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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 6, 26 novembre 2025, n° 22/04419

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/04419

26 novembre 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 26 NOVEMBRE 2025

(N°2025/ , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/04419 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFSAT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Février 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° F20/00584

APPELANTE

Madame [V] [A]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphane FERTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

INTIMEE

Société INTERSPORT FRANCE Société coopérative de commerçants détaillants à forme anonyme à capital variable, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Octobre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane THERME, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre et de la formation

Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Gisèle MBOLLO

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre et par Gisèle MBOLLO, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

La société Intersport France a engagé Mme [A] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 18 avril 2016 en qualité de 'responsable programme métier'.

Par avenant du 26 septembre 2017, Mme [A] est devenue directrice adjointe de l'école de formation.

Par avenant du 17 octobre 2018, Mme [A] est devenue directrice de la formation de l'Académie.

Les relations contractuelles entre les parties sont soumises à l'accord interne de la société Intersport.

Par lettre remise en main propre le 16 septembre 2019, Mme [A] a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement fixé au 27 septembre 2019, et a été dispensée d'activité.

Mme [A] a été licenciée par lettre du 14 octobre 2019.

Le 5 juin 2020, Mme [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau.

Par jugement du 10 février 2022, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

' DIT et JUGE que le licenciement de Madame [V] [A] est fondé ;

CONDAMNE la SA INTERSPORT FRANCE, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Madame [V] [A] la somme suivante :

- 4 709,33 € (quatre mille sept cent neuf euros et trente-trois centimes) au titre du solde de la prime variable contractuelle

DÉBOUTE Madame [V] [A] du surplus de ses demandes y compris de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

DÉBOUTE la SA INTERSPORT FRANCE de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

DIT qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision ;

CONDAMNE la SA INTERSPORT FRANCE, prise en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens de l'instance, y comprix ceux afférents à l'exécution forcée éventuelle par toute voie légale du présent jugement, et notamment les frais des articles 10 et 12 du décret du 8 mars 2001 portant tarification des actes d'huissier '.

Mme [A] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 06 avril 2022.

Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 24 janvier 2024, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, Mme [A] demande à la cour de :

' - Infirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé le licenciement fondé et a débouté Mme [A] de ses demandes plus amples et contraires y compris sur le fondement de l'article 700 du CPC

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné INTERSPORT France à verser à Mme [A] la somme de 4 709,33 € de rappel de prime variable contractuelle

ET statuant à nouveau,

- Condamner INTERSPORT France au règlement des sommes suivantes :

24 006 € de dommages et intérêts (soit l'équivalent de 4 mois de salaires en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du Code du travail),

5 000 € de rappel de prime complémentaire,

59 693,03 € à titre de rappel des heures supplémentaires, (829 h)

5 969,30 € à titre de congés payés afférents

5 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral

5 000 € d'article 700 du CPC

Remboursement des allocations chômage à Pôle Emploi

Remise des documents de fin de contrat conformes avec astreinte de 100 € par jour de retard et par document,

Intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation avec capitalisation annuelle par application des dispositions de l'article 1154 du Code civil,

Dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué par Maître Stéphane FERTIER conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC '.

Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 11 juin 2025, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, la société Intersport France demande à la cour de :

' - Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Longjumeau en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [A] est fondé sur une cause réelle et sérieuse et rejeté l'ensemble des demandes indemnitaires formulées à ce titre ;

- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Longjumeau en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral formulée par Mme [A] ;

- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Longjumeau en ce qu'il a rejeté la demande d'heures supplémentaires formulée par Mme [A] ;

- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Longjumeau en ce qu'il a rejeté la demande de prime complémentaire formulée par Mme [A] ;

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Longjumeau en ce qu'il a condamné la Société INTERSPORT à verser à Mme [A] la somme de 4 709,33 € bruts au titre du solde de la prime variable contractuelle ;

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Longjumeau en ce qu'il a débouté la Société INTERSPORT de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Et, statuant à nouveau :

- JUGER que le licenciement de Mme [V] [A] est fondé sur une cause réelle et sérieuse;

- JUGER que les demandes indemnitaires de Mme [V] [A], tant au titre de la rupture que de l'exécution de son contrat de travail, ne sont ni fondées ni justifiées ;

EN CONSEQUENCE :

- DEBOUTER Mme [V] [A] de l'ensemble de ses demandes ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

- CONDAMNER Mme [A] à verser à la société INTERSPORT la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- CONDAMNER Mme [A] aux entiers dépens '.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er juillet 2025.

Motifs

Sur le licenciement

La lettre de licenciement indique :

'Objet : notification de licenciement

Madame,

Vous avez été reçue en entretien préalable à votre éventuel licenciement par Mme [Z] [K] Directrice Générale et par Mme [W] [C], DRH déléguée, le 27 septembre dernier.

