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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 4, 26 novembre 2025, n° 24/04228

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/04228

26 novembre 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRET DU 26 OVEMBRE 2025

(n° 142 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/04228 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJASW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Février 2024 -Tribunal de Commerce de Lille- RG n° 2023000326

APPELANTE

S.AS ' S.N.D.C'. agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

Immatriculée au RCS de [Localité 6] sous le numéro :822 004 222

[Adresse 9]

[Adresse 8]

[Localité 2]

Représentée par Me Xavier FRERING de la SELARL CAUSIDICOR, avocat au barreau de Paris, toque : J133

INTIMÉE

S.A.S.' MD [Localité 5]', prise en la personne de ses preprésenants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

Immatriculée au RCS de [Localité 6] sous le numéro : 802 791 400

[Adresse 1]

[Localité 3], FRANCE

Représentée par Me Claire BASSALERT de la SELAS SCHERMANN MASSELIN ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : C0770

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Octobre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Olivier Douvreleur, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Brigitte Brun-Lallemand, première présidente de chambrei

M. BertranGouarin, président de chambre

M. Olivier Douvreleur, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffière , lors des débats : Mme Elisabeth Verbeke

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Brigitte Brun-Lallemand, première présidente de chambre et par Mme Elisabeth Verbeke, greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

La société SNDC exerce une activité d'agent commercial, de bureau d'étude, de maitrise d''uvre et de commercialisation de produits liés aux énergies renouvelables. Elle réalise des travaux d'isolation et d'installation de pompes à chaleur pour le compte de donneurs d'ordre, qu'elle sous-traite en partie, notamment à la société MD [Localité 5]. C'est ainsi que ces deux sociétés ont conclu, le 25 septembre 2020, un contrat de sous-traitance confiant à la société MD [Localité 5] des travaux d'isolation et d'installation de pompes à chaleur ainsi que le contrôle et la gestion de travaux sur sites, puis, le 5 mars 2021 un second contrat sous-traitant à la société MD [Localité 5] la mission de superviser la pose d'isolation pour un chantier à réaliser au centre hospitalier de [Localité 7].

Les deux contrats stipulaient que le paiement du prix par le donneur d'ordre serait conditionné à la signature d'une attestation sur l'honneur du client final et au règlement du chantier par le maître d'ouvrage.

Par lettre recommandée du 12 avril 2021, la société MD [Localité 5] a mis en demeure la société SNDC de lui régler des factures impayées, émises entre le 6 mars et le 8 avril 2021. Par lettre recommandée du 14 avril 2021, la société SNDC a notifié à la société MD [Localité 5] sa décision de « rompre définitivement » les deux contrats de sous-traitance, cette rupture étant motivée par des « faits graves » dans l'exécution de deux chantiers qui lui avaient confiés.

Sa mise en demeure étant resté infructueuse, la société MD [Localité 5] a, par acte du 25 novembre 2021, assigné la société SNDC devant le tribunal de commerce de Dieppe en demandant sa condamnation à lui régler, d'une part, le montant des factures impayées et, d'autre part, des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture, qu'elle jugeait brutale et abusive, de leur relation commerciale.

Par jugement du 14 octobre 2022, le tribunal de commerce de Dieppe s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Lille Métropole.

Par jugement du 13 février 2024, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :

- Dit et jugé que les conditions contractuelles de résiliation pour faute n'étaient pas réunies pour la rupture du contrat par la société SNDC ;

- Dit et jugé la relation commerciale établie entre les sociétés SNDC et MD [Localité 5] au sens de l'article L. 442-l du Code de commerce, avec une ancienneté de 7 mois ;

- Dit et jugé brutale la rupture de la relation commerciale établie entre les parties à l'initiative de la Société SNDC au sens des dispositions de l'article L. 442- I II du Code de Commerce ;

- Fixé à 3 mois la durée du préavis à titre de dommages et intérêts lié au préjudice de la rupture ;

