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CA Lyon, 8e ch., 26 novembre 2025, n° 24/06603

LYON

Arrêt

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CA Lyon n° 24/06603

26 novembre 2025

N° RG 24/06603 -N°Portalis DBVX-V-B7I-P3GA

Décision du Tribunal de Commerce de Lyon en référé

du 17 juillet 2024

RG : 2024r00233

S.A.S. AURERA

C/

S.A.S. BYS CONSEIL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRÊT DU 26 Novembre 2025

APPELANTE :

La société AURERA, société par actions simplifiée immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le numéro 818 439 010, dont le siège social est sis [Adresse 1] à [Localité 6], prise en la personne de son Président, domicilié en cette qualité audit siège

Jugement du tribunal des activités économiques de Paris en date du

24 septembre 2025 ayant placé la société en redressement judiciaire

Représentée par Me Marion MOINECOURT de la SELARL CONSTRUCTIV'AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1274

Ayant pour avocat plaidant Me Cécile GONTHIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

La société BYS CONSEIL, société par actions simplifiée au capital de 1.000 €, immatriculée au RCS de [Localité 4] sous le numéro 900 066 580, dont le siège social est situé [Adresse 2]), représentée par son Président

Représentée par Me Amaury PLUMERAULT de la SELEURL MUSE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 2760

Ayant pour avocat plaidant Me Clotilde NORMAND, membre de l'AARPI LOGELBACH ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

* * * * * *

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 Octobre 2025

Date de mise à disposition : 26 Novembre 2025

Audience tenue par Véronique DRAHI, président, et Nathalie LAURENT, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Bénédicte BOISSELET, président

- Véronique DRAHI, conseiller

- Nathalie LAURENT, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Véronique DRAHI, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSE DU LITIGE

La société Bys Conseil assiste et conseille les entreprises dans la mise en place et l'accompagnement de projets de réduction de postes de charges, ainsi que dans leurs démarches auprès de différents organismes nationaux.

La société Aurera exerce une activité de conseil en systèmes informatiques et logiciels et dispose à cet effet de deux établissements à [Localité 3] et à [Localité 5].

Le 15 février 2023, ces deux sociétés ont signé une convention d'optimisation des coûts sociaux et fiscaux liés à l'emploi aux termes de laquelle la société BYS Conseil avait pour mission d'identifier d'éventuelles pistes d'optimisation en analysant l'ensemble des coûts sociaux et fiscaux liés à l'emploi de la société Aurera, puis de préparer les dossiers de demande de remboursement le cas échéant et accompagner la société Aurera dans la mise en place de mesures correctives, moyennant les honoraires suivants :

« 40 % des sommes obtenues par le client au titre du passé suivant la mise en place effective des économies identifiées ; la rémunération au succès telle que définie ci-dessus (la TVA étant facturée en sus), sera facturée entité juridique par entité juridique à l'envoi des justificatifs de récupération et réglée lors de l'encaissement des sommes à réception,

40 % des économies effectivement mises en place par le client pendant 24 mois suivant la date de mise en place. Le montant, facturé annuellement, sera ajusté au réel des sommes effectivement obtenues chaque année. Les factures émises en début de période seront à régler à réception. L'ajustement annuel sera effectué par proposition de prorata en comparaison avec la situation constatée avant l'audit ».

L'audit réalisé par la société Bys Conseil pendant 3 ans et dont les résultats ont été présentés lors d'une réunion du 26 mai 2023, il a été identifié des pistes d'économies :

au titre des cotisations au forfait social pour la période du 1er mai 2020 au 30 décembre 2020, alors que celles-ci n'étaient pas dues au regard des effectifs de la société (seuil de 11 salariés) :

. 502 € pour l'établissement de [Localité 5],

. 294 € pour l'établissement de [Localité 3],

au titre des cotisations au versement mobilité pour la période du 1er mai 2020 au 30 avril 2023, alors que celles-ci n'étaient pas dues au regard de la durée des effectifs de la société :

. 69.652 € pour l'établissement de [Localité 5],

. 25.648 € pour l'établissement de [Localité 3].

Cette analyse a été confirmée et validée par les services de l'Urssaf qui ont procédé à l'annulation des cotisations indues et à la mise en place d'un nouveau paramétrage des paiements, les deux sociétés s'opposant sur la question des remboursements effectifs dont la société Aurera dit qu'ils n'ont pas été effectués, contrairement aux dires de la société Bys Conseil.