Cet entretien, au cours duquel vous n'avez pas souhaité apporter la moindre explication à l'ensemble des faits que nous avons exposés, n'a pas été de nature à modificer notre appréciation de la situation.

Nous avons par conséquent décidé de vous licencier pour les motifs suivants :

Depuis plusieurs mois, nous constatons que vous n'exercez pas vos fonctions et notamment votre rôle de manager avec la bienveillance, la transparence et l'état d'esprit constructif que nous sommes en droit d'attendre de tout collaborateur, et notamment d'un manager de l'équipe RH.

En février 2018, Mme [W] [C] a été recrutée au sein de l'équipe RH afin d'assurer et de préparer le départ à la retraite d'[O] [H], DRH groupe, qui était alors votre supérieure hiérarchique. Vous n'avez pas accepté cette perspective et n'avez eu de cesse de remettre en cause la légitimité de vos collègues et/ou managers :

- Régulièrement, vous avez critiqué ouvertement Mme [H], mais également Mme [C] auprès de collaborateurs d'autres directions (Direction financière et DOSI notamment) mais aussi de la direction même des ressources humaines ;

- A plusieurs reprises, Mmes [K], [H], et [C], alors DRH adjointe, ont dû vous rappeler les raisons du recrutement de cette dernière et vous expliquer que cette passation nécessitait une collaboration évidente de votre part Vous n'avez manifestement pas admis ce projet: pendant des mois, vous avez fonctionné en 'autarcie', limitant le plus possible vos communications avec Mmes [H] et [C], n'hésitant pas parfois à travestir la réalité pour satisfaire vous souhaits de travailler seule ou vos intérêts, ce qui est incompatible avec un fonctionnement normal dans une équipe RH. A titre d'exemples:

. Vous avez faussement assuré le 19 décembre dernier à Mme [H] que vous n'interveniez pas sur les formulaires d'entretiens annuels. En pratique, vous le faisiez néanmoins (Cf votre envoi du 20 décembre à M [I] [S], adhérent et binôme RH, aux termes duquel vous vous excusez de ne pas avoir eu le temps de les finaliser. Mmes [H] et [C] n'étaient évidemment pas en copie de votre envoi) ;

. Le 9 janvier 2019, Mme [H] a organisé une réunion de mise au point en présence de Mme [C] afin d'acter formellement de l'évolution du fonctionnement au sein de la direction ; elle a été contrainte de formaliser le mail du 11 janvier suivant) les rôles de chacun au sein de la direction RH ; malgré cette réunion et la clarification diffusée auprès de toute l'équipe RH, vous avez continué à inciter votre équipe à ne pas avoir 'trop d'échanges' avec Mme [C] et à prétendre que cette dernière n'avait pas à être informée de ce qui se passait au sein de l'Académie

. Le 8 avril dernier, vous avez transmis à la Directrice Générale, sans mettre votre manager en copie, les félicitations d'un adhérent sur un mail d'information, en regrettant qu'on vous 'retire également la communication' démontrant que vous ne compreniez pas ni n'acceptiez les rôles de chacun. A nouveau, nous avons été contraints de vous recadrer pour rétablir la réalité de la situation ;

- Malgré les mises au point, vous avez continué à refuser ponctuellement de collaborer de manière normale et transparente avec Mme [C]. A titre d'exemples :

. Alors que cette dernière vous demandait en janvier dernier de lui transmettre les dernières versions des formulaires d'entretien annuel et des fiches de poste du Réseau, vous ne lui adressiez que des supports d'entretien en version non modifiable. Malgré une relance, vous ne lui ferez aucun autre retour et elle sera contrainte de récupérer les documents exploitables par un autre biais ;

. Malgré le fait qu'il avait clairement été prévu que les fiches de poste seraient revues par Mme [Y], sous la responsabilité de Mme [C], vous continuiez à intervenir néanmoins silencieusement sur ces éléments puis les diffusiez au réseau sans informer Mmes [Y] et [C], ni les mettre en copie de votre mail (Cf email en date du 15/03, réunion tripartite 15/03/19 et compte rendu);

. Lors d'une réunion du 15 mars entre Mmes [H], [C] et vous, il était convenu de caler un rendez-vous avec la responsable du pôle ouverture, Mme [E], pour faire un point sur l'accompagnement RH des magasins; Mme [C] fixait ce rendez-vous dès le 18 mars ; vous y étiez conviée. Ce RDV était décalé à plusieurs reprises, via outlook (vous étiez toujours conviée) pour finalement se tenir le 17 avril. Toutefois vous ne vous y présentiez pas et Mme [E] y informait Mme [C] qu'en dépit de ce qui avait été convenu, vous aviez déjà échangé avec elle sur ces sujets, de manière silencieuse à nouveau;

. Le 2 avril 2019, vous avez envoyé par mail à l'ensemble du Réseau une information concernant l'actualité de l'Académie sans aucune information ou coordination préalable avec votre manager et alors même qu'il avait été demandé de faire une seule communication globale par Direction (Cf email de Mr [G] du 27 mars) ; Cela contraindra Mme [H] à vous faire un nouvel email de recadrage.

