CA Paris, Pôle 6 - ch. 6, 26 novembre 2025, n° 22/01104
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRET DU 26 NOVEMBRE 2025
(N°2025/ , 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01104 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFALR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F20/02461
APPELANTE
Association UNEDIC
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Frédéric BENOIST, avocat au barreau de PARIS, toque : G0001
INTIME
Monsieur [S] [C]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Marie-catherine VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-José BOU, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre et de la formation
Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Gisèle MBOLLO
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, initialement prévue le 09 juillet 2025 et prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre et par Gisèle MBOLLO, Greffière à laquelle la miute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
L'association Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) a engagé M. [S] [C] en qualité d'assistant de direction par contrat de travail à durée indéterminée à effet du 1er avril 1979. A compter du 1er janvier 1997, M. [C] a exercé les fonctions de directeur délégué national au sein de la délégation UNEDIC/AGS.
Par lettre remise en mains propres le 18 décembre 2018, l'UNEDIC a notifié à M. [C] sa mise à la retraite avec dispense d'activité durant la période du préavis conventionnel du 1er janvier au 30 juin 2019.
L'UNEDIC a convoqué, par lettre du 25 avril 2019, M. [C] à un entretien préalable fixé au 7 mai suivant puis lui a notifié son licenciement pour 'faute lourde' aux termes d'une lettre du 14 mai 2019 ainsi rédigée :
' (...) Comme exposé lors de l'entretien, les faits, que vous n'avez d'ailleurs pas contestés, motivant ce licenciement, sont les suivants :
Vous avez débuté vos fonctions au sein de l'Unédic en I978, puis à la création de la DUA en septembre 1996, vous avez été nommé en qualité de Cadre dirigeant le 1er janvier 1997 pour exercer les fonctions de Directeur de la DUA, en tant que salarié de l'Unédic.
Vous bénéficiez d'une délégation de pouvoir consentie par moi-même vous interdisant tout engagement supérieur à 100.000 E.
Mi 2018, vous avez fait valoir votre souhait de partir à la retraite puisque vous remplissiez les conditions d'âge le permettant et avez oeuvré afin que j'en prenne l'initiative. Vous avez annoncé à de nombreux interlocuteurs tant en externe qu'en interne, et notamment aux instances représentatives du personnel, que vous seriez mis à la retraite d'ici la fin de l'année 2018 avec le bénéfice d'un préavis de six mois dispensé d'exécution à compter du 1er janvier 2019.
De fait, par lettre du 18 décembre 2018, nous vous avons notifié votre mise à la retraite à compter du 1er janvier 2019 sous bénéfice d'un préavis conventionnel d'une durée de six mois en application de l'article 31 de la Convention Collective applicable, préavis dont vous étiez expressément dispensé d'exécution.
Vous deviez donc quitter définitivement les effectifs de l'Unedic au 30 juin 2019.
ll est cependant ensuite apparu que les conditions dans lesquelles nous avions été amenés à procéder à votre mise à la retraite le 18 décembre 2018, ont été provoquées par des manoeuvres et agissements dolosifs de votre part, trahissant notre confiance en précipitant cette decision et nous empêchant de prendre connaissance de faits particulièrement graves susceptibles de vous être reprochés.
Ces faits s'analysent comme suit.
Nous avons en effet récemment eu connaissance de ce que, lors de la prise de fonction de la nouvelle Directrice Nationale de la DUA, Madame [N] [F], plusieurs collaborateurs et cadres-salariés de la DUA lui avaient fait part de circonstances pour le moins étonnantes constatées dans le fonctionnement de la Direction de la DUA, circonstances mettant en cause tant vous-même que Madame [O] [K], Responsable du Service Juridique ainsi que Madame [D] [U], Secrétaire Genérale de la DUA.
ll était notamment fait état d'une attribution massive et anormale de dossiers de la part de la DUA auprès d'une Avocate au Barreau de Paris, entrainant un volume très significatif d'honoraires, cette collaboration s'inscrivant dans une relation très personnelle que cette Avocate entretenait avec vous-même mais également avec l'ancienne Directrice Juridique de la DUA, allant jusqu'à offrir des cadeaux de grande valeur.
Des diligences ont donc été entreprises pour avoir une meilleure connaissance de ces circonstances.
Concomitamment, il est apparu qu'aidé en cela par Madame [K], vous avez détruit et soustrait un grand nombre de dossiers appartenant à la DUA - et donc à l'Unédic - entravant ainsi le bon déroulement des recherches engagées.
Face à la gravité de cette situation, il a été decidé, à la fin du mois de novembre 2018, de confier au Cabinet E&Y, le soin de procéder à un audit pour confirmer ou infirmer la réalité des faits rapportés et le cas échéant en mesurer l'ampleur exacte. Connaissance prise de cette décision, vous avez accéléré votre entreprise de soustraction et de destruction de certains fichiers en n'hésitant pas à en informer certains collaborateurs de la DUA.
Or, à leurs termes, les travaux du Cabinet E&Y ont permis de constater les éléments suivants :
Sur vos instructions spécifiques, Maître [W] [X], Avocate au Barreau de Paris, a bénéficié d'une attribution massive et anormale de dossiers de la part de la DUA, conduisant à ce que ses honoraires soient singulièrement plus élevés que ceux des autres Avocats contrôleurs et ce sur tous les types de dossiers sur lesquels elle intervenait, y compris les moins complexes, en dissimulant ces factures du système de traitement usuel PROTEA ;
Il est également apparu que durant l'année 2018, c'est-à-dire durant l'année de votre départ annoncée en retraite, le volume déjà très significatif d'honoraires facturés par Maître [W] [X] a été augmenté de 150 % par rapport à l'année précédente;
Qu'en outre, Maître [W] [X] a facturé des honoraires parfois exorbitants notamment sur un dossier 'SNCM' en établissant une facture qui vous a été adressée le 4 février 2016 faisant état de diligences absolument anormales et dont un bref examen en démontre l'absence totale de réalité.
Que Maître [W] [X] vous adressait parfois des sms/Whatsapp pour valider, en amont, le principe et le montant de certaines facturations, ce qui témoigne, là encore, outre du caractère très personnel de la relation que vous entreteniez avec elle mais également et surtout de ce que ce mode de facturation était radicalement contraire aux intérêts de la DUA et donc de l'Unédic.
Que ce faisant, vous avez sciemment transgressé à de nombreuses reprises les règles et processus internes s'agissant de valider et payer les factures des fournisseurs, en l'espèce de Maître [W] [X], notamment en approuvant une facture de 266.000 € sur le dossier SNCM alors que vous ne pouviez engager de dépenses au-delà de 100.000 € sans nous en référer.
Qu'en outre, fin 2018, donc en étant sur le point de quitter vos fonctions, vous avez conclu avec Maître [W] [X] une convention d'honoraires totalement exorbitante tant dans son principe que dans ses modalités financières, s'agissant d'un montant d'engagement de 600.000 € sur six ans, outrepassant, là encore, la délégation de pouvoir sur la gestion administrative qui vous avait été consentie.