La société Bys Conseil a émis une première facture dite de 'mise en place' (du nouveau paramétrage), correspondant à 40 % de l'économie, pour un montant de 14.099,20 € TTC, réglable chaque début de trimestre, par versements de 4.229,76 € TTC et finalement en fin de trimestre après négociation. La société Bys Conseil a, au titre de la mise en place, couvrant les économies futures, ainsi émis les factures suivantes :

une facture 20230701 d'un montant de 4.229,76 € émise le 3 juillet 2023,

une facture 20231006 d'un montant de 4.229,76 € émise le 5 octobre 2023,

une facture 20240107 d'un montant de 4.229,76 € émise le 4 janvier 2024,

une facture 20240406 d'un montant de 4.229,76 € émise le du 2 avril 2024.

Elle a par ailleurs émis, au titre des économies passées, une facture 20231138 correspondant à 40 % du crédit des versements mobilité obtenu d'un montant de 38.120 € HT (45.744 € TTC).

Par la suite des discussions sont intervenues sur la mise place d'un échéancier de paiement de cette facture.

Par lettre recommandée avec AR du 22 janvier 2024, la société Bys Conseil a mis en demeure la société Aurera de payer la somme de 51.406,23 € au titre des factures 20231138 (45.744 €), 20231139 (141,12 €) et 20240107 (4.229,76 €), avec intérêts au taux contractuel.

Par acte du 14 janvier 2024, la société Bys Conseil a fait assigner la société Aurera devant le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon en paiement d'une provision de ce montant outre intérêts au taux contractuel, indemnité forfaitaire de recouvrement.

En cours de procédure, elle a actualisé sa demande pour tenir compte des paiements intervenus entre temps au titre de la facture 20231138 et de l'échéance de la facture 20240406.

Par ordonnance de référé du 17 juillet 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon a :

rejeté l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Aurera ;

condamné la société Aurera à payer à titre provisionnel à la société Bys Conseil :

' la somme de 40.443.42 € TTC au titre du solde de la facture n°20231138, outre intérêts au taux contractuel de trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 16 janvier 2024, date de la caducité de l'échéancier de la dite facture,

' les sommes de 4.229.76 € TTC au titre de la facture 20240107 et de 4.229.76 € TTC au titre de la facture n°20240406, outre intérêts au taux contractuel de 3 fois le taux légal, à compter de leur date d'exigibilité ;

condamné la société Aurera à payer à la société Bys Conseil la somme de 120 € au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement des trois factures ;

condamné la société Aurera à payer à la société Bys Conseil la somme 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration enregistrée au greffe le 12 août 2024, la société Aurera a interjeté appel de cette ordonnance.

Par conclusions enregistrées au RPVA le 26 septembre 2024, l'appelante demande à la cour :

Infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 17 juillet 2024, en ce qu'elle a :

' rejeté l'ensemble des demandes, fin et conclusions de la société Aurera,

' condamné Aurera à payer à titre provisionnel à la société Bys Conseil les sommes de :

* 40.443,42 € TTC au titre du solde de la facture n° 20231138, outre les intérêts au taux contractuel de trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 16 janvier 2024, date de la caducité de l'échéancier de ladite facture,

* 4.229,76 € au titre de la facture n° 2024107 et 4.229,76 € au titre de la facture n° 20240406, outre les intérêts au taux contractuel de trois fois le taux légal, à compter de leur date d'exigibilité,

' condamné la société Aurera au paiement à la société Bys Conseil la somme de 120 € au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement des trois factures ;

' condamné la société Aurera au paiement à la société Bys Conseil la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

Par conséquent, statuant à nouveau,

Juger que la créance de la société Bys Conseil est sérieusement contestable dans son principe (honoraire de résultat) et dans son quantum (prétendue économie réalisée sur l'établissement de Bidart) et que le Président du Tribunal de Commerce de Lyon a excédé sa compétence ;

En conséquence,

Débouter la société Bys Conseil de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Aurera ;

Renvoyer les parties à mieux se pourvoir ;

Autoriser la société Aurera, dans l'attente du jugement au fond, de surseoir au paiement du solde à définir ;

Condamner la société Bys Conseil à payer à la société Aurera la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la société Bys Conseil aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Moinnecourt en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Par conclusions enregistrées au RPVA le 25 octobre 2024, la société Bys Conseil demande à la cour :

Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 17 juillet 2024, en ce qu'elle a :

' rejeté l'ensemble des demandes, fin et conclusions de la société Aurera,

' condamné Aurera à payer à titre provisionnel à la société Bys Conseil les sommes de :

