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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 4, 26 novembre 2025, n° 23/15164

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/15164

26 novembre 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 4

ARRET DU 26 NOVEMBRE 2025

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/15164 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIHMM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mai 2023 -Juge des contentieux de la protection de [Localité 8] - RG n° 22/06038

APPELANTS

Madame [J] [L]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Frédérique ROUSSEL STHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1414

Monsieur [T] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Frédérique ROUSSEL STHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1414 (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/500123 du 08/08/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMES

Monsieur [V] [K]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Madame [S] [D] épouse [K]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Tous deux représentés par Me Anne BOURGEONNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : E0120

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Agnès BODARD-HERMANT, Présidente à la chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

- Madame Roselyne GAUTIER, présidente de chambre,

- Mme Agnès BODART-HERMANT, présidente à la chambre,

- Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller

Greffier, lors des débats : M. Edouard LAMBRY

ARRET :

- Contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 25 novembre 2025, prorogé au 26 novembre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Roselyne GAUTIER, présidente de chambre et par M. Edouard LAMBRY, greffier, présent lors de la mise à disposition.

***

Par acte sous seing-privé du 17 février 2012, M. et Mme [K] ont donné à bail d'habitation soumis à la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, à Mme [J] [Y], née [L] un logement de 57,34 m² composé de 3 pièces principales dont 2 chambres, situé au 2ème étage porte gauche d'un immeuble en copropriété sis [Adresse 4]. Ce bail à effet du 2 juillet 2010 initialement consenti pour une durée de 6 années, a fait l'objet de tacites reconductions successives.

Le 17 février 2021, ils lui ont fait délivrer un congé pour vendre, à effet du 1er juillet 2022, valant offre pendant les deux premiers mois du préavis au prix de 644.000 euros.

Mme [J] [Y] née [L] n'ayant pas exercé son droit de préemption dans le délai imparti et n'ayant pas libéré les lieux à la date d'effet du congé, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris du 10 mai 2023 a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de Monsieur [T] [Y], et irrecevable celle de Madame [U] [Y] ;

- déclaré recevable l'exception de nullité du contrat de bail du 17 février 2012 soulevée par

Mme [J] [Y] et M. [T] [Y] ;

- débouté Madame [J] [Y] née [L] et Monsieur [T] [Y] de leur demande de nullité du bail ;

- déclaré valable le bail d'habitation du 17 février 2012, à effet au 2 juillet 2010, consenti par Monsieur [K] et Madame [S] [D] épouse [K] à Madame [J] [Y], sur le bien sis [Adresse 4] ;

- constaté que les conditions de délivrance à Madame [J] [Y] née [L] du congé pour vente signifié le 17 février 2021, relatif au bail conclu le 17 février 2012, à effet du 1er juillet 2022 et concernant le bien à usage d'habitation situé [Adresse 4] sont réunies et que le bail a ainsi expiré le 1er juillet 2022,

- ordonné, en conséquence, à Madame [J] [Y] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de 15 jours à compter de la signification du jugement,

- dit qu'à défaut, pour Madame [J] [Y] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, Monsieur [K] et Madame [S] [D] épouse [K] pourront, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique,

- rappelé que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L433-1 et

suivants du Code des procédures civiles d'exécution,

- condamné Madame [J] [Y] née [L] à verser à Monsieur [K] et Madame [S] [D] épouse [K], une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant équivalent à celui du loyer et des charges tel qu'il aurait été si le contrat s'était poursuivi, à compter du 2 juillet 2022, en deniers ou quittances pour tenir compte des versements effectués et jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux, caractérisée par la restitution des clés,

- débouté Madame [J] [Y] née [L] et Monsieur [T] [Y] de leur demande de nullité du congé,

- condamné Madame [J] [Y] et Monsieur [T] [Y] aux dépens,

- condamné Madame [J] [Y] née [L] et Monsieur [T] [Y] à verser à Monsieur [K] et Madame [S] [D] épouse [K] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que le jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Mme [J] [Y] née [L] et M. [T] [Y] ont fait appel de ce jugement suivant déclaration du 8 septembre 2023 et par conclusions transmises par RPVA le 6 décembre 2023 ils demandent à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable Monsieur [T] [Y] en son intervention volontaire et déclaré recevable l'exception de nullité du bail et l'infirmer pour le surplus,

Prononcer la nullité du contrat de bail du 17 février 2012,

Prononcer la nullité du congé pour vendre du 17 février 2021,

Débouter les époux [K] de l'intégralité de leurs demandes, fins et

prétentions,

Condamner les époux [K] à payer une indemnité de procédure de 3.000 euros, ainsi qu'aux dépens qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle,

A titre subsidiaire et si par extraordinaire la Cour devait confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, dire et juger qu'il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du CPC;

M. et Mme [K], par conclusions transmises par RPVA le 15 février 2024, demandent à la cour de

A titre principal,

- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable « l'exception de nullité » du contrat de bail du 17 février 2012

Statuant à nouveau :

- DIRE IRRECEVABLE comme prescrite, la demande d'annulation du bail du 17 février 2012 formée par voie d'action,

A titre subsidiaire

- DIRE IRRECEVABLE en raison de l'exécution du bail, la prétendue « exception de nullité » du bail du 17 février 2012,

A titre plus subsidiaire,

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [J] [Y] et Monsieur [T] [Y] de leur « demande de nullité » du bail du 17 février 2012 pour dol ;

Par ailleurs,

- CONFIRMER jugement entrepris en ce qu'il a constaté que les conditions de délivrance à Madame [J] [Y] d'un congé pour vendre signifié le 17 février 2021, à effet du 1 er juillet 2022, relatif au bail conclu le 17 février 2012, à effet au 1 er juillet 2020, et concernant le bien à usage d'habitation sis [Adresse 5] [Localité 1] sont réunies et ordonné en conséquence son expulsion et celle de tous les occupants de son chef des lieux litigieux situés [Adresse 4] ;

