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Décisions

CA Riom, ch. soc., 25 novembre 2025, n° 23/00073

RIOM

Autre

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CA Riom n° 23/00073

25 novembre 2025

25 NOVEMBRE 2025

Arrêt n°

CHR/SB/NS

Dossier N° RG 23/00073 - N° Portalis DBVU-V-B7H-F6AU

S.A.S. IRIS 4

/

[M] [H]

jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de vichy, décision attaquée en date du 08 décembre 2022, enregistrée sous le n° f22/00028

Arrêt rendu ce VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Cécile CHERRIOT, Conseiller

M. Stéphane DESCORSIERS, Conseiller

En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

S.A.S. IRIS 4

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Anicet LECATRE, avocat au barreau de MOULINS

APPELANTE

ET :

Mme [M] [H]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Antoine JAUVAT de la SCP SCP D'AVOCATS W. HILLAIRAUD - A. JAUVAT, avocat au barreau de MOULINS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/003435 du 29/03/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 4])

INTIMEE

Mr RUIN Président et Mme CHERRIOT, Conseiller, après avoir entendu, M. RUIN, Président en son rapport, à l'audience publique du 22 Septembre 2025 , tenue par ces deux magistrats,en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS IRIS 4 (RCS CUSSET 801 072 174) exploite une activité hôtelière et de restauration sous l'enseigne l'AUBERGE DE L'ORISSE sise à [Localité 6] (03).

Madame [M] [H], née le 23 avril 1990, a été embauchée par la SAS IRIS 4, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée (motif de recours : accroissement temporaire d'activité), pour la période du 2 mars au 30 avril 2021, en qualité de cuisinière (catégorie employée, niveau 1, échelon 3, convention collective nationale des Hôtels, Cafés et Restaurants du 30 avril 1997.

Le 6 avril 2022, Madame [M] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de VICHY aux fins notamment de voir condamner son employeur, la SAS IRIS 4, à lui payer un rappel de salaire au titre du temps de travail non rémunéré (outre congés payés afférents), requalifier son contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, condamner en conséquence l'employeur à lui payer une indemnité de requalification, juger par ailleurs que le terme du contrat de travail s'analyse en une rupture sans cause réelle et sérieuse, et obtenir en conséquence le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis (outre congés payés afférents) ainsi que des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi consécutivement à la perte injustifiée de son emploi.

Les parties ont été directement convoquées devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes en son audience de plaidoiries du 19 mai 2022 (convocation notifiée au défendeur le 14 avril 2022).

Par jugement (RG 22/00028) rendu contradictoirement le 8 décembre 2022, le conseil de prud'hommes de VICHY a :

- Constaté l'existence de rappel de salaire :

- Dit n'y avoir lieu à requalification du contrat de travail ;

En conséquence,

- Condamné la SAS IRIS 4 à payer à Madame [M] [H] la somme de 1.506,75 euros brut à titre de rappel de salaire ;

- Condamné la SAS IRIS 4 à payer à Madame [M] [H] la somme de 300 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation de cette absence de délivrance de son bulletin de paie ;

- Débouté Madame [M] [H] de sa demande au titre de la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée et de ses demandes indemnitaires à ce titre ;

- Condamné la SAS IRIS 4 à payer à Madame [M] [H] la somme de 310,92 euros brut à titre d'indemnités de fin de contrat;

- Fixé le salaire de référence de Madame [M] [H] à la somme brute mensuelle de 1.554,62 euros ;

- Dit que des sommes ci-dessus énoncées en brut devront éventuellement être déduites les charges sociales salariales précomptées et reversées aux organismes sociaux par l'employeur ;

- Dit que les sommes nettes s'entendent -net- de toutes cotisations et contributions sociales ;

- Ordonné l'établissement et la remise par la SAS IRIS 4 à Madame [M] [H] :

* d'un certificat de travail ;

* d'un reçu pour solde de tout compte ;

* d'une attestation Pôle Emploi ;

- Et ce conformément à la présente décision et sous astreinte de 10 euros par jour de retard, dans le mois suivant la notification de la présente décision;

- Dit que la présente juridiction se réserve le droit de liquider l'astreinte ;

- Condamné la SAS IRIS 4 à verser à Maître [B] [T], intervenant pour la SCP HILLAIRAUD ET [T], en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, la somme de 800 euros ;

- Débouté la SAS IRIS 4 de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit qu'il n'y a pas lieu d'assortir l'ensemble de la présente décision de l'exécution provisoire ;

- Condamné la SAS IRIS 4 aux dépens.

Le 12 janvier 2023, la SAS IRIS 4 a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 16 décembre 2022.

Vu les conclusions notifiées le 11 septembre 2023 par la SAS IRIS 4,

Vu les conclusions notifiées le 14 juin 2023 par Madame [M] [H],

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 22 septembre 2025.

PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions, la SAS IRIS 4 demande à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame [M] [H] de ses demandes de requalification de CDD en CDI, de requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et demandes indemnitaires afférentes ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à Madame [M] [H] les sommes de :

* 1.506,75 euros brut à titre de rappel de salaire ;

* 300 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation de l'absence de délivrance du bulletin de paie ;

* 310,92 euros brut à titre d'indemnité de fin de contrat ;

* 800 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi de 1991,à Maître Laurent JAUVAT, avocat de la salariée ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la remise de documents de fin de contrat rectifiés.