* 40.443,42 € TTC au titre du solde de la facture n° 20231138, outre les intérêts au taux contractuel de trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 16 janvier 2024, date de la caducité de l'échéancier de ladite facture,

* 4.229,76 € au titre de la facture n° 2024107 et 4.229,76 € au titre de la facture n° 20240406, outre les intérêts au taux contractuel de trois fois le taux légal, à compter de leur date d'exigibilité,

' condamné la société Aurera au paiement à la société Bys Conseil la somme de 120 € au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement des trois factures ;

' condamné la société Aurera au paiement à la société Bys Conseil la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

Y ajoutant,

Condamner la société Aurera à payer à la société Bys Conseil la somme de 4.229.76 € TTC au titre de la facture n° 20240705 du 2 juillet 2024 outre intérêts au taux contractuel de 3 fois le taux légal à compter du 2 juillet 2024 ;

Condamner la société Aurera à payer à la société Bys Conseil la somme de 4.229.76 € TTC au titre de la facture n° 20241004 du 1er octobre 2024 outre intérêts au taux contractuel de 3 fois le taux légal à compter du 1er octobre 2024 ;

Condamner la société Aurera à payer à la société Bys Conseil la somme de 80 € au titre des indemnités forfaitaires de recouvrement afférentes aux factures impayées n° 20240705 du 2 juillet 2024 et n° 20241004 du 1er octobre 2024 ;

Constater la compensation partielle avec la condamnation de la société Aurera au règlement de la somme de 40.443.42 € TTC, des règlements suivants, à leurs dates respectives :

- 3.812 € TTC le 2 juillet 2024,

- 3.812 € TTC le 1er août 2024,

- 3.812 € TTC le 2 septembre 2024,

- 1.025,92 € TTC le 2 octobre 2024 ;

Condamner la société Aurera à payer à la société Bys Conseil la somme de 7.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamner la société Aurera aux entiers dépens de l'instance d'appel ;

Par courrier transmis par RPVA le 2 octobre 2025, le conseil de la société Aurera a informé l'intimée et la cour du placement en redressement judiciaire de la société Aurera par jugement du tribunal des activités économiques de Paris du 24 septembre 2025 avec désignation de la Selarl 2M Et Associés et de la Selarl FHBX en qualité d'administrateurs judiciaires et de la Selarl BDR Et Associés en qualité de mandataire judiciaire.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de provision

L'article L.622-21 du code de commerce pose le principe d'ordre public de l'interruption ou l'interdiction de toute action en justice exercée par un créancier contre un débiteur faisant l'objet d'une procédure collective ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent, dont la créance est antérieure à la procédure collective.

Au sens de l'article L.622-22 du code de commerce, l'instance en cours, interrompue jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance, est celle qui tend à obtenir de la juridiction saisie du principal, une décision définitive sur le montant et l'existence de cette créance. Dès lors, l'instance en référé, qui tend à obtenir une condamnation provisionnelle, n'est pas interrompue par la survenance de la procédure collective et la créance faisant l'objet d'une telle instance doit être soumise à la procédure de vérification des créances et à la décision du juge-commissaire.

En l'espèce, par jugement du 24 septembre 2025, le tribunal des activités économiques de Paris a placé la société Aurera en redressement judiciaire, procédure ainsi ouverte au cours de l'instance d'appel.

Si en application des règles précitées, l'instance en référé n'est pas interrompue par la survenance de la procédure collective, cette instance n'ôte pas au juge commissaire le pouvoir de prononcer l'admission ou le rejet de la créance.

Dès lors, l'ordonnance ayant accueilli la demande en paiement d'une provision doit être infirmée, cette demande étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par le texte susvisé.

Sur les mesures accessoires :

La société Bys Conseil succombant, la décision déférée sera infirmée en ce qu'elle a mis les dépens de première instance à la charge de la société Aurera et condamné cette dernière à payer à la société Bys Conseil la somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau, la cour condamne la société Bys Conseil aux dépens de première instance et d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, au profit de Maître Moinnecourt, avocat, sur son affirmation de droit et, en équité, rejette les demandes respectives des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Vu le jugement du tribunal des activités économiques de Paris du 24 septembre 2025 prononçant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au profit de la société Aurera,

Infirme l'ordonnance rendue le 17 juillet 2024 par le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare la société Bys Conseil irrecevable en sa demande en paiement d'une provision ;

Condamne la société Bys Conseil aux dépens de première instance et d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, au profit de Maître Moinnecourt, avocat, sur son affirmation de droit ;

Rejette les demandes respectives des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et à hauteur d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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