- En conséquence, condamné la société SNDC à payer à la société MD [Localité 5] la somme de 26 186,16 € en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale de la relation commerciale établie ;

- Débouté la société MD [Localité 5] de sa demande de paiement de la somme de l0 000,00 € en l'absence d'un préjudice distinct de la brutalité de la rupture des relations commerciales établies ;

- Condamné la société SNDC à payer à la société MD [Localité 5] la somme de 4l 558,03 € au titre des factures impayées avec intérêt au taux légal à compter du 5 mai 2021 ;

- Condamné la société SNDC à payer à la société MD [Localité 5] la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- Condamné la société SNDC à payer à la société MD [Localité 5] la somme arbitrée à 3 000 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Condamné la société SNDC aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 94,17 € (en ce qui concerne les frais de Greffe).

La société SNDC a interjeté appel de ce jugement par déclaration d'appel reçue au greffe de la cour le 23 février 2024.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées par RPVA le 17 mai 2024, la société SNDC demande à la cour :

D'infirmer le jugement en ce qu'il :

- Dit et juge que les conditions contractuelles de résiliation pour faute n'étaient pas réunies pour la rupture du contrat par la société SNDC ;

- Dit et juge la relation commerciale établie entre les sociétés SNDC et MD [Localité 5] au sens de l'article L.442-l du Code de commerce, avec une ancienneté de 7 mois ;

- Dit et juge brutale la rupture de la relation commerciale établie entre les parties à l'initiative de la société SNDC au sens des dispositions de l'article L.442-1 II du Code de Commerce ;

- Fixe à 3 mois la durée du préavis à titre de dommages et intérêts lié au préjudice de la rupture ;

- En conséquence, condamne la société SNDC à payer à la société MD [Localité 5] la somme de 26 186,16 € en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale de la relation commerciale établie ;

- Condamne la société SNDC à payer à la société MD [Localité 5] la somme de 4l 558,03 € au titre des factures impayées avec intérêt au taux légal à compter du 5 mai 2021 ;

- Condamne la société SNDC à payer à la société MD [Localité 5] la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- Condamne la société SNDC à payer à la société MD [Localité 5] la somme arbitrée à 3 000 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Condamne la société SNDC aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 94,17 € (en ce qui concerne les frais de greffe).

Et statuant à nouveau,

De débouter la société MD [Localité 5] de toutes ses demandes, fins et conclusions, spécialement :

- Les dommages et intérêts sollicités du chef d'un rupture brutale d'une relation commerciale établie sans préavis ;

- Paiement de factures impayées ;

- Condamner la société MD [Localité 5] au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées par RPVA le 19 août 2024, la société MD [Localité 5] demande à la cour :

Vu l'article L.442-1 - II du Code de commerce,

Vu les articles 1103 et 1104 du Code civil,

Vu l'article 1240 du Code civil,

Vu les pièces produites aux débats,

Dire et juger la société MD [Localité 5] recevable et bien fondée en ses moyens de défense et en ses demandes,

En conséquence, et y faisant droit,

CONFIRMER le jugement rendu le 13 février 2024 par le Tribunal de commerce de Lille Métropole en toutes ses dispositions, soit en ce qu'il a :

- Dit et jugé que les conditions contractuelles de résiliation pour faute n'étaient pas réunies pour la rupture du contrat par la société SNDC.

- Dit et jugé la relation commerciale établie entre les sociétés SNDC et MD [Localité 5] au sens de l'article L.442-l du Code de commerce, avec une ancienneté de 7 mois.

- Dit et jugé brutale la rupture de la relation commerciale établie entre les parties à l'initiative de la société SNDC au sens des dispositions de l'article L. 442-1 II du Code de Commerce.

- Fixé à 3 mois la durée du préavis à titre de dommages et intérêts lié au préjudice de la rupture.

- En conséquence, condamné la société SNDC à payer à la société MD [Localité 5] la somme de 26.186,16 € en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale de la relation commerciale établie.

