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Cass. 3e civ., 27 novembre 2025, n° 23-21.110

COUR DE CASSATION

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Rejet

Cass. 3e civ. n° 23-21.110

27 novembre 2025

CIV. 3

CC

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 27 novembre 2025

Rejet

Mme TEILLER, présidente

Arrêt n° 575 FS-D

Pourvoi n° W 23-21.110

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 NOVEMBRE 2025

La société Marmalcoa, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 5] (Portugal), a formé le pourvoi n° W 23-21.110 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2023 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société L'Auxiliaire, société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Abeille IARD et santé, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

3°/ à la société Sogea Provence, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7], venant aux droits de la société Chantiers modernes sud, venant elle-même aux droits de la société Charles Queyras TP,

4°/ à la société URBATP carrières et marbres, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6], en liquidation judiciaire,

5°/ à la société [Y] et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [S] [Y], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société URBATP carrières et marbres,

défenderesses à la cassation.

La société Abeille IARD et santé a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Foucher-Gros, conseillère, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Marmalcoa, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Abeille IARD et santé, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société L'Auxiliaire, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 octobre 2025 où étaient présents Mme Teiller, présidente, Mme Foucher-Gros, conseillère rapporteure, M. Boyer, conseiller doyen, Mme Abgrall, MM. Pety, Brillet, Mme Guillaudier, conseillers, M. Zedda, Mmes Rat, Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Letourneur, greffière de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 29 juin 2023), la commune d'[Localité 4] (la commune) a confié des travaux de création de trottoirs, parking, places et zones piétonnes d'un boulevard à un groupement d'entreprises dont le mandataire est la société Charles Queyras TP, aux droits de laquelle vient désormais la société Sogea Provence (le sous-acquéreur), assurée auprès de la société L'Auxiliaire.

2. Le sous-acquéreur a commandé la fourniture de bordures en pierre calcaire à la société Sportiello marbres, aux droits de laquelle est venue la société URBATP carrières et marbres (le vendeur intermédiaire), désormais en liquidation judiciaire, assurée auprès de la société Aviva, dénommée ensuite Abeille IARD et santé, qui s'est fournie auprès de la société Marmalcoa (le vendeur initial).

3. Le sous-acquéreur, à qui la commune s'était plainte que des bordures se désagrégeaient, a été indemnisé de ses dommages par la société L'Auxiliaire, qui avait fait réaliser une expertise amiable, ayant donné lieu à deux rapports successifs les 16 octobre 2012 et 18 janvier 2013, avant de solliciter une expertise en référé, ordonnée le 29 avril 2015, l'expert judiciaire ayant déposé son rapport le 10 juillet 2016.

4. Par acte du 26 juillet 2016, le vendeur intermédiaire a assigné le vendeur initial, le sous-acquéreur, la société L'Auxiliaire et la société Aviva pour voir déclarer forclose l'action en garantie des vices cachés du sous-acquéreur et de son assureur et, subsidiairement, en condamnation du vendeur initial.

5. Le 24 mars 2017, la société L'Auxiliaire a assigné le sous-acquéreur, le vendeur initial, le vendeur intermédiaire et l'assureur de celui-ci en paiement des sommes versées à son assuré.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal et sur le moyen du pourvoi incident

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

7. Le vendeur initial fait grief à l'arrêt de dire que les bordures en pierre du chantier de la commune présentaient un vice caché, de le condamner in solidum avec le vendeur intermédiaire à verser une certaine somme à la société L'Auxiliaire subrogée dans les droits du sous-acquéreur, au titre du remboursement de ces bordures, à verser la somme de 787 194,82 euros dont 400 000 euros déduction faite de la franchise, in solidum avec la société Abeille IARD et santé, à la société L'Auxiliaire subrogée dans les droits du sous-acquéreur, à titre de dommages-intérêts correspondant aux frais de dépose et repose, et de le condamner à relever et garantir le vendeur intermédiaire à hauteur d'une certaine somme correspondant au coût des matériaux, alors « que le vendeur n'est tenu à garantie que lorsque la chose est impropre à l'usage auquel on la destine ; que dans ses conclusions, la société Marmalcoa avait souligné que la pierre vendue, dont la particularité avait été soulignée, était conforme à la commande et qu'elle n'avait jamais été informée de la destination de cette pierre, à savoir une commune située en région de montagne ; qu'en retenant l'existence d'un vice caché, sans rechercher si la société Marmalcoa avait été informée de l'usage spécifique qui allait être fait de la pierre, et si en l'absence d'une telle information, la chose vendue, qui pouvait parfaitement être utilisée sans dommage dans d'autres régions, n'était pas exempte de vice caché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du code civil. »

