de paiement d'heures supplémentaires, d'autre part, en une demande de prise de congés payés, qu'il ne s'agit que d'une communication normale entre un salarié et son employeur qui n'exprime aucune opinion ou critique de l'exercice du pouvoir de direction, et que ces correspondances ne peuvent bénéficier des garanties liées à la liberté d'expression, qu'ainsi le licenciement ne saurait donc être frappé de nullité.
**
Sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression.
Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l'exercice, par le salarié, de sa liberté d'expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement (Soc., 29 juin 2022, n°20-16.060, publié).
En l'espèce, il ressort de l'analyse des deux griefs de la lettre de licenciement invoqués par le salarié au soutien de sa demande au titre de la liberté d'expression, que l'employeur ne reproche pas au salarié d'exprimer une opinion au titre des heures supplémentaires ou des congés payés, mais d'avoir formulé des demandes dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, de caractère technique, l'employeur considérant que ces demandes sont injustifiées. Par conséquent, il n'est pas établi que le licenciement du salarié ait été prononcé, même en partie en raison de l'exercice par ce dernier de sa liberté d'expression. La nullité de son licenciement n'est donc pas encourue à ce titre et il doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul.
Au motif d'une atteinte à la liberté contractuelle
Le salarié soutient que sa liberté contractuelle a été bafouée puisque son employeur a considéré qu'il était obligé de signer le protocole d'accueil du site d'[Localité 6]. Il rappelle que le Conseil constitutionnel a érigé la liberté contractuelle en liberté constitutionnelle et demande à la cour d'ériger la liberté contractuelle en liberté fondamentale.
L'employeur dénie toute violation de la liberté contractuelle du salarié, considérant qu'il était en droit d'exiger la signature du salarié du protocole d'accueil élaboré en concertation avec la mairie d'[Localité 6], cette signature ayant pour but d'accuser bonne réception de ce document et de certifier que le salarié en a pris connaissance.
En l'espèce, la violation invoquée d'une liberté contractuelle ne constitue pas un motif de nullité du licenciement prononcé, à défaut pour la liberté contractuelle d'avoir été érigée en liberté fondamentale. La nullité du licenciement du salarié n'est donc pas encourue à ce titre et il doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul.
Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences
Il résulte des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et implique son éviction immédiate.
La preuve de la faute grave incombe à l'employeur.
Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, 'tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.
Il est motivé par une cause réelle et sérieuse'.
Sur le bien-fondé du licenciement, si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.
La lettre de licenciement énonce en substance les griefs suivants:
Le 10 avril 2018 : un comportement non professionnel et des propos inappropriés avec un client. L'employeur reproche au salarié d'avoir violemment répondu à M. [T], directeur au sein de la mairie d'[Localité 6], pour exprimer son refus de réaliser des tâches qui lui étaient demandées. Le salarié expose avoir refusé de débarrasser le pot du maire le 10 avril 2018, ces tâches n'entrant pas dans ses missions en tant qu'hôte d'accueil. S'il ressort du dossier que l'hôtel de ville d'[Localité 6] a demandé à la société Elior Services la mise en place d'un protocole d'accueil, le salarié ne l'a pas signé et a constamment refusé d'effectuer certaines tâches comme débarrasser et nettoyer les tables suite à un évènement, a demandé à son employeur une autre affectation en ligne avec les tâches d'hôte d'accueil de son contrat de travail. En outre, l'employeur ne verse aux débats aucun élément étayant des propos inappropriés. Par conséquent, ce grief doit être considéré comme non établi et sera écarté.
Le 1er mai 2018 : le refus de réaliser notamment le débarrassage des tasses, verres et thermos. L'employeur produit un courriel de M. [T] du 7 mai 2018 faisant état de refus d'exécution de missions par le salarié, tout particulièrement, du nettoyage des tasses verres et thermos de façon générale. Or, ce refus est assumé par le salarié qui fait valoir, à juste titre, que ces tâches n'entrent pas dans la fiche de poste habituelle d'un hôte d'accueil et qu'il n'a pas signé le protocole d'accueil élaboré avec la mairie d'[Localité 6]. Il s'en déduit que ce refus du salarié n'est pas fautif. Le grief doit donc être écarté.
Le 27 avril 2018 : une demande en paiement d'heures supplémentaires. L'employeur reproche au salarié cette demande considérant qu'il n'effectue pas d'heures supplémentaires. Cependant, le salarié a la faculté de formuler une demande auprès de son employeur en paiement d'heures supplémentaires qu'il considère avoir accomplies, sans que cela constitue un acte fautif. En outre, au vu des développements qui suivent, cette demande est justifiée. Ce grief ne peut donc être retenu, n'étant pas établi.
Le 1er mai 2018 : un défaut de pointage lors de la prise et fin de poste. L'employeur reproche au salarié de ne pas avoir respecté cette obligation de pointage à compter du 1er mai 2018 ce qui est reconnu par ce dernier. Il réfute toute défaillance du système de pointage comme invoqué par le salarié, ce dernier ne l'ayant pas informé d'un prétendu dysfonctionnement. Le salarié indique qu'il ne pouvait pas pointer en raison de problèmes techniques, sans en justifier et sans rapporter la preuve qu'il a averti son employeur de ces difficultés alléguées. Ce grief doit être considéré comme établi.
Le 14 mai 2018 : l'absence de signature du protocole du site d'affectation malgré plusieurs demandes. Le salarié reconnaît ne pas avoir signé ledit protocole. Toutefois, ce protocole comprenant des tâches qui ne sont pas habituellement incluse dans les missions d'un hôte d'accueil, le refus du salarié ne peut être considéré comme fautif. Ce grief ne peut donc être retenu puisque non-établi.
Le 24 avril 2018 : une demande de congés payés pour la période du 7 au 18 mai 2018. L'employeur reproche au salarié d'avoir déposé tardivement le 24 avril 2018 cette demande de congés. Cependant, le fait de formuler une demande de congés deux semaines avant la date initiale des congés sollicités n'est pas en soit fautif, l'employeur ayant le pouvoir d'accepter ou de refuser cette demande. Ce grief doit donc être écarté.
Le 3 mai 2018 : une nouvelle demande de congés payés pour la période du 7 au 9 mai 2018. De même, le fait pour le salarié de formuler une nouvelle demande de congés quelques jours avant la date souhaitée n'est pas en soit fautif, l'employeur ayant le pouvoir d'accepter ou de refuser cette demande. Ce grief doit donc être écarté.
