CA Dijon, 2 e ch. civ., 20 novembre 2025, n° 25/00312
DIJON
Arrêt
Autre
S.A.S. ZS 23
C/
S.C.I. LA CANOPEE
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
2 e chambre civile
ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2025
N° RG 25/00312 - N° Portalis DBVF-V-B7J-GUB3
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé du 26 février 2025,
rendue par le président du tribunal judiciaire de Dijon - RG : 24/00401
APPELANTE :
S.A.S. ZS 23, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Karima MANHOULI, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 26
INTIMÉE :
S.C.I. LA CANOPEE, prise en la personne de son gérant
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126
assistée de Me Christel BOISSEL, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 septembre 2025 en audience publique devant la cour composée de :
Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre,
Bénédicte KUENTZ, Conseiller,
Cédric SAUNIER, Conseiller,
Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 20 Novembre 2025,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par acte sous seing privé du 25 mars 2022, la SCI des Lumières a donné à bail à la SAS ZS 23 des locaux commerciaux situés [Adresse 3] à Dijon pour une durée de neuf ans, moyennant un loyer principal annuel d'un montant de 24 000 euros, pour un usage exclusif de lounge-bar-restauration.
Le 28 mars 2022, les locaux commerciaux ont été acquis par la SCI La Canopée, qui a fait signifier à sa locataire le 31 janvier 2024 un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant en principal de 96 355,20 euros.
Par acte signifié le 26 juillet 2024, la société La Canopée a fait assigner la société ZS 23 devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Dijon aux fins de voir constater la résiliation du bail et son expulsion et en sollicitant la condamnation de sa locataire à lui payer les sommes provisionnelles de 130 935 euros, augmentée des intérêts, au titre des loyers échus impayés et de 13 093,50 euros au titre de la clause pénale, ainsi que la constatation de la conservation du dépôt de garantie par la bailleresse à titre d'indemnité.
La société ZS 23 sollicitait en première instance un sursis à statuer dans l'attente de la décision à venir concernant son action provisionnelle engagée à l'encontre de la SARL Ambiance Intérieur chargée de l'aménagement des locaux, ainsi que la suspension des effets de la clause résolutoire et l'octroi d'un délai de deux ans pour apurer sa dette.
Le juge des référés a, par ordonnance rendue le 26 février 2025 :
- débouté la société ZS 23 de sa demande de délais de paiement ;
- constaté l'acquisition dc la clause résolutoire et la résiliation du bail commercial ;
- ordonné à la société ZS 23 et à tous occupants de son chef de libérer les locaux dans les meilleurs délais et au plus tard sous un mois à compter de la signification de l'ordonnance ;
- à défaut, ordonné l'expulsion de la société ZS 23 et de tous occupants de son chef, si besoin est, avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier ;
- ordonné, si besoin est, le transport et la séquestration des biens meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans un garde-meubles au choix de la société La Canopée aux risques et frais du locataire, et ce en garantie de toutes sommes qui pourront être dues et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par 1'huissier charge de l'exécution, avec sommation à la société ZS 23 d'avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques;
- condamné la société ZS 23 à payer à la société La Canopée la somme provisionnelle de 130 935 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'ordonnance ;
- débouté la société La Canopée de ses autres demandes ;
- condamné la société ZS 23 à payer à la société La Canopée la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société ZS 23 aux dépens, comprenant notamment le coût du commandement de payer.
Par déclaration du 06 mars 2025, la société ZS 23, intimant la société La Canopée, a interjeté appel de cette ordonnance en sollicitant son infirmation sauf en ce qu'elle a débouté la société la Canopée de ses autres demandes.
Selon ses premières et ultimes conclusions transmises le 18 avril suivant, elle conclut à l'infirmation des autres chefs et demande à la cour statuant à nouveau d'ordonner la suspension des effets de la clause résolutoire et, en conséquence :
- de débouter la société La Canopée de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- de lui accorder un délai de vingt-quatre mois pour régler sa dette, et ce à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la date de signification de l'arrêt à intervenir ;
- de mettre à la charge de chacune des parties les dépens qu'elles ont exposés.