Statuant à nouveau,

- Débouter Madame [M] [H] de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamner Madame [M] [H] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.

La SAS IRIS 4, qui considère que Madame [M] [H] a été remplie de l'ensemble de ses droits en matière de rémunération, fait valoir que la salariée ne démontre pas que les périodes durant lesquelles elle a été en absence injustifiée, elle se serait en réalité maintenue à la disposition permanente de l'employeur.

La SAS IRIS 4 relève par ailleurs l'absence de toute contestation et/ou réclamation soulevée par la salariée lorsqu'elle a été destinataire des bulletins de paie correspondants aux mois durant lesquels des périodes d'absence injustifiée n'ont pas donné lieu à rémunération.

La SAS IRIS 4 relève que Madame [M] [H] ne satisfait pas utilement à son obligation d'étaiement de sa demande de rappel de salaire.

La SAS IRIS 4 expose ensuite avoir embauché, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée, Madame [M] [H] sur un poste de cuisinière, lequel correspondait toutefois à un emploi polyvalent, comme en était dûment informée la salariée. Elle soutient qu'il ne saurait lui être fait grief d'avoir sollicité la réalisation par l'intimée de tâches étrangères à la mention de son poste de travail de cuisinière (notamment nettoyage, jardinage) et relève en tout état de cause l'absence de tout préjudice subi.

La SAS IRIS 4 fait valoir que le recours au contrat de travail à durée déterminée dans le cadre de l'embauche de Madame [M] [H] a été justifié au motif d'un surcroît temporaire d'activité (hôtelière) et la poursuite de l'activité de restauration via la mise en place d'un service en chambre (impliquant des contraintes et temps de travail supplémentaires) afin de satisfaire aux mesures sanitaires instituées dans le cadre de la crise de la Covid-19.

La SAS IRIS 4 considère parfaitement régulier le recours au contrat de travail à durée déterminée et conclut en conséquence au débouté de la salariée s'agissant de l'ensemble des demandes qu'elle formule à ce titre (indemnité de requalification, rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis (outre congés payés afférents) et dommages et intérêts pour préjudice subi consécutivement à la perte injustifiée de son emploi).

La SAS IRIS 4 indique ensuite, concernant la demande d'indemnité de fin de contrat soutenue à titre subsidiaire par la salariée, que celle-ci a bien perçu, comme en attestent son bulletin de paie du mois d'avril 2021 et son reçu pour solde de tout compte, une indemnité de fin de contrat (10%).

La SAS IRIS 4 indique avoir maintenu à disposition de la salariée ses documents de fin de contrat mais que celle-ci n'a pas daigné les récupérer alors même que ces documents sont quérables et non portables.

Dans ses dernières conclusions, Madame [M] [H] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

'- Constaté l'existence d'un rappel de salaire ;

- Condamné la SAS IRIS 4 à payer à Madame [M] [H] la somme de 300 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation de cette absence de délivrance de son bulletin de paie ;

- Fixé le salaire de référence de Madame [M] [H] à la somme brute mensuelle de 1.554,62 euros ;

- Ordonné l'établissement et la remise par la SAS IRIS 4 à Madame [M] [H] :

* d'un certificat de travail ;

* d'un reçu pour solde de tout compte ;

* d'une attestation Pôle Emploi ;

- Et ce conformément à la présente décision et sous astreinte de 10 euros par jour de retard, dans le mois suivant la notification de la présente décision ;

- Condamné la SAS IRIS 4 à verser à Maître [B] [T], intervenant pour la SCP HILLAIRAUD ET [T], en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, la somme de 800 euros ;

- Débouté la SAS IRIS 4 de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la SAS IRIS 4 aux dépens' ;

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

'- Dit n'y avoir lieu à requalification du contrat de travail ;

- Débouté Madame [H] de sa demande de requalification du CDD en CDI' ;

Statuant à nouveau :

- Requalifier le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;

- Condamner la Société IRIS 4 à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'indemnité de requalification par application de l'article L.1245-2 du code du travail ;

- Dire et juger que la rupture du contrat de travail est exclusivement imputable à la Société IRIS 4 et constitue un licenciement irrégulier, dénué de cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la Société IRIS 4 à lui payer et porter :

* la somme de 574 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 57,40 euros à titre de congés payés y afférents;

* la somme de 1.554,62 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- A titre subsidiaire, si la requalification en CDI n'était pas opérée, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur à lui payer la somme de 310,92 euros au titre de l'indemnité de fin de contrat ;

- En tout état de cause, débouter la société IRIS 4 de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamner la SAS IRIS 4 à payer à la SCP HILLAIRAUD JAUVAT, l'avocat bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, la somme de 2.000 euros par application de l'article au titre de l'article 700 2° du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Madame [M] [H] expose avoir été embauchée par la SAS IRIS 4 dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à temps plein, mais qu'elle n'a toutefois pas été remplie de l'ensemble de ses droits en matière de rémunération puisque l'employeur lui a injustement décompté de prétendues heures d'absence en mars et avril 2021 alors qu'elle s'est constamment maintenue à sa disposition et qu'elle a bien travaillé lors de certaines journées pourtant décomptées en absence. La salariée précise ainsi que 21 journées de travail ne lui ont pas été réglées et sollicite en conséquence la condamnation de l'employeur à lui payer le rappel de salaire correspondant.