Le 7 mai 2018 : une absence injustifiée. L'employeur reproche au salarié de ne pas s'être présenté à son poste de travail le 7 mai 2018. Le salarié invoque un arrangement avec sa collègue de travail pour se faire remplacer, cependant, il ne justifie pas d'une autorisation de sa hiérarchie pour cette organisation. Ce grief est donc établi.
Ainsi, au vu d'une absence de pointage du salarié depuis le 1er mai 2018 et d'une absence injustifiée le 7 mai 2018, l'employeur ne rapporte pas la preuve que le salarié a commis une faute grave qui empêchait la poursuite de la relation de travail. Cependant, ces griefs caractérisent une faute simple, soit une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Ainsi, le licenciement du salarié étant fondé sur une cause réelle et sérieuse de licenciement, ce dernier doit, par voie de confirmation, être débouté de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le salarié justifiant de plus de huit mois d'ancienneté a droit à une indemnité légale de licenciement d'un quart de mois de salaire brut par année d'ancienneté qu'il convient de fixer à la somme de 2 868,75 euros bruts, quantum non contesté par la société intimée.
En vertu de l'article 19 de la convention collective applicable, le salarié justifiant de plus de deux ans d'ancienneté a droit à une indemnité compensatrice de préavis équivalent à deux mois de salaire d'un montant de 3 200 euros bruts, outre 320 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ces points.
Sur les heures supplémentaires de février à mai 2018
Le salarié indique avoir réalisé des heures supplémentaires suivant le planning de la société qui ne lui ont pas été réglées. Il fait valoir que l'employeur ne justifie pas avoir organisé son travail sur une période de deux semaines comme allégué, en l'absence d'accord collectif en ce sens. Il ajoute que l'employeur ne produit pas d'élément de nature à justifier les horaires qu'il a effectivement réalisés. Il précise que le décompte du temps de travail s'effectue de manière hebdomadaire et non de manière mensuelle et qu'il ne pouvait théoriquement pas travailler le samedi après-midi selon les règles de la société.
L'employeur expose que le temps de travail du salarié à hauteur de 35 heures par semaine était réparti alternativement sur une petite semaines de cinq jours travaillés du lundi au vendredi et sur une grande semaine de six jours travaillés du lundi au samedi, que la durée de travail de 35 heures par semaine était obtenue sur une moyenne de deux semaines successives, selon le planning et le protocole d'accueil. Il précise qu'il était souvent nécessaire d'ajouter des heures de travail le samedi après-midi afin de garantir que le temps de travail du salarié ne soit pas inférieur à 151,67 heures par mois. Il en déduit que les heures additionnelles ne conduisaient pas le salarié à dépasser la durée légale de travail et ne constituaient pas des heures supplémentaires.
**
La modulation du temps de travail résultant de l'aménagement de l'organisation de la durée du travail sur deux semaines peut être mise en place après consultation du comité d'entreprise, ou, à défaut, des délégués du personnel (Cf. Soc., 6 mai 2009, pourvoi n° 07-40.235, Bull. 2009, V, n° 125).
Le contrat de travail du salarié prévoit qu'il travaille en moyenne 35 heures hebdomadaires calculées sur deux semaines consécutives : une semaine de quatre jours de 31 heures les lundis, mercredis, jeudis et vendredis et une semaine de cinq jours de 39 heures les lundis, mardis, mercredis, samedis et dimanches selon des horaires à titre informatif. Le contrat de travail précise que la répartition de ces horaires ne constitue pas un des éléments essentiels du contrat de travail et que les horaires sont déterminés en fonction du service à rendre au client et peuvent être modifié suivant un délai de prévenance de trois jours ouvrés.
Cependant, l'employeur ne justifie pas de l'existence d'un accord collectif prévoyant la possibilité de cet aménagement de la durée du travail sur deux semaines.
En l'absence d'accord collectif, l'employeur ne démontre pas avoir consulté le comité d'entreprise, ou à défaut, les délégués du personnel sur cette organisation.
En outre, l'employeur ne justifie pas avoir informé le salarié du changement de ses horaires.
Par conséquent, l'aménagement du temps de travail sur deux semaines n'étant pas conforme aux modalités d'information préalable des salariés, il est inopposable au salarié. Ce dernier est donc fondé à solliciter l'application des règles de droit commun en matière de décompte des heures supplémentaires.
**
En application notamment de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires.
Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, le salarié présente ses plannings des mois de février à mai 2018 inclus montrant qu'il travaille régulièrement une période de cinq jours du lundi au vendredi suivie d'une période de six jours du lundi au samedi.
Il considère ainsi avoir effectué les heures supplémentaires suivantes au-delà des 35 heures hebdomadaires qui ne lui ont pas été rémunérées :
3 heures en février 2018,
2h50 en mars 2018,
6 heures en avril 2018,
9h20 en mai 2018,
Soit un total de 21h10 heures.
Il revendique, après application d'un taux horaire majoré de 25%, un rappel d'heures supplémentaires d'un montant de 271,55 euros sur la période considérée.
L'employeur ne produit pas d'éléments propres de contrôle des heures effectivement travaillées par le salarié et se contente d'affirmer que des heures étaient ajoutées le samedi après-midi afin de garantir un temps de travail qui ne soit pas inférieur à 151,67 heures par mois. Toutefois, les heures de travail effectuées par le salarié doivent être décomptées sur la base d'une durée de 35 heures hebdomadaires.
Après analyse des éléments produits par l'une et l'autre des parties, la cour retient que le salarié a effectué des heures supplémentaires non rémunérées conformément aux missions qui lui étaient fixées qu'elle évalue, par voie de confirmation, à 271,55 euros de février à mai 2018, outre 27,15 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
Sur les tickets restaurant de février 2017
Le salarié soutient qu'il n'a pas perçu de tickets restaurant pour le mois de février 2017.
L'employeur ne présente pas d'observations sur ce point.
L'employeur ne justifie pas s'être acquitté des tickets restaurant dus au salarié et ne conteste pas le quantum sollicité. Ainsi, par voie de confirmation du jugement attaqué, la société Elior Services FM sera condamnée à payer à M. [F] la somme de 140 euros au titre des tickets restaurant de février 2017.
