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Décisions

CA Colmar, ch. 1 a, 19 novembre 2025, n° 24/01286

COLMAR

Arrêt

Autre

CA Colmar n° 24/01286

19 novembre 2025

MINUTE N° 470/25

Copie exécutoire à

- Me Laurence FRICK

- Me Patricia CHEVALLIER -GASCHY

Le 19.11.2025

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 19 Novembre 2025

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 24/01286 - N° Portalis DBVW-V-B7I-IIWK

Décision déférée à la Cour : 28 Février 2024 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - 3ème chambre civile

APPELANTS - INTIMES INCIDEMMENT :

Monsieur [C] [Y] [E]

[Adresse 5]

[Localité 8]

Monsieur [H] [R]

[Adresse 1]

[Localité 7]

S.A.R.L. MAZAL CASH DISTRIBUTION

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentés par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour

INTIME - APPELANT INCIDEMMENT :

Monsieur [Z] [P]

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représenté par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Octobre 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme RHODE, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. WALGENWITZ, Président de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme RHODE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, cadre greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon acte sous seing privé du 10 novembre 2016, M. [Z] [P] a donné à bail, à compter du 1er décembre 2016 et pour une durée de 9 ans, à la SARL Mazal Cash Distribution, un local commercial situé [Adresse 4] à [Localité 6], moyennant un loyer annuel de 18'000 € HT, payable par trimestre.

MM. [H] [R] et [C] [Y] [E], gérants de la société preneuse, se sont portés cautions solidaires de celle-ci.

M. [Z] [P] a signifié à la SARL Mazal Cash Distribution quatre commandements de payer visant la clause résolutoire les 16 janvier 2017, 23 janvier 2018, 12 avril 2019 et 27 novembre 2019.

Un nouveau commandement de payer une somme de 15'508,56 € visant la clause résolutoire a été signifié à la SARL Mazal Cash Distribution, par M. [Z] [P], le 19 mai 2021.

Souhaitant obtenir la nullité de ce dernier commandement de payer, la SARL Mazal Cash Distribution a, par assignation signifiée le 17 juin 2021, fait attraire M. [Z] [P] devant le tribunal judiciaire de Strasbourg.

M. [Z] [P] a ensuite, par actes extra-judiciaires signifiés les 11 et 18 mars 2022, assigné les cautions, MM. [H] [R] et [C] [Y] [E], en paiement des arriérés de loyers, de charges et d'impôts dus par la SARL Mazal Cash Distribution.

Les deux procédures ont été jointes le 11 septembre 2022.

Par jugement rendu le 28 février 2024, le tribunal judiciaire de Strasbourg a':

'Annulé le commandement de payer visant la clause résolutoire signifié le 19 mai 2021 à la SARL Mazal Cash Distribution par M. [Z] [P]';

Condamné M. [Z] [P] à payer à la SARL Mazal Cash Distribution la somme de 200 € au titre de la répétition de l'indu s'agissant de la provision sur charges pour le mois de décembre 2016';

Débouté la SARL Mazal Cash Distribution de l'ensemble de ses autres demandes';

Condamné solidairement la SARL Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et M. [C] [Y] [E] à payer à M. [Z] [P] la somme de 10'829,50 € au titre des arriérés de loyers, charges et taxes arrêtés au 1er avril 2023';

Condamné solidairement la SARL Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et M. [C] [Y] [E] à payer à M. [Z] [P] la somme de 7'234 € au titre du remboursement de la taxe foncière augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2022 sur la somme de 5'805 € et à compter du 4 juillet 2020 sur la somme de 1'429 €';

Débouté M. [Z] [P] de sa demande en résolution judiciaire du contrat de bail du 10 novembre 2016 ainsi que de l'ensemble de ses autres demandes';

Débouté M. [H] [R] et M. [C] [Y] [E] de leurs demandes tendant à être mis hors de cause';

Débouté la SARL Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et M. [C] [Y] [E] de leurs demandes tendant à obtenir des délais de paiement,

Partagé les dépens de l'instance à hauteur de 50 % à la charge de la SARL Mazal Cash Distribution, de M. [H] [R] et de M. [C] [Y] [E], et de 50 % à la charge de M. [Z] [P]';

Débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

Rappelé que la décision est de plein droit exécutoire par provision.'