D'autres circonstances ont encore alerté les auditeurs dans le cadre de leurs différentes investigations
Notamment s'agissant de prestations de communication engagées par vos soins alors même que la DUA dispose, depuis le 1er septembre 2013, d'un service de communication interne. Il est en effet apparu qu'à votre initiative, la DUA a engagé avec la société ETRE SAS une collaboration étonnante à plusieurs titres.
D'une part, et là encore, il apparait que vous entreteniez avec les Dirigeants de cette société des relations extra-professionnelles et amicales obtenant de ceux-ci des faveurs particulières dont pouvaient bénéficier des membres de votre famille et notamment votre fille dont vous vous êtes employé à favoriser l'embauche par cette société.
S'agissant des prestations réalisées par ce fournisseur, sont apparues :
Des prestations de conseils, études et suivis pour un montant de 441 600 € pour la seule période 2014/2018, sans qu'il soit possible de définir précisement le type de prestation accomplie à ce titre ;
Une somme de 1.220 350 € facturée par la société ETRE à la DUA sur cette même période pour des prestations dont il est apparu qu'elles entraient, pour l'essentiel, dans les fonctions des Collaborateurs de la DUA travaillant au sein du service communication.
Au-delà, ce sont à nouveau les modalités de facturations qui démontrent une parfaite irrégularité, s'agissant de coutrats triennaux ne mentionnant pas de montants, mais établissant le principe que chaque année devait être établi avec la DUA visant à détailler différentes prestations devant faire l'objet du plan de communication.
Or, il est apparu que, notamment pour l'exercice 2018, un devis approuvé par vos soins a été établi pour un montant annuel de 302.000 €, sans lien avec l'accomplissement effectif d'une quelconque prestation.
ll est également apparu que bien que la société ETRE ait été placée en redressement judiciaire en mai 2017, vous vous êtes immédiatement employé à faire procéder au renouvellement de son contrat pour une période triennale alors même qu'elle venait d'être quasiment vidée de ses effectifs.
Ces circonstances ont donc conduit l'Unédic à porter plainte contre X le 29 mars 2018 des chefs de faux et usage de faux, abus de confiance, recels, vols, corruption active et passive et prise illégale d'intérêts.
Depuis l'engagement de cette plainte, nous avons dû procéder à d'autres diligences à l'effet d'analyser vos notes de frais et certaines factures fournisseurs qui apparaissaient totalement anormales.
De fait, il est apparu que là encore, vous avez sciemment transgressé les règles de procédures internes et trompé votre Direction en approuvant vous-même vos propres frais de déplacement et en dépassant les seuils autorisés pour les nuits d'hôtel et de dejeuner.
Ainsi avons-nous tout récemment constaté que vous avez validé de manière anormale, des notes de frais afférentes à des voyages et déplacements tant pour vous-même que pour certains des collaborateurs de la DUA en Martinique en janvier 2017 et à [Localité 5] en mai 2017.
De même, vous avez expressement validé une note de frais afférente à une chambre d'hôtel en décembre 2018 pour un montant de 312 €, sachant que la politique de déplacement des collaborateurs de la DUA/AGS impose un barème de remboursement pour l'hôtellerie en Province d'un montant maximum de 90 € par nuit.
ll apparait également que vous avez fait prendre en charge par l'Unédic sept déjeuners à plus de 75 €/l00 € par personne, ces notes de frais ayant été approuvées par vous-même alors, que là encore le barème de remboursement pour les repas est de 25 € par personne pour le déjeuner.
De tels agissements sont extrêmement graves et portent un prejudice considérable à l'Unédic.
Or, vous avez pris grand soin, tout au long de ces années, de les dissimuler, soit par l'utilisation de procédés informatiques et comptables contraires aux règles de procédures internes, soit quelques temps avant la cessation de vos fonctions, en procédant à la soustraction frauduleuse et/ou de la destruction de certains documents et dossiers.
Nous considérons donc que votre mise à la retraite en date du 18 décembre a été obtenue de manière frauduleuse et que, par conséquent elle est nulle et non avenue.
Par ces agissements d'une gravité exceptionnelle, il apparait à l'évidence que vous avez non seulement transgressé les principes les plus élémentaires régissant vos fonctions mais qu'également, vous avez été animé d'une volonté tout aussi évidente de nuire à l'Unédic.
Ces faits constituent donc une faute lourde rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise.
Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis, ni indemnité de rupture et vous cessez par conséquent de faire partie des effectifs de notre association à compter de la première date de présentation du présent courrier.(...)'.
M. [C] a saisi le 5 juillet 2019 la formation des référés du conseil de prud'hommes de Paris.
Par arrêt du 18 février 2021, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance de référé du 28 novembre 2019 en ce qu'elle a rejeté la demande de sursis à statuer formée par l'UNEDIC et, la réformant pour le surplus, a condamné l'UNEDIC à payer à titre provisionnel à M. [C] les sommes de 23 849,15 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 2 384,92 euros bruts au titre des congés payés afférents et de 191 638,56 euros à titre d'indemnité de mise à la retraite.
Le 14 mai 2020, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris en contestation de son licenciement, paiement des indemnités de rupture et dommages-intérêts.
Par jugement du 4 octobre 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :
'Rejette la demande de surseoir à statuer soulevée par la partie défenderesse à l'instance.
Confirme l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris en Référé.
Condamne la Société UNEDIC à payer à Monsieur [S] [C] les sommes suivantes:
23 849,15 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis
2 384,92 euros au titre de congés payés afférents
191 638,56 euros à titre d'indemnité de départ à la retraite
Avec intérêt de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et jusqu'au jour du paiement
Rappelle qu'en vertu de l'article R.1454.28 du Code du Travail ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Fixe cette moyenne à la somme de 7 949,71 euros
1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Déboute Monsieur [S] [C] du surplus de ses demandes
Déboute la Société UNEDIC de sa demande relative à l'article 700 du Code de Procédure Civile
Condamne la Société UNEDIC aux entiers dépens.'
L'UNEDIC a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 13 janvier 2022.
Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 6 octobre 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, l'UNEDIC demande à la cour de :
'Déclarer recevable et bien fondée l'association Unédic en son appel, demandes, fins et conclusions et de :
- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :
o Rejeté la demande de sursis à statuer soulevée par l'Unédic ;
o Confirmé l'arrêt rendu le 18 février 2021 par la Cour d'appel de Paris en Référé ;
o Condamné l'Unédic à payer à Monsieur [C] les sommes suivantes :
- 28.849,15 € au titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 2.884,92 € au titre des congés payés afférents ;
- 191.638,56 €à titre d'indemnité de départ à la retraite ;
- les intérêts de droit ;
- 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- les dépens
o Débouté l'Unédic de sa demande relative à l'article 700 du Code de procédure civile ;
- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [C] de ses demandes de dommages et intérêts consécutive au préjudice subi par lui du fait du manquement de l'employeur à son obligation de loyauté et des circonstances brusques et vexatoires de son licenciement;
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
Dire y avoir lieu à surseoir à statuer dans l'attente de la clôture de la procédure pénale dans laquelle est mis en cause Monsieur [S] [C] ensuite de la plainte déposée par l'Unédic ;
A titre subsidiaire,
Débouter Monsieur [C] de l'ensemble de ses demandes,
Condamner Monsieur [C] au paiement d'une somme de un euro à parfaire
En tous les cas,
Condamner Monsieur [C] à payer à l'Unédic la somme de 3.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner Monsieur [C] aux entiers dépens.'.
Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 juillet 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, M. [C] demande à la cour de :
'Débouter L'UNEDIC de son appel et de toutes ses demandes, fins et conclusions.
I. CONFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes du 4 octobre 2021 en ce qu'il :
REJETTE la demande de surseoir à statuer formée par l'UNEDIC
CONDAMNE l'UNEDIC à verser à M. [C] les sommes suivantes :
' 23.849,15 euros bruts au titre de son indemnité compensatrice de préavis pour la période du 17 mai au 30 juin 2019 ;
' 2.384,92 euros bruts au titre de son indemnité compensatrice de congés payés sur préavis;
' 191.638,56 euros bruts au titre de son indemnité de mise à la retraite.
' 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
- A TITRE SUBSIDIAIRE, si la Cour infirmait le jugement du chef de la mise à la retraite notifiée le 18 décembre 2018 à M. [C]
JUGER sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié le 15 mai 2019 à Monsieur [C] ;
En conséquence,
CONDAMNER l'UNEDIC à verser à M. [C] les sommes suivantes :
- 97.268,28 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis pour la période du
17 mai au 17 novembre 2019 ;
- 9.726,83 euros d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;
- 291.804,84 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 1 euro à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
ORDONNER à l'UNEDIC de remettre à M. [C] un bulletin de paye, certificat de travail et attestation Pôle Emploi rectifiés, sous astreinte de 500 euros par jour et par document à compter du 8ème jour à compter de la notification du jugement à intervenir, astreinte que la Cour de céans se réservera le pouvoir de liquider ;
II. INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Paris du 4 octobre 2021 en ce qu'il a :
DEBOUTÉ M. [C] de sa demande de dommages et intérêts au titre du manquement de l'UNEDIC à son obligation de loyauté et des circonstances brusques et vexatoires du licenciement ;
Faisant droit à l'appel incident et statuant à nouveau,
CONDAMNER l'UNEDIC à verser à M. [C] la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre des circonstances brusques et vexatoires du licenciement et du manquement à son obligation de loyauté :
III. En tout état de cause,
ORDONNER la capitalisation des intérêts sur l'ensemble des condamnations ;
JUGER que les intérêts au taux légal s'appliquent sur l'ensemble des condamnations depuis la date de saisine du Conseil de prud'hommes ;
CONDAMNER l'UNEDIC au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel ;
CONDAMNER l'UNEDIC aux dépens d'appel.'.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 mars 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de sursis à statuer de l'UNEDIC
L'UNEDIC demande à la cour de surseoir à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale en cours, ce à quoi l'intimé s'oppose.
Hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, le juge apprécie l'opportunité du sursis à statuer.
L'article 4 du code de procédure pénale dispose que l'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction prévue par l'article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique.
Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.
La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.
En l'espèce, au soutien de sa demande, l'UNEDIC verse aux débats :
- deux articles de presse des 25 et 26 mars 2019 faisant état d'une plainte contre X 'suite à des malversations qui auraient eu lieu au sein' de l'AGS et évoquant M. [C] ;
- un extrait de la lettre recommandée reçue le 29 mars 2019 par laquelle le conseil de l'UNEDIC a déposé plainte auprès du parquet du tribunal de grande instance de Paris pour faux et usage de faux, recel, vol, corruption active et passive et prise illégale d'intérêts, sans que cet extrait ne mentionne les faits dénoncés par cette plainte et les personnes éventuellement citées par celle-ci ;
- le récépissé, délivré par le greffe du cabinet du doyen des juges d'instruction au pôle financier du tribunal judiciaire de Paris, de dépôt de plainte avec constitution de partie civile reçue le 15 mars 2021, émanant de l'UNEDIC, contre X du chef de faux et usage de faux, abus de confiance, recel, vol, corruption active et passive et prise illégale d'intérêts.
Ces éléments sont très parcellaires, ne démontrent pas une mise en mouvement de l'action publique et ne sont pas actualisés, l'UNEDIC ne justifiant aucunement de la suite de la plainte simple et de celle de la plainte avec constitution de partie civile. Dans ces conditions, la demande de sursis à statuer est rejetée, le jugement étant confirmé en ce sens.
Sur les demandes en paiement de M. [C]
L'UNEDIC conteste la validité de sa notification de mise à la retraite en invoquant l'existence d'un vice du consentement à l'origine de l'établissement de son acte unilatéral de mise à la retraite. Elle se plaint d'une erreur et d'un dol, arguant des manoeuvres de M. [C] qui s'est employé à tromper sa vigilance d'abord par ses agissements pénalement répréhensibles puis par ses pressions sur elle afin d'obtenir en urgence sa mise à la retraite. Elle prétend que cette nullité rend les demandes de M. [C] sans fondement.
Ce dernier conteste toute manoeuvre ou erreur, reproche à l'UNEDIC de s'être fait justice à elle-même en rétractant sa décision de mise à la retraite et relève son incohérence, indiquant qu'elle a fait produire effet à la notification de sa mise à la retraite. Il invoque que la décision de le mettre à la retraite prive d'effet le licenciement qui lui a été notifié postérieurement et qu'il est en droit d'obtenir le paiement du solde de son indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de mise à la retraite.
Les vices du consentement, dont l'erreur et le dol, sont une cause de nullité et applicables aux actes unilatéraux. L'erreur doit porter sur les qualités substantielles. Le dol suppose des manoeuvres ou des mensonges destinés à obtenir le consentement de l'autre partie. L'erreur et le dol vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Il appartient à celui qui invoque l'existence d'un vice du consentement de le prouver.
Au cas présent, l'UNEDIC invoque avoir été trompée par M. [C] qui lui aurait masqué ses agissements pénalement répréhensibles. Cependant, non seulement les pièces susvisées ne justifient pas de la réalité d'infractions pénales commises par M. [C] au détriment de l'UNEDIC mais cette dernière ne produit aucun autre élément au soutien de ses allégations. En particulier, elle ne communique pas le résultat de l'audit qu'aux termes de la lettre de licenciement, elle dit avoir confié au cabinet E & Y et qui aurait confirmé et/ou révélé des actes frauduleux commis par M. [C] au préjudice de l'UNEDIC.
L'UNEDIC invoque ensuite avoir subi des pressions de celui-ci en vue de sa mise à la retraite en urgence. Mais le simple fait que M. [C], né le 12 juin 1947 et alors âgé de 71 ans, ait annoncé au cours de réunions du comité d'entrepise à l'été et à l'automne 2018 qu'il allait bientôt cesser ses fonctions ne saurait sérieusement caractériser des manoeuvres dolosives ayant conduit le directeur général d'une institution comme l'UNEDIC à consentir dans l'urgence à sa mise à la retraite. Au demeurant, la lettre de mise à la retraite du 18 décembre 2018 qui fait état d'un entretien tenu à ce sujet le 29 octobre précédent, soit plus d'un mois et demi avant, et des dispositions du code du travail et conventionnelles applicables contredit la réalité de telles pressions et leur caractère déterminant dans la décision prise par l'UNEDIC.