Sur la prime d'assiduité de mai 2018
Le salarié indique qu'il n'a pas été réglé de sa prime d'assiduité au titre du mois de mai 2018.
L'employeur fait valoir que le salarié était en absence injustifiée du 7 au 9 mai 2018 et qu'il n'était donc pas éligible à la prime d'assiduité.
Au regard des développements sur le licenciement qui précèdent, la cour a précédemment retenu que le salarié était en absence injustifiée le 7 mai 2018. Au vu de cette absence, les conditions d'obtention de la prime d'assiduité n'étaient pas réunies, le salarié doit donc être débouté de sa demande de prime d'assiduité pour le mois de mai 2018. Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.
Sur le cours des intérêts
Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du jugement en cas de confirmation des condamnations et du présent arrêt pour le surplus. Il n'y a pas lieu de faire courir le point de départs des intérêts à une date antérieure comme sollicité.
Sur les autres demandes
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.
La société Elior Services FM succombant à la présente instance, en supportera les dépens d'appel. Elle devra également régler à Maître [V] [E] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant, publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société Elior Services FM à payer à M. [F] la somme de 52,50 euros au titre de la prime d'assiduité en mai 2018,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :
Déboute M. [F] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul,
Déboute M. [F] de sa demande en paiement de la prime d'assiduité en mai 2018,
Condamne la société Elior Services FM à payer à M. [F] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,
Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du jugement en cas de confirmation des condamnations et du présent arrêt pour le surplus,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne la société Elior Services FM aux dépens d'appel,
Condamne la société Elior Services FM à payer à Maître [V] [E] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile en cause
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Aurélie PRACHE, Présidente et par Madame Isabelle FIORE Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 26 NOVEMBRE 2025
N° RG 23/00357
N° Portalis DBV3-V-B7H-VVLH
AFFAIRE :
[X] [F]
C/
Société ELIOR SERVICES FM
Décision déférée à la cour : Jugement rendu
le 16 Septembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
N° Section : AD
N° RG : F 21/01203
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Manon HEC
Me Guillaume ROLAND
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de VERSAILLES a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [X] [F]
né le 29 Décembre 1965 à IRAN
nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Manon HEC, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 346
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 786460022022010575 du 30/12/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 9])
APPELANT
****************
Société ELIOR SERVICES FM
N° SIRET : 391 322 831 RCS [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Guillaume ROLAND de la SCP Herald anciennement Granrut, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0014
Substitué à l'audience par Maître Julie PLEUVRET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P0014
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 Octobre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Présidente,
Madame Laure TOUTENU, Conseillère,
Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,
Greffière en préaffectation lors des débats : Meriem EL FAQIR,
Greffière lors du prononcé : Madame Isabelle FIORE
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [F] a été engagé par la société FMC ' First Maintenance Company, devenue Elior Services FM, en qualité d'hôte d'accueil standardiste, niveau 1, coefficient 120, par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à hauteur de 32 heures par semaine, à effet du 25 août 2011.
Cette société est spécialisée dans l'externalisation de l'accueil et autres prestations associées. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 50 salariés.
La relation contractuelle était régie par la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.
M. [F] a été désigné membre du comité d'hygiène, de la sécurité et des conditions de travail (CHSCT) à compter de mai 2013, puis a été élu délégué du personnel le 7 mai 2015 pour une durée de deux ans.
M. [F] a fait l'objet de deux avertissements le 25 avril et le 11 décembre 2014 en raison de problèmes de comportements et manquements à ses obligations légales et contractuelles.
M. [F] a été placé en arrêt de travail du 27 au 30 janvier 2015.
Le salarié a déclaré un accident corporel subi le 15 juillet 2015 sous forme de malaise suite à un conflit au travail et a déposé une main courante le 28 juillet 2015 pour diverses nuisances.
Par un avenant à son contrat de travail du 1er août 2015, la durée du travail de M. [F] est passée à temps plein à compter du 1er août 2015.
Le 3 août 2015, M. [F] s'est vu notifier une mise à pied disciplinaire de deux jours en raison d'un comportement menaçant.
Le 28 octobre 2015, M. [F] a déposé une seconde main courante, se plaignant que M. [G], responsable évènementiel lui a hurlé dessus et mentionnant un arrêt de travail du 27 au 30 octobre 2015.
Par lettre du 11 mai 2018, M. [F] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 22 mai 2018.
M. [F] a été licencié par lettre du 6 juin 2018 pour faute grave dans les termes suivants :
« Vous avez été convoqué à un entretien préalable à sanction disciplinaire pouvant entrainer un licenciement, le mardi 22 Mai 2018 à 13h00, au sein de nos locaux situés au [Adresse 3], auquel vous vous êtes présenté accompagné de Mr [Z] [A], représentant du personnel.
En effet, vous occupez les fonctions d'hôte d'accueil / Standardiste au sein du site de la mairie d'[Localité 6] depuis le 15/01/2018.
Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements et constitutifs d'une faute grave.
Nous avons constaté les faits suivants :
Concernant votre attitude :
Le 10 Avril 2018
' Nous avons été informés de votre comportement non professionnel et de vos propos inappropriés lors d'un échange avec notre interlocuteur client :
En effet lorsque Mr [T] s'étonne que vous ne débarrassiez pas le pot du Maire, comme convenu dans le cadre de notre prestation, vous répondez « Ce n'est pas mon travail, débarrasser et faire la vaisselle est un métier pour les femmes »
Le ler Mai 2018
' Notre client nous signale de nouveau votre refus de réaliser certaines missions et notamment le débarrassage des tasses, verres et thermos.
Lors de notre entretien, vous niez avoir tenu de tels propos mais indiquez qu'effectivement vous refusez de débarrasser la vaisselle afin de la mettre dans le lave-vaisselle. Vous indiquez que cela n'est pas dans votre contrat ni dans votre fiche de poste.
Le 27 Avril 2018
' Vous sollicitez de nouveau votre responsable hiérarchique pour réclamez le paiement d'heures supplémentaires. Cela fait suite à de multiples explications de la part de cette dernière. Car en effet, vos horaires (planning) et votre durée de travail n'excèdent pas 35 heures hebdomadaires prévues dans votre contrat de travail.
Lors de notre entretien vous finissez par admettre qu'effectivement vous ne réalisez pas d'heures supplémentaires.