La SARL Mazal Cash Distribution, M. [C] [Y] [E] et M. [H] [R] ont interjeté appel de cette décision par déclaration déposée le 26 mars 2024.

M. [Z] [P] s'est constitué intimé le 8 avril 2024.

Dans ses dernières conclusions en date du 21 mars 2025, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, la SARL Mazal Cash Distribution, M. [C] [Y] [E] et M. [H] [R] demandent à la cour de':

'Vu les articles L.145-4, L.145-178 et L.145-41 du Code de Commerce,

Vu les articles 1104, 1171 et 1179 du Code civil

Vu les dispositions de l'article 1343-5 nouveau du Code civil

Vu les pièces versées aux débats,

Déclarer l'appel recevable et bien fondé,

Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg des chefs suivant :

Déboute la SARL Mazal Cash Distribution de l'ensemble de ses autres demandes ;

Condamne solidairement la SARL Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et M. [C] [E] à payer à M. [Z] [P] la somme de 10 829,50 € au titre des arriérés de loyers, charges et taxes arrêtés au 1er avril 2023 ;

Condamne solidairement la SARL Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et M. [C] [E] à payer à M. [Z] [P] la somme de 7 234 € au titre du remboursement de la taxe foncière, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2022 sur la somme de 5 805 € et à compter du 4 juillet 2020 sur la somme de 1 429 € ;

Déboute M. [H] [R] et M. [C] [E] de leurs demandes tendant à être mis en hors de cause ;

Déboute la SARL Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et M. [C] [E] de leurs demandes tendant à obtenir des délais de paiement ;

Partage les dépens de l'instance à hauteur de 50% à la charge de la SARL Mazal Cash Distribution, de M. [H] [R] et de M. [C] [E], et 50% à la charge de M. [Z] [P] ;

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et de statuer à nouveau':

A titre principal :

- Débouter M. [Z] [P] de toutes ses demandes, fins et conclusions';

- Ordonner à M. [Z] [P] de produire des factures et les redditions de charges depuis la prise d'effet du bail, soir le 1er décembre 2016 ;

- Condamner M. [Z] [P] au remboursement d'un montant de 8 400 € à la société Mazal Cash Distribution correspondant aux provisions sur charges indument payées depuis la prise d'effet du bail, soit le 1er décembre 2016 ;

- Condamner M. [Z] [P] au paiement d'une somme de 40 916,91 € à verser à la société Mazal Cash Distribution à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice financier causé par l'absence d'émission de factures ;

- Mettre hors de cause M. [H] [R] et de M. [C] [E] ;

- Déclarer nul l'acte de cautionnement ;

- Condamner M. [Z] [P] à payer à Mazal Cash Distribution la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et 3 000 € au titre de la procédure d'appel ;

- Condamner aux entiers dépens M. [Z] [P],

A titre subsidiaire :

- Suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire stipulée dans le bail et dire que la clause résolutoire ne jouera pas, si la société Mazal Cash Distribution se libère des sommes restantes dues, le cas échéant, dans les conditions fixées par le tribunal ;

- Dire que la société Mazal Cash Distribution bénéficiera d'un délai de deux ans à compter de la décision à intervenir pour s'acquitter du paiement des sommes restant dues, le cas échéant, à M. [Z] [P] à la date de la décision à intervenir ;

- Dire que pendant ce délai, les intérêts de retard ne seront pas dus ;

- Dire que les sommes versées par Mazal Cash Distribution s'imputeront en priorité sur les loyers et charges dus au titre de l'arriéré ;

- Confirmer les dispositions suivantes du jugement de première instance en ce qu'il a :

Annulé le commandement de payer visant la clause résolutoire signifié le 19 mai 2021 à la SARL Mazal Cash Distribution par M. [Z] [P] ;

Condamné M. [Z] [P] à payer à la SARL Mazal Cash Distribution la somme de 200 € au titre de la répétition de l'indu s'agissant de la provision sur charges pour le mois de décembre 2016 ;

Débouté M. [Z] [P] de sa demande en résolution judiciaire du contrat de bail eu 10 novembre 2016, ainsi que de l'ensemble de ses autres demandes.

