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CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 26 novembre 2025, n° 25/15609

PARIS

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CA Paris n° 25/15609

26 novembre 2025

Copies exécutoires République française

délivrées aux parties le : Au nom du peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ORDONNANCE DU 26 NOVEMBRE 2025

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/15609 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CL7MR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Juillet 2025 - Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 2024L02474

Nature de la décision : Réputé contradictoire

NOUS, Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Yvonne TRINCA, Greffière.

Vu les assignations en référé délivrées le 29 septembre 2025 à la requête de :

DEMANDERESSE

S.A.S.U. NOUVEAU DEPART

[Adresse 1]

[Localité 7]

Immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le numéro 844 070 417

Représentée par Me Samba Dieng SY, avocat au barreau de PARIS, toque : K0126

à

DÉFENDEURS

S.E.L.A.R.L. [S] MJ prise en la personne de Me [W] [S] ès qualités de mandataire liquidateur de la société NOUVEAU DEPART

[Adresse 4]

[Localité 6]

Immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le numéro 821 325 941

S.C.P. [N] prise en la personne de Me [R] [N] ès qualités d'administrateur judiciaire de la société NOUVEAU DEPART

[Adresse 2]

[Localité 6]

Immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le numéro 347 464 752

Représentées par Me François DUPUY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : B0873

LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 3]

[Localité 5]

Et après avoir appelé les parties lors des débats de l'audience publique du 06 Novembre 2025 :

Constituée en 2018 par M. [B] [O], la SAS Nouveau Départ exploite à [Localité 9] un fonds de commerce de garagiste sous l'enseigne Speedy.

Initialement dirigée par M. [T] [Z], la société Nouveau Départ est présidée par M. [B] [O] depuis le 21 janvier 2022.

M. [B] [O] a, par une demande du 17 juin 2024, sollicité l'ouverture d'une procédure de redressement judicaire à l'égard de la société Nouveau Départ.

Par jugement du 11 juillet 2024, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au profit de la société Nouveau Départ, a fixé la date de cessation des paiements au 16 février 2024 et a désigné la SELARL [S] MJ, prise en la personne de Me [W] [S] en qualité de mandataire judiciaire.

Par un second jugement du 19 septembre 2024, le même tribunal a ordonné la poursuite de la période d'observation et a désigné la SCP [N], prise en la personne de Me [R] [N] en qualité d'administrateur judiciaire de la société Nouveau Départ avec mission de surveillance.

Le tribunal de commerce de Bobigny, par jugement du 9 octobre 2024, a modifié la mission de surveillance de l'administrateur judicaire en mission d'assistance de la société Nouveau Départ.

Par une requête du 17 décembre 2024, l'administrateur judiciaire a sollicité la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire eu égard à l'activité déficitaire de la société Nouveau Départ, aux incertitudes sur la trésorerie de la société et sur les dettes impayées durant la période d'observation et, enfin, à l'importance du passif déclaré et à l'incapacité de la société Nouveau Départ d'y faire face compte tenu de son chiffre d'affaires.

Par jugement du 30 janvier 2025, le tribunal a renouvelé la période d'observation de la société Nouveau Départ pour une durée de six mois, soit jusqu'au 11 juillet 2025.

A l'examen de l'incohérence des situations comptables communiquées pendant la période d'observation, des manquements relevés concernant les déclarations de TVA et de la création de nouvelles dettes, l'administrateur judiciaire a sollicité le 10 février 2025 du juge-commissaire qu'il désigne un expert-comptable avec pour mission qu'il examine et donne son avis sur :

- la tenue de la comptabilité de la société Nouveau Départ ;

- les comptes de l'exercice 2024 et le cas échéant qu'il reconstitue le chiffre d'affaires et les résultats de la société Nouveau Départ ;

- la faisabilité d'un projet de plan de redressement ;

- les liens juridiques et fiscaux existants entre les sociétés Nouveau Départ et MD Autos.