Madame [M] [H] fait ensuite valoir que nonobstant son embauche en qualité de cuisinière, il lui a été demandé de réaliser des tâches étrangères à son poste de travail, telles notamment du nettoyage et du jardinage, ou encore monter des meubles. La salariée estime de la sorte que la SAS IRIS 4 à modifier unilatéralement les termes de son contrat de travail, ce qui a induit chez elle un sentiment d'insatisfaction générale.

Madame [M] [H] relève que le dispositif du jugement de première instance comporte à cet égard une erreur matérielle puisqu'est mentionnée la condamnation à somme de l'employeur à raison d'un défaut de délivrance d'un bulletin de paie alors qu'il s'agit de dommages et intérêts pour non-respect du contrat de travail.

Madame [M] [H], qui ne conteste pas que le motif de recours mentionné à son contrat de travail à durée consiste en un surcroît temporaire d'activité, critique en revanche la réalité d'un tel accroissement de l'activité de la société IRIS 4 au moment de son embauche. Elle réfère à cet égard aux circonstances d'époque, à savoir la crise sanitaire de la Covid 19 avec notamment comme conséquence l'arrêt temporaire des prestations de cuisine, et estime ainsi que son embauche en qualité de cuisinière est volontairement tronquée.

La salariée considère de la sorte que son contrat de travail à durée déterminée doit être requalifié en un contrat à durée indéterminée, que le terme de son contrat à durée déterminée s'analyse en conséquence en une rupture sans cause réelle et sérieuse et sollicite dès lors le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis (outre congés payés afférents), ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement abusif et irrégulier.

A titre subsidiaire, Madame [M] [H] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une indemnité de fin de contrat équivalente à 10% de la rémunération totale perçue.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

- Sur la demande de rappel de salaire -

La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles (article L. 3121-1 du code du travail).

Aux termes de l'article L. 3171-2 du code du travail : 'Lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.'.

En application de l'article L. 3171-3 du code du travail, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié.

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail : 'En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.'.

Les documents nécessaires au décompte individuel de la durée du travail de chaque salarié doivent être établis par l'employeur. La seule indication de l'amplitude journalière du travail, sans mention des périodes effectives de coupures et de pauses, est insuffisante. L'employeur peut demander au salarié d'effectuer lui-même ce décompte mais sans s'exonérer de sa responsabilité en cas de mauvaise exécution. Aucune forme particulière n'est prescrite pour le décompte individuel, il peut s'agir d'un cahier, d'un registre, d'une fiche, d'un listing, d'un système de badge. En cas de recours à un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. La pratique de l'horaire collectif ne dispense pas l'employeur de tenir un décompte individuel de la durée de travail pour chaque salarié occupé selon cet horaire, notamment en cas de réalisation d'heures supplémentaires. Les documents établissant le temps de travail des salariés doivent être conservés pendant la durée de la prescription des salaires.

Il en résulte qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures de travail non rémunérées, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, le contrat de travail à durée déterminée conclu entre la salariée et la société IRIS 4 prévoit une durée du travail pour Madame [M] [H] de 35 heures par semaine (151,67 heures mensuelles), avec la précision selon laquelle la durée du travail de la salariée serait répartie selon l'horaire collectif applicable dans l'entreprise.

Il n'est pas contesté que la SAS IRIS 4 a décompté à Madame [M] [H] des absences non rémunérées sur sa rémunération des mois de mars et avril 2021. Ressortent plus spécialement des bulletins de paie de la salariée, les déductions salariales suivantes :

- bulletin de paie du mois de mars 2021 : 'absence entrée 010321", base 7 heures, pour un montant de 71,75 euros ;

- bulletin de paie du mois d'avril 2021 :

* absences non rémunérées 020321-030321, base 14 heures, pour un montant salarial de 143,50 euros ;

* absences non rémunérées 050321-060321, base 14 heures, pour un montant salarial de 143,50 euros ;

* absence non rémunérée 090321, base 7 heures, pour un montant salarial de 71,75 euros ;

* absences non rémunérées 120321-130321, base 14 heures, pour un montant salarial de 143,50 euros ;

* absences non rémunérées 230321-260321, base 28 heures, pour un montant salarial de 287 heures ;

* absences non rémunérées 290321-300321, base 14 heures, pour un montant salarial de 143,50 euros ;

* absences non rémunérées 010421-120421, base 56 heures, pour un montant salarial de 574 euros.

Madame [M] [H], qui conteste avoir été en absence injustifiée se contente, aux fins d'étaiement de sa demande de rappel de salaire, de verser aux débats un seul document, à savoir une impression d'écran d'un itinéraire routier, manifestement issu d'un système de géolocalisation ou d'une application de cartographies routières, sur laquelle apparaît un itinéraire partant de [Localité 7] (départ à 17h09) à destination de l'AUBERGE DE L'ORISSE, soit l'établissement exploité par la SAS IRIS 4 (arrivée à 17h13). Sur la gauche de ce document informatique, sont indiquées à la fois la présence sur place de la salariée de 17h13 à 20h53, ainsi que de la date considérée, soit le 3 mars 2021.

Le seul jour d'absence non rémunérée décompté du bulletin de paie du mois de mars 2021 de Madame [M] [H] concerne la journée du 1er mars ('absence entrée 010321"), et non celle du 3 mars. Le document produit par cette salariée concerne donc une journée de travail pour laquelle aucune critique et/ou contestation ne sont développées.