Sur appel incident

Rejeter l'appel incident

Débouter M. [Z] [P] de l'intégralité de ses fins et conclusions'

Condamner M. [Z] [P] aux entiers dépens de l'appel incident.'

Dans ses dernières écritures en date du 30 avril 2025, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, M. [Z] [P] demande à la cour de':

'I. Statuant sur l'appel principal,

Déclarer la société Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et M. [C] [Y] [E] mal fondés en leur appel ;

Déclarer M. [H] [R] et M. [C] [Y] [E] irrecevables en leur demande de nullité de l'acte de cautionnement ;

En conséquence,

Confirmer les chefs suivants du jugement rendu le 28 février 2024 par le Tribunal judiciaire de Strasbourg :

'Débouté la SARL Mazal Cash Distribution de l'ensemble de ses autres demandes';

Condamné solidairement la SARL Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et M. [C] [Y] [E] à payer à M. [Z] [P] la somme de 7'234 € au titre du remboursement de la taxe foncière augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2022 sur la somme de 5'805 € et à compter du 4 juillet 2020 sur la somme de 1'429 €';

Débouté M. [H] [R] et M. [C] [Y] [E] de leurs demandes tendant à être mis hors de cause';

Débouté la SARL Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et M. [C] [Y] [E] de leurs demandes tendant à obtenir des délais de paiement,

Partagé les dépens de l'instance à hauteur de 50% à la charge de la SARL Mazal Cash Distribution, de M. [H] [R] et de M. [C] [Y] [E] et de 50% à la charge de M. [Z] [P]';

Débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile';'

II. Statuant sur l'appel incident

Déclarer M. [Z] [P] recevable et bien fonde en son appel incident ;

Y faisant droit,

Infirmer le jugement du 28 février 2024 en ce qu'il a :

'Annulé le commandement de payer visant la clause résolutoire signifié le 19 mai 2021 à la SARL Mazal Cash Distribution par M. [Z] [P]';

Condamné solidairement la SARL Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et M. [C] [Y] [E] à payer à M. [Z] [P] la somme de 10.829,50 € au titre des arriérés de loyers, charges et taxes arrêtés au 1er avril 2023';

Débouté M. [Z] [P] de sa demande en résolution judiciaire du contrat de bail du 10 novembre 2016, ainsi que de l'ensemble de ses autres demandes';'

Statuant à nouveau :

Constater l'acquisition de la clause résolutoire incluse au bail liant M. [Z] [P] et la société Mazal Cash Distribution au 19 juin 2021, terme du commandement de payer visant la clause résolutoire ;

Subsidiairement,

Prononcer la résolution judiciaire du bail liant M. [Z] [P] et la société Mazal Cash Distribution à compter du jour de la décision à intervenir';

En tout état de cause :

Ordonner l'expulsion de la société Mazal Cash Distribution et de tout occupant de son chef, au besoin avec le concours de la force publique, des locaux sis à [Localité 6], [Adresse 4] / [Adresse 3] ;

Condamner solidairement la société Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et M. [C] [Y] [E] à payer à M. [Z] [P] un montant de 4.463 € au titre des taxes foncières 2022 et 2023, augmenté des intérêts au taux légal à compter des conclusions du 24 septembre 2024 ;

Condamner solidairement la société Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et M. [C] [Y] [E] à payer à M. [Z] [P] un montant de 51.622,12 € au titre de l'arriéré des loyers, des régularisations de charges arrêtées et de l'indemnité d'occupation arrêté au 1er juillet 2024 ;