Vos difficultés sérieuses à accepter la hiérarchie de Mme [H] et à suivre les projets définis ont accéléré le changement d'organisation de l'équipe RH et votre changement de rattachement hiérarchique en avril dernier. Votre manque de transparence génère des pertes de temps, une absence de fluidité des informations au sein de l'équipe et des tensions inutiles.

A noter qu'en 2017 vous aviez eu des difficultés similaires avec votre manager de l'époque, M. [R], qui avaient conduit à l'intervention d'un coach auprès de l'ensemble de l'équipe, compte-tenu de la mauvaise ambiance qui y régnait ; vous aviez clairement un rôle actif à l'origine de ces difficultés relationnelles et de ces tensions professionnelles.

Votre difficulté à accepter la hiérarchie fait écho à vos difficultés à travailler en équipe et à accepter que vos idées soient challengées ou non suivies.

A titre d'exemples sur ce sujet nous pouvons citer :

. votre attitude sur le projet Talentsoft : vous aviez décidé, sans cahier des charges initial ni consultation d'autres éditeurs, que cet outil devait remplacer la plateforme de formation actuelle et gérer la dématérialisation des entretiens annuels d'évaluation. Il nous a fallu de multiples discussions pour que vous admettiez le principe d'un appel d'offre sur ce sujet et jusqu'au bout, vous avez cherché à intégrer la dématérialisation des entretiens annuels. Votre résistance face à la décision de challenger Talentsoft s'est d'abord traduit par un refus d'assister aux rendez-vous de benchmark avec d'autres éditeurs ; votre difficulté à voir vos idées remises en cause se sont notamment traduites par un injonction écrite à l'interlocutrice de Talentsoft de ne pas adresser d'emails à l'équipe projet sans validation préalable de votre part !

. Cette difficulté à travailler en équipe de manière constructive s'est illustrée également lors d'une réunion budgétaire au mois de mai dernier (au cours de laquelle vous vous êtes offusquée que les formations en lien avec les projets des autres directions (Ship from stire, Référentiel) puissent être privilégiées par rapport à 'vos formations' (i.e. dont l'Académie est à l'initiative), ce qui est loin d'être ce que nous attendons d'une directrice d'Académie.

Par ailleurs, et surtout, vos méthodes de management sont régulièrement inadaptées. Vous n'hésitez pas à user de manipulation pour parvenir à vos fins, mettant fréquemment vos collaborateurs dans un état de stress et de mal-être non acceptable. A titre d'exemples :

- Votre comportement vis à vis de M. [D] [L] : en début d'année 2019 il avait été acté d'un changement de rôle et de rattachement pour ce salarié au sein même de la DRH. Vous avez été chargée de l'informer de ce projet d'évolution (Cf email du 11 janvier de Mme [H]). Vous n'étiez pas en phase avec ce projet qui vous faisait 'perdre' un membre de votre équipe et nous avons eu confirmation, en juillet dernier, qu'afin de tenter de le faire avorter, vous n'aviez pas hésité à manipuler tant Mme [C] que le salarié :

. Vous avez faussement indiqué à Mme [C] que M. [L] n'approuvait pas cette mobilité, qu'il n'en était pas satisfait, qu'il s'entendait très bien avec l'équipe de l'Académie, qu'il avait l'impression que nous lui imposions les choses, etc ; or, vérifications faites, vos affirmations étaient totalement fausses et n'avaient pour seul objectif que d'inciter la direction à le maintenir dans vos équipes ;

. M. [L] confirmera par la suite que vous aviez également fait pression sur lui afin qu'il refuse cette évolution : vous aviez remis en cause la qualité de son futur management, lui aviez affirmé que s'il quittait l'équipe, vous seriez tenue de rompre la période d'essai d'une collègue, Mme [U], pour embaucher un profil plus technique. Une fois son choix effectué, vous avez persisté dans votre comportement déplacé cherchant à le faire culpabiliser et regretter ce changement.