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Madame [J] [Y] à payer à Monsieur [V] [K] et Madame [S] [D] épouse [K] une indemnité mensuelle d'occupation à compter du 2 juillet 2022 jusqu'à parfaite libération des lieux ;

- L'INFIRMER en ce qu'il l'a fixée au montant du loyer et des charges tel qu'ils auraient été si le bail s'était poursuivi ;

Statuant à nouveau :

- FIXER le montant de l'indemnité mensuelle d'occupation dû par Madame [J] [Y] à Monsieur [V] [K] et Madame [S] [D] épouse [K], depuis le 2 juillet 2022 jusqu'à parfaite restitution des lieux, à la somme de 1.378,74 euros, outre les charges locatives et Y CONDAMNER Madame [J] [Y] ;

En toute hypothèse :

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Madame [J] [Y] et Monsieur [T] [Y] aux dépens ;

- DEBOUTER Madame [J] [Y] et Monsieur [T] [Y] de l'ensemble de leurs demandes ;

- CONDAMNER in solidum Madame [J] [Y] et Monsieur [T] [Y] et à verser à Monsieur [V] [K] et Madame [S] [D] épouse [K] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

L'ordonnance de clôture est datée du 24 juin 2025.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions visées pour un exposé détaillé du litige et des moyens des parties.

MOTIVATION

1 - Sur la recevabilité de la demande de nullité du contrat de bail du 17 février 2012

Les intimés la contestent comme prescrite, sur le fondement des articles 1116 du code civil dans sa version applicable, antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et 2224 de ce code. Ils ajoutent qu'à supposé même que cette demande ait été faite par voie d'exception, elle est néanmoins irrecevable en raison de l'exécution du contrat de bail qui en est l'objet.

Les appelants soutiennent que leur demande formée par voie d'exception n'est pas susceptible de prescription.

La cour retient ce qui suit.

Il est constant que l'exception de nullité d'un acte juridique ne peut jouer pour faire échec à la demande d'exécution de cet acte que s'il n'a reçu aucune exécution (Civ 1ère., 1er décembre 1998, n° 96-17.761 ; 9 novembre 1999, pourvoi n° 97-16.454; 13 février 2007, n° 05-18.097), ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce du contrat de bail litigieux.

Il doit donc être fait droit à la demande tendant à l'irrecevabilité de celle tendant à la nullité du contrat de bail du 12 février 2012.

2 - Sur le congé pour vendre signifié le 17 février 2021 pour le 1er juillet 2022

Les appelants soutiennent :

- que la date d'effet du bail du 17 février 2012 ne pouvait être le 2 juillet 2010, date à laquelle les époux [K] n'étaient pas encore propriétaires et à laquelle la locataire bénéficiait de la convention locative conclue le 3 mai 1983, ce dont ils déduisent que le bail du 17 février 2012 n'a pu prendre effet que le 17 février 2012, date de sa signature, puis a été tacitement reconduit, pour la dernière fois le 17 février 2021 pour expirer le 17 février 2024, de sorte que le congé aurait dû être donné pour le 17 février 2024 et non le 1erjuillet 2022 et que le congé n'a pas été signifié à M. [T] [Y].

Toutefois, d'une part, il est constant que le congé délivré pour une date prématurée est valable pour la date pour laquelle il aurait dû être signifié, sans préjudice de la possibilité de conclure un bail à effet rétroactif (Par ex. Cour d'appel, Paris, Pôle 4, chambre 3, 8 mars 2018 n° 16/15023) et, d'autre part, le congé n'avait pas à être signifié à M. [T] [Y] qui n'est pas titulaire du bail.

En effet, en première page du bail, seule Mme [J] [Y] figure dans l'encart « Locataire » et en fin de bail, seule Mme [J] [Y] a signé sous le titre « locataire». Ainsi, M. [T] [Y] n'a apposé sa signature que sous la précision que « le présent bail est signé en présence du fils de Madame [J] [Y] » compte tenu de l'âge de cette dernière, la présence, attestée par sa signature, de son fils étant de nature à écarter tout questionnement sur son consentement.

Par suite, c'est à juste titre que le premier juge considérant que le bail signé entre les parties le 17 février 2012 était à effet rétroactif au 1er juillet 2010, a rejeté la demande en nullité du congé litigieux et a statué sur les conséquences nécessaires qui en découlaient.

La nature indemnitaire et compensatoire de l'indemnité d'occupation, de nature mixte compensatoire et indemnitaire, conduit à la fixer, au vu des éléments en débat, au montant du loyer qui aurait été dû si le contrat de bail s'était poursuivi, qui correspond à la valeur des lieux loués sans interruption depuis le 15 mai 1983 outre les provisions pour charges, et ce jusqu'à libération effective et complète des lieux.

Le jugement entrepris est donc confirmé des chefs relatifs à la validité du congé litigieux et à ses suites nécessaires.

3 - Sur les demandes accessoires

Le jugement entrepris a fait une exacte application de l'article 696 du code de procédure civile et une application équitable de l'article 700 de ce code.

Les appelants, dont le recours échoue, doivent supporter in solidum les dépens d'appel et l'équité ne commande de les condamner à payer l' indemnité de procédure demandée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant sur les chefs du jugement critiqués,

Confirme le jugement entrepris sauf des chefs relatifs à la nullité du contrat de bail,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande de Mme [J] [Y] née [L] et M. [T] [Y] tendant à la nullité du bail du 17 février 2012 ;

Condamne in solidum Mme [J] [Y] née [L] et M. [T] [Y] aux dépens d'appel et rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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