- Condamné la société SNDC à payer à la société MD [Localité 5] la somme de 4l.558,03 € au titre des factures impayées avec intérêt au taux légal à compter du 05 mai 2021.

- Condamné la société SNDC à payer à la société MD [Localité 5] la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

- Condamné la société SNDC à payer à la société MD [Localité 5] la somme arbitrée à 3 000 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamné la société SNDC aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 94,17 € (en ce qui concerne les frais de Greffe) »

Y ajoutant,

- Condamner la société SNDC à payer à la société MD [Localité 5] la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner la société SNDC aux entiers dépens de l'instance d'appel en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2025.

Il est renvoyé à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Le tribunal a, d'une part, jugé que la société SNDC avait rompu brutalement la relation commerciale établie avec la société MD [Localité 5] et, en réparation du préjudice en résultant, l'a condamnée au paiement de la somme de 26 186,16 € à titre de dommages et intérêts. Il l'a, d'autre part, condamnée à régler des factures impayées d'un montant total de 41 558,03 €.

La société SNDC demande à la cour d'infirmer le jugement du tribunal sur ces deux chefs de condamnation.

I- Sur la rupture de la relation commerciale

Pour faire droit aux demandes de la société MD [Localité 5], le tribunal a d'abord jugé que la société SNDC avait, par son courrier du 14 avril 2021, mis fin à ses relations avec son sous-traitant sans respecter la clause de résiliation figurant dans les contrats, faute de mise en demeure préalable. Il a ensuite considéré que la rupture ayant été brutale, puisque sans préavis, la société MD [Localité 5] devait être indemnisée du préjudice en résultant et, compte tenu de l'ancienneté de la relation commerciale et de son état de dépendance économique, a fixé à trois mois le préavis qui aurait dû lui être accordé.

La société SNDC critique cette motivation en ce qui concerne tant la clause de résiliation que la rupture brutale.

Sur la clause de résiliation

En premier lieu, l'appelante reproche au tribunal d'avoir jugé que le courrier du 14 avril 2021 faisait état de faits « qualifiés de graves ou de récurrents » mais n'indiquait pas quelles étaient les motifs ayant conduit la société SNDC à mettre fin à leur relation : l'appelant y voit une « erreur de droit » consistant à appliquer à la rupture d'une relation commerciale les exigences de motivation d'une lettre de licenciement.

Mais si le tribunal, ayant examiné la teneur de la lettre du 14 avril 2021 notifiant la décision de la société SNDC de cesser ses relations commerciales avec la société MD [Localité 5], a effectivement relevé que « les motifs de rupture ne sont pas développés ni précis et encore moins quantifiés, ni chiffrés », il n'en a pas déduit que les contrats de sous-traitance avaient été résiliés en violation de la clause de résiliation. En effet, il résulte clairement de la motivation du jugement attaqué que si le tribunal a considéré que la clause de résiliation avait été violée, c'est parce que la rupture n'avait pas été précédée d'une mise en demeure.

En second lieu, l'appelant soutient que c'est à tort que le tribunal a jugé que « la rupture des contrats de sous-traitance à l'initiative de la société SNDC ne respecte pas les conditions de résiliation fixées contractuellement entre les parties » (p. 5 al. 1) au motif que le courrier de rupture 14 avril 2021 n'avait pas été précédé, comme le prévoyaient les contrats, d'une mise en demeure préalable restée infructueuse pendant huit jours. La société SNDC fait valoir qu'en l'espèce, il était reproché à la société MD [Localité 5] une faute grave empêchant la poursuite de leurs relations commerciales et rendant impossible le respect du formalisme contractuel et invoque l'article 1224 du code civil, lequel permet la résolution immédiate d'un contrat, sans mise en demeure préalable, « en cas d'inexécution suffisamment grave ».