Réponse de la Cour

8. Ayant retenu que, le vice du matériau provenant de la présence d'argile en quantité excessive, le choix d'une pierre plus résistante au gel et dégel n'aurait pas empêché la survenance des désordres, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche, que ses constatations rendaient inopérante, sur les informations délivrées au vendeur initial quant à la destination de la pierre, a légalement justifié sa décision.

Sur le troisième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

9. Le vendeur initial fait grief à l'arrêt de le condamner, in solidum avec le vendeur intermédiaire, à verser la somme de 787 194,82 euros dont 400 000 euros déduction faite de la franchise, in solidum avec la société Abeille IARD et santé à la société L'Auxiliaire, subrogée dans les droits du sous-acquéreur, à titre de dommages-intérêts correspondant aux frais de dépose et repose, alors « que l'action exercée par l'acquéreur final contre le vendeur originaire est celle de son auteur, c'est-à-dire celle du vendeur intermédiaire contre le vendeur originaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que compte tenu des stipulations contractuelles, l'intermédiaire, ne pouvait réclamer au vendeur originaire, que la seule somme de 139 943,18 euros correspondant au coût des matériaux ; qu'en faisant droit à l'action de la société L'Auxiliaire, venant aux droits de l'acquéreur final, au titre des frais de dépose et repose, dont elle avait relevé que le vendeur intermédiaire ne pouvait obtenir réparation à l'encontre du vendeur originaire, la cour d'appel a violé les articles 1641, 1644 et 1645 du code civil. »

Réponse de la Cour

10. Si le vendeur, tenu de la garantie des vices cachés de la chose vendue, est en droit d'opposer au sous-acquéreur tous les moyens de défense qu'il peut opposer à son propre cocontractant, le juge, statuant dans les limites du litige, ne peut faire application d'une clause limitative de garantie que lorsque celle-ci est opposée par le vendeur à la partie qui se prévaut de ladite garantie.

11. Ayant relevé que le vendeur initial n'opposait la clause de limitation de sa garantie qu'au vendeur intermédiaire, premier acquéreur, et non à l'assureur du sous-acquéreur, c'est à bon droit que la cour d'appel n'en a pas fait application contre ce dernier.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

13. Le vendeur initial fait grief à l'arrêt de le condamner à relever et garantir le vendeur intermédiaire à hauteur d'une certaine somme correspondant au coût des matériaux, alors « que le juge est tenu de répondre aux conclusions des parties ; que, dans ses conclusions d'appel, le vendeur faisait valoir qu'il n'était pas tenu à garantie à l'égard de la société venant aux droits de la société URBATP carrières et marbres, dès lors que cette dernière avait la qualité de vendeur de pierres identiques à celles qui lui avaient été livrées, qu'elle était à même d'en découvrir les défauts et qu'il ne s'agissait donc pas pour elle de vices cachés ; qu'en se contentant d'examiner la limitation de garantie opposée par le vendeur à la société venant aux droits de la société URBATP carrières et marbres, sans examiner ce moyen pertinent de nature à écarter tout appel en garantie de cette dernière, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

14. Ayant relevé que l'origine exacte des désordres affectant les pierres calcaires fournies ne pouvait pas être décelée avant les investigations effectuées par le laboratoire Lerm, la cour d'appel a fait ressortir, répondant aux conclusions prétendument délaissées, que le vice était caché pour le vendeur intermédiaire.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne les sociétés Marmalcoa et Abeille IARD et santé aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-sept novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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