- Votre attitude vis-à-vis de Mme [B] [U] : dès fin 2018 et les projets de changement de rattachement de M. [L], vous nous aviez fait part de votre souhait de recruter dans vos équipes un profil plus technique (vous aviez même identifié une candidate, Mme [T], que vous aviez reçue dès le 22 novembre 2018 et fait rencontrer à Mme [H] le 25 janvier 2019) ; toutefois, il vous avait été confirmé qu'il n'y avait pas de création de poste possible au sein de la direction à cette période. Dès lors, vous n'avez eu de cesse d'adopter auprès de Mme [U], un comportement inadapté de nature à l'inciter à ne pas demeurer dans votre équipe :

. Elle vous a contactée le 28 novembre, soit peu après votre entretien avec Mme [T], pour évoquer sa date d'arrivée et vous lui avez répondu 'ah tu as déjà donné ton préavis ' Tant pis ; c'est le 14 janvier ou rien' ; elle vous a ensuite envoyé un mail le jour-même évoquant son inquiétude suite à votre discussion, et vous confirmant sa prise de poste le 14 janvier ;

. Elle n'a bénéficié que de 3 entretiens (EIO) en 6 mois ( alors que vous programmez ces rendez-vous avec les membres de votre équipe de manière hebdomadaire) et a eu très peu d'autres échanges avec vous ;

. Dès le 28 janvier, vous écriviez à Mme [H] 'il faut aussi que l'on statue sur [B]' confirmant votre souhait de ne pas la conserver et sans que cela ne soit justifié par le moindre élément ;

. Vous avez faussement fait croire à Mme [W] [C] que Mme [U] n'était pas satisfaite de son poste ('le terrain lui manque') et parallélement vous affirmiez et essayiez de convaincre cette dernière que le poste qu'elle occupait n'était pas fait pour elle ;

. Vous avez régulièrement émis des reproches non fondés à son égard et l'avez mise dans des situations déstabilisantes :

° Vous lui avez reproché de ne pas s'être rendue à une réunion dont vous ne l'aviez pas informée (exemple du comité de pilotage e-commerce du 31 janvier, peu après sa prise de poste) ;

° vous lui avez demandé le vendredi pour le mardi suivant (le lundi étant férié) de se rendre à un job dating organisé par le CNPC le 11 juin en affirmant faussement qu'il s'agissait uniquement de faire acte de présence ; Mme [U] n'a pas été briefée et ne connaissait que très partiellement le fonctionnement de l'Académie et du CNPC. Elle a dû assumer seule plus de 20 entretiens en 4h30 ainsi que la rédaction des compte-rendu ; vous n'avez pas hésité par la suite à la 'recadrer' alors qu'elle mettait en contact avec la centrale d'achats un candidat qu'elle avait trouvé très pertinent, lui indiquant que ce n'était pas son rôle !

° Vous l'avez envoyée seule au comité de pilotage Référentiel du 14 juin 2019, sans prendre le temps de valider avec elle en amont la présentation qu'elle comptait faire et qu'elle vous avait soumise pour avis. A la suite de ce comité, le 18 juin, vous vous êtes emportée à son égard considérant qu'elle avait pris des positions et des décisions qui ne lui appartenaient pas. Mme [U] s'est alors défendue en s'emportant également au regard de l'incohérence de votre position. Etant ainsi parvenue à vos fins, vous lui avez alors immédiatement indiqué que vous ne pourriez pas la conserver dans les effectifs si elle ne se contrôlait pas davantage Vous avez ensuite indiqué à Mme [C] que son agressivité ce jour-là était inquiétante, et qu'elle avait volontairement bousculé sa collègue, Mme [P], ce qui ne sera pas confirmé.

° avant le comité RH du 19 juin, vous avez indiqué à Mme [C] que vous pensiez que Mme [U] était 'schizophrène', en vous appuyant sur des problèmes qu'elle avait récemment rencontrés dans sa vie privée ; Mme [C] vous a alors engagé à prendre garde aux termes que vous utilisiez ;

° à l'issue de ce comité, vous avez indiqué à Mme [C] que Mesdames [P] et [F] n'osaient pas venir lui parler au sujet de Mme [U] mais que ces dernières étaient inquiètes au vu des réactions de leur collègue. Mme [C] a proposé de les recevoir, une à une . Il s'avère que ces 2 collaboratrices étaient mal à l'aise de devoir s'exprimer sur le cas de Mme [U] et n'étaient manifestement pas demandeuses de le faire, ni particulièrement inquiètes ;

° le 20 juin dernier, vous rappeliez à Mme [U] que son comportement du 18 juin était inadmissible, que vous pouviez lui obtenir une rupture conventionnelle, et que le poste qu'elle occupait n'était pas fait pour elle, etc. allant sur le terrain de la vie privée pour assoir vos affirmations ; le même jour en parallèle, vous écriviez faussement à Mme [W] [C] que toute difficulté était réglée avec cette salariée. Pourtant, le 21 juin, [W] [C] recevait un email de cette même personne sollicitant un rendez-vous en raison d'un mal-être évident lié à vos échanges précédents ;

° le 24 juin, lors de votre EIO avec Mme [U], vous renouveliez votre pression pour l'inciter à occuper un autre poste ailleurs lui suggérant de ne pas informer Mme [C] de vos échanges.