En conséquence, la contestation par l'UNEDIC de la validité de la décision de mise à la retraite de M. [C] est mal fondée.
En outre, comme le fait valoir l'intimé, une mise à la retraite notifiée par l'employeur à son salarié ne peut être rétractée qu'avec l'accord de ce dernier. (Soc., 28 février 2006, pourvoi n° 04-40.303, Bull. 2006, V, n° 90). Cet accord est en l'espèce inexistant.
Ainsi, la décision de mise à la retraite de M. [C] n'est pas nulle et n'a pu être rétractée par l'UNEDIC.
La faute grave commise par le salarié au cours de l'exécution de son préavis, a pour effet d'interrompre le préavis et de priver le salarié de la partie de l'indemnité compensatrice de préavis correspondant à celle de la période restant à courir jusqu'au terme du préavis, peu important que la procédure disciplinaire mise en oeuvre par l'employeur ait été celle du licenciement. (Soc., 4 juillet 2007, pourvoi n° 05-45.221).
Mais il a été jugé que les faits découverts postérieurement au licenciement avec dispense d'exécuter le préavis étaient sans effet sur l'indemnisation du préavis. (Soc., 31 janvier 2006, pourvoi n° 04-43.141).
Il a aussi été jugé que la faute révélée à l'employeur, après la notification de la rupture et commise antérieurement par le salarié, ne peut entraîner la perte du droit à l'indemnité de licenciement qui naît à la date de ce licenciement. (Soc., 12 juillet 2004, pourvoi n° 03-43.298, 03-43.293, 03-43.294, 03-43.295).
Au cas présent, l'invocation par l'UNEDIC de la faute lourde de M. [C] que l'employeur aurait découverte après la notification de la mise à la retraite ne saurait priver ce dernier, dispensé d'exécuter son préavis, de l'indemnité compenstrice de préavis et de son indemnité de mise à la retraite. De plus, le peu de pièces produites par l'UNEDIC ne justifient d'aucun des faits reprochés à M. [C] dans la lettre du 14 mai 2019, qu'il s'agisse des griefs tenant à l'attribution anormale de dossiers à une avocate, de ceux relatifs à d'autres prestations et de ceux portant sur des notes de frais, l'accusation de dissimulation par l'utilisation de divers procédés informatiques et comptables ainsi que par la soustration fraudueluse et/ou la destruction de documents n'étant pas davantage étayée.
M. [C] est donc bien fondé en ses demandes en paiement de l'indemnité de mise à la retraite, du solde de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents. Les montants alloués à ces titres par le jugement et qui sont détaillés par l'intimé dans ses conclusions ne font l'objet d'aucune critique. Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné l'UNEDIC au paiement de ces sommes mais infirmé en ce qu'il a 'confirmé l'arrêt de la cour d'appel en référé', la juridiction statuant au fond n'ayant pas à confirmer la décision de référé accordant des sommes provisionnelles qui est dépourvue d'autorité de la chose jugée au principal.
Sur la demande de dommages-intérêts de M. [C] au titre des circonstances brusques et vexatoires du licenciement et du manquement à l'obligation de loyauté
M. [C] reproche à son employeur d'avoir manqué à son obligation de bonne foi en retirant unilatéralement sa décision de mise à la retraite pour lui substituer un licenciement pour faute lourde et d'avoir organisé une campagne de dénigrement à son encontre par voie de presse, faits qui auraient gravement porté atteinte à sa santé.
L'UNEDIC s'oppose à la demande, considérant qu'elle était fondée à retirer unilatéralement sa décision de mise à la retraite pour licencier M. [C] en raison d'une faute lourde et que celui-ci ne justifie pas du caractère brutal et vexatoire de son licenciement.
En application de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
En l'espèce, l'UNEDIC est revenue sur sa décision de mise à la retraite aux motifs qu'elle était nulle et non avenue alors que la nullité doit en principe être prononcée par le juge et qu'elle ne justifie pas d'un accord de M. [C] en vue de constater cette nullité ou de rétracter la décision de mise à la retraite. En outre, il résulte des articles de presse produits que dès les 25 et 26 mars 2019, l'UNEDIC a annoncé auprès d'organes de presse son intention de déposer plainte en mettant en cause M. [C] et en invoquant les résultats d'un audit que l'UNEDIC ne communique toujours pas dans le cadre de la présente instance. De tels comportements caractérisent de la part de l'UNEDIC une exécution déloyale du contrat de travail et des circonstances brusques et vexatoires entourant la rupture du contrat de travail. M. [C] justifie avoir subi un préjudice moral, produisant plusieurs ordonnances d'un médecin psychiatre lui prescrivant d'avril 2019 à juin 2020 des médicaments anxiolytiques et antidépresseurs. En considération de ces éléments, la cour condamne l'UNEDIC à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, le jugement étant sur ce point infirmé.
Sur la demande de dommages-intérêts de l'UNEDIC
L'UNEDIC réclame la somme de un euro 'à parfaire' en raison des fautes lourdes commises par le salarié au cours de son préavis.
Mais il a d'ores et déjà retenu que les faits invoqués par l'employeur dans sa lettre du 14 mai 2019 caractérisant selon lui une faute lourde n'étaient pas établis et l'UNEDIC ne prouve pas davantage l'existence d'une quelconque faute commise par M. [C] pendant le préavis qu'il a été dispensé d'exécuter. L'UNEDIC est déboutée de sa demande.
Sur les intérêts au taux légal et la capitalisation
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux intérêts au taux légal portant sur les sommes allouées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l'indemnité de retraite. Les sommes à caractère indemnitaire emportent intérêts au taux légal à compter du jugement pour celle confirmée et à compter du présent arrêt pour celles accordées par la présente décision. La capitalisation des intérêts est ordonnée dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.
Sur les dépens et frais irrépétibles
L'UNEDIC est condamnée aux dépens d'appel et à payer à M. [C] au titre des frais non compris dans les dépens exposés devant la cour la somme de 3 000 euros, le jugement étant confirmé sur les dépens et frais irrépétibles de première instance. L'UNEDIC est déboutée de sa propre demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe :
Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a confirmé l'arrêt rendu en référé et débouté M. [C] de sa demande de dommages-intérêts ;
Statuant à nouveau dans ces limites et ajoutant :
Condamne l'UNEDIC à payer à M. [C] les sommes de :
- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison de l'exécution déloyale du contrat de travail et des circonstances brusques et vexatoires de la rupture ;
- 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Dit que les sommes à caractère indemnitaire emportent intérêts au taux légal à compter du jugement pour celle confirmée et à compter du présent arrêt pour celles accordées par la présente décision ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil ;
Déboute l'UNEDIC de ses demandes ;
Condamne l'UNEDIC aux dépens d'appel.