Elle fait valoir qu'en rejetant sa demande de délai de paiement après avoir constaté les difficultés qu'elle a rencontrées dans le cadre des travaux d'aménagement des locaux et le délai de vingt mois accordé par la bailleresse avant délivrance d'un commandement de payer, le juge de première instance a commis une erreur de droit dans la mesure où elle a justifié être en mesure de financer, via un concours bancaire, les travaux nécessaires au démarrage de l'activité qui lui permettra de disposer des ressources suffisantes pour assumer le remboursement de sa dette.
La société La Canopée a répliqué en premier et dernier lieu par conclusions transmises le 10 juin 2025 pour demander à la cour de confirmer l'ordonnance critiquée et de condamner l'appelante à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Elle expose :
- que la société ZS 23 n'a pas saisi la juridiction d'une demande de délai qu'elle aurait pu solliciter, en son éventuelle qualité de débiteur de bonne foi, dans le mois suivant la délivrance du commandement de payer conformément aux articles L. 145-41, alinéa 2, du code de commerce et 1343-5 du code civil ;
- que sa locataire ne produit aucun élément de nature à établir sa capacité de régler sa dette outre les loyers courants sur un délai de deux ans tandis qu'elle-même supporte un emprunt bancaire.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 septembre 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 18 septembre suivant et mise en délibéré au 20 novembre 2025.
En application de l'article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.
Motifs de la décision
L'article 834 du code de procédure civile autorise le juge des référés, en cas d'urgence, à ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Par ailleurs et aux termes de l'article 835 du même code, le juge des référés peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
- Sur la demande tendant au constat de la résiliation du bail,
En application de l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
En application de l'article 1353 du code civil, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et réciproquement celui qui se prétend libéré doit justifier du paiement ou du fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En l'espèce, la société La Canopée fonde son action en constat de la résiliation de bail sur la clause résolutoire insérée à l'article 13 du contrat de bail prévoyant sa résiliation de plein droit si bon semble au bailleur et sans aucune formalité judiciaire un mois après la délivrance d'un commandement de payer visant ladite clause et resté sans effet.
La société ZS 23 ne conteste ni le principe ni le quantum des loyers impayés à la date du commandement, ni l'absence de régularisation suite à la délivrance de celui-ci, ni même n'avoir réglé aucune somme correspondant à son maintien dans les lieux depuis.
Il en résulte qu'en l'absence de paiement des sommes objet du commandement de payer signifié à la société ZS 23 le 31 janvier 2024, la cour ne peut que confirmer l'ordonnance critiquée en ce qu'elle a constaté que les conditions de la clause résolutoire sont réunies, sauf à préciser que la résiliation est intervenue à la date du 29 février 2024 en application de l'article 641, alinéa 2, du code de procédure civile dont il résulte que le délai exprimé en mois expire le jour du dernier mois qui porte le même quantième ou, à défaut d'un quantième identique, le dernier jour du mois.
- Sur la demande tendant à la suspension des effets de la clause résolutoire et à l'octroi de délais de paiement,
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
L'article 1343-5 du code civil autorise le juge, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, à reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
La faculté conférée au juge d'octroyer des délais de grâce relève de son pouvoir souverain d'appréciation, en considération des éléments qui lui sont soumis.
Etant rappelé que l'octroi de délais par le juge implique nécessairement la suspension des effets de la clause résolutoire, il est constant que le preneur peut demander des délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire même après l'expiration du délai d'un mois à compter du commandement, tant que la résiliation n'est pas constatée par une décision passée en force de chose jugée.
En l'espèce, dans le cadre du litige opposant la locataire à la société Ambiance Intérieure chargée de l'aménagement des locaux, le premier président de la cour d'appel de Dijon a, par ordonnance rendue le 11 février 2025, ordonné la suspension de l'exécution provisoire de l'ordonnance rendue le 20 novembre 2024 et frappée d'appel, par laquelle le juge des référés du tribunal de commerce de Dijon a condamné cette dernière à régler à la société ZS 23 une somme provisionnelle de 126 412,65 euros.