Concernant le respect des procédures :
Depuis le 1er Mai 2018
' Nous constatons un défaut de pointage lors de la prise et la fin de poste.
Sur ce point vous indiquez qu'un problème technique, depuis cette date, vous empêche de réaliser le pointage correctement. Le serveur vous indiquant « pointage Hors délai ».
Le 14 Mai 2018
' Lors de la venue sur site de la personne en charge du contrôle qualité, nous constatons de nouveau que vous n'avez pas signé le protocole en place depuis l'ouverture de votre site d'affectation. Cela malgré les demandes de votre responsable hiérarchique en date du 9 Janvier 2018 et 14 Mars 2018.
Vous confirmez que ce protocole, plan de prévention et charte qualité n'étaient toujours pas signés à la date de notre entretien. Vous indiquez également ne pas avoir eu connaissance de ce protocole avant le 14 Mai 2018 puis vous expliquez de manière contradictoire que vous ne souhaitez pas le signer car vous n'avez pas pris connaissance en totalité des documents qui le compose. Puis vous dévoilez finalement que vous avez lu le protocole mais que vous ne l'avez pas signé.
Le 24 Avril 2018
' Vous avez fait parvenir à votre responsable hiérarchique une demande de congés payés pour la période allant du 7 au 18 Mai 2018.
Votre responsable vous a clairement indiqué par retour d'email, notre impossibilité de vous accorder ces congés pour une raison d'organisation (délai trop court ne permettant pas de vous remplacer). Elle vous a également indiqué la possibilité de report de ces jours à compter de la prochaine période (soit à partir du mois de juin 2018).
Le 3 Mai 2018
' Vous nous faites de nouveau parvenir une nouvelle demande de congés payés pour les 7 et 9 Mai 2018. Vous indiquez par ailleurs, que vous avez déjà réservé votre moyen de transport ainsi que votre logement pour cette période et ne souhaitez donc pas subir de préjudice en cas d'annulation.
Demande à laquelle votre responsable a répondu de manière négative étant donné le délai (moins de 2 jours ouvrés). Refus dont vous n'avez aucunement tenu compte. Etant donné que vous ne vous êtes pas présenté à votre poste de travail le 7 et 9 Mai 201.
Le 7 Mai 2018
' Vous ne vous êtes pas présenté sur votre poste de travail.
' Votre responsable hiérarchique reçoit un email de votre collègue de travail indiquant que vous vous êtes arrangés pour que celle-ci réalise une journée sans pause de 7h00 à 19h00 afin d'assurer la prestation sur votre site d'affectation. Cette organisation n'a aucunement été validée par votre hiérarchie. Celle-ci a été mise sur le fait accompli le jour même par connaissance de votre arrangement à cette date.
Lors de notre entretien vous reconnaissez ces faits.
Concernant ce dernier point, vous avez parfaitement connaissance des procédures en place au sein de l'entreprise depuis votre embauche. Vous avez opéré de manière délibérée et en cachette de votre hiérarchie jusqu'à ce que votre collègue nous informe de vos écarts de comportements respectifs.
Nous vous rappelons les termes de l'article 6 : « Les sorties pendant les heures de travail doivent être exceptionnelles et faire l'objet, sauf cas de force majeure, d'une autorisation de la direction ou du supérieur hiérarchique. »
Et en son article 7 : « Le personnel doit effectuer personnellement le travail qui lui est confié. Il lui est interdit de faire effectuer son travail par toute autre personne appartenant ou non au personnel de l'entreprise ou de travailler à un autre poste que le sien, sans autorisation de son supérieur hiérarchique. »
Par ailleurs et concernant l'ensemble des faits évoqués précédemment, nous vous rappelons une nouvelle fois que les termes les termes de l'article 7 du règlement intérieur applicable au sein de notre société précisent : « ...] dans l'exécution de son travail, le personnel est tenu de respecter les instructions de ses supérieurs hiérarchiques /.... »
Vous n'êtes pas sans savoir que vous devez respecter les procédures et consignes de travail du site sur lequel vous êtes affectée. Cette attitude est non professionnelle et ne respecte pas les instructions sur le sujet.
Nous sommes particulièrement choqués d'un tel comportement de votre part. Ces agissements sont inacceptables et remettent en cause la relation de confiance existante avec votre supérieur hiérarchique. Par ailleurs ces manquements fragilisent la qualité du service que nous devons rendre à notre client ainsi que la pérennité du contrat commercial.
En raison des manquements graves et répétés dans l'exécution de votre contrat de travail évoqués précédemment, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité [']. »
Par lettre du 27 juin 2018, M. [F] a contesté son licenciement.
Contestant son licenciement, par requête du 24 décembre 2018, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de voir condamner son employeur à lui payer la somme de 11 200 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.
Par jugement du 16 septembre 2022, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section activités diverses) a :
. Condamné la société Elior Services FM a à payer à M. [F] les sommes suivantes :
- 2 868,75 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 3 200 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 320 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- 52,50 euros au titre de sa prime d'assiduité du mois de mai 2018,
- 140 euros correspondant aux tickets-restaurant du mois de février 2017,
- 271,55 euros au titre des heures supplémentaires,
- 27,15 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente,
. Condamné la société Elior Services FM à payer à M. [F] la somme de 950 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
. Débouté M. [F] du surplus de ses demandes,
. Débouté la société Elior Services FM de sa demande reconventionnelle,
. Condamné la société Elior Services FM aux entiers dépens.