Par une ordonnance du 12 février 2025, le juge-commissaire a désigné le cabinet d'expert-comptable [D] avec pour mission d'examiner et de donner son avis sur :

- la tenue de la comptabilité ;

- les comptes depuis le 1er janvier 2024 et le cas échéant déterminer les résultats ;

- la faisabilité d'un projet de plan de redressement ;

- les liens juridiques, commerciaux et les flux financiers avec la société MD Autos.

La société Nouveau Départ a adressait aux organes de la procédure son projet de plan de redressement le 29 avril 2025, retenant un passif à rembourser de 490 154 euros sur 9 annuités progressives.

Par jugement du 10 juillet 2025, le tribunal a rejeté le plan de redressement proposé par le débiteur et prononcé la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire sans maintien de l'activité de la société.

La société Nouveau Départ a relevé appel de ce jugement et sollicite que :

- soit infirmé le jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 10 juillet 2025 en toutes ses dispositions ;

- soit convertie la procédure de liquidation en une procédure de redressement judiciaire ;

- soient déboutés tous contestants de l'ensemble de leurs prétentions, fins et conclusions contraires ;

- soit statué ce que de droit quant aux dépens.

Par acte du 29 septembre 2025, la société Nouveau Départ a fait assigner en référé la SELARL [S] MJ, la SCP [R] Brigner et le ministère public devant le délégué du premier président de la cour d'appel de Paris, aux fins de suspension de l'exécution provisoire de la décision déférée à la cour.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 5 novembre 2025, la SELARL [S] MJ demande au magistrat délégataire de :

- Juger que la société Nouveau Départ ne justifie d'aucun moyen sérieux à l'appui de son appel interjeté à l'encontre du jugement du Tribunal de commerce de Bobigny du 10 juillet 2025 de nature à justifier l'arrêt de l'exécution provisoire attachée audit jugement,

- Débouter la société Nouveau Départ de l'ensemble de ses demandes ;

En tout état de cause :

- Dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure.

Par avis signifié par voie électronique le 5 novembre 2025, le ministère public est d'avis que le magistrat délégataire rejette la demande d'arrêt de l'exécution provisoire, en ce que l'appelant ne soulève aucun moyen sérieux au sens des dispositions de l'article R. 661-1 du code de commerce.

MOTIFS DE LA DECISION

Il résulte des dispositions de l'article 514 du code de procédure civile et de l'article R. 661-1 alinéa 1 du code de commerce, que les jugements et ordonnances rendus en matière de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires sont exécutoires de plein droit à titre provisoire.

L'article 514-3 du code de procédure civile prévoit toutefois que « le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ».

L'article R. 661-1 alinéa 4 du code de commerce précise que « Par dérogation aux dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, le premier président de la cour d'appel, statuant en référé, ne peut arrêter l'exécution provisoire des décisions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article que lorsque les moyens à l'appui de l'appel paraissent sérieux. »

En l'espèce, la société Nouveau Départ soulève plusieurs moyens dont il convient d'examiner le caractère sérieux.

' Les comptes sociaux de la société Nouveau Départ repris par son expert-comptable :

La société Nouveau Départ produit de nouveaux éléments comptables réalisés par son expert-comptable afin de justifier que son redressement ne serait manifestement pas impossible.

Il ressort toutefois des anciens comptes sociaux, des nouveaux repris par l'expert-comptable et du rapport réalisé par le cabinet [D] que, contrairement à ce qu'invoque la société Nouveau Départ, les comptes sociaux de la société repris par l'expert-comptable ont subi une évolution minime en termes de chiffre d'affaires et de résultat net.

Le cabinet [D] a par ailleurs souligné de nombreuses anomalies comptables. Or, il s'avère que les nouveaux comptes sociaux versés par la société Nouveau Départ n'intègrent pas le détail des comptes de sorte qu'il est impossible de vérifier si les anomalies relevées ont été levées.