Par ailleurs, si la société ZS 23 atteste du maintien d'un concours bancaire initialement octroyé afin de financer les travaux, soit une somme restant à débloquer chiffrée par la banque à 104 434,01 euros, ce montant reste inférieur au montant des devis de travaux signés pour permettre la reprise des travaux d'aménagement par d'autres intervenants, chiffré à la somme totale de 236 633,08 euros par la locataire.
La cour observe à cet égard que cette somme, à laquelle il convient d'ajouter au surplus la TVA, est en tout état de cause inférieure au cumul entre le montant de la condamnation provisionnelle prononcée à l'encontre de la société Ambiance Intérieure et le reliquat de financement bancaire.
La possibilité de financer les travaux nécessaires au lancement de l'activité, seule à même de permettre d'envisager la perception de recettes d'exploitation à court terme, n'est donc pas établie.
Dans ces conditions, le dossier prévisionnel aux termes duquel l'expert comptable fait état d'un chiffre d'affaires quotidien chiffré à 900 euros ne peut être considéré comme réaliste, l'affirmation selon laquelle l'emplacement du fonds exploité permettra sans 'aucune difficulté' de solder la dette de loyers n'étant au surplus fondée sur aucun élément probant précis.
La société La Canopée justifie quant à elle de la charge d'un emprunt contracté pour l'acquisition des locaux représentant une charge mensuelle de 2 257,13 euros jusqu'au 05 mars 2036.
Le juge de première instance a donc, par d'exacts motifs, retenu que la société ZS 23, qui ne s'est jamais acquittée d'aucune somme en exécution du contrat de bail, ne justifie pas être en mesure de régler, dans le délai de deux ans sollicité, à la fois l'arriéré des sommes échues et les loyers courants à défaut de démarrage de l'exploitation de son activité dans les locaux concernés.
Il en résulte que la société ZS 23 n'établit pas la réunion des conditions de nature à lui permettre de bénéficier de délais de paiement et de la suspension des effets de la clause résolutoire.
Dès lors, l'ordonnance dont appel sera confirmée en ce qu'elle a rejeté cette demande, a ordonné l'expulsion avec transport et séquestration des biens meubles au besoin et a débouté les parties de leurs autres demandes.
- Sur la demande provisionnelle en paiement,
L'article 1103 du code civil prévoit que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Aux termes de l'article 5.1 du contrat de bail, le loyer principal annuel est fixé à la somme de 24 000 euros hors charges et hors taxes, payable mensuellement et d'avance à hauteur de 2 000 euros outre la TVA.
L'article 5.2 stipule que les provisions sur charges mensuelles s'élèvent à la somme de 250 euros.
Enfin, l'article 5.3 précise que le loyer sera indexé annuellement sur la base de l'indice 118,59 au quatrième trimestre 2021.
La société La Canopée caractérise le défaut d'exécution de l'obligation en paiement à la charge de la société ZS 23 à hauteur de la somme de 130 935 euros selon décompte établi au 20 janvier 2025, cette somme étant due par l'occupante des locaux au titre des loyers jusqu'à la date de résiliation du bail puis d'indemnité d'occupation postérieurement.
La société ZS 23 y acquiesce en expliquant ne pas avoir été en mesure de débuter son activité en raison d'un litige avec la société qu'elle a missionnée pour effectuer les travaux de réaménagement nécessaires au démarrage de l'exploitation.
Etant observé qu'aucun appel n'a été interjeté à l'encontre du chef de l'ordonnance critiquée ayant rejeté la demande de provision formée par la société La Canopée au titre de la clause pénale, ladite ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a condamné la société ZS 23 à payer à la société La Canopée une provision de 130 935 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision de première instance, conformément à la demande.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens,
La société ZS 23, qui succombe en appel, sera condamnée à payer à la société La Canopée la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance d'appel.
Par ces motifs,
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :
Confirme, dans les limites de l'appel, l'ordonnance rendue entre les parties le 26 février 2025 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Dijon, sauf à fixer la date de résiliation du bail au 29 février 2024 ;
Y ajoutant :
Condamne la SAS ZS 23 aux dépens d'appel ;
Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la SCI La Canopée la somme de 1 500 euros, avec rejet de la demande pour le surplus.