Fixer le montant de l'indemnité d'occupation due solidairement par la société Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et M. [C] [Y] [E] à une somme de 2.253,23 € par mois, soit 6.759,69 € par trimestre';

Dire que l'indemnité d'occupation évoluera dans les mêmes conditions que le loyer selon les règles d'indexation fixées au bail du 10 octobre 2016 ; et les Condamner à payer ce montant ;

Au besoin, Condamner solidairement la société Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et M. [C] [Y] [E] à payer ce montant, le cas échéant indexé ;

Condamner solidairement la société Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et M. [C] [Y] [E] à payer, en sus de l'indemnité d'occupation, un acompte sur charges de 300 € par mois qui fera l'objet d'une régularisation annuelle ;

Débouter la société Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et M. [C] [Y] [E] de l'ensemble de leurs fins et conclusions';

Condamner solidairement la société Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et M. [C] [Y] [E] à payer à M. [P] un montant de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et M. [C] [Y] [E] aux entiers dépens des procédures de 1ère instance et d'appel.'

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.

La clôture de la procédure a été prononcée le 10 septembre 2025 et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 15 octobre 2025.

MOTIFS :

Sur l'acquisition de la clause résolutoire :

L'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

L'application de la clause résolutoire est subordonnée à la bonne foi du bailleur que le juge doit rechercher lorsqu'elle est mise en doute, y compris pour un motif étranger à la délivrance du commandement (Cass. Civ. 3ème, 10 novembre 2010, n°09-15.937).

En l'espèce, le contrat de bail commercial du 10 novembre 2016 qui prévoit un loyer trimestriel de 4'500 € HT et un acompte trimestriel de 600 € HT sur les charges, prestations et taxes réglées par le bailleur stipule une clause résolutoire prévoyant que 'à défaut de paiement d'un seul terme de loyer à son échéance exacte ou d'inexécution d'une seule des clauses des présentes, et un mois après un simple commandement de payer ou une sommation d'exécuter, rappelant la présente clause et resté infructueux, le bail sera résilié de plein droit si bon semble au bailleur, sans qu'il soit besoin de former aucune demande en justice'.

Le 19 mai 2021, M. [Z] [P] a fait signifier un commandement de payer visant la clause résolutoire à la société Mazal Cash Distribution, portant sur la somme de 15'508,56 € due au titre du solde sur loyers et charges impayées, selon décompte du 9 avril 2021 annexé.

Ce décompte comprend les paiements effectués par la société Mazal Cash Distribution, ainsi que l'ensemble des montants mis en compte par le bailleur au titre du dépôt de garantie, des loyers et avances sur charges, indexations et régularisations de charges. Il en résulte un solde en faveur du bailleur de 15'508,56 €, dont 11'333,89 € au titre des charges.

Or, d'une part, le décompte omet trois règlements réalisés par le locataire pour un total de 6'079,71 € et, d'autre part, dès le 2 mai 2019, le locataire avait sollicité la reddition des charges et la communication des pièces justificatives y afférent, le bailleur ne justifiant d'une telle production que pour l'année 2019.

En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que le commandement de payer délivré à la société Mazal Cash Distribution visait des montants dus au titre des charges, dont le bailleur ne démontrait pas avoir au préalable procédé à la régularisation et avait été, dès lors, délivré de mauvaise foi.

Sur le loyer et les charges dus au bailleur :

L'article L. 145-40-2 du code de commerce dispose que tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l'indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire, dans un délai fixé par voie réglementaire. En cours de bail, le bailleur informe le locataire des charges, impôts, taxes et redevances nouveaux.

Aux termes de l'article R. 145-36 du code de commerce, l'état récapitulatif annuel mentionné au premier alinéa de l'article L. 145-40-2, qui inclut la liquidation et la régularisation des comptes de charges, est communiqué au locataire au plus tard le 30 septembre de l'année suivant celle au titre de laquelle il est établi ou, pour les immeubles en copropriété, dans le délai de trois mois à compter de la reddition des charges de copropriété sur l'exercice annuel. Le bailleur communique au locataire, à sa demande, tout document justifiant le montant des charges, impôts, taxes et redevances imputés à celui-ci.