La Greffière La Présidente
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRET DU 26 NOVEMBRE 2025
(N°2025/ , 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01104 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFALR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F20/02461
APPELANTE
Association UNEDIC
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Frédéric BENOIST, avocat au barreau de PARIS, toque : G0001
INTIME
Monsieur [S] [C]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Marie-catherine VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-José BOU, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre et de la formation
Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Gisèle MBOLLO
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, initialement prévue le 09 juillet 2025 et prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre et par Gisèle MBOLLO, Greffière à laquelle la miute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
L'association Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) a engagé M. [S] [C] en qualité d'assistant de direction par contrat de travail à durée indéterminée à effet du 1er avril 1979. A compter du 1er janvier 1997, M. [C] a exercé les fonctions de directeur délégué national au sein de la délégation UNEDIC/AGS.
Par lettre remise en mains propres le 18 décembre 2018, l'UNEDIC a notifié à M. [C] sa mise à la retraite avec dispense d'activité durant la période du préavis conventionnel du 1er janvier au 30 juin 2019.
L'UNEDIC a convoqué, par lettre du 25 avril 2019, M. [C] à un entretien préalable fixé au 7 mai suivant puis lui a notifié son licenciement pour 'faute lourde' aux termes d'une lettre du 14 mai 2019 ainsi rédigée :
' (...) Comme exposé lors de l'entretien, les faits, que vous n'avez d'ailleurs pas contestés, motivant ce licenciement, sont les suivants :
Vous avez débuté vos fonctions au sein de l'Unédic en I978, puis à la création de la DUA en septembre 1996, vous avez été nommé en qualité de Cadre dirigeant le 1er janvier 1997 pour exercer les fonctions de Directeur de la DUA, en tant que salarié de l'Unédic.
Vous bénéficiez d'une délégation de pouvoir consentie par moi-même vous interdisant tout engagement supérieur à 100.000 E.
Mi 2018, vous avez fait valoir votre souhait de partir à la retraite puisque vous remplissiez les conditions d'âge le permettant et avez oeuvré afin que j'en prenne l'initiative. Vous avez annoncé à de nombreux interlocuteurs tant en externe qu'en interne, et notamment aux instances représentatives du personnel, que vous seriez mis à la retraite d'ici la fin de l'année 2018 avec le bénéfice d'un préavis de six mois dispensé d'exécution à compter du 1er janvier 2019.
De fait, par lettre du 18 décembre 2018, nous vous avons notifié votre mise à la retraite à compter du 1er janvier 2019 sous bénéfice d'un préavis conventionnel d'une durée de six mois en application de l'article 31 de la Convention Collective applicable, préavis dont vous étiez expressément dispensé d'exécution.
Vous deviez donc quitter définitivement les effectifs de l'Unedic au 30 juin 2019.
ll est cependant ensuite apparu que les conditions dans lesquelles nous avions été amenés à procéder à votre mise à la retraite le 18 décembre 2018, ont été provoquées par des manoeuvres et agissements dolosifs de votre part, trahissant notre confiance en précipitant cette decision et nous empêchant de prendre connaissance de faits particulièrement graves susceptibles de vous être reprochés.
Ces faits s'analysent comme suit.
Nous avons en effet récemment eu connaissance de ce que, lors de la prise de fonction de la nouvelle Directrice Nationale de la DUA, Madame [N] [F], plusieurs collaborateurs et cadres-salariés de la DUA lui avaient fait part de circonstances pour le moins étonnantes constatées dans le fonctionnement de la Direction de la DUA, circonstances mettant en cause tant vous-même que Madame [O] [K], Responsable du Service Juridique ainsi que Madame [D] [U], Secrétaire Genérale de la DUA.
ll était notamment fait état d'une attribution massive et anormale de dossiers de la part de la DUA auprès d'une Avocate au Barreau de Paris, entrainant un volume très significatif d'honoraires, cette collaboration s'inscrivant dans une relation très personnelle que cette Avocate entretenait avec vous-même mais également avec l'ancienne Directrice Juridique de la DUA, allant jusqu'à offrir des cadeaux de grande valeur.
Des diligences ont donc été entreprises pour avoir une meilleure connaissance de ces circonstances.
Concomitamment, il est apparu qu'aidé en cela par Madame [K], vous avez détruit et soustrait un grand nombre de dossiers appartenant à la DUA - et donc à l'Unédic - entravant ainsi le bon déroulement des recherches engagées.
Face à la gravité de cette situation, il a été decidé, à la fin du mois de novembre 2018, de confier au Cabinet E&Y, le soin de procéder à un audit pour confirmer ou infirmer la réalité des faits rapportés et le cas échéant en mesurer l'ampleur exacte. Connaissance prise de cette décision, vous avez accéléré votre entreprise de soustraction et de destruction de certains fichiers en n'hésitant pas à en informer certains collaborateurs de la DUA.
Or, à leurs termes, les travaux du Cabinet E&Y ont permis de constater les éléments suivants :
Sur vos instructions spécifiques, Maître [W] [X], Avocate au Barreau de Paris, a bénéficié d'une attribution massive et anormale de dossiers de la part de la DUA, conduisant à ce que ses honoraires soient singulièrement plus élevés que ceux des autres Avocats contrôleurs et ce sur tous les types de dossiers sur lesquels elle intervenait, y compris les moins complexes, en dissimulant ces factures du système de traitement usuel PROTEA ;
Il est également apparu que durant l'année 2018, c'est-à-dire durant l'année de votre départ annoncée en retraite, le volume déjà très significatif d'honoraires facturés par Maître [W] [X] a été augmenté de 150 % par rapport à l'année précédente;
Qu'en outre, Maître [W] [X] a facturé des honoraires parfois exorbitants notamment sur un dossier 'SNCM' en établissant une facture qui vous a été adressée le 4 février 2016 faisant état de diligences absolument anormales et dont un bref examen en démontre l'absence totale de réalité.
Que Maître [W] [X] vous adressait parfois des sms/Whatsapp pour valider, en amont, le principe et le montant de certaines facturations, ce qui témoigne, là encore, outre du caractère très personnel de la relation que vous entreteniez avec elle mais également et surtout de ce que ce mode de facturation était radicalement contraire aux intérêts de la DUA et donc de l'Unédic.
Que ce faisant, vous avez sciemment transgressé à de nombreuses reprises les règles et processus internes s'agissant de valider et payer les factures des fournisseurs, en l'espèce de Maître [W] [X], notamment en approuvant une facture de 266.000 € sur le dossier SNCM alors que vous ne pouviez engager de dépenses au-delà de 100.000 € sans nous en référer.
Qu'en outre, fin 2018, donc en étant sur le point de quitter vos fonctions, vous avez conclu avec Maître [W] [X] une convention d'honoraires totalement exorbitante tant dans son principe que dans ses modalités financières, s'agissant d'un montant d'engagement de 600.000 € sur six ans, outrepassant, là encore, la délégation de pouvoir sur la gestion administrative qui vous avait été consentie.