De manière générale, vous l'avez isolée et ne lui avez pas marqué la considération qu'un collaborateur est en droit d'attendre. Vous avez même préféré déménager les affaires de Mme [X], alors en arrêt maladie, pour installer début septembre Mme [T], arrivant finalement dans l'équipe mais en qualité de freelance, plutôt que de l'installer sur un des 2 bureaux vides dans le bureau de Mme [U], qui y restait donc seule ; début septembre, vous répétiez à nouveau que le terrain manquait à Mme [U] et qu'elle n'était pas heureuse dans son poste, alors même que Mme [U] lui confirmait tout l'inverse.

Votre attitude avec Mme [X] : votre management avec cette dernière a été inadapté et ne correspond pas aux valeurs de la société. Mme [X] a dû être arrêtée pendant une semaine du 18 au 22 mars en raison de graves difficultés personnelles, ce qui vous a contraint à reprendre au pied levé certains dossiers et notamment à assumer un déplacement à [Localité 5] pour le tournage de tutos sur le cycle. Vous avez constaté alors qu'un certain nombre d'actions pour ce tournage n'avaient pas été convenablement anticipées par Mme [X].

Sur ce seul motif, alors que vous aviez prévu une augmentation et une prime pour cette salariée, vous avez décidé de suspendre cette augmentation et cette prime et envisagé de mettre un terme à son contrat de travail.

Le jour de son retour d'arrêt maladie, vous receviez Mme [X] et lui teniez des propos inadaptés au regard de la situation et évoquiez avec elle une éventuelle rupture de son contrat. Mme [X] était contrainte de solliciter un entretien auprès de Mme [W] [C] afin de lui faire part des difficultés importantes qu'elle rencontrait avec vous et du mal-être qu'elle ressentait. Cet entretien se déroulait de manière informelle le 28 mars 2019. Dans un email à Mme [W] [C] du 29 mars suivant, vous confirmiez par vos interrogations que vous n'admettiez pas qu'un de vos collaborateurs puissent rencontrer un autre membre de l'équipe RH sans que vous en soyez informée et parallèlement, vous reprochiez cette entrevue à Mme [X] prétextant qu'elle aurait trahi votre confiance' et lui confirmant qu'il serait difficile de continuer à travailler avec elle dès lors.

Dans un email du 5 avril 2019 Mme [X] était contrainte de faire part des conditions déplorables de pression dans lesquelles elle avait été traitée par vos soins à la suite de son arrêt maladie et de son rendez-vous avec Mme [C], sans considération aucune pour sa situation personnelle.

Bien que membre de l'équipe RH et aguerrie aux méthodes de management et à nos obligations en termes de préservation des conditions de travail, de santé et de sécurité de nos salariés, vous n'avez pas tenu compte de la grande souffrance de cette salariée et n'avez pas fait preuve de la moindre bienveillance à son égard. Nous avons été contraints de vous écrire que ce type d'attitude n'était pas convenable ; en guise de réponse, vous avez de nouveau travesti la réalité et fait partiellement peser la responsabilité de votre attitude sur Mme [H].

Globalement, vos méthodes de management, qui allient manipulation et mensonge, ne sont pas acceptables dans une structure comme la nôtre. Votre manque de transparence régulier et vos difficultés récurrentes à travailler de manière constructive et en équipe ne correspondent pas à ce que nous sommes en droit d'attendre d'une salariée, membre de l'équipe RH, de votre niveau d'expérience et de responsabilité.

Votre attitude rejaillit en outre sur l'image et l'ambiance de travail de l'ensemble de l'équipe RH.

Ce sont les raisons pour lesquelles nous avons décidé de vous licencier.'

Mme [A] fait valoir en premier lieu que le licenciement a été prononcé pour un motif disciplinaire et que les faits reprochés sont atteints par la prescription prévue par l'article L. 1332-4 du code du travail.

La société Intersport France explique que le licenciement a été prononcé pour une insuffisance professionnelle et non pour motif disciplinaire, de sorte que les dispositions de l'article L. 1332-4 ne sont pas applicables. A titre subsidiaire elle expose qu'elle a eu connaissance de certains faits à l'égard des collaborateurs moins de deux mois avant la remise de la convocation à l'entretien préalable au licenciement, qu'ainsi les faits ne seraient pas atteints par la prescription.

L'insuffisance professionnelle est caractérisée par l'inaptitude du salarié à exécuter son travail de manière satisfaisante. Elle ne résulte pas d'un comportement volontaire, mais révèle l'incapacité constante du salarié à assumer ses fonctions. Elle constitue une cause de licenciement et doit être caractérisée par des éléments réels et objectifs .

Il résulte des termes de la lettre de licenciement que l'employeur reproche à sa salariée des mensonges, critiques délibérées, des refus de suivi de certaines instructions, des manipulations, ses méthodes de management à l'égard de ses collaborateurs, faits qui tous ont une nature disciplinaire et constituent donc des fautes .

Ainsi, le licenciement n'a pas été prononcé pour une insuffisance professionnelle, mais pour un motif disciplinaire.