La cour ne retrouve aucun autre élément dans le dossier de la salariée susceptible d'établir ne serait-ce que sa présence sur son lieu de travail, et durant ses horaires de travail, le 1er mars 2021, au demeurant pas plus que pour les autres journées ayant donné lieu à des déductions salariales.

Madame [M] [H], qui se contente de la production d'un seul et unique document concernant une journée pour laquelle aucune absence n'a été relevée, ne peut être considérée comme étayant utilement sa demande de rappel de salaire en l'absence de présentation de tout élément de fait suffisamment précis pour permettre à l'employeur, la SAS ISIS 4, d' y répondre ensuite.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a considéré que Madame [M] [H] s'était vue indûment décompter des journées de travail et en ce qu'il a condamné la SAS IRIS 4 à payer à Madame [M] [H] la somme de 1.506,75 euros brut à titre de rappel de salaire. Statuant à nouveau, la cour déboute Madame [M] [H] de sa demande de rappel de salaire.

- Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect du contrat de travail -

Madame [M] [H] reproche à la SAS IRIS 4 de l'avoir contrainte d'effectuer des tâches non contractuellement prévues, et étrangères à ses fonctions de cuisinière, durant les périodes de fermeture de l'établissement.

Dans le cadre de son pouvoir de direction, l'employeur peut faire évoluer les tâches effectuées par le salarié et la circonstance que la tâche donnée à l'intéressé serait différente de celle qu'il effectuait antérieurement ne caractérise pas, en principe, une modification du contrat de travail, dès l'instant où elle correspond à sa qualification. En revanche, il ne peut en être ainsi si ces nouvelles tâches modifient profondément la fonction du salarié.

Il est constant en l'espèce qu'à l'époque considérée, l'épidémie de Covid-19 à laquelle était confrontée notamment la France métropolitaine a induit la mise en place de diverses mesures sanitaires et restrictions gouvernementales destinées, si ce n'est à endiguer à court terme le virus, à contenir au maximum sa propagation.

Dans ce cadre, le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 (J.O. du 30 octobre), est venu prescrire diverses mesures générales relevant de l'état d'urgence sanitaire. L'article 40 de ce texte dispose notamment que :

'I. Les établissements relevant des catégories mentionnées par le règlement pris en application de l'article R. 123-12 du code de la construction et de l'habitation figurant ci-après ne peuvent accueillir du public :

1° Etablissements de type N : Restaurants et débits de boisson ;

2° Etablissements de type EF : Etablissements flottants pour leur activité de restauration et de débit de boisson ;

3° Etablissements de type OA : Restaurants d'altitude ;

4° Etablissements de type O : Hôtels, pour les espaces dédiés aux activités de restauration et de débit de boisson.

Par dérogation, les établissements mentionnés au présent I peuvent continuer à accueillir du public pour leurs activités de livraison et de vente à emporter, le room service des restaurants et bars d'hôtels et la restauration collective sous contrat.

II. - Pour la restauration collective sous contrat, les gérants des établissements mentionnés au I organisent l'accueil du public dans les conditions suivantes :

1° Les personnes accueillies ont une place assise ;

2° Une même table ne peut regrouper que des personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble, dans la limite de six personnes ;

3° Une distance minimale d'un mètre est garantie entre les chaises occupées par chaque personne, sauf si une paroi fixe ou amovible assure une séparation physique. Cette règle de distance ne s'applique pas aux groupes, dans la limite de six personnes, venant ensemble ou ayant réservé ensemble ;

4° La capacité maximale d'accueil de l'établissement est affichée et visible depuis la voie publique lorsqu'il est accessible depuis celle-ci.

III. - Portent un masque de protection :

1° Le personnel des établissements ;

2° Les personnes accueillies de onze ans ou plus lors de leurs déplacements au sein de l'établissement'.

L'AUBERGE DE L'ORISSE, exploitée par la SAS IRIS 4, établissement au sein duquel était employée Madame [M] [H], relevait du type O, 'Hôtels, pour les espaces dédiés aux activités de restauration et de débit de boisson. Il en résulte que la SAS IRIS 4, si elle n'était plus en mesure au printemps 2021 de poursuivre son activité de restauration en salle, ce sur quoi s'accordent les parties, pouvait en revanche offrir à sa clientèle hôtelière le bénéfice d'une prestation de restauration réalisée en chambre.

Le contrat de travail à durée déterminée de Madame [M] [H] fait état d'une embauche en qualité de cuisinière, catégorie professionnelle 'employée', niveau I, échelon 3. Aucune description précise des tâches confiées à la salariée n'y est mentionnée. Les bulletins de paie de Madame [M] [H] font également état d'un poste de cuisinière, qualification employée.

L'article 34 de la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants dispose notamment que :

'Les entreprises visées par le présent accord relevant d'un des secteurs économiques le plus représentatif de l'image de marque de la France, la qualité de l'accueil et du service à la clientèle appliquée selon les normes et procédure en vigueur dans établissement doit être le souci permanent de tous ceux qui y travaillent.

Courtoisie et disponibilité doivent conduire le comportement de chacun.

L'organisation du travail tient compte de la nécessité d'emplois utilisant la plurivalence et la pluriaptitude des salariés.