Par déclaration par voie électronique du 6 février 2023, M. [F] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 10 septembre 2025.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [F] demande à la cour de :
. Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a condamné la société Elior Services FM à payer à M. [F] les sommes suivantes :
- 2 868,75 euros à titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 3 200 euros au titre de l'indemnité compensatrice préavis,
- 320 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- 52,50 euros au titre de sa prime d'assiduité du mois de mai 2018, 140 euros correspondant aux tickets-restaurant du mois de février 2017,
- 271,55 euros au titre des heures supplémentaires,
- 27,15 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente,
. Infirmer le jugement en ce qu'il a :
- Débouté M. [F] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Débouté M. [F] de sa demande de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis,
- Limité le quantum des sommes allouées au titre de l'article 700 à la somme de 950 euros,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
. Juger que le licenciement de M. [F] est nul en raison de la violation des libertés fondamentales du salarié que sont sa liberté d'expression et sa liberté contractuelle,
En conséquence,
. Condamner la société Elior Services FM à verser à M. [F] une indemnité pour licenciement nul de 18 700 euros nets,
A titre subsidiaire,
. Juger que le licenciement de M. [F] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
. Condamner la société Elior Services FM à verser à M. [F] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
A titre principal,
. Juger que doit être écarté le plafonnement prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'organisation internationale du travail et le droit au procès équitable,
. Condamner en conséquence la société Elior Services FM à verser à M. [F] la somme de 18 700 nets de contribution sociale généralisée et de contribution au emboursement de la dette sociale et de charges sociales à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
A titre subsidiaire, en cas d'application du plafond,
. Condamner la société Elior Services FM à verser à M. [F] une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail (plafonnée) à hauteur de 12 400 euros bruts,
En tout état de cause
. Condamner la société Elior Services FM à verser à M. [F] des dommages-intérêts au titre de la discrimination subie à hauteur de 15 000 euros,
. Condamner la société Elior Services FM à payer à M. [F] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (frais de première instance),
. Condamner la société Elior Services FM à payer à Me [E] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (frais d'appel),
. Fixer la moyenne des salaires mensuels de M. [F] à la somme de 1 562,20 euros,
. Assortir ces sommes des intérêts à taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,
. Condamner la société Elior Services FM aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution de la décision à intervenir,
. Débouter la société de l'ensemble de ses demandes.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 juillet 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Elior Services FM demande à la cour de :
. Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 16 septembre 2022 en ce qu'il a :
- Débouté M. [F] de sa demande de 11 200 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Débouté M. [F] de sa demande de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,
. Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 16 septembre 2022 sur le surplus de ses dispositions, en ce qu'il a condamné la société Elior Services FM à verser :
- 2 868,75 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 3 200 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 320 euros au titre des congés payés afférents,
- 52,50 euros au titre de la prime d'assiduité,
- 140 euros correspondant aux tickets-restaurant du mois de février 2017,
- 271,55 euros à titre d'heures supplémentaires, outre 27,15 euros au titre des heures supplémentaires,
- 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
. Dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. [F] est fondé,
. Débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
. Condamner M. [F] à payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
. Condamner M. [F] aux entiers dépens.
MOTIFS
A titre liminaire la cour constate que le salarié, qui n'invoque pas la qualité de salarié protégé, demande, en tout état de cause, la condamnation de l'employeur à lui payer des dommages-intérêts au titre de la discrimination syndicale subie, demande nouvelle en cause d'appel dont l'employeur ne conteste pas la recevabilité.
Par ailleurs, le salarié ne demandait pas la nullité de son licenciement devant le conseil de prud'hommes, demande nouvellement formée en appel dont la recevabilité n'est pas contestée par l'employeur. Enfin, le salarié ne sollicite pas la nullité du licenciement sur le fondement de la discrimination syndicale.
Sur la discrimination syndicale
En application des dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales.
Aux termes de l'article L. 2141-5 alinéa 1 du code du travail, « Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail. »
En application de l'article L. 1134-1 du code du travail, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En l'espèce, le salarié invoque une discrimination en raison de ses activités syndicales.
Il présente les éléments suivants :
« une réaction à un courrier collectif » :
A l'appui de ce fait, le salarié produit aux débats :
. une lettre collective du 21 août 2014 de l'équipe d'accueil de la Cité de l'architecture et du patrimoine à l'attention du directeur des opérations, copie à l'inspection du travail, demandant que la paie soit réglée ponctuellement, que les tickets restaurant soient mieux vérifiés et livrés de façon diligente, que les heures supplémentaires soient mieux contrôlées et réglées,
. les témoignages précis et concordants de trois anciens collègues : Mme [S], adjointe aux ressources humaines, du 22 novembre 2015, Mme [N], enseignante, du 15 décembre 2015, M. [D], documentaliste, du 20 novembre 2015, relatant des pressions de la direction à l'encontre de l'équipe pour obtenir leur rétractation et isolant M. [F] du reste de l'équipe,
. un tract intersyndical relatant des man'uvres d'intimidation et de chantage sur certains collègues, des personnes en contrat à durée déterminée ayant été menacées du non-renouvellement de leur contrat, outre une lettre ouverte intersyndicale du 28 novembre 2014 à l'attention du directeur des opérations, copie à l'inspection du travail, dénonçant des pressions, la direction ayant « réussi à retourner contre lui certains de ses collègues » après l'envoi de la lettre collective.
Ce fait est donc établi.
- « Des sanctions injustifiées » : deux avertissements le 25 avril et le 11 décembre 2014 et une mise à pied disciplinaire le 3 août 2015. Le salarié produit un compte-rendu d'entretien du 31 mars 2014, une lettre d'avertissement du 25 avril 2014 lui reprochant d'être arrivé en retard de 30 minutes le 17 mars 2014 et d'avoir créé un conflit avec la chef d'équipe, une lettre de contestation du 29 mai 2014, le salarié expliquant lors de l'entretien qu'il était en réunion CHSCT et qu'il avait posé un temps d'heure de délégation.
. la lettre de contestation du 10 janvier 2015 après avertissement du 11 décembre 2014 suite à un différend avec une collègue Mme [J] qui l'a agressé verbalement le 5 octobre 2014 devant un visiteur, le salarié relevant que Mme [J] n'a pas été convoquée et n'a pas fait l'objet d'un avertissement. Le salarié produit, en outre, aux débats une convocation à entretien préalable du 22 juillet 2015, une mise à pied disciplinaire du 3 août 2015, une déclaration d'accident le 15 juillet 2015 ainsi qu'une main courante du 28 juillet 2015. Le salarié explique qu'il a été victime et non responsable d'une altercation avec sa responsable et Mme [H] et qu'il s'est présenté au poste d'infirmerie après avoir fait un malaise.
Ces faits doivent donc être retenus puisqu'établis.
- « La déduction injustifiée d'1h15 de travail en février 2015 » : le salarié présente sa lettre de réclamation du 9 avril 2015 où il explique s'être trouvé le 22 février 2015 à l'infirmerie en raison d'un malaise résultant d'un conflit avec sa chef d'équipe ce qui a donné lieu à une retenue indue sur son salaire d'1h15. Ce fait doit être considéré comme établi.