En l'espèce, M. [P] produit les décomptes de charges étayés par les relevés établis par le syndic pour les années 2017 à 2021, en ses annexes 8 à 11, 23 et 25. En outre, son annexe 12 est constituée des factures correspondantes. Des justificatifs sont également produits au titre de la taxe sur les ordures ménagères et de la quote-part des frais de gestion sur la fiscalité directe locale.

En conséquence, les charges mises en compte pour les années 2017 à 2021 sont justifiées et la société Mazal Cash Distribution sera déboutée de sa demande de remboursement à hauteur de 8'200 €, couvrant la période du 1er janvier 2017 au 1er juin 2020. Il a été en revanche fait droit, à juste titre, à sa demande au titre du mois de décembre 2016, en l'absence de justificatif produit par le bailleur.

Au titre des années 2022, 2023 et 2024, seules les provisions sont mises en compte et aucune demande de remboursement n'est présentée par le locataire.

Concernant la taxe foncière, l'article 6 du contrat de bail signé par les parties stipule que le preneur s'engage à rembourser, en sus du loyer, les charges afférentes à toutes les prestations fournies par le bailleur et se rapportant à l'immeuble, telle que la taxe foncière.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce que la société Mazal Cash Distribution a été condamnée à payer à M. [Z] [P] la somme de 7'234 € au titre du remboursement des taxes foncières des années 2017 à 2021, cette somme étant augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2022 sur la somme de 5'805 € et à compter du 4 juillet 2020 sur la somme de 1'429 €.

La société Mazal Cash Distribution sera, en outre, condamnée à payer à M. [Z] [P] la somme de 4'463 € au titre des taxes foncières dues pour les années 2022, 2023 et 2024, conformément aux justificatifs produits en annexes 34, 35, 37 et 38, cette somme étant augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2024, date des conclusions portant cette demande.

Pour le surplus, il résulte du dernier décompte produit, que la dette locative s'élevait, au 1er juillet 2024, à la somme de 51'622,12 € (hors taxes foncières).

La société Mazal Cash Distribution ne justifie d'aucun paiement qui n'aurait pas été pris en compte par le bailleur.

En conséquence, elle sera condamnée à payer à M. [Z] [P] la somme de 51'622,12 € au titre de l'arriéré de loyers et charges arrêté au 1er juillet 2024.

Au regard de l'importance de la dette et de l'absence de justificatif produit par la société Mazal Cash Distribution, démontrant qu'elle serait en mesure de s'acquitter de cette dette avec un échéancier de 24 mois, aucun délai de paiement ne peut être accordé au locataire.

Sur la demande de dommages et intérêts :

L'article 1231-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

En l'espèce, la société Mazal Cash Distribution soutient que M. [Z] [P] n'a jamais établi de factures relatives aux loyers et charges, de sorte qu'elle a été dans l'impossibilité de passer les loyers en charges dans son bilan et qu'elle a payé un impôt supplémentaire de 40'000 €. Elle ajoute qu'en outre elle a été dans l'impossibilité de récupérer la TVA pour un montant de 25'000 €. Elle sollicite la condamnation du bailleur à lui payer la somme de 40'916,91 € au titre du montant non récupéré de la TVA (204'584,54 x 20 %), précisant que depuis la prise de bail, le montant des loyers et charges s'élève à la somme de 185'000 € selon le décompte adverse.

Elle fonde sa demande sur une attestation établie le 20 mai 2024 par M. [I] [D], expert-comptable, aux termes de laquelle ce dernier indique que':

'1. Depuis le 1er février 2021, la société Mazal Cash Distribution n'a pas transmis au cabinet d'expertise comptable les quittances de loyer émises par son bailleur, Monsieur [Z] [P].