Le greffier, Le président,
C/
S.C.I. LA CANOPEE
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
2 e chambre civile
ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2025
N° RG 25/00312 - N° Portalis DBVF-V-B7J-GUB3
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé du 26 février 2025,
rendue par le président du tribunal judiciaire de Dijon - RG : 24/00401
APPELANTE :
S.A.S. ZS 23, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Karima MANHOULI, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 26
INTIMÉE :
S.C.I. LA CANOPEE, prise en la personne de son gérant
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126
assistée de Me Christel BOISSEL, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 septembre 2025 en audience publique devant la cour composée de :
Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre,
Bénédicte KUENTZ, Conseiller,
Cédric SAUNIER, Conseiller,
Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 20 Novembre 2025,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par acte sous seing privé du 25 mars 2022, la SCI des Lumières a donné à bail à la SAS ZS 23 des locaux commerciaux situés [Adresse 3] à Dijon pour une durée de neuf ans, moyennant un loyer principal annuel d'un montant de 24 000 euros, pour un usage exclusif de lounge-bar-restauration.
Le 28 mars 2022, les locaux commerciaux ont été acquis par la SCI La Canopée, qui a fait signifier à sa locataire le 31 janvier 2024 un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant en principal de 96 355,20 euros.
Par acte signifié le 26 juillet 2024, la société La Canopée a fait assigner la société ZS 23 devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Dijon aux fins de voir constater la résiliation du bail et son expulsion et en sollicitant la condamnation de sa locataire à lui payer les sommes provisionnelles de 130 935 euros, augmentée des intérêts, au titre des loyers échus impayés et de 13 093,50 euros au titre de la clause pénale, ainsi que la constatation de la conservation du dépôt de garantie par la bailleresse à titre d'indemnité.
La société ZS 23 sollicitait en première instance un sursis à statuer dans l'attente de la décision à venir concernant son action provisionnelle engagée à l'encontre de la SARL Ambiance Intérieur chargée de l'aménagement des locaux, ainsi que la suspension des effets de la clause résolutoire et l'octroi d'un délai de deux ans pour apurer sa dette.
Le juge des référés a, par ordonnance rendue le 26 février 2025 :
- débouté la société ZS 23 de sa demande de délais de paiement ;
- constaté l'acquisition dc la clause résolutoire et la résiliation du bail commercial ;
- ordonné à la société ZS 23 et à tous occupants de son chef de libérer les locaux dans les meilleurs délais et au plus tard sous un mois à compter de la signification de l'ordonnance ;
- à défaut, ordonné l'expulsion de la société ZS 23 et de tous occupants de son chef, si besoin est, avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier ;
- ordonné, si besoin est, le transport et la séquestration des biens meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans un garde-meubles au choix de la société La Canopée aux risques et frais du locataire, et ce en garantie de toutes sommes qui pourront être dues et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par 1'huissier charge de l'exécution, avec sommation à la société ZS 23 d'avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques;
- condamné la société ZS 23 à payer à la société La Canopée la somme provisionnelle de 130 935 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'ordonnance ;
- débouté la société La Canopée de ses autres demandes ;
- condamné la société ZS 23 à payer à la société La Canopée la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société ZS 23 aux dépens, comprenant notamment le coût du commandement de payer.
Par déclaration du 06 mars 2025, la société ZS 23, intimant la société La Canopée, a interjeté appel de cette ordonnance en sollicitant son infirmation sauf en ce qu'elle a débouté la société la Canopée de ses autres demandes.
Selon ses premières et ultimes conclusions transmises le 18 avril suivant, elle conclut à l'infirmation des autres chefs et demande à la cour statuant à nouveau d'ordonner la suspension des effets de la clause résolutoire et, en conséquence :
- de débouter la société La Canopée de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- de lui accorder un délai de vingt-quatre mois pour régler sa dette, et ce à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la date de signification de l'arrêt à intervenir ;
- de mettre à la charge de chacune des parties les dépens qu'elles ont exposés.