Chaque employé participe aux travaux communs et peut être amené à effectuer des travaux annexes tenant compte du caractère spécifique de chacun des établissements, l'activité de service ayant cette particularité de devoir, avant tout, s'adapter aux besoins du client.

La profession met en oeuvre des denrées hautement périssables. En conséquence, constituent également une préoccupation permanente :

- l'hygiène et la propreté du matériel, des locaux et des personnes. Tous les postes sont entretenus par chacun ;

- les exigences de la sécurité assurée par tous.

Tous les salariés, quel que soit leur niveau de classification, exécutent les tâches qui leur sont confiées avec la conscience professionnelle nécessaire. Ils sont responsables de l'exécution de ces tâches et de la bonne utilisation du matériel qui leur est confié'.

L'article 34 de la convention collective institue ensuite le système de classification suivant :

'La diversité des entreprises visées par la présente convention collective a créé l'obligation pour les parties de trouver un système de classification adaptable à tous les types d'entreprises concernées et à toutes les fonctions.

La méthode des critères classants a été retenue. Elle s'appuie sur l'analyse des fonctions à l'intérieur de l'entreprise, eu égard au contenu et caractéristique professionnelles de chacun des emplois qui y existent. La classification ainsi opérée est indépendante de la personnalité du salarié et de toute appellation professionnelle. La pluriaptitude étant un facteur important dans l'activité HCR, cette notion sera retenue pour le classement de l'emploi, selon :

- que le salarié exerce un métier correspondant à une activité principale avec des travaux occasionnels : c'est le métier qui déterminera le classement dans la grille ;

- que le salarié non qualifié exerce de façon permanente plusieurs activités : la prise en compte de ses diverses activités sera réalisée par l'application du critère 'type d'activités' pouvant conférer un échelon supplémentaire''.

Le poste de cuisinier occupé par Madame [M] [H] est conventionnellement défini comme celui impliquant la réalisation des missions suivantes :

- décider et contrôler la préparation et la finition des plats ;

- vérifier la qualité, la présentation et le départ en salle des plats ;

- acheter les marchandises en vue de la préparation des plats ;

- établir les menus et calculer les prix de vente ;

- exercer des fonctions de management de son équipe selon la taille de l'établissement.

Il échet premièrement de relever que la SAS IRIS 4 ne conteste pas expressément que des tâches étrangères à la 'cuisine' aient pu être confiées à Madame [M] [H]. Elle objecte d'ailleurs à cet égard de la polyvalence du poste de travail de cette salariée.

Si le contrat de travail de Madame [M] [H], contrairement à ce que prétend l'employeur, ne fait nullement mention d'une telle polyvalence du poste de travail, reste que la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants consacre déjà la plurivalence et pluriaptitude de l'ensemble des salariés de la branche de part la spécificité même des activités qui en relèvent.

S'agissant du poste de cuisinier de Madame [M] [H], vu la nature hautement périssable des denrées utilisées et les exigences sanitaires et de propreté inhérentes aux prestations de restauration, il est manifeste que la réalisation par cette salariée de tâches de nettoyage, dont elle ne précise pas si elles étaient réalisées en cuisine ou dans un lieu autre, n'est pas totalement décorrelée de sa fonction principale de cuisinière. Bien au contraire, le nettoyage participe même à sa réalisation effective et selon un niveau de qualité raisonnablement attendu, la salariée ne pouvant à cet égard sérieusement y déceler une modification unilatérale de son contrat de travail par la SAS IRIS 4.

Ensuite, si Madame [M] [H] excipe de la réalisation de tâches de jardinage, d'arrachage de mauvaises herbes, ou encore de montage de salon de jardin, reste que la cour ne retrouve aucun élément dans son dossier de plaidoirie susceptible de corroborer ses allégations.

Madame [M] [H] communique certes deux photographies noir et blanc de son visage (datées du 21 avril 2021) supposées accréditer l'existence de brûlures au visage qu'elle se serait faites à l'occasion de tâches de nettoyage. Nonobstant une analyse attentive de ces deux clichés, la cour n'est pas en mesure de déterminer si la porosité légèrement visible sur sa joue gauche a été directement causée par un produit de nettoyage ou ne constitue au contraire qu'une irrégularité naturelle de son épiderme.

S'agissant du certificat médical établi le 25 mai 2021 par le docteur [O] [N], ce praticien atteste avoir constaté lors de l'examen de la patiente réalisé le même jour à 17h24 une trace 'de brûlure ancienne au dessus de la lèvre supérieure de l'hémiface gauche' qui correspondrait à la trace apparaissant sur l'un des clichés pris le 21 avril 2021. Néanmoins, aucun élément ne permet d'établir précisément l'ancienneté de cette brûlure, et notamment si elle serait antérieure à l'embauche de la salariée par la SAS IRIS 4, ou si au contraire elle aurait effectivement été occasionnée par le travail de Madame [M] [H], salariée qui ne justifie d'ailleurs d'aucune déclaration d'accident du travail.

Dans de telles circonstances, il n'est justifié par Madame [M] [H] d'aucun ordre ni aucune demande de l'employeur de réalisation de tâches et/ou missions de travail sans lien aucun avec son poste de cuisinière et qui auraient excédé le pouvoir de direction de la SAS IRIS 4 pour in fine matérialiser une modification unilatérale du contrat de travail de la salariée.