D'autres circonstances ont encore alerté les auditeurs dans le cadre de leurs différentes investigations
Notamment s'agissant de prestations de communication engagées par vos soins alors même que la DUA dispose, depuis le 1er septembre 2013, d'un service de communication interne. Il est en effet apparu qu'à votre initiative, la DUA a engagé avec la société ETRE SAS une collaboration étonnante à plusieurs titres.
D'une part, et là encore, il apparait que vous entreteniez avec les Dirigeants de cette société des relations extra-professionnelles et amicales obtenant de ceux-ci des faveurs particulières dont pouvaient bénéficier des membres de votre famille et notamment votre fille dont vous vous êtes employé à favoriser l'embauche par cette société.
S'agissant des prestations réalisées par ce fournisseur, sont apparues :
Des prestations de conseils, études et suivis pour un montant de 441 600 € pour la seule période 2014/2018, sans qu'il soit possible de définir précisement le type de prestation accomplie à ce titre ;
Une somme de 1.220 350 € facturée par la société ETRE à la DUA sur cette même période pour des prestations dont il est apparu qu'elles entraient, pour l'essentiel, dans les fonctions des Collaborateurs de la DUA travaillant au sein du service communication.
Au-delà, ce sont à nouveau les modalités de facturations qui démontrent une parfaite irrégularité, s'agissant de coutrats triennaux ne mentionnant pas de montants, mais établissant le principe que chaque année devait être établi avec la DUA visant à détailler différentes prestations devant faire l'objet du plan de communication.
Or, il est apparu que, notamment pour l'exercice 2018, un devis approuvé par vos soins a été établi pour un montant annuel de 302.000 €, sans lien avec l'accomplissement effectif d'une quelconque prestation.
ll est également apparu que bien que la société ETRE ait été placée en redressement judiciaire en mai 2017, vous vous êtes immédiatement employé à faire procéder au renouvellement de son contrat pour une période triennale alors même qu'elle venait d'être quasiment vidée de ses effectifs.
Ces circonstances ont donc conduit l'Unédic à porter plainte contre X le 29 mars 2018 des chefs de faux et usage de faux, abus de confiance, recels, vols, corruption active et passive et prise illégale d'intérêts.
Depuis l'engagement de cette plainte, nous avons dû procéder à d'autres diligences à l'effet d'analyser vos notes de frais et certaines factures fournisseurs qui apparaissaient totalement anormales.
De fait, il est apparu que là encore, vous avez sciemment transgressé les règles de procédures internes et trompé votre Direction en approuvant vous-même vos propres frais de déplacement et en dépassant les seuils autorisés pour les nuits d'hôtel et de dejeuner.
Ainsi avons-nous tout récemment constaté que vous avez validé de manière anormale, des notes de frais afférentes à des voyages et déplacements tant pour vous-même que pour certains des collaborateurs de la DUA en Martinique en janvier 2017 et à [Localité 5] en mai 2017.
De même, vous avez expressement validé une note de frais afférente à une chambre d'hôtel en décembre 2018 pour un montant de 312 €, sachant que la politique de déplacement des collaborateurs de la DUA/AGS impose un barème de remboursement pour l'hôtellerie en Province d'un montant maximum de 90 € par nuit.
ll apparait également que vous avez fait prendre en charge par l'Unédic sept déjeuners à plus de 75 €/l00 € par personne, ces notes de frais ayant été approuvées par vous-même alors, que là encore le barème de remboursement pour les repas est de 25 € par personne pour le déjeuner.
De tels agissements sont extrêmement graves et portent un prejudice considérable à l'Unédic.
Or, vous avez pris grand soin, tout au long de ces années, de les dissimuler, soit par l'utilisation de procédés informatiques et comptables contraires aux règles de procédures internes, soit quelques temps avant la cessation de vos fonctions, en procédant à la soustraction frauduleuse et/ou de la destruction de certains documents et dossiers.
Nous considérons donc que votre mise à la retraite en date du 18 décembre a été obtenue de manière frauduleuse et que, par conséquent elle est nulle et non avenue.
Par ces agissements d'une gravité exceptionnelle, il apparait à l'évidence que vous avez non seulement transgressé les principes les plus élémentaires régissant vos fonctions mais qu'également, vous avez été animé d'une volonté tout aussi évidente de nuire à l'Unédic.
Ces faits constituent donc une faute lourde rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise.
Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis, ni indemnité de rupture et vous cessez par conséquent de faire partie des effectifs de notre association à compter de la première date de présentation du présent courrier.(...)'.
M. [C] a saisi le 5 juillet 2019 la formation des référés du conseil de prud'hommes de Paris.
Par arrêt du 18 février 2021, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance de référé du 28 novembre 2019 en ce qu'elle a rejeté la demande de sursis à statuer formée par l'UNEDIC et, la réformant pour le surplus, a condamné l'UNEDIC à payer à titre provisionnel à M. [C] les sommes de 23 849,15 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 2 384,92 euros bruts au titre des congés payés afférents et de 191 638,56 euros à titre d'indemnité de mise à la retraite.
Le 14 mai 2020, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris en contestation de son licenciement, paiement des indemnités de rupture et dommages-intérêts.
Par jugement du 4 octobre 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :
'Rejette la demande de surseoir à statuer soulevée par la partie défenderesse à l'instance.
Confirme l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris en Référé.
Condamne la Société UNEDIC à payer à Monsieur [S] [C] les sommes suivantes:
23 849,15 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis
2 384,92 euros au titre de congés payés afférents
191 638,56 euros à titre d'indemnité de départ à la retraite
Avec intérêt de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et jusqu'au jour du paiement
Rappelle qu'en vertu de l'article R.1454.28 du Code du Travail ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Fixe cette moyenne à la somme de 7 949,71 euros
1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Déboute Monsieur [S] [C] du surplus de ses demandes
Déboute la Société UNEDIC de sa demande relative à l'article 700 du Code de Procédure Civile
Condamne la Société UNEDIC aux entiers dépens.'
L'UNEDIC a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 13 janvier 2022.
Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 6 octobre 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, l'UNEDIC demande à la cour de :
'Déclarer recevable et bien fondée l'association Unédic en son appel, demandes, fins et conclusions et de :
- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :
o Rejeté la demande de sursis à statuer soulevée par l'Unédic ;
o Confirmé l'arrêt rendu le 18 février 2021 par la Cour d'appel de Paris en Référé ;
o Condamné l'Unédic à payer à Monsieur [C] les sommes suivantes :
- 28.849,15 € au titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 2.884,92 € au titre des congés payés afférents ;
- 191.638,56 €à titre d'indemnité de départ à la retraite ;
- les intérêts de droit ;
- 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- les dépens
o Débouté l'Unédic de sa demande relative à l'article 700 du Code de procédure civile ;
- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [C] de ses demandes de dommages et intérêts consécutive au préjudice subi par lui du fait du manquement de l'employeur à son obligation de loyauté et des circonstances brusques et vexatoires de son licenciement;
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
Dire y avoir lieu à surseoir à statuer dans l'attente de la clôture de la procédure pénale dans laquelle est mis en cause Monsieur [S] [C] ensuite de la plainte déposée par l'Unédic ;
A titre subsidiaire,
Débouter Monsieur [C] de l'ensemble de ses demandes,
Condamner Monsieur [C] au paiement d'une somme de un euro à parfaire
En tous les cas,
Condamner Monsieur [C] à payer à l'Unédic la somme de 3.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner Monsieur [C] aux entiers dépens.'.
Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 juillet 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, M. [C] demande à la cour de :
'Débouter L'UNEDIC de son appel et de toutes ses demandes, fins et conclusions.
I. CONFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes du 4 octobre 2021 en ce qu'il :
REJETTE la demande de surseoir à statuer formée par l'UNEDIC
CONDAMNE l'UNEDIC à verser à M. [C] les sommes suivantes :
' 23.849,15 euros bruts au titre de son indemnité compensatrice de préavis pour la période du 17 mai au 30 juin 2019 ;
' 2.384,92 euros bruts au titre de son indemnité compensatrice de congés payés sur préavis;
' 191.638,56 euros bruts au titre de son indemnité de mise à la retraite.
' 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
- A TITRE SUBSIDIAIRE, si la Cour infirmait le jugement du chef de la mise à la retraite notifiée le 18 décembre 2018 à M. [C]
JUGER sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié le 15 mai 2019 à Monsieur [C] ;
En conséquence,
CONDAMNER l'UNEDIC à verser à M. [C] les sommes suivantes :
- 97.268,28 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis pour la période du
17 mai au 17 novembre 2019 ;
- 9.726,83 euros d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;
- 291.804,84 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 1 euro à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
ORDONNER à l'UNEDIC de remettre à M. [C] un bulletin de paye, certificat de travail et attestation Pôle Emploi rectifiés, sous astreinte de 500 euros par jour et par document à compter du 8ème jour à compter de la notification du jugement à intervenir, astreinte que la Cour de céans se réservera le pouvoir de liquider ;
II. INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Paris du 4 octobre 2021 en ce qu'il a :
DEBOUTÉ M. [C] de sa demande de dommages et intérêts au titre du manquement de l'UNEDIC à son obligation de loyauté et des circonstances brusques et vexatoires du licenciement ;
Faisant droit à l'appel incident et statuant à nouveau,
CONDAMNER l'UNEDIC à verser à M. [C] la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre des circonstances brusques et vexatoires du licenciement et du manquement à son obligation de loyauté :
III. En tout état de cause,
ORDONNER la capitalisation des intérêts sur l'ensemble des condamnations ;
JUGER que les intérêts au taux légal s'appliquent sur l'ensemble des condamnations depuis la date de saisine du Conseil de prud'hommes ;
CONDAMNER l'UNEDIC au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel ;
CONDAMNER l'UNEDIC aux dépens d'appel.'.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 mars 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de sursis à statuer de l'UNEDIC
L'UNEDIC demande à la cour de surseoir à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale en cours, ce à quoi l'intimé s'oppose.
Hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, le juge apprécie l'opportunité du sursis à statuer.
L'article 4 du code de procédure pénale dispose que l'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction prévue par l'article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique.
Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.
La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.
En l'espèce, au soutien de sa demande, l'UNEDIC verse aux débats :
- deux articles de presse des 25 et 26 mars 2019 faisant état d'une plainte contre X 'suite à des malversations qui auraient eu lieu au sein' de l'AGS et évoquant M. [C] ;
- un extrait de la lettre recommandée reçue le 29 mars 2019 par laquelle le conseil de l'UNEDIC a déposé plainte auprès du parquet du tribunal de grande instance de Paris pour faux et usage de faux, recel, vol, corruption active et passive et prise illégale d'intérêts, sans que cet extrait ne mentionne les faits dénoncés par cette plainte et les personnes éventuellement citées par celle-ci ;
- le récépissé, délivré par le greffe du cabinet du doyen des juges d'instruction au pôle financier du tribunal judiciaire de Paris, de dépôt de plainte avec constitution de partie civile reçue le 15 mars 2021, émanant de l'UNEDIC, contre X du chef de faux et usage de faux, abus de confiance, recel, vol, corruption active et passive et prise illégale d'intérêts.
Ces éléments sont très parcellaires, ne démontrent pas une mise en mouvement de l'action publique et ne sont pas actualisés, l'UNEDIC ne justifiant aucunement de la suite de la plainte simple et de celle de la plainte avec constitution de partie civile. Dans ces conditions, la demande de sursis à statuer est rejetée, le jugement étant confirmé en ce sens.
Sur les demandes en paiement de M. [C]
L'UNEDIC conteste la validité de sa notification de mise à la retraite en invoquant l'existence d'un vice du consentement à l'origine de l'établissement de son acte unilatéral de mise à la retraite. Elle se plaint d'une erreur et d'un dol, arguant des manoeuvres de M. [C] qui s'est employé à tromper sa vigilance d'abord par ses agissements pénalement répréhensibles puis par ses pressions sur elle afin d'obtenir en urgence sa mise à la retraite. Elle prétend que cette nullité rend les demandes de M. [C] sans fondement.
Ce dernier conteste toute manoeuvre ou erreur, reproche à l'UNEDIC de s'être fait justice à elle-même en rétractant sa décision de mise à la retraite et relève son incohérence, indiquant qu'elle a fait produire effet à la notification de sa mise à la retraite. Il invoque que la décision de le mettre à la retraite prive d'effet le licenciement qui lui a été notifié postérieurement et qu'il est en droit d'obtenir le paiement du solde de son indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de mise à la retraite.
Les vices du consentement, dont l'erreur et le dol, sont une cause de nullité et applicables aux actes unilatéraux. L'erreur doit porter sur les qualités substantielles. Le dol suppose des manoeuvres ou des mensonges destinés à obtenir le consentement de l'autre partie. L'erreur et le dol vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Il appartient à celui qui invoque l'existence d'un vice du consentement de le prouver.
Au cas présent, l'UNEDIC invoque avoir été trompée par M. [C] qui lui aurait masqué ses agissements pénalement répréhensibles. Cependant, non seulement les pièces susvisées ne justifient pas de la réalité d'infractions pénales commises par M. [C] au détriment de l'UNEDIC mais cette dernière ne produit aucun autre élément au soutien de ses allégations. En particulier, elle ne communique pas le résultat de l'audit qu'aux termes de la lettre de licenciement, elle dit avoir confié au cabinet E & Y et qui aurait confirmé et/ou révélé des actes frauduleux commis par M. [C] au préjudice de l'UNEDIC.
L'UNEDIC invoque ensuite avoir subi des pressions de celui-ci en vue de sa mise à la retraite en urgence. Mais le simple fait que M. [C], né le 12 juin 1947 et alors âgé de 71 ans, ait annoncé au cours de réunions du comité d'entrepise à l'été et à l'automne 2018 qu'il allait bientôt cesser ses fonctions ne saurait sérieusement caractériser des manoeuvres dolosives ayant conduit le directeur général d'une institution comme l'UNEDIC à consentir dans l'urgence à sa mise à la retraite. Au demeurant, la lettre de mise à la retraite du 18 décembre 2018 qui fait état d'un entretien tenu à ce sujet le 29 octobre précédent, soit plus d'un mois et demi avant, et des dispositions du code du travail et conventionnelles applicables contredit la réalité de telles pressions et leur caractère déterminant dans la décision prise par l'UNEDIC.
