Livv
Décisions

Cass. 3e civ., 27 novembre 2025, n° 23-18.663

COUR DE CASSATION

Autre

Rejet

Cass. 3e civ. n° 23-18.663

27 novembre 2025

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 27 novembre 2025

Rejet

Mme TEILLER, présidente

Arrêt n° 562 F-D

Pourvoi n° M 23-18.663

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 NOVEMBRE 2025

1°/ M. [M] [F], domicilié [Adresse 2],

2°/ Mme [H] [P], épouse [F], domiciliée [Adresse 1],

tous deux agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'ayants droit de [E] [F]

ont formé le pourvoi n° M 23-18.663 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2023 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre civile, section A), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [C] [Y],

2°/ à M. [N] [W],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pety, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [F] et de Mme [P], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de Mme [Y] et de M. [W], après débats en l'audience publique du 7 octobre 2025 où étaient présents Mme Teiller, présidente, M. Pety, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffière de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 17 mai 2023) et les productions, par acte authentique du 22 août 2014, M. [W] et Mme [Y] (les acquéreurs) ont acquis de M. [M] [F] (le vendeur) une maison à usage d'habitation que ce dernier avait lui-même achetée à ses parents, [E] [F] et Mme [H] [F], lesquels conservaient sur le bien un droit d'usage et d'habitation.

2. Ayant observé un phénomène de fissuration de l'immeuble confirmé par une expertise amiable, les acquéreurs ont sollicité, le 15 décembre 2015, la désignation d'un expert judiciaire qui a établi son rapport le 3 mai 2019.

3. Par actes des 29 août et 3 septembre 2019, ils ont assigné le vendeur et ses parents en paiement de diverses sommes sur les fondements de la garantie des vices cachés et du dol.

4. [E] [F] est décédé le 18 octobre 2021, laissant pour lui succéder son épouse et son fils.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. Le vendeur et Mme [F] font grief à l'arrêt de dire inapplicable la clause d'exclusion de la garantie des vices cachés et de les condamner à payer diverses sommes aux acquéreurs, alors :

« 1°/ que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même ; qu'en retenant que Mme [Y] et M. [W] n'avaient pas pu se rendre compte du caractère évolutif des fissures dont certaines avaient été dissimulées par un doublage réalisé par les époux [F] plus de vingt ans avant la vente, cependant qu'il était constant que lors de la vente, étaient visibles à l'œil nu de très nombreuses et importantes fissures tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de la maison, ce qui aurait dû conduire les acquéreurs à se convaincre de l'existence d'un vice structurel évolutif, ou en tous les cas, les conduire à procéder à des investigations supplémentaires, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs insuffisants à établir le caractère caché des vices constatés et l'impossibilité pour les acquéreurs de s'en convaincre et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1642 du code civil ;

2°/ que le vendeur est tenu des vices cachés quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait été stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie ; qu'en relevant, pour écarter la clause de non-garantie des vices cachés stipulée à l'acte de vente, que les époux [F] et M. [M] [F] ne pouvaient ignorer l'existence des fissures et de leur caractère évolutif dès lors qu'ils avaient procédé aux rebouchages des dites fissures qui, malgré ces travaux, étaient ré-apparues, cependant que ces motifs sont insuffisants à caractériser que les vendeurs connaissaient l'ampleur du désordre que les fissures révélaient et qu'ainsi, il avaient intentionnellement voulu tromper les acquéreurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1643 du code civil ;
3°/ que le vendeur est tenu des vices cachés quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait été stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie ; qu'en relevant, pour écarter l'application de la clause de non-garantie insérée à l'acte de vente, que les époux [F] avaient mis en place un coffrage de nature à dissimuler une partie des fissures du salon, cependant qu'elle avait constaté que ce coffrage avait été réalisé en 1994, soit plus de 20 ans avant la vente, ce qui était insuffisant à démontrer la volonté des vendeurs, au moment de la vente, de dissimuler les fissures et le vice qu'elles révélaient, la cour d'appel a, de nouveau, privé de base légale au regard de l'article 1643 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. En premier lieu, la cour d'appel, qui a relevé que le phénomène généralisé de fissuration de l'immeuble était ancien et évolutif, de sorte que les travaux de rebouchage accomplis par les propriétaires successifs n'avaient pas d'autre visée qu'esthétique, sans aucune fonction réparatrice des causes du désordre, a retenu que, si les acquéreurs avaient pu constater, lors des visites du bien, des vices apparents sous forme de fissures rebouchées, pour certaines réouvertes, l'origine structurelle du phénomène nécessitant des travaux en sous-oeuvre, au niveau des fondations, des raidisseurs et des chaînages, leur était inconnue lors de la vente, d'autant qu'un doublage réalisé en 1994 masquait, au moins sur deux côtés, la plupart des fissures présentes sous le doublage d'origine à l'intérieur du séjour, seul l'examen par un professionnel des désordres visibles étant de nature à établir l'ampleur exacte d'un phénomène rendant, à court ou à moyen terme, l'immeuble impropre à sa destination.

8. En second lieu, elle a souverainement retenu, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, que la connaissance d'un tel vice par le vendeur, occupant des lieux jusqu'en 2009, et par les propriétaires antérieurs, maintenus dans les lieux au titre du droit d'usage, résultait suffisamment de l'ancienneté des désordres et de l'inefficacité récurrente des travaux de rebouchage qu'ils avaient entrepris, de sorte qu'ils ne pouvaient se prévaloir de la clause de non-garantie.

9. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

10. Le vendeur et Mme [F] font grief à l'arrêt de les condamner à payer aux acquéreurs une certaine somme au titre des travaux de reprise de l'immeuble vendu, alors « que, dans sa version applicable au litige, l'article 1644 du code civil prévoyait que, lorsque l'acquéreur fait le choix de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, celle-ci devait être arbitrée par experts ; qu'en relevant, pour condamner in solidum M. [M] [F] et Mme [H] [F] à payer à Mme [Y] et M. [W] la somme de 201 179,44 euros TTC, que cette somme correspondait au coût des travaux de reprise des désordres tel que fixé par l'expert judiciaire, la somme due au titre de l'action estimatoire ne pouvait être arbitrée que par experts, la cour d'appel a violé l'article 1644 du code civil dans sa version antérieure à celle résultant de l'entrée en vigueur de la loi n° 2015-1177 du 16 février 2015, applicable au litige. »

Réponse de la Cour

11. L'article 1644 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, qui a supprimé, s'agissant de l'action estimatoire en garantie des vices cachés, la référence à la restitution d'une partie du prix telle qu'elle sera arbitrée par experts, est applicable aux actions engagées postérieurement à la date de son entrée en vigueur.

12. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [M] [F] et Mme [H] [F] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [M] [F] et Mme [H] [F] et les condamne in solidum à payer à M. [W] et à Mme [Y] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-sept novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site