- « Une humiliation subie par Mme [H] et Mme [U] » : le salarié produit une déclaration de main courante du 28 juillet 2015 dans laquelle il relate un entretien le 15 juillet 2015 dans le hall du musée avant sa prise de poste, sa responsable ayant soutenu la chef d'équipe, ce qui lui a créé un malaise. Ce fait doit donc être retenu puisqu'établi.
- « Une main courante en octobre 2015 » : le salarié produit une déclaration de main courante du 28 octobre 2015 dans laquelle il relate une discussion le 27 octobre 2015 avec la responsable et la chef d'équipe ainsi que l'arrivée de M. [B], responsable évènementiel, qui lui a hurlé dessus. Ce fait est donc établi.
- « Une désinformation lors de son changement d'affectation en janvier 2016 » : le salarié indique que son affectation à la Cité de l'architecture et du patrimoine a pris fin le 1er janvier 2016, qu'il a ensuite été affecté sur le site de Bramer à [Localité 7]. Le salarié produit des échanges montrant des difficultés de communication entre les parties sur la nouvelle affectation située à près de 2 heures de son domicile. Ainsi, l'employeur reproche au salarié une absence injustifiée au salarié du 5 au 19 janvier 2016, sans en justifier, et l'a convoqué à un entretien préalable pouvant aller jusqu'au licenciement le 22 janvier 2016 pour un entretien fixé le 2 février 2016. Cet entretien n'a finalement débouché sur aucune sanction. Ce fait doit donc être retenu puisqu'établi.
Ainsi, le salarié établit plusieurs éléments de fait, qui pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte en raison de ses activités syndicales.
Sur la réaction au courrier collectif, l'employeur ne produit pas d'observations, se contentant de critiquer les attestations produites par le salarié. Toutefois, la cour considère que ces attestations sont précises et concordantes et que le salarié a subi une mise à l'écart à l'initiative de sa hiérarchie après avoir été à l'origine de ce courrier.
Sur des sanctions injustifiées : l'employeur produit un rapport d'incident sur les faits du 17 mars 2014, M. [L] déclarant qu'il relatait la réunion accueil CHSCT qui venait d'avoir lieu à la chef d'équipe et que le salarié est venu écouter et s'est énervé. L'employeur ne produit pas d'autre élément à l'appui de la lettre d'avertissement du 11 décembre 2014. L'employeur verse aux débats un rapport d'incident de Mme [H], les attestations de M. [O] du 19 juillet 2015, M. [L] du 16 juillet 2015, M. [R] du 16 juillet 2015 faisant part d'un énervement et de paroles fortes du salarié suite à un problème de pause, ce que Mme [H] a reconnu, précisant que le 12 juillet 2015, un imprévu et la fermeture des caisses l'avaient amenée à oublier de donner une pause facultative de 5 à 10 minutes au salarié.
Sur la déduction injustifiée d'1h15 de travail en février 2015 : l'employeur confirme que le salarié est passé à l'infirmerie pour un malaise, précisant que ce malaise est indéterminé.
Sur les mains courantes, l'employeur indique qu'il s'agit de preuves que le salarié se constitue pour lui-même, sans plus d'éléments.
Sur le changement d'affectation en janvier 2016 : l'employeur ne produit pas d'éléments.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'employeur ne démontre pas que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination syndicale.
Il y a donc lieu de considérer que le salarié a été victime de discrimination en raison de ses activités syndicales.
Le salarié justifie de la dégradation de son état de santé psychologique par la production d'un certificat médical du docteur [K], médecin généraliste du 27 janvier 2015 et d'un arrêt de travail d'une semaine du 27 janvier 2015 en lien avec ses conditions de travail.
Il convient d'allouer à M. [F] une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral résultant de la dégradation de sa santé psychologique en lien avec la discrimination syndicale subie.
Ajoutant au jugement, la société Elior Services FM sera, par conséquent, condamnée à payer à M. [F] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination en raison de ses activités syndicales.
Sur la validité du licenciement et ses conséquences
Au motif d'une atteinte à la liberté d'expression
Le salarié considère qu'il a été licencié en partie pour avoir exercé sa liberté d'expression, en sollicitant le paiement d'heures supplémentaires et en formulant une demande de congés tardivement. Il rappelle que la liberté d'expression a été érigée en liberté fondamentale, et que le licenciement d'un salarié fondé, même partiellement, sur l'exercice de sa liberté d'expression est nul en l'absence d'abus.
L'employeur fait valoir que les courriers litigieux adressés par le salarié consistent d'une part, en une demande de paiement d'heures supplémentaires, d'autre part, en une demande de prise de congés payés, qu'il ne s'agit que d'une communication normale entre un salarié et son employeur qui n'exprime aucune opinion ou critique de l'exercice du pouvoir de direction, et que ces correspondances ne peuvent bénéficier des garanties liées à la liberté d'expression, qu'ainsi le licenciement ne saurait donc être frappé de nullité.
**
Sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression.
Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l'exercice, par le salarié, de sa liberté d'expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement (Soc., 29 juin 2022, n°20-16.060, publié).
En l'espèce, il ressort de l'analyse des deux griefs de la lettre de licenciement invoqués par le salarié au soutien de sa demande au titre de la liberté d'expression, que l'employeur ne reproche pas au salarié d'exprimer une opinion au titre des heures supplémentaires ou des congés payés, mais d'avoir formulé des demandes dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, de caractère technique, l'employeur considérant que ces demandes sont injustifiées. Par conséquent, il n'est pas établi que le licenciement du salarié ait été prononcé, même en partie en raison de l'exercice par ce dernier de sa liberté d'expression. La nullité de son licenciement n'est donc pas encourue à ce titre et il doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul.
Au motif d'une atteinte à la liberté contractuelle
Le salarié soutient que sa liberté contractuelle a été bafouée puisque son employeur a considéré qu'il était obligé de signer le protocole d'accueil du site d'[Localité 6]. Il rappelle que le Conseil constitutionnel a érigé la liberté contractuelle en liberté constitutionnelle et demande à la cour d'ériger la liberté contractuelle en liberté fondamentale.