Surabondamment, la cour constate que Madame [M] [H] se contente très lapidairement d'exciper d'un préjudice qui résiderait dans la 'contrariété' et/ou 'l'insatisfaction' qu'elle aurait ressenties lors de la réalisation de tâches étrangères à son poste de travail, tout en prenant le soin de s'abstenir de produire de quelconques éléments objectifs de nature à étayer tant le principe que le quantum du préjudice dont elle allègue.

Vu l'ensemble des éléments d'appréciation dont elle dispose, la cour considère, contrairement au premier juge, que Madame [M] [H] ne démontre pas avoir exercé, si ce n'est des fonctions de nettoyage dont il n'est pas établi qu'elles auraient été sans lien aucun avec son poste de cuisinière, des tâches et/ou missions totalement étrangères à celui-ci. Aucune modification unilatérale par l'employeur du contrat de travail n'est rapportée, ni même en tout état de cause l'existence d'un préjudice.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il jugé que la SAS IRIS 4 n'avait pas respecté les termes du contrat de travail de Madame [M] [H] et en ce qu'il a condamné la SAS des dommages et intérêts en réparation. Statuant à nouveau, la cour déboute Madame [M] [H] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

- Sur la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée -

Le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail. Un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas énumérés limitativement par le code du travail. Est réputé à durée indéterminé tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions impératives du code du travail régissant le contrat de travail à durée déterminée.

Aux termes de l'article L.1242-1 u code du travail : 'Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.'

Sous peine de requalification en contrat de travail à durée indéterminée, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

L'article L.1242-2 du code du travail précise qu'un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants: remplacement d'un salarié, accroissement temporaire d'activité, emplois saisonniers et emplois d'usage ou dans le cadre de la politique de l'emploi.

Le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

Le contrat de travail à durée déterminée doit comporter la définition précise de son motif et le cas légal de recours auquel celui-ci correspond. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée. En effet, l'indication du motif constitue une formalité substantielle dont le défaut est sanctionné au même titre que l'absence d'écrit, c'est-à-dire par la requalification en contrat de travail à durée indéterminée, peu important la précision ou justification apportée postérieurement à la signature du contrat de travail à durée déterminée par l'employeur concernant le motif de recours, ou la connaissance informelle que le salarié aurait eu de ce motif de recours au moment de la signature du contrat de travail à durée déterminée.

La cause de recours au contrat à durée déterminée s'apprécie à la date de conclusion du contrat de travail. Le juge ne peut retenir un autre motif de recours que celui mentionné dans le contrat de travail écrit.

En cas de litige sur le motif du recours au contrat à durée déterminée, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat de travail à durée déterminée ; à défaut la requalification en contrat de travail à durée indéterminée est encourue. De même, il appartient également à l'employeur de démontrer que l'emploi occupé par le salarié en contrat de travail à durée déterminée est par nature temporaire.

En l'espèce, le motif de recours au contrat de travail à durée déterminée concernant l'embauche de Madame [M] [H] est un 'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise', motif prévu par l'article L. 1242-2 2° du code du travail.

S'agissant de l'accroissement temporaire d'activité, cas de recours au contrat de travail à durée déterminée autorisé par le code du travail mais notion non précisée par l'article L. 1242-2, celui-ci doit s'entendre de l'exécution d'une tâche précisément définie et non durable qui ne relève pas de l'activité normale de l'entreprise, comme une augmentation temporaire de l'activité habituelle de l'entreprise ou la survenance dans l'entreprise d'une commande exceptionnelle.

Ce surcroît d'activité doit présenter un caractère inhabituel et être précisément délimité dans le temps. Cette situation recouvre les augmentations accidentelles ou cycliques de la charge de travail que l'entreprise ne peut pas absorber avec ses effectifs habituels. Si ce surcroît n'est pas nécessairement exceptionnel, il doit être néanmoins inhabituel et précisément limité dans le temps. Par ailleurs il peut tout aussi bien résulter d'accroissements ponctuels inhérents à l'organisation de l'activité de l'entreprise que de surcharges normales dans le cadre de son activité permanente.

La variation d'activité doit résulter d'une certaine imprévisibilité. Il n'est pas possible d'utiliser ce motif de recours lorsque l'entreprise programme régulièrement une activité temporaire de façon tout à fait prévisible.

Quelle que soit la situation envisagée, la conclusion d'un contrat de travail à durée déterminée pour surcroît temporaire d'activité ne doit pas, en fait répondre aux besoins de l'activité normale et permanente de l'entreprise.

S'il n'est pas obligatoire (mais recommandé) de mentionner la nature de l'augmentation d'activité dans le contrat de travail à durée déterminée, l'employeur doit être en mesure de prouver l'accroissement temporaire d'activité par des éléments objectifs. La seule indication selon laquelle le contrat de travail à durée déterminée a été conclu pour un surcroît temporaire d'activité ne dispense pas l'employeur de rapporter la preuve qui lui incombe de la réalité de ce motif.

Il n'est pas nécessaire que le salarié soit affecté par l'employeur à des tâches directement liées au surcroît temporaire d'activité, l'employeur peut affecter le salarié en contrat à durée déterminée au poste d'un salarié absent car affecté lui-même à un autre poste dans l'entreprise en raison d'un surcroît temporaire d'activité.

Le contrat de travail de Madame [M] [H] s'abstient de préciser les circonstances qui auraient induit, à l'époque contemporaine de l'embauche de cette salariée, un surcroît temporaire d'activité.