Mais force est de constater que cet argument est contraire à la lettre même de la clause de résiliation et que la gravité de la faute alléguée ne justifie en rien d'en écarter l'application. En effet, prévue dans les mêmes termes par les deux contrats, cette clause de résiliation imposant une mise en demeure préalable s'applique si l'une des parties manque à ses obligations « de manière grave ou répétée » (art. 6 des contrats des 25 septembre 2020 et 5 mars 2021, pièces MD [Localité 5] n° 1 et 2) : tel est bien le cas en l'espèce et, dès lors, la société SNDC invoquant une faute grave, la clause de résiliation pouvait s'appliquer dans tout son formalisme pouvait s'appliquer dans tout son formalisme conformément à l'intention commune des parties.

Sur la rupture brutale

Le tribunal a fait droit aux demandes de la société MD [Localité 5] en jugeant qu'il n'était pas démontré que celle-ci avait commis des fautes justifiant la rupture sans préavis de la relation commerciale et, ayant fixé à trois mois la durée du préavis nécessaire, a, compte tenu de la marge brute de 52 % réalisée sur le chiffre d'affaires moyen sur la période, il a évalué à 26 186,16 € le montant des dommages et intérêts dus en réparation du préjudice.

La société SNDC qui ne remet pas en question le caractère établi de la relation commerciale, soutient, en premier lieu, que la société MD [Localité 5] a commis des fautes justifiant la rupture sans préavis de la relation commerciale. En second lieu, elle considère que la durée de trois mois du préavis qui, selon le tribunal, aurait dû être accordé à la société MD [Localité 5] est excessif.

Sur les fautes reprochées à la société MD [Localité 5]

La société SNDC soutient qu'elle avait pu mettre fin sans préavis à sa relation commerciale avec la société MD [Localité 5] en raison des manquements graves commis par celle-ci dans l'exécution de ses missions, lesquels étaient détaillés de manière suffisante dans la lettre de résiliation du 14 avril 2021. Elle rappelle, en outre, que le maître d'ouvrage des chantiers en cause, la société Ideo Eco, lui avait fait connaître, par courriers des 31 mars et 2 avril 2021, son mécontentement à la suite d'une série d'incidents graves et la mettant en demeure d'y remédier. C'est ainsi qu'étaient dénoncés, notamment, une « livraison sauvage ['] de sacs poubelles éventrés contenant du flocage », des accès d'évacuation incendie « obstrués par des tas de sacs poubelles », l'absence de « tout moyen de désinfection » des salariés présents. La société SNDC, par ailleurs, fait valoir que M. [X], dirigeant de la société MD [Localité 5], aurait tenu des propos « inadmissibles » devant un autre sous-traitant de la société SNDC et entrepris de capter sa clientèle.

En défense, la société MD [Localité 5] fait valoir qu'elle n'est aucunement responsable des incidents signalés par la société Ideo Eco et que la société SNDC ne rapporte par la preuve qu'ils lui seraient imputables. Elle souligne, en particulier, que les courriers des 31 mars et 2 avril 2021 de la société Ideo Eco ne la mettent pas en cause et n'évoquent en rien sa participation à ces incidents.

Réponse de la cour

S'agissant des incidents dénoncés par la société Ineo Eco, il ressort des pièces du dossier qu'ils sont imputés par cette société à la société SNDC et non à la société MD [Localité 5]. C'est ainsi que la société Ideo Eco rappelle, dans son courrier du 2 avril 2021, que la société SNDC lui avait avoué « afin de réaliser des économies financières (') avoir récupéré l'ancien isolant pour l'installer sur le nouveau chantier Résidence de la tour d'[4] » et précise qu'elle n'était pas ou courant de cette pratique « irrégulière et non réglementaire » qui avait entraîné « l'intervention de la police et de l'inspection du travail ». Elle précise, en effet, que l'inspection du travail « s'est rendue sur les différents chantiers à la suite du dépôt de matériaux d'isolation au pied des immeubles » et que « selon les informations que vous [la société SNDC] nous avez transmises », ces matériaux « proviennent d'un ancien chantier (') pour lequel nous vous avons mandaté » (pièce SNDC n° 6). Sur ce point, la société MD [Localité 5] affirme, sans être contredite, n'être pas à l'origine de cette initiative destinée à réaliser des économies et ajoute que d'ailleurs, elle n'y aurait eu aucun intérêt puisqu'elle était rémunérée de façon forfaitaire. De la même façon, les propos imputés à M. [X] ne ressortent que du témoignage d'une seule personne (pièce SNDC n° 17), insuffisant, à lui seul, à caractériser un comportement fautif justifiant qu'il soit mis fin, sans préavis, aux deux contrats de sous-traitance.