En conséquence, la contestation par l'UNEDIC de la validité de la décision de mise à la retraite de M. [C] est mal fondée.
En outre, comme le fait valoir l'intimé, une mise à la retraite notifiée par l'employeur à son salarié ne peut être rétractée qu'avec l'accord de ce dernier. (Soc., 28 février 2006, pourvoi n° 04-40.303, Bull. 2006, V, n° 90). Cet accord est en l'espèce inexistant.
Ainsi, la décision de mise à la retraite de M. [C] n'est pas nulle et n'a pu être rétractée par l'UNEDIC.
La faute grave commise par le salarié au cours de l'exécution de son préavis, a pour effet d'interrompre le préavis et de priver le salarié de la partie de l'indemnité compensatrice de préavis correspondant à celle de la période restant à courir jusqu'au terme du préavis, peu important que la procédure disciplinaire mise en oeuvre par l'employeur ait été celle du licenciement. (Soc., 4 juillet 2007, pourvoi n° 05-45.221).
Mais il a été jugé que les faits découverts postérieurement au licenciement avec dispense d'exécuter le préavis étaient sans effet sur l'indemnisation du préavis. (Soc., 31 janvier 2006, pourvoi n° 04-43.141).
Il a aussi été jugé que la faute révélée à l'employeur, après la notification de la rupture et commise antérieurement par le salarié, ne peut entraîner la perte du droit à l'indemnité de licenciement qui naît à la date de ce licenciement. (Soc., 12 juillet 2004, pourvoi n° 03-43.298, 03-43.293, 03-43.294, 03-43.295).
Au cas présent, l'invocation par l'UNEDIC de la faute lourde de M. [C] que l'employeur aurait découverte après la notification de la mise à la retraite ne saurait priver ce dernier, dispensé d'exécuter son préavis, de l'indemnité compenstrice de préavis et de son indemnité de mise à la retraite. De plus, le peu de pièces produites par l'UNEDIC ne justifient d'aucun des faits reprochés à M. [C] dans la lettre du 14 mai 2019, qu'il s'agisse des griefs tenant à l'attribution anormale de dossiers à une avocate, de ceux relatifs à d'autres prestations et de ceux portant sur des notes de frais, l'accusation de dissimulation par l'utilisation de divers procédés informatiques et comptables ainsi que par la soustration fraudueluse et/ou la destruction de documents n'étant pas davantage étayée.
M. [C] est donc bien fondé en ses demandes en paiement de l'indemnité de mise à la retraite, du solde de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents. Les montants alloués à ces titres par le jugement et qui sont détaillés par l'intimé dans ses conclusions ne font l'objet d'aucune critique. Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné l'UNEDIC au paiement de ces sommes mais infirmé en ce qu'il a 'confirmé l'arrêt de la cour d'appel en référé', la juridiction statuant au fond n'ayant pas à confirmer la décision de référé accordant des sommes provisionnelles qui est dépourvue d'autorité de la chose jugée au principal.
Sur la demande de dommages-intérêts de M. [C] au titre des circonstances brusques et vexatoires du licenciement et du manquement à l'obligation de loyauté
M. [C] reproche à son employeur d'avoir manqué à son obligation de bonne foi en retirant unilatéralement sa décision de mise à la retraite pour lui substituer un licenciement pour faute lourde et d'avoir organisé une campagne de dénigrement à son encontre par voie de presse, faits qui auraient gravement porté atteinte à sa santé.
L'UNEDIC s'oppose à la demande, considérant qu'elle était fondée à retirer unilatéralement sa décision de mise à la retraite pour licencier M. [C] en raison d'une faute lourde et que celui-ci ne justifie pas du caractère brutal et vexatoire de son licenciement.
En application de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
En l'espèce, l'UNEDIC est revenue sur sa décision de mise à la retraite aux motifs qu'elle était nulle et non avenue alors que la nullité doit en principe être prononcée par le juge et qu'elle ne justifie pas d'un accord de M. [C] en vue de constater cette nullité ou de rétracter la décision de mise à la retraite. En outre, il résulte des articles de presse produits que dès les 25 et 26 mars 2019, l'UNEDIC a annoncé auprès d'organes de presse son intention de déposer plainte en mettant en cause M. [C] et en invoquant les résultats d'un audit que l'UNEDIC ne communique toujours pas dans le cadre de la présente instance. De tels comportements caractérisent de la part de l'UNEDIC une exécution déloyale du contrat de travail et des circonstances brusques et vexatoires entourant la rupture du contrat de travail. M. [C] justifie avoir subi un préjudice moral, produisant plusieurs ordonnances d'un médecin psychiatre lui prescrivant d'avril 2019 à juin 2020 des médicaments anxiolytiques et antidépresseurs. En considération de ces éléments, la cour condamne l'UNEDIC à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, le jugement étant sur ce point infirmé.
Sur la demande de dommages-intérêts de l'UNEDIC
L'UNEDIC réclame la somme de un euro 'à parfaire' en raison des fautes lourdes commises par le salarié au cours de son préavis.
Mais il a d'ores et déjà retenu que les faits invoqués par l'employeur dans sa lettre du 14 mai 2019 caractérisant selon lui une faute lourde n'étaient pas établis et l'UNEDIC ne prouve pas davantage l'existence d'une quelconque faute commise par M. [C] pendant le préavis qu'il a été dispensé d'exécuter. L'UNEDIC est déboutée de sa demande.
Sur les intérêts au taux légal et la capitalisation
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux intérêts au taux légal portant sur les sommes allouées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l'indemnité de retraite. Les sommes à caractère indemnitaire emportent intérêts au taux légal à compter du jugement pour celle confirmée et à compter du présent arrêt pour celles accordées par la présente décision. La capitalisation des intérêts est ordonnée dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.
Sur les dépens et frais irrépétibles
L'UNEDIC est condamnée aux dépens d'appel et à payer à M. [C] au titre des frais non compris dans les dépens exposés devant la cour la somme de 3 000 euros, le jugement étant confirmé sur les dépens et frais irrépétibles de première instance. L'UNEDIC est déboutée de sa propre demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe :
Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a confirmé l'arrêt rendu en référé et débouté M. [C] de sa demande de dommages-intérêts ;
Statuant à nouveau dans ces limites et ajoutant :
Condamne l'UNEDIC à payer à M. [C] les sommes de :
- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison de l'exécution déloyale du contrat de travail et des circonstances brusques et vexatoires de la rupture ;
- 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Dit que les sommes à caractère indemnitaire emportent intérêts au taux légal à compter du jugement pour celle confirmée et à compter du présent arrêt pour celles accordées par la présente décision ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil ;
Déboute l'UNEDIC de ses demandes ;
Condamne l'UNEDIC aux dépens d'appel.
La Greffière La Présidente