En cause d'appel, la SAS IRIS 4 se contente d'expliquer que la suspension du service de restauration en salle, temporairement réorienté en un service en chambre en application des restrictions gouvernementales prises dans le cadre de l'état sanitaire d'urgence, aurait généré temporairement un accroissement de la charge de travail.

La SAS IRIS 4, outre qu'elle ne verse aucun élément de contradiction susceptible de corroborer ses allégations, s'abstient de tout commentaire quant au nombre exact de clients 'hôteliers' qu'elle a continué de servir durant la période d'emploi de Madame [M] [H].

L'appelante n'a de même manifestement pas estimé opportun de communiquer ne serait-ce que le nombre de places assises en salle qu'elle avait pour habitude de servir avant la réorientation de l'activité de restauration sur un room-service, la cour n'étant dès lors pas en mesure, vu l'ampleur de ces imprécisions, de raisonnablement apprécier si le niveau d'activité de la SAS IRIS 4 a connu une hausse temporaire qui aurait nécessité l'embauche en contrat de travail à durée déterminée de l'intimée.

L'employeur ne justifie en rien d'un éventuel surcroît temporaire d'activité, ni même le cas échéant d'un lien entre cette circonstance et l'emploi en contrat de travail à durée déterminée de Madame [M] [H] sur une mission relevant de l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Tout contrat de travail à durée déterminée conclu en dehors des cas de recours autorisés, sans respect des dispositions légales ou conventionnelles relatives aux durées maximales ou aux conditions de successions, sans contrat écrit ou sans définition précise de son objet, est requalifié automatiquement en contrat à durée indéterminée en application de l'article L. 1245-1 du Code du travail.

Il sera donc fait droit à la demande de Madame [M] [H] afin de requalifier en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 mars 2021 le contrat de travail à durée déterminée signé avec la SAS IRIS 4. Le jugement déféré sera réformé de ce chef.

- Sur les conséquences de la requalification -

Lorsque le juge fait droit à une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, introduite par un salarié, il doit d'office condamner l'employeur à verser à l'intéressé une indemnité (dite de requalification) qui ne peut être inférieure à un mois de salaire. C'est ce qui résulte de l'article L. 1245-2 du Code du travail et de la jurisprudence.

Toutefois, la Cour de cassation a précisé que le salarié ne peut pas prétendre à une indemnité de requalification lorsque le contrat à durée déterminée devient un contrat de travail à durée indéterminée du seul fait de la poursuite de la relation contractuelle de travail après l'échéance de son terme. Lorsque le juge requalifie une succession de contrats de travail à durée déterminée conclus avec le même salarié en un contrat de travail à durée indéterminée, il ne doit accorder au salarié qu'une seule indemnité de requalification, dont le montant ne peut être inférieur à un mois de salaire.

La SAS IRIS 4 sera condamnée à payer à Madame [M] [H] une somme de 1.554,62 euros, correspondant à un mois de salaire, au titre de l'indemnité de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée.

Lorsque le ou les contrats de travail à durée déterminée sont requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée, la rupture du contrat de travail devient un licenciement. Le salarié peut, le cas échéant, obtenir des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou pour licenciement irrégulier. Ces sanctions s'ajoutent à l'indemnité spécifique de requalification au moins égale à un mois de salaire prévue par l'article L. 1245-2 du Code du travail.

La requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée conduit à appliquer à la rupture du contrat les règles régissant le licenciement. Il appartient donc au juge d'apprécier la légitimité de la rupture c'est-à-dire son caractère réel et sérieux, étant entendu qu'elle ne peut être constituée par la seule survenance du terme du contrat à durée déterminée.

Le salarié, fondé à se prévaloir rétroactivement d'un contrat de travail à durée indéterminée, peut faire constater que celui-ci a été rompu, sans qu'ait été respectée la procédure de licenciement, sans qu'ait été énoncée dans une quelconque lettre de licenciement la cause réelle et sérieuse de ce licenciement et sans respect du délai de préavis. Il pourra donc prétendre à des dommages-intérêts pour rupture irrégulière et/ou privée de cause réelle et sérieuse, ainsi qu'au versement d'une indemnité compensatrice de préavis.

Toutefois, la reconnaissance de l'absence de cause réelle et sérieuse n'est pas automatique. Tout écrit reçu par le salarié mettant fin au contrat de travail à durée déterminée peut être invoqué par l'employeur comme justifiant que le salarié a eu connaissance du motif de la rupture. Ainsi, lorsque le salarié a reçu un écrit lui notifiant la fin de la relation de travail et les raisons pour lesquelles celle-ci intervenait, le juge est fondé à se référer à cet écrit pour déterminer si le licenciement a un caractère réel et sérieux. La lettre par laquelle l'employeur annonce au salarié qu'il ne renouvellera pas son contrat à durée déterminée peut être assimilée à une lettre de licenciement énonçant les motifs de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée requalifié. En conséquence, si les motifs énoncés constituent un motif réel et sérieux, les dommages-intérêts pour licenciement abusif ne sont pas dus.

Lorsque le juge procède à la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, l'employeur ne peut se prévaloir de la raison pour laquelle le contrat de travail à durée déterminée avait été conclu pour licencier le salarié.