2. De ce fait, le cabinet n'a pas déduit la TVA afférente auxdites factures de loyer pour la raison suivante':

a. Nous n'avons par reçu les quittances de loyer correspondantes, nécessaires à la justification de la déduction de la TVA conformément à la réglementation fiscale en vigueur.

b. Malgré nos démarches et sollicitations, les quittances de loyer n'ont pas été fournies par le client ni par le bailleur directement dans les délais requis.

3. En conséquence, aucune déduction de TVA n'a été opérée sur les factures de loyer pour la période mentionnée ci-dessus'.

Or, outre le fait que les moyens développés par la locataire sont sans lien avec la somme demandée et que l'attestation produite ne répond pas aux exigences du code civil, malgré les observations présentées en ce sens par le bailleur, force est de constater qu'elle ne couvre pas la période pour laquelle l'indemnisation est sollicitée, soit à compter de la conclusion du contrat de bail et qu'elle ne présente aucun chiffrage du préjudice prétendument subi.

Dès lors, le préjudice n'est pas suffisamment établi et c'est à juste titre que le premier juge a débouté la société Mazal Cash Distribution de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la résiliation du contrat de bail'et les sommes dues au bailleur :

L'article 1709 du code civil définit le louage de choses comme le contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer.

L'article 1728 du code civil pose le principe que le preneur est tenu de deux obligations principales, au titre desquelles figure celle d'user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d'après les circonstances, à défaut de convention.

L'article 1217 du code civil dispose que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut provoquer la résolution du contrat.

L'article 1224 code civil précise que la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire, soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

En l'espèce, dès la procédure de première instance, le bailleur a justifié des charges locatives mises en compte.

Il résulte du dernier décompte produit que la dette locative s'élevait, au 1er juillet 2024, à la somme de 51'622,12 € (hors taxe foncière).

La faute grave du locataire est dès lors établie et la résiliation du contrat de bail sera prononcée.

Il y a lieu, en conséquence, d'ordonner l'expulsion de la société Mazal Cash Distribution, qui sera par ailleurs condamnée au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant équivalent au loyer et charges mensuels qui auraient été dus, si le bail n'avait pas été résilié, pour la période courant du 19 novembre 2025 à la date de la libération effective et définitive des lieux.

Pour autant et dès lors que le code des procédures civiles d'exécution prévoit expressément dans ses articles L.153-1, ainsi que L.153-2, d'une part que l'État est tenu de prêter son concours à l'exécution des jugements et des autres titres exécutoires et d'autre part, que l'huissier de justice chargé de l'exécution peut requérir le concours de la force publique, il y a lieu de considérer que la présente décision, en ce qu'elle ordonne l'expulsion de la société locataire, peut parfaitement être exécutée par le bailleur avec le concours de la force publique, sans qu'il soit nécessaire de le préciser dans le dispositif.

Sur la validité des engagements de caution :

L'article 2288 du code civil énonce que le cautionnement est le contrat par lequel une caution s'oblige, envers le créancier, à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci.

L'article L. 331-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, dispose que toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci :

'En me portant caution de X...................., dans la limite de la somme de.................... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de...................., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X.................... n'y satisfait pas lui-même.'

L'article L. 331-2 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, précise que lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante :

'En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X'.

Aux termes de l'article L. 332-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

En l'espèce, M. [H] [R] et de M. [C] [Y] [E] se sont portés cautions solidaires des dettes de la société Mazal Cash Distribution, vis-à-vis de M. [Z] [P], le même jour que la signature du bail commercial. Sont couverts le loyer, la TVA, les charges, les réparations locatives, les frais de procédure et les indemnités d'occupation.

Leur engagement a été souscrit dans la limite de 216'000 €, jusqu'à la date d'échéance du cautionnement le 30 novembre 2025.

Afin de se prévaloir de la nullité de leurs engagements de cautions, M. [H] [R] et de M. [C] [Y] [E] font valoir que les textes susvisés n'ont pas été respectés.