Toutefois, subsistent quelques anomalies dans les comptes sociaux repris par l'expert-comptable, telles que l'enregistrement d'un taux anormalement bas concernant les charges sociales, l'absence de justification de l'instabilité du taux de marge enregistré entre les exercices clôturés au 31 décembre 2022 (53%), au 31 décembre 2023 (13%) et au 31 décembre 2024 (63%), le résultat de l'exercice clôturé le 31 décembre 2024 qui se solderait par une perte de 47 248 euros selon le cabinet [D] contre une perte de 6 133 euros dans les comptes repris par l'expert-comptable de la société, le résultat de l'exercice clôturé le 31 décembre 2023 qui se solderait par une perte de 124 470 euros selon le même cabinet contre une perte de 28 364 euros dans les comptes repris par l'expert-comptable.

Enfin, l'ensemble de ces anomalies ne semblent pas avoir été davantage levées au sein de la situation intermédiaire arrêtée au 31 juillet 2025.

Il apparaît ainsi que les nouveaux éléments comptables mis en avant par la société Nouveau Départ ne sont pas de nature à justifier son redressement.

' Sur la situation intermédiaire de la société Nouveau Départ au 31 juillet 2025 :

Il ressort de cette situation intermédiaire réalisée par l'expert-comptable pour la période allant du 1er janvier 2025 au 31 juillet 2025 qu'au 31 juillet 2025, la société Nouveau Départ réalisait un chiffre d'affaires de 171 640 euros, soit un chiffre d'affaires mensuel moyen de 24 520 euros. Ainsi et sur la base de ces chiffres, elle réaliserait un chiffre d'affaires prévisionnel sur 2025 de 294 240 euros.

Par ailleurs, l'administrateur judiciaire a relevé l'absence de règlement de dettes durant la période d'observation de la procédure de redressement judiciaire relevant des articles L. 622-17 I et L. 631-14 du code de commerce, dont notamment les cotisations dues à l'URSSAF pour le mois de juin 2025, les cotisations dues à la IRP Auto au titre du quatrième trimestre 2024, du premier trimestre 2025 et du second trimestre 2025, les redevances mensuelles dues au franchiseur Speedy pour les mois de mars à juin 2025, les loyers dus au bailleur pour le mois de juillet antérieurement à la conversion de la procédure en liquidation, soit du 1er juillet au 10 juillet 2025, créant ainsi des dettes postérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire pour un montant total de 16 141,63 euros.

Enfin, la débitrice entend dénoncer le contrat de franchise qui la lie avec le franchiseur Speedy afin d'économiser annuellement la somme de 22 000 euros relative aux redevances dues au franchiseur. Il apparait toutefois que le contrat de franchise a été conclu le 18 janvier 2022 pour une durée de 9 années entières et consécutives à compter de la date de signature, soit jusqu'au 17 janvier 2031, de sorte que la société Speedy sera en droit de solliciter le règlement d'une indemnité de résiliation anticipée qui pourrait être égale aux redevances restantes à régler relativement à la fin du contrat de franchise soit pour les années 2026 à 2031.

' Le rejet du nouveau plan de redressement proposé par la société Nouveau Départ :

Le nouveau plan présenté par la débitrice prévoit le remboursement du passif, hors créances contestées, sur 9 années consécutives avec des annuités portées à 10% de la première à la septième et à 15% pour les deux dernières annuités. Elle ne verse toutefois aucun plan de financement ni aucune prévision de trésorerie et d'exploitation de sorte qu'elle ne démontre pas la faisabilité financière de son plan de redressement.

En tout état de cause et à l'examen de la situation intermédiaire arrêtée au 31 juillet 2025, l'année 2025 se solderait par un chiffre d'affaires de 294 137 euros (contre 420 000 euros de prévisions dans le premier plan de redressement) et un résultat net de 21 383 euros (contre un résultat de 63 377 euros estimé dans le premier plan de redressement).

Ces éléments mettent en évidence l'incapacité pour la société Nouveau Départ de procéder au règlement des dividendes annuels issus du plan de redressement et de ses charges courantes.

Par ailleurs, et le moyen selon lequel la baisse du chiffre d'affaires est uniquement issue des travaux réalisés sur la voie publique et ayant entravés l'accès au garage ne peut valablement prospérer dès lors qu'une baisse constante du chiffre d'affaires est enregistrée depuis 2022, que les difficultés invoquées au sein de sa déclaration de cessation des paiements ne mentionnent pas les travaux sur la voirie.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les