Les dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail sont applicables. Elles disposent : 'Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.'

La lettre de convocation de Mme [A] à l'entretien préalable lui a été remise en main propre le 16 septembre 2019.

La société Intersport France verse aux débats un mail que M. [L], un ancien collaborateur de Mme [A], a adressé à la directrice adjointe le 19 juillet 2019 dans lequel il fait part de nombreux comportements de Mme [A], tant à son égard que dans sa façon d'encadrer son équipe.

Les faits qui ont été portés à la connaissance de l'employeur par ce salarié le 19 juillet 2019, moins de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire, ne sont pas atteints par la prescription disciplinaire.

En application des articles L1232-1 et L 1235-1 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce, l'administration de la preuve du caractère réel et donc existant des faits reprochés et de leur importance suffisante pour nuire au bon fonctionnement de l'entreprise et justifier le licenciement du salarié, n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et, au besoin, après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

M. [L] explique dans un message détaillé que Mme [J] qui était sa supérieure directe n'était pas contente de son départ du service pour une nouvelle affectation sous la responsabilité de la directrice adjointe. Il précise 'Elle m'a mis en garde sur le fait que je ne serais pas tranquille, que le management ne serait pas de qualité, qu'il n'y aurait pas de suivi, que je devrais me méfier des personnalités et que je serais le plus grand de mon temps en rdv sans vraiement travailler, etc...que si je choisissais d'intégrer ton équipe elle serait contrainte de mettre fin à la période d'essai d'[B] afin de pouvoir embaucher un profil plus technique. Et que cela était bien embêtant dans la mesure où [B] avait quitté un poste pour venir chez Intersport, tout en me faisant comprendre qu'il ne s'agissait là que des conséquences de mes actes. J'ai dû prendre sur moi pour faire abstraction du chantage affectif qui a été exercé sur moi, et prendre beaucoup de recul pour prendre ma décision. [V] a tenté à plusieurs reprises de me faire culpabiliser et regretter mon choix'. Il rapporte ensuite un manque de suivi par son ancienne responsable, un management par le seul contrôle et une absence de bienveillance dans le management avec des moqueries, qu'elle avait des agissements inappropriés dans la prise en compte des autres collaborateurs, ayant assisté à des situations où elle était agressive et irrespectueuse, parlant mal à ses interlocuteurs, des comportements immatures où se mêlaient mensonges et manipulation. Il ajoute que Mme [A] l'aurait accusé d'avoir divulgué à [B] [U] ses intentions à l'égard de la fin de la période d'essai, lui indiquant que cette collaboratrice qui serait capable d'en arriver aux mains lui faisait peur.

Ce salarié décrit un comportement de Mme [A] destiné à mettre en échec le projet de son départ du service qu'elle dirigeait pour aller sous l'autorité de la responsable adjointe. A cette occasion, Mme [A] lui a tenu des propos remettant en cause les responsables de la société. Il décrit également des méthodes de management inadaptées à l'égard des collaborateurs, des moqueries, de l'agressivité, de l'irrespect et des mensonges qui constituent des manquements de la responsable en cause.

Mme [A] produit le compte-rendu de l'évaluation de ce collaborateur qu'elle a établi le 06 février 2019 dans lequel elle souligne la qualité des échanges avec M. [L] et lui souhaite bonne chance. Elle justifie que des points sur son activité avaient lieu chaque semaine, plusieurs entretiens faisant régulièrement l'objet d'écrits. Si ces éléments démontrent l'existence d'un suivi, ils ne contredisent pas les autres éléments rapportés par M. [L].

Le message de ce salarié apporte également des précisions sur le comportement de Mme [A] à l'égard de Mme [U]. Cette salariée a adressé un mail à Mme [C] le 4 juillet 2019 auquel elle joint un document de plusieurs pages concernant le comportement de Mme [A]. Elle y indique avoir été mal accueillie, non accompagnée, ne pas avoir eu d'entretien régulier avec sa supérieure, avoir dû se rendre à un 'job dating' en urgence, sans consigne ni préparation, avoir dû assister à un comité de pilotage après lequel la position qu'elle y avait exprimée lui a été reprochée. Elle ajoute que lorsqu'une autre collaboratrice a été absente pour arrêt maladie Mme [A] n'a eu de cesse de la dénigrer par la suite. Elle précise que Mme [A] voulait éviter les contacts entre ses collaborateurs et la directrice adjointe. Elle indique qu'après un emportement au cours d'une réunion, une rumeur de comportement agressif a couru dans le service, que Mme [A] l'a alors reçue et lui a proposé de quitter le service, proposition qui lui a été renouvelée quelques jours plus tard après.

Le contenu du courrier que Mme [U] a adressé correspond au comportement de Mme [A] à son égard qui est mentionné dans la lettre de licenciement, et conforte les propos de M. [L] sur le comportement de Mme [A] à l'égard de ses collaborateurs, son positionnement à l'égard des responsables de la société, mais également sur son souhait de faire partir Mme [U].

Mme [A] produit un échange de mail avec la directrice des ressources humaines du 15 mai 2018 qui démontre qu'alors que la directrice s'interrogeait sur le recrutement de Mme [U], c'est elle qui a soutenu cette candidature, puis qu'elle a validé la fin de sa période d'essai par anticipation au délai prévu.

Mme [A] verse aux débats six documents 'entretien individuel opérationnel' retraçant les échanges avec Mme [U] dès le 04 février 2019. Elle produit également plusieurs mails échangés avec elle dans des termes courtois, notamment quant à son intégration dans l'entreprise.

Ces éléments produits par l'appelante démontrent un accueil différent de Mme [U], mais ne justifient pas le comportement à son égard.

La société Intersport France produit un mail que Mme [A] a adressé à la directrice adjointe le 20 juin 2019 au sujet de Mme [U] dans lequel elle indique que la situation était réglée. Cependant cette présentation faite par l'appelante à sa supérieure ne correspondait pas aux éléments rapportés par la collaboratrice concernée.

Un mail adressé le 5 avril 2019 par Mme [X] à Mme [C] et une attestation de Mme [P], toutes deux collaboratrices de Mme [A], confirment le comportement de leur responsable au sein du service qu'elle dirigeait. Leurs versions sont détaillées et concordantes quant à ses propos déplacés, la crainte inspirée, le positionnement inadapté dans les rapports avec ses différents collaborateurs, la méfiance exprimée à l'égard de la direction.

Les éléments produits démontrent la réalité du management inadapté de Mme [A] qui a été signalé par M. [L], ainsi que ses propos à l'égard de la direction. Ces faits, qui ne sont pas atteints par la prescription disciplinaire, n'étaient pas ponctuels et étaient suffisamment graves pour justifier à eux seuls la rupture de son contrat de travail.

Le licenciement est fondé sur un motif réel et sérieux.

Le jugement qui a dit que le licenciement est fondé est confirmé de ce chef.

Mme [A] doit être déboutée de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral

En l'absence de preuve d'un comportement fautif de l'employeur, Mme [A] doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral.

Le jugement est confirmé de ces chefs.

Sur les heures supplémentaires

Mme [A] forme une demande de rappel d'heures supplémentaires.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence de rappels de salaire, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Le contrat de travail ne comporte pas de clause relative au temps de travail de la salariée, qui devait ainsi accomplir un temps de travail hebdomadaire de 35 heures.

Dans ses conclusions Mme [A] indique ses horaires de travail habituels, et explique avoir été amenée à travailler en plus depuis son domicile, y compris certaines fins de semaine. Elle produit un document qui indique pour chaque mois, par semaine, le temps de travail hebdomadaire accompli ainsi que les évènements particuliers survenus au cours de la période tels que les déplacements ou les journées de repos, jours fériés ou RTT.

Dans le cadre de son évaluation Mme [A] a souligné l'importance de sa charge de travail. Elle verse aux débats de nombreux mails adressés tôt la journée, à des horaires tardifs ou lors des fins de semaines.

Mme [A] produit ainsi des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments.

La société Intersport France remet en cause le document de suivi des horaires versé aux débats et explique qu'en sa qualité de cadre Mme [A] bénéficiait d'une possibilité d'organisation. Elle souligne que le document indique l'accomplissement d'heures de travail, avec des heures supplémentaires revendiquées, pour des semaines au cours desquelles Mme [A] était absente, notamment pour des arrêts de travail ou en repos, et que l'agenda de la salariée mentionne quant à lui différents moments au cours de nombreuses journées pendant lesquels elle ne travaillait pas, notamment pour des rendez-vous personnels, ce qui n'est pas décompté.

La société Intersport France souligne qu'il résulte d'un mail échangé le 7 juillet 2017 entre la DRH et Mme [A] que les amplitudes horaires importantes ont été compensées par l'octroi de trois jours de récupération qui n'avaient pas été décomptées des jours de repos de la salariée, ce dont elle déduit qu'il y avait des contreparties aux périodes d'activité avec des horaires importants. L'employeur produit l'attestation d'un membre du service de Mme [A] qui indique que sa supérieure partait avant les collaborateurs, ainsi que l'agenda de l'appelante. Mme [A] formule des observations sur l'obtention de ce document, sans formuler de prétention quant à la recevabilité de celui-ci.

L'employeur ne produit pas d'élément permettant de vérifier le temps de travail accompli par sa salariée. Si les journées de repos et de RTT doivent être prises en compte pour la détermination du seuil de déclenchement des heures supplémentaires (Soc., 10 septembre 2025, pourvoi n° 23-14.455, B) il doit cependant être tenu compte des périodes d'absences qui ont eu lieu pour l'intégralité de la semaine, pour lesquelles aucune heure supplémentaire n'a ainsi été accomplie, et des éléments relatifs à l'activité qui sont produits dont il résulte à plusieurs occasions une durée de travail moindre que celle revendiquée a été effectuée.