En l'espèce, la SAS IRIS 4 ne se prévaut ni ne fait référence à aucun écrit notifié à Madame [M] [H] qui pourrait correspondre à une procédure de licenciement ou contenir un motif de licenciement. L'employeur ne fait valoir que le terme du dernier contrat de travail à durée déterminée pour justifier avoir mis fin unilatéralement à la relation contractuelle de travail.

La cour juge en conséquence que Madame [M] [H] a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse de la part de la SAS IRIS 4 à la date du 30 avril 2021..

La convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants prévoit en son article 30.2 que la durée du préavis concernant un employé justifiant de moins de six mois d'ancienneté continue au sein du même employeur est de 8 jours.

La SAS IRIS 4 sera donc condamnée à verser à Madame [M] [H] la somme de 414,56 euros (brut) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 41,45 euros (brut) à titre d'indemnité de congés payés correspondante.

Il résulte d'une jurisprudence constante que la perte injustifiée de son emploi par le salarié lui cause nécessairement un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue. Cette évaluation dépend des éléments d'appréciation fournis par les parties.

S'agissant de la demande de dommages-intérêts, pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse notifiés à compter du 24 septembre 2017, l'article L. 1235-3 du code du travail prévoit que si l'une ou l'autre des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié, en fonction de son ancienneté, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau différent selon que l'entreprise emploie habituellement plus de dix ou moins de onze salariés (barème Macron).

En l'espèce, Madame [M] [H] comptait moins d'un an d'ancienneté au sein d'une société employant habituellement moins de dix salariés et percevait un salaire mensuel brut de 1.554,62 euros.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, Madame [M] [H] ne peut prétendre à aucun minimum d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse (calculé en brut).

Vu les circonstances d'espèce, la SAS IRIS 4 sera condamnée à payer à Madame [M] [H] une somme de 777 euros (0,5 mois de salaire), à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi du fait d'une perte injustifiée d'emploi suite à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera réformé de ces chefs.

- Sur la remise de documents -

La SAS IRIS 4 devra remettre à Madame [M] [H] un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation Pôle Emploi (France Travail) conformes aux dispositions du présent arrêt.

Cette remise de documents devra intervenir dans le délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt, sous peine d'une astreinte de 50 euros par jour de retard, pendant 60 jours, et ce sans que la cour se réserve la liquidation de cette astreinte.

Le jugement sera réformé de ce chef.

- Sur les intérêts -

En application des dispositions des articles 1231-6 du code civil (ancien article 1153) et R. 1452-5 du code du travail, les sommes allouées, dont le principe et le montant résultent de la loi, d'un accord collectif ou du contrat portent intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l'employeur ou du défendeur devant le bureau de conciliation et d'orientation et, lorsqu'il est directement saisi, devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes, valant citation et mise en demeure, ce qui est applicable en l'espèce aux sommes allouées à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, et à titre d'indemnité compensatrice de préavis (outre congés payés afférents), qui produisent intérêts de droit au taux légal à compter du 14 avril 2022.

Les sommes fixées judiciairement produisent intérêts au taux légal à compter de la date de prononcé du jugement déféré en cas de confirmation, ou de la date de prononcé du présent arrêt en cas de réformation ou d'annulation, ce qui est applicable en l'espèce à la somme allouée à titre de dommages-intérêts pour perte injustifiée de l'emploi qui produit intérêts de droit au taux légal à compter du 25 novembre 2025.

- Sur les dépens et frais irrépétibles -

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

La SAS IRIS 4, qui succombe principalement en son recours, sera condamnée, outre aux entiers dépens d'appel, à verser à Maître [B] [T], conseil de Madame [M] [H], une somme de 1.500 euros en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Infirme le jugement déféré sauf en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance et en ce qu'il a fixé la rémunération mensuelle brute de référence de Madame [M] [H] à 1.554,62 euros;

Statuant à nouveau :

- Requalifie le contrat de travail à durée déterminée ayant lié Madame [M] [H] et la SAS IRIS 4 en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 mars 2021 ;

- Dit que la rupture de ce contrat de travail à durée indéterminée constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamne la SAS IRIS 4 à payer à Madame [M] [H] les sommes suivantes :

* 1.554,62 euros au titre de l'indemnité de requalification,

* 414,56 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 41,45 euros d'indemnité de congés payés correspondante,

* 777 euros, à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice de perte d'emploi injustifiée du fait d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Dit que la SAS IRIS 4 devra remettre à Madame [M] [H] un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation Pôle Emploi (France Travail) conformes aux dispositions du présent arrêt, cette remise de documents devant intervenir dans le délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt, sous peine d'une astreinte de 50 euros par jour de retard, pendant 60 jours, et ce sans que la cour se réserve la liquidation de cette astreinte.

- Dit que les sommes allouées à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, et à titre d'indemnité compensatrice de préavis (outre congés payés afférents), produisent intérêts de droit au taux légal à compter du 14 avril 2022 ;

- Dit que la somme allouée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse produit intérêts de droit au taux légal à compter du 25 novembre 2025 ;

Y ajoutant,

- Condamne la SAS IRIS 4 à verser à Maître [B] [T], conseil de Madame [M] [H], la somme de 1.500 euros en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, et ce au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

- Condamne la SAS IRIS 4 aux entiers dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridique ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le Greffier, Le Président,

S. BOUDRY C. RUIN

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