L'employeur dénie toute violation de la liberté contractuelle du salarié, considérant qu'il était en droit d'exiger la signature du salarié du protocole d'accueil élaboré en concertation avec la mairie d'[Localité 6], cette signature ayant pour but d'accuser bonne réception de ce document et de certifier que le salarié en a pris connaissance.
En l'espèce, la violation invoquée d'une liberté contractuelle ne constitue pas un motif de nullité du licenciement prononcé, à défaut pour la liberté contractuelle d'avoir été érigée en liberté fondamentale. La nullité du licenciement du salarié n'est donc pas encourue à ce titre et il doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul.
Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences
Il résulte des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et implique son éviction immédiate.
La preuve de la faute grave incombe à l'employeur.
Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, 'tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.
Il est motivé par une cause réelle et sérieuse'.
Sur le bien-fondé du licenciement, si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.
La lettre de licenciement énonce en substance les griefs suivants:
Le 10 avril 2018 : un comportement non professionnel et des propos inappropriés avec un client. L'employeur reproche au salarié d'avoir violemment répondu à M. [T], directeur au sein de la mairie d'[Localité 6], pour exprimer son refus de réaliser des tâches qui lui étaient demandées. Le salarié expose avoir refusé de débarrasser le pot du maire le 10 avril 2018, ces tâches n'entrant pas dans ses missions en tant qu'hôte d'accueil. S'il ressort du dossier que l'hôtel de ville d'[Localité 6] a demandé à la société Elior Services la mise en place d'un protocole d'accueil, le salarié ne l'a pas signé et a constamment refusé d'effectuer certaines tâches comme débarrasser et nettoyer les tables suite à un évènement, a demandé à son employeur une autre affectation en ligne avec les tâches d'hôte d'accueil de son contrat de travail. En outre, l'employeur ne verse aux débats aucun élément étayant des propos inappropriés. Par conséquent, ce grief doit être considéré comme non établi et sera écarté.
Le 1er mai 2018 : le refus de réaliser notamment le débarrassage des tasses, verres et thermos. L'employeur produit un courriel de M. [T] du 7 mai 2018 faisant état de refus d'exécution de missions par le salarié, tout particulièrement, du nettoyage des tasses verres et thermos de façon générale. Or, ce refus est assumé par le salarié qui fait valoir, à juste titre, que ces tâches n'entrent pas dans la fiche de poste habituelle d'un hôte d'accueil et qu'il n'a pas signé le protocole d'accueil élaboré avec la mairie d'[Localité 6]. Il s'en déduit que ce refus du salarié n'est pas fautif. Le grief doit donc être écarté.
Le 27 avril 2018 : une demande en paiement d'heures supplémentaires. L'employeur reproche au salarié cette demande considérant qu'il n'effectue pas d'heures supplémentaires. Cependant, le salarié a la faculté de formuler une demande auprès de son employeur en paiement d'heures supplémentaires qu'il considère avoir accomplies, sans que cela constitue un acte fautif. En outre, au vu des développements qui suivent, cette demande est justifiée. Ce grief ne peut donc être retenu, n'étant pas établi.
Le 1er mai 2018 : un défaut de pointage lors de la prise et fin de poste. L'employeur reproche au salarié de ne pas avoir respecté cette obligation de pointage à compter du 1er mai 2018 ce qui est reconnu par ce dernier. Il réfute toute défaillance du système de pointage comme invoqué par le salarié, ce dernier ne l'ayant pas informé d'un prétendu dysfonctionnement. Le salarié indique qu'il ne pouvait pas pointer en raison de problèmes techniques, sans en justifier et sans rapporter la preuve qu'il a averti son employeur de ces difficultés alléguées. Ce grief doit être considéré comme établi.
Le 14 mai 2018 : l'absence de signature du protocole du site d'affectation malgré plusieurs demandes. Le salarié reconnaît ne pas avoir signé ledit protocole. Toutefois, ce protocole comprenant des tâches qui ne sont pas habituellement incluse dans les missions d'un hôte d'accueil, le refus du salarié ne peut être considéré comme fautif. Ce grief ne peut donc être retenu puisque non-établi.
Le 24 avril 2018 : une demande de congés payés pour la période du 7 au 18 mai 2018. L'employeur reproche au salarié d'avoir déposé tardivement le 24 avril 2018 cette demande de congés. Cependant, le fait de formuler une demande de congés deux semaines avant la date initiale des congés sollicités n'est pas en soit fautif, l'employeur ayant le pouvoir d'accepter ou de refuser cette demande. Ce grief doit donc être écarté.
Le 3 mai 2018 : une nouvelle demande de congés payés pour la période du 7 au 9 mai 2018. De même, le fait pour le salarié de formuler une nouvelle demande de congés quelques jours avant la date souhaitée n'est pas en soit fautif, l'employeur ayant le pouvoir d'accepter ou de refuser cette demande. Ce grief doit donc être écarté.
Le 7 mai 2018 : une absence injustifiée. L'employeur reproche au salarié de ne pas s'être présenté à son poste de travail le 7 mai 2018. Le salarié invoque un arrangement avec sa collègue de travail pour se faire remplacer, cependant, il ne justifie pas d'une autorisation de sa hiérarchie pour cette organisation. Ce grief est donc établi.
Ainsi, au vu d'une absence de pointage du salarié depuis le 1er mai 2018 et d'une absence injustifiée le 7 mai 2018, l'employeur ne rapporte pas la preuve que le salarié a commis une faute grave qui empêchait la poursuite de la relation de travail. Cependant, ces griefs caractérisent une faute simple, soit une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Ainsi, le licenciement du salarié étant fondé sur une cause réelle et sérieuse de licenciement, ce dernier doit, par voie de confirmation, être débouté de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le salarié justifiant de plus de huit mois d'ancienneté a droit à une indemnité légale de licenciement d'un quart de mois de salaire brut par année d'ancienneté qu'il convient de fixer à la somme de 2 868,75 euros bruts, quantum non contesté par la société intimée.
En vertu de l'article 19 de la convention collective applicable, le salarié justifiant de plus de deux ans d'ancienneté a droit à une indemnité compensatrice de préavis équivalent à deux mois de salaire d'un montant de 3 200 euros bruts, outre 320 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ces points.