Il est ainsi retenu l'existence d'heures supplémentaires dont l'importance est évaluée, en appliquant le taux salarial perçu par l'appelant au cours de chaque période et le taux de majoration applicable, à la somme de 15 000 euros, la société Intersport France devant dès lors être condamnée à payer à Mme [A] cette somme au titre du rappel d'heures supplémentaires outre celle de 1 500 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur la prime variable

Mme [A] demande le paiement du solde de la prime variable prévue au contrat de travail.

La société Intersport France explique que la somme de 7 293,67 euros correspondant à 60% du montant maximal pouvant être obtenu au titre de la prime variable a déjà été versée lors du solde de tout compte, correspondant aux performances de la salariée.

L'avenant au contrat de travail du 28 septembre 2017 prévoit une prime variable ainsi rédigée : 'La DRH vous fixera, au début de l'exercice 2018, la feuille de route et vous définirez ensemble, les objectifs pour atteindre ces résultats, ce qui vous octroiera le bénéfice d'une prime variable de 0 à 2 mois de salaire mensuel, définie selon les modalités et des critères fixés annuellement pour une année civile complète de présence. Cette prime sera versée au plus tard le 30 avril de l'exercice suivant.'

Dans le cadre de l'entretien d'évaluation 2019 portant sur l'année 2018, les objectifs ont ainsi été fixés à Mme [A] :

- le Plan management : continuer le développement du parcours certifiant, cursus management opérationnel, leadership sociétaire, définir les socles communs au parcours sociétaire DM,

- le Plan marques : mise en ligne régulière de micro-modules, quiz, vidéos faits avec les marques partenaires,

- le Plan cycle : mise en plance d'une dizaine de tutos 'mécanique', mise en place de 6 tutos 'VAE', 2 formations présentielles à mettre en place,

- le Plan centrale : mise en place d'actions de formation, participation aux copils.

Compte tenu de la durée du préavis, Mme [A] a été présente dans les effectifs de l'entreprise pour la totalité de l'année 2019.

Par mail du 25 avril 2020, Mme [A] a sollicité la directrice adjointe sur les éléments du solde de tout compte, soulignant le versement d'un montant inférieur au montant total prévu pour la prime variable. Si Mme [C] lui a répondu sur chacun des objectifs, aucun élément n'est versé aux débats pour justifier de l'atteinte, ou non, de ces objectifs opérationnels.

Mme [A] est ainsi fondée à obtenir l'intégralité du montant prévu et la société Intersport France doit être condamnée au paiement du reliquat de prime pour l'atteindre, dont le montant n'est pas contesté.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la prime complémentaire

Mme [A] demande le versement d'une prime complémentaire de 5 000 euros, faisant valoir que la directrice des ressources humaines s'était engagée à lui verser ce montant, après validation de la directrice générale. Elle souligne que dans le courrier réponse de son employeur cette prime n'a pas été contestée et qu'il s'agissait d'une pratique habituelle dans l'entreprise.

La société Intersport France conteste toute prime complémentaire qui aurait été prévue.

Le contrat de travail de Mme [A] ne prévoit pas de rémunération qui correspondrait à une prime complémentaire, ni les avenants.

Le principe de cette prime a été expressément contesté par la directrice adjointe dans sa réponse du 2 juin 2020.

Un mail adressé à Mme [A] par la directrice des ressources humaines propose de 'challenger' un collaboratrice de son service, pour envisager le versement d'une prime. La collaboratrice en cause en fait état dans l'attestation qu'elle a rédigée. Cependant, ces éléments ne démontrent pas qu'il s'agissait d'un usage dans l'entreprise, usage qui n'est pas soutenu par l'appelante.

Aucun engagement de l'employeur n'étant démontré, Mme [A] doit être déboutée de sa demande, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur la remise des documents

La remise d'un bulletin de paie et d'une attestation destinée à Pôle emploi, devenu France travail, conformes à la décision est ordonnée. Une astreinte n'est pas nécessaire.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les intérêts

Les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, avec capitalisation des intérêts par année entière.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société Intersport France qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés par Maître Fertier avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Il n'y a pas lieu à allouer d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement est confirmé de ces chefs et les parties sont déboutées de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.

Par ces motifs,

La cour,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes, sauf en ce qu'il a débouté Mme [A] de ses demandes de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents et de remise de documents de rupture conformes,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Condamne la société Intersport France à payer à Mme [A] la somme de 15 000 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et celle de 1 500 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, et capitalisation des intérês par année entière,

Condamne la société Intersport France aux dépens d'appel, qui seront recouvrés par Maître Fertier avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.

La Greffière La Présidente

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