Il en résulte que la réalité des fautes reprochées à la société MD [Localité 5] n'est pas établie.

Sur le préjudice

La société SNDC soutient que le préavis de trois mois qui, selon le tribunal, aurait dû être accordé à la société MD [Localité 5] est « aux antipodes de la jurisprudence de la cour d'appel de Paris » et se réfère à un arrêt ayant accordé un préavis de deux mois pour une relation commerciale d'une ancienneté de cinq ans (CA Paris, 16 sept. 2018, RG n° 16/14413).

A l'inverse, la société MD [Localité 5] justifie cette durée en faisant valoir que durant la relation commerciale, la société SNDC était son seul client « et ce faisant, sa seule source de chiffre d'affaires ». Elle ajoute qu'à la suite de la cessation des relations commerciales, elle a été « contrainte de réorganiser son activité sans revenus, et de reconstruire une clientèle composée exclusivement de particuliers ». Elle en conclut qu'elle se trouvait dans une situation de dépendance économique qui doit conduire à lui accorder un préavis d'une durée minimale de trois mois.

Réponse de la cour

L'état de dépendance économique dans lequel se trouvait la société MD [Localité 5] à l'égard de la société SNDC ne peut être contesté et, comme l'a fait le tribunal, doit être pris en compte dans la détermination de la durée du préavis.

Mais le délai de trois mois que revendique la société MD [Localité 5], et qu'a retenu le tribunal, n'en est pas moins excessif compte tenu de la brièveté de la relation commerciale établie entre les deux entreprises : fondée sur des contrats des 21 septembre 2020 et 5 mars 2021 et ayant pris fin le 6 avril 2021, cette relation s'est en effet déroulée sur une durée de six mois et demi. Aussi convient-il, compte tenu de cette circonstance, d'infirmer sur ce point le jugement et de ramener à un mois la durée du préavis qui aurait dû être accordé et dont on indemnisera l'absence.

En ce qui concerne le calcul de cette indemnisation, il n'y a lieu de remettre en cause ni la méthode de calcul fondée sur la marge brute et le chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période, ni les données attestées par l'expert-comptable de la société MD [Localité 5] et relatives à cette marge ' 52 % du chiffre d'affaires ' et à ce chiffre d'affaires ' 16 786 €. Il en résulte que le montant des dommages et intérêts fixé par le tribunal à 26 186,16 € pour un préavis d'une durée de trois mois, sera ramené, une durée d'un mois étant retenue, au tiers de ce montant, soit 8 728,72 €.

II- Sur la demande de paiement des factures

La société SNDC fait grief au jugement attaqué de l'avoir condamnée à payer à la société MD [Localité 5] la somme de 41 558,03 € au titre des factures impayées, avec intérêt au taux légal à compter du 5 mai 2021. Elle soutient, sans plus développer ces arguments, d'une part, que le client final n'ayant pas payé, elle n'a pas à régler la société MD [Localité 5], par application de l'article 2 des contrats de sous-traitance, et, d'autre part, qu'elle avait conditionné le règlement des factures à la restitution de ses matériels, lesquels n'ont pas été restitués.