M. [Z] [P] n'étant pas un créancier professionnel, leur demande est mal fondée.

En conséquence, M. [H] [R] et de M. [C] [Y] [E] seront condamnés, solidairement avec la société Mazal Cash Distribution, à payer à M. [Z] [P] les sommes de':

- 51'622,12 € au titre de l'arriéré de loyers et charges arrêté au 1er juillet 2024,

- 7'234 € au titre du remboursement des taxes foncières des années 2017 à 2021, cette somme étant augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2022 sur la somme de 5'805 € et à compter du 4 juillet 2020 sur la somme de 1'429 €,

- 4'463 € au titre des taxes foncières dues pour les années 2022, 2023 et 2024, cette somme étant augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2024.

En outre, ils seront condamnés à payer l'indemnité d'occupation due pour la période du 19 novembre 2025, date de la résiliation du bail, au 30 novembre 2025, date de l'extinction de la garantie.

Sur les accessoires :

Succombant, la société Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et M. [C] [Y] [E] seront tenus solidairement des dépens de première instance, en infirmation du jugement sur ce point, et d'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité commande, en outre, de mettre à la charge de la société Mazal Cash Distribution, de M. [H] [R] et de M. [C] [Y] [E], une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2 000 euros au profit de M. [Z] [P], tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de ce dernier et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 28 février 2024, en ce qu'il a':

'Annulé le commandement de payer visant la clause résolutoire signifié le 19 mai 2021 à la SARL Mazal Cash Distribution par M. [Z] [P]';

Condamné M. [Z] [P] à payer à la SARL Mazal Cash Distribution la somme de 200 € au titre de la répétition de l'indu, s'agissant de la provision sur charges pour le mois de décembre 2016';

Déboute la SARL Mazal Cash Distribution de sa demande de production des factures de charges';

Débouté la SARL Mazal cash de sa demande de dommages et intérêts';

Condamné solidairement la SARL Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et M. [C] [Y] [E] à payer à M. [Z] [P] la somme de 7'234 € au titre du remboursement de la taxe foncière, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2022 sur la somme de 5'805 € et à compter du 4 juillet 2020 sur la somme de 1'429 €';

Débouté M. [H] [R] et M. [C] [Y] [E] de leurs demandes tendant à être mis hors de cause';

Débouté la SARL Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et M. [C] [Y] [E] de leurs demandes tendant à obtenir des délais de paiement ;

Débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile'

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant':

Condamne solidairement la SARL Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et M. [C] [Y] [E] à payer à M. [Z] [P], les sommes de':

- 51'622,12 € au titre de l'arriéré de loyers et charges arrêté au 1er juillet 2024,

- 4'463 € au titre des taxes foncières dues pour les années 2022, 2023 et 2024, cette somme étant augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2024,

Déboute la SARL Mazal Cash Distribution de sa demande de remboursement de charges à hauteur de 8'200 €, couvrant la période du 1er janvier 2017 au 1er juin 2020,

Prononce la résiliation du contrat de bail commercial conclu le 10 novembre 2016 entre M. [Z] [P] et la SARL Mazal Cash Distribution, concernant le local situé [Adresse 4] à [Localité 6],

En conséquence, ordonne à la SARL Mazal Cash Distribution de libérer le local sis [Adresse 4] à [Localité 6] et de restituer les clés dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt,

Condamne solidairement la SARL Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et de M. [C] [Y] [E] à payer à M. [Z] [P] une indemnité mensuelle d'occupation, égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en l'absence de résiliation du bail, à compter de ce jour jusqu'au 30 novembre 2025,

Condamne la SARL Mazal Cash Distribution à payer à M. [Z] [P] une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en l'absence de résiliation du bail, à compter du 1er décembre 2025 et jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux,

Condamne solidairement la SARL Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et de M. [C] [Y] [E] aux dépens des procédures de première instance et d'appel,

Condamne solidairement la SARL Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et de M. [C] [Y] [E] à payer à M. [Z] [P] la somme de 2'000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SARL Mazal Cash Distribution, M. [H] [R] et de M. [C] [Y] [E] de leurs prétentions au titre des frais irrépétibles.

Le cadre greffier : le Président :

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