Elle fait valoir qu'en rejetant sa demande de délai de paiement après avoir constaté les difficultés qu'elle a rencontrées dans le cadre des travaux d'aménagement des locaux et le délai de vingt mois accordé par la bailleresse avant délivrance d'un commandement de payer, le juge de première instance a commis une erreur de droit dans la mesure où elle a justifié être en mesure de financer, via un concours bancaire, les travaux nécessaires au démarrage de l'activité qui lui permettra de disposer des ressources suffisantes pour assumer le remboursement de sa dette.
La société La Canopée a répliqué en premier et dernier lieu par conclusions transmises le 10 juin 2025 pour demander à la cour de confirmer l'ordonnance critiquée et de condamner l'appelante à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Elle expose :
- que la société ZS 23 n'a pas saisi la juridiction d'une demande de délai qu'elle aurait pu solliciter, en son éventuelle qualité de débiteur de bonne foi, dans le mois suivant la délivrance du commandement de payer conformément aux articles L. 145-41, alinéa 2, du code de commerce et 1343-5 du code civil ;
- que sa locataire ne produit aucun élément de nature à établir sa capacité de régler sa dette outre les loyers courants sur un délai de deux ans tandis qu'elle-même supporte un emprunt bancaire.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 septembre 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 18 septembre suivant et mise en délibéré au 20 novembre 2025.
En application de l'article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.
Motifs de la décision
L'article 834 du code de procédure civile autorise le juge des référés, en cas d'urgence, à ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Par ailleurs et aux termes de l'article 835 du même code, le juge des référés peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
- Sur la demande tendant au constat de la résiliation du bail,
En application de l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
En application de l'article 1353 du code civil, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et réciproquement celui qui se prétend libéré doit justifier du paiement ou du fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En l'espèce, la société La Canopée fonde son action en constat de la résiliation de bail sur la clause résolutoire insérée à l'article 13 du contrat de bail prévoyant sa résiliation de plein droit si bon semble au bailleur et sans aucune formalité judiciaire un mois après la délivrance d'un commandement de payer visant ladite clause et resté sans effet.
La société ZS 23 ne conteste ni le principe ni le quantum des loyers impayés à la date du commandement, ni l'absence de régularisation suite à la délivrance de celui-ci, ni même n'avoir réglé aucune somme correspondant à son maintien dans les lieux depuis.
Il en résulte qu'en l'absence de paiement des sommes objet du commandement de payer signifié à la société ZS 23 le 31 janvier 2024, la cour ne peut que confirmer l'ordonnance critiquée en ce qu'elle a constaté que les conditions de la clause résolutoire sont réunies, sauf à préciser que la résiliation est intervenue à la date du 29 février 2024 en application de l'article 641, alinéa 2, du code de procédure civile dont il résulte que le délai exprimé en mois expire le jour du dernier mois qui porte le même quantième ou, à défaut d'un quantième identique, le dernier jour du mois.
- Sur la demande tendant à la suspension des effets de la clause résolutoire et à l'octroi de délais de paiement,
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
L'article 1343-5 du code civil autorise le juge, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, à reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
La faculté conférée au juge d'octroyer des délais de grâce relève de son pouvoir souverain d'appréciation, en considération des éléments qui lui sont soumis.
Etant rappelé que l'octroi de délais par le juge implique nécessairement la suspension des effets de la clause résolutoire, il est constant que le preneur peut demander des délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire même après l'expiration du délai d'un mois à compter du commandement, tant que la résiliation n'est pas constatée par une décision passée en force de chose jugée.
En l'espèce, dans le cadre du litige opposant la locataire à la société Ambiance Intérieure chargée de l'aménagement des locaux, le premier président de la cour d'appel de Dijon a, par ordonnance rendue le 11 février 2025, ordonné la suspension de l'exécution provisoire de l'ordonnance rendue le 20 novembre 2024 et frappée d'appel, par laquelle le juge des référés du tribunal de commerce de Dijon a condamné cette dernière à régler à la société ZS 23 une somme provisionnelle de 126 412,65 euros.
Par ailleurs, si la société ZS 23 atteste du maintien d'un concours bancaire initialement octroyé afin de financer les travaux, soit une somme restant à débloquer chiffrée par la banque à 104 434,01 euros, ce montant reste inférieur au montant des devis de travaux signés pour permettre la reprise des travaux d'aménagement par d'autres intervenants, chiffré à la somme totale de 236 633,08 euros par la locataire.
La cour observe à cet égard que cette somme, à laquelle il convient d'ajouter au surplus la TVA, est en tout état de cause inférieure au cumul entre le montant de la condamnation provisionnelle prononcée à l'encontre de la société Ambiance Intérieure et le reliquat de financement bancaire.
La possibilité de financer les travaux nécessaires au lancement de l'activité, seule à même de permettre d'envisager la perception de recettes d'exploitation à court terme, n'est donc pas établie.
Dans ces conditions, le dossier prévisionnel aux termes duquel l'expert comptable fait état d'un chiffre d'affaires quotidien chiffré à 900 euros ne peut être considéré comme réaliste, l'affirmation selon laquelle l'emplacement du fonds exploité permettra sans 'aucune difficulté' de solder la dette de loyers n'étant au surplus fondée sur aucun élément probant précis.
La société La Canopée justifie quant à elle de la charge d'un emprunt contracté pour l'acquisition des locaux représentant une charge mensuelle de 2 257,13 euros jusqu'au 05 mars 2036.
Le juge de première instance a donc, par d'exacts motifs, retenu que la société ZS 23, qui ne s'est jamais acquittée d'aucune somme en exécution du contrat de bail, ne justifie pas être en mesure de régler, dans le délai de deux ans sollicité, à la fois l'arriéré des sommes échues et les loyers courants à défaut de démarrage de l'exploitation de son activité dans les locaux concernés.
Il en résulte que la société ZS 23 n'établit pas la réunion des conditions de nature à lui permettre de bénéficier de délais de paiement et de la suspension des effets de la clause résolutoire.
Dès lors, l'ordonnance dont appel sera confirmée en ce qu'elle a rejeté cette demande, a ordonné l'expulsion avec transport et séquestration des biens meubles au besoin et a débouté les parties de leurs autres demandes.
- Sur la demande provisionnelle en paiement,
L'article 1103 du code civil prévoit que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Aux termes de l'article 5.1 du contrat de bail, le loyer principal annuel est fixé à la somme de 24 000 euros hors charges et hors taxes, payable mensuellement et d'avance à hauteur de 2 000 euros outre la TVA.
L'article 5.2 stipule que les provisions sur charges mensuelles s'élèvent à la somme de 250 euros.
Enfin, l'article 5.3 précise que le loyer sera indexé annuellement sur la base de l'indice 118,59 au quatrième trimestre 2021.
La société La Canopée caractérise le défaut d'exécution de l'obligation en paiement à la charge de la société ZS 23 à hauteur de la somme de 130 935 euros selon décompte établi au 20 janvier 2025, cette somme étant due par l'occupante des locaux au titre des loyers jusqu'à la date de résiliation du bail puis d'indemnité d'occupation postérieurement.
La société ZS 23 y acquiesce en expliquant ne pas avoir été en mesure de débuter son activité en raison d'un litige avec la société qu'elle a missionnée pour effectuer les travaux de réaménagement nécessaires au démarrage de l'exploitation.
Etant observé qu'aucun appel n'a été interjeté à l'encontre du chef de l'ordonnance critiquée ayant rejeté la demande de provision formée par la société La Canopée au titre de la clause pénale, ladite ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a condamné la société ZS 23 à payer à la société La Canopée une provision de 130 935 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision de première instance, conformément à la demande.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens,
La société ZS 23, qui succombe en appel, sera condamnée à payer à la société La Canopée la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance d'appel.
Par ces motifs,
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :
Confirme, dans les limites de l'appel, l'ordonnance rendue entre les parties le 26 février 2025 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Dijon, sauf à fixer la date de résiliation du bail au 29 février 2024 ;
Y ajoutant :
Condamne la SAS ZS 23 aux dépens d'appel ;
Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la SCI La Canopée la somme de 1 500 euros, avec rejet de la demande pour le surplus.
Le greffier, Le président,