En défense, la société MD [Localité 5] fait valoir que l'essentiel des factures impayées portaient sur des prestations d'installations et de mise en service de matériel qui n'ont fait l'objet d'aucune contestation et que s'agissant d'autres factures, relatives à la supervision de certains chantiers, c'est à tort que la société SNDC, qui ne les a contestées ni dans leur principe ni dans leur quantum, a opposé l'absence de règlement. Enfin, elle indique avoir restitué les matériels en cause à leur véritable propriétaire, la société Adisson Consult.

Réponse de la cour

La demande de la société MD [Localité 5] est justifiée par les pièces qu'elle produit. Il en va ainsi des factures échues les 15 avril, 20 avril et 5 mai 2021 (pièces n° 7 à 12, 15 à 19, 22, 23, 25, 31 à 34), pour un montant total de 30 241,10 €, auquel s'ajoutent, pour un montant de 13 604 €, des factures échues en avril 2021 (pièces n° 14, 21, 24, 26 à 29, 30), auxquelles la société SNDC a opposé l'absence de règlement par le maître d'ouvrage. ; il y a lieu, enfin, de déduire la somme de 2 287,07 € correspondant à des avances de consommables et trois factures non justifiées (pièces n° 5, 21, 30, 31), soit le montant total de 41 558,03 €, au paiement duquel le tribunal a condamné la société SNDC.

Devant la cour, la société SNDC se borne, en premier lieu, à affirmer que « sur les factures présentées par MD [Localité 5], les choses sont plus simples : le client final n'a pas payé et en application de l'article 2 du contrat de sous-traitance, la société SNDC n'a pas à régler MD [Localité 5] » (concl. p. 10 in fine).

L'article 2 des deux contrats de sous-traitance prévoit effectivement, en termes identiques, que « le donneur d'ordre s'engage à payer au sous-traitant le prix conforme à la tarification négociée, payable à hauteur de 100 % en fin de mission, une fois l'attestation sur l'honneur signée par le client final et de règlement du donneur d'ordre » (pièces MD [Localité 5] n° 1 et 2). Mais la société SNDC n'apporte aucun élément qui établirait le défaut de paiement du client, ou au moins jetterait un doute suffisant sur sa réalité. De surcroît, l'intimée fait valoir, sans être démentie, que la société SNDC avait opposé l'absence de règlement non à toutes les factures échues, comme elle l'affirme dans ses conclusions, mais à une partie seulement d'entre elles, pour un montant de 13 604 €. Au demeurant le tribunal avait relevé qu'une dette totale de 44 509,10 € figurait dans la comptabilité de la société SNDC et c'est à juste titre qu'il a constaté que « la société SNDC ne justifie pas dans ses écritures, ni dans ses pièces, du défaut de règlement des prestations correspondant auxdites factures par son client final » (jugement p. 8).

En second lieu, la société SNDC affirme qu' » il n'est pas contesté que la société SNDC a conditionné le règlement des factures qui pourraient être dues à la restitution de ses matériels qui ne lui ont jamais été restitués ». Mais cette allégation n'est, pas plus que la précédente, accompagnée d'élément probatoire ni même d'explication qui en démontrerait la réalité ou, au moins, la vraisemblance. A l'inverse, la société MD [Localité 5] récuse cette justification en affirmant, sans être contredite, avoir restitué ces équipements, dont elle relève qu'ils appartenaient non à l'intimé mais à la société Adisson Consult.

C'est donc à juste titre que le tribunal, dont le jugement sera confirmé sur ce point, a condamné la société SNDC à régler à la société MD [Localité 5] le montant des factures impayées, soit la somme de 41 558,03 € avec intérêt légal à compter du 5 mai 2021.

III- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société SNDC, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à supporter les dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société MD [Localité 5] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société SNDC à payer à la société MD [Localité 5] la somme de 26 186,16 € en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale de la relation commerciale établie ;

Statuant de nouveau de ce chef,

Condamne la société SNDC à payer à la société MD [Localité 5] la somme de 8 728,72 € en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale de la relation commerciale établie ;

Condamne la société SNDC à payer à la société MD [Localité 5] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société SNDC aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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