Sur les heures supplémentaires de février à mai 2018
Le salarié indique avoir réalisé des heures supplémentaires suivant le planning de la société qui ne lui ont pas été réglées. Il fait valoir que l'employeur ne justifie pas avoir organisé son travail sur une période de deux semaines comme allégué, en l'absence d'accord collectif en ce sens. Il ajoute que l'employeur ne produit pas d'élément de nature à justifier les horaires qu'il a effectivement réalisés. Il précise que le décompte du temps de travail s'effectue de manière hebdomadaire et non de manière mensuelle et qu'il ne pouvait théoriquement pas travailler le samedi après-midi selon les règles de la société.
L'employeur expose que le temps de travail du salarié à hauteur de 35 heures par semaine était réparti alternativement sur une petite semaines de cinq jours travaillés du lundi au vendredi et sur une grande semaine de six jours travaillés du lundi au samedi, que la durée de travail de 35 heures par semaine était obtenue sur une moyenne de deux semaines successives, selon le planning et le protocole d'accueil. Il précise qu'il était souvent nécessaire d'ajouter des heures de travail le samedi après-midi afin de garantir que le temps de travail du salarié ne soit pas inférieur à 151,67 heures par mois. Il en déduit que les heures additionnelles ne conduisaient pas le salarié à dépasser la durée légale de travail et ne constituaient pas des heures supplémentaires.
**
La modulation du temps de travail résultant de l'aménagement de l'organisation de la durée du travail sur deux semaines peut être mise en place après consultation du comité d'entreprise, ou, à défaut, des délégués du personnel (Cf. Soc., 6 mai 2009, pourvoi n° 07-40.235, Bull. 2009, V, n° 125).
Le contrat de travail du salarié prévoit qu'il travaille en moyenne 35 heures hebdomadaires calculées sur deux semaines consécutives : une semaine de quatre jours de 31 heures les lundis, mercredis, jeudis et vendredis et une semaine de cinq jours de 39 heures les lundis, mardis, mercredis, samedis et dimanches selon des horaires à titre informatif. Le contrat de travail précise que la répartition de ces horaires ne constitue pas un des éléments essentiels du contrat de travail et que les horaires sont déterminés en fonction du service à rendre au client et peuvent être modifié suivant un délai de prévenance de trois jours ouvrés.
Cependant, l'employeur ne justifie pas de l'existence d'un accord collectif prévoyant la possibilité de cet aménagement de la durée du travail sur deux semaines.
En l'absence d'accord collectif, l'employeur ne démontre pas avoir consulté le comité d'entreprise, ou à défaut, les délégués du personnel sur cette organisation.
En outre, l'employeur ne justifie pas avoir informé le salarié du changement de ses horaires.
Par conséquent, l'aménagement du temps de travail sur deux semaines n'étant pas conforme aux modalités d'information préalable des salariés, il est inopposable au salarié. Ce dernier est donc fondé à solliciter l'application des règles de droit commun en matière de décompte des heures supplémentaires.
**
En application notamment de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires.
Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, le salarié présente ses plannings des mois de février à mai 2018 inclus montrant qu'il travaille régulièrement une période de cinq jours du lundi au vendredi suivie d'une période de six jours du lundi au samedi.
Il considère ainsi avoir effectué les heures supplémentaires suivantes au-delà des 35 heures hebdomadaires qui ne lui ont pas été rémunérées :
3 heures en février 2018,
2h50 en mars 2018,
6 heures en avril 2018,
9h20 en mai 2018,
Soit un total de 21h10 heures.
Il revendique, après application d'un taux horaire majoré de 25%, un rappel d'heures supplémentaires d'un montant de 271,55 euros sur la période considérée.
L'employeur ne produit pas d'éléments propres de contrôle des heures effectivement travaillées par le salarié et se contente d'affirmer que des heures étaient ajoutées le samedi après-midi afin de garantir un temps de travail qui ne soit pas inférieur à 151,67 heures par mois. Toutefois, les heures de travail effectuées par le salarié doivent être décomptées sur la base d'une durée de 35 heures hebdomadaires.
Après analyse des éléments produits par l'une et l'autre des parties, la cour retient que le salarié a effectué des heures supplémentaires non rémunérées conformément aux missions qui lui étaient fixées qu'elle évalue, par voie de confirmation, à 271,55 euros de février à mai 2018, outre 27,15 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
Sur les tickets restaurant de février 2017
Le salarié soutient qu'il n'a pas perçu de tickets restaurant pour le mois de février 2017.
L'employeur ne présente pas d'observations sur ce point.
L'employeur ne justifie pas s'être acquitté des tickets restaurant dus au salarié et ne conteste pas le quantum sollicité. Ainsi, par voie de confirmation du jugement attaqué, la société Elior Services FM sera condamnée à payer à M. [F] la somme de 140 euros au titre des tickets restaurant de février 2017.
Sur la prime d'assiduité de mai 2018
Le salarié indique qu'il n'a pas été réglé de sa prime d'assiduité au titre du mois de mai 2018.
L'employeur fait valoir que le salarié était en absence injustifiée du 7 au 9 mai 2018 et qu'il n'était donc pas éligible à la prime d'assiduité.
Au regard des développements sur le licenciement qui précèdent, la cour a précédemment retenu que le salarié était en absence injustifiée le 7 mai 2018. Au vu de cette absence, les conditions d'obtention de la prime d'assiduité n'étaient pas réunies, le salarié doit donc être débouté de sa demande de prime d'assiduité pour le mois de mai 2018. Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.
Sur le cours des intérêts
Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du jugement en cas de confirmation des condamnations et du présent arrêt pour le surplus. Il n'y a pas lieu de faire courir le point de départs des intérêts à une date antérieure comme sollicité.
Sur les autres demandes
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.
La société Elior Services FM succombant à la présente instance, en supportera les dépens d'appel. Elle devra également régler à Maître [V] [E] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant, publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société Elior Services FM à payer à M. [F] la somme de 52,50 euros au titre de la prime d'assiduité en mai 2018,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :
Déboute M. [F] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul,
Déboute M. [F] de sa demande en paiement de la prime d'assiduité en mai 2018,
Condamne la société Elior Services FM à payer à M. [F] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,
Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du jugement en cas de confirmation des condamnations et du présent arrêt pour le surplus,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne la société Elior Services FM aux dépens d'appel,
Condamne la société Elior Services FM à payer à Maître [V] [E] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile en cause
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Aurélie PRACHE, Présidente et par Madame Isabelle FIORE Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente