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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-11 op, 26 novembre 2025, n° 22/11241

AIX-EN-PROVENCE

Ordonnance

Autre

CA Aix-en-Provence n° 22/11241

26 novembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11 OP

ORDONNANCE SUR RECOURS CONTRE UNE DÉCISION FIXANT LA RÉMUNÉRATION D'UN EXPERT

DU 26 NOVEMBRE 2025

N° 2025/196

Rôle N° RG 22/11241 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ3TS

S.E.L.A.R.L. [T] & ASSOCIES

S.E.L.A.R.L. [T] & ASSOCIES

C/

[I] [O]

Copie exécutoire délivrée

le : 26 novembre 2025

à :Madame [I] [O]

par LRAR

Décision déférée au Premier Président de la Cour d'Appel :

Ordonnance de taxe fixant la rémunération de M. S.E.L.A.R.L. [T] & ASSOCIES, expert rendue le 04 Juillet 2022 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats de NICE.

DEMANDERESSES

S.E.L.A.R.L. [T] & ASSOCIES, demeurant Ès qualité de liquidateur judiciaire de Me [M] [U] - [Adresse 1]

représentée par Me Philippe MILLET de la SELARL ANTELMI - BONCOMPAGNI - MILLET & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE substitué par Me Olivier QUESNEAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

S.E.L.A.R.L. [T] & ASSOCIES, demeurant Ès qualité de liquidateur judiciaire de la - SELARL Cabinet [M] [U], [Adresse 1]

représentée par Me Philippe MILLET de la SELARL ANTELMI - BONCOMPAGNI - MILLET & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE substitué par Me Olivier QUESNEAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

DEFENDERESSE

Madame [I] [O], demeurant [Adresse 2]

comparante en personne, assistée de M. [H] [Z], en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ

L'affaire a été débattue le 24 Septembre 2025 en audience publique devant

Madame Amandine ANCELIN, Conseillère

délégué par ordonnance du premier président .

en application des articles 714, 715 à 718 et 724 du code de procédure civile ;

Greffier lors des débats : Mme Carla D'AGOSTINO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Novembre 2025.

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 26 Novembre 2025,

Signée par Madame Amandine ANCELIN, et Madame Nesrine OUAHB, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par jugement du 24 janvier 2003, le Tribunal de commerce de Nice a prononcé la liquidation judiciaire de monsieur [K] [O].

Les époux [O] se sont tournés vers Me [M] [U] aus fins d'assurer leur défense.

Le 17 octobre 2018, Maître [T], agissant ès qualité de liquidateur judiciaire de monsieur [K] [O], a versé à Maître [U] la somme de 6.000 € à titre de provision pour des honoraires en vue d'une procédure initiée devant le tribunal de commerce ; cette somme a été versée antérieurement à l'ouverture de la procédure collective de Maître [U] et de la S.E.L.A.R.L. CABINET [M] [U] (ci- après S.E.L.A.R.L. [U]).

En effet, par jugement du 1er juillet 2019, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de Me [M] [U], désignant Me [T] ès qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 20 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Nice a prononcé l'extension de la procédure de redressement judiciaire à la S.E.L.A.R.L. [U].

Par jugement du 21 février 2021, le tribunal judiciaire de Nice a arrêté un plan de cession de la S.E.L.A.R.L. [U] et Me [U] prévoyant la cession de la clientèle civile du cabinet au profit de Me MONTAGARD.

Le 17 mai 2021, le tribunal judiciaire de Nice a prononcé la liquidation judiciaire de Me [M] [U] et de la S.E.L.A.R.L. [U].

Par décision du 4 juillet 2022, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nice a rendu une ordonnance de taxe en faveur de la S.E.L.A.R.L. [T] ET ASSOCIES, qui était intervenue pour le compte de madame [I] [O] ès qualité de liquidateur judiciaire de Me [M] [U] et de la S.E.L.A.R.L. CABINET [M] [U]. Cette ordonnance ordonnait une interruption de l'instance, précisant que l'instance serait réintroduite à la demande de l'une ou l'autre des parties après la clôture des opérations de liquidation judiciaire de Me [M] [U] et du CABINET [M] [U].

La S.E.L.A.R.L. [T] ET ASSOCIES a formé appel de cette décision par courrier recommandé avec avis de réception en date du 2 août 2022.

Aux termes de conclusions déposées à l'audience auxquelles elle se réfère, la S.E.L.A.R.L. [T] ET ASSOCIES a sollicité la réformation de l'ordonnance précitée (rendue par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Nice en date du 4 juillet 2022).

Elle a sollicité qu'il soit statué de nouveau, en déclarant irrecevable la demande de taxation d'honoraires formée par madame [I] [O] par courrier du 17 novembre 2021, en l'absence de déclaration de créance au passif de la procédure collective de Me [M] [U] et de la S.E.L.A.R.L. CABINET [M] [U].

A l'appui de sa demande, elle vise les dispositions des articles L. 622-17, L. 622-21 et L. 643-11 du Code de commerce.

A l'audience, madame [O], présente, était accompagnée de son frère, monsieur [H] [Z], qu'elle avait habilité à la représenter.

Il a déclaré avoir eu connaissance des dernières conclusions présentées à l'audience aux intérêts de la S.E.L.A.R.L. [T] ET ASSOCIES.

Il n'a pas entendu répondre sur le moyen procédural soulevé au soutien de l'irrecevabilité, faisant cependant valoir à ce sujet qu'il n'avait pas eu connaissance de la procédure collective engagée à l'encontre de Maître [U].

Il a fait observer que Maître MONTAGARD, ayant succédé à Me [U] dans le dossier, n'avait pas établi de convention d'honoraires et n'avait pas informé sa s'ur des incidences sur les honoraires qu'impliquait la succession du cabinet, tandis que madame [O] 'était en confiance', car Me [U] intervenait aux intérêts de son époux depuis plusieurs années.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il sera renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives, ainsi qu'à la note d'audience.

A l'issue des débats, la décision été mise en délibéré au 26 novembre 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité du recours en appel

Selon les dispositions de l'article 175 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat les réclamations sont soumises au bâtonnier par toutes parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou remise contre récépissé. Le bâtonnier prend sa décision dans les quatre mois et cette décision est notifiée, dans les quinze jours de sa date, à l'avocat et à la partie, par le secrétaire de l'ordre, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la lettre de notification mentionnant, à peine de nullité, le délai et les modalités du recours. Aux termes de l'article 176 de ce décret, la décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel, qui est saisi par l'avocat ou la partie, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans le délai d'un mois.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le recours a été formé dans le mois de la décision elle-même; la recevabilité de l'appel n'est contestée par aucune des parties à l'instance.

L'appel sera jugé recevable.

Sur l'irrecevabilité de la demande de taxation d'honoraires

La demande formulée est particulière en ce qu'elle consiste à voir réformer une décision d'interruption de délai, préalablement à la demande en taxation d'honoraire par le bâtonnier -objet de la demande.

En outre, il est sollicité de voir déclarer que madame [O] n'était pas recevable en sa demande de taxation d'honoraires pour les diligences entreprises dans la continuité de la mission de Me [U] (suite à son placement en redressement judiciaire).

Sur la demande d'infirmation de la décision du Bâtonnier de Nice portant interruption de délai de recours en taxation

Il convient de prendre en considération la situation d'ouverture de procédure collective de Me [U] et du CABINET [U] pour statuer sur la taxation des honoraires.

Ainsi qu'il est souligné par l'appelant, il y a lieu à application de règles d'ordre public, ne pouvant être écartées en dehors de l'hypothèse d'un motif légalement institué.

En effet, aux termes de l'article L. 622 -21 du Code de commerce, « I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :

1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

II.-Sans préjudice des droits des créanciers dont la créance est mentionnée au I de l'article L. 622-17, le jugement d'ouverture arrête ou interdit toute procédure d'exécution tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.

III.-Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus.

[']. »

En outre, l'article L. 643-11 du Code de commerce dispose que le jugement de clôture de liquidation judiciaire ne fait par le créancier l'exercice individuel de leur action contre le débiteur. Ce même texte prévoit des exceptions énumérées à cette règle.

Il ne semble pas que la créance dont se prévaut madame [O] (créance correspondant à une demande d'honoraires provisionnels) soit constitutive de l'une des exceptions visées au texte précitées.

Cela n'est pas allégué.

Tout ou partie du texte précité n'est pas non plus visé en tant que fondement de sa décision par monsieur le bâtonnier de l'ordre des avocats de Nice, qui n'a manifestement pas entendu y faire exception.

Il s'ensuit que la décision consistant en l'interruption de l'instance et prévoyant la possibilité de sa réinscription à la demande de l'une ou l'autre des parties après la clôture des opérations de liquidation judiciaire de Me [M] [U] et de la S.E.L.A.R.L. CABINET [M] [U] est dépourvue de fondement juridique ; qu'une telle décision s'inscrit en contravention des textes précités relatifs aux procédures collectives -dont l'application est d'ordre public.

En conséquence, la décision sera infirmée en ce qu'elle prévoyait un délai interruptif de recours.

Sur l'irrecevabilité du recours de madame [O]

Il est sollicitée de « statuer à nouveau » en vue de déclaration d'irrecevabilité de la demande de taxation d'honoraires formée par madame [I] [O] par courrier du 17 novembre 2021 «en l'absence de déclaration de créance au passif de la procédure collective de Me [M] [U] et de la S.E.L.A.R.L. CABINET [M] [U] ».

En l'état du jugement de liquidation judiciaire relatif à Me [M] [U] et au CABINET [M] [U], intervenu le 17 mai 2021, et en l'absence de déclaration au passif de la créance contestée dans les délais légaux, aucune poursuite ne paraît pouvoir être engagée de nouveau par madame [O] pour la taxation d'honoraires.

En effet, le prononcé de la liquidation judiciaire de Me [U] et du CABINET [M] [U] apparaît avoir mis un terme à la possibilité d'un tel recours.

Parallèlement, il sera observé que madame [O] n'a pas entendu nier toute diligence accomplie à l'origine des honoraires réclamés.

Enfin, relativement à l'absence de déclaration d'une créance au passif de Me [U] et du CABINET [M] [U] dans les délais, madame [O] ne peut, à bon droit, se prévaloir d'avoir ignoré l'introduction de la procédure collective, en ce qu'il s'agit d'une procédure opposable aux tiers pour avoir fait l'objet d'une publication au BODACC. A cet égard, elle ne nie pas avoir eu des entretiens avec le successeur de Me [U] dans le dossier, qui lui a nécessairement exposé les motifs du transfert de clientèle.

Par suite, il y a lieu le faire droit à la demande reconventionnelle formulée par la S.E.L.A.R.L. [T] ET ASSOCIES et de déclarer irrecevable la demande de taxation d'honoraires formée par madame [I] [O] en date du 17 novembre 2021.

Sur les demandes accessoires

Aux termes de l'article 696 alinéa 1er du Code de procédure civile, 'La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.'.

Madame [O], jugée irrecevable, supportera les dépens.

Aucune demande n'est formulée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement par mise à disposition de la décision au greffe,

DECLARONS le recours recevable ;

INFIRMONS la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nice du 4 juillet 2022 en toutes ses dispositions ;

DECLARONS irrecevable madame [I] [O] en sa demande de taxation formée par courrier du 17 novembre 2021 à l'encontre des honoraires taxés aux intérêts de Me [M] [U] et de la S.E.L.A.R.L. CABINET [M] [U] ;

CONDAMNONS madame [I] [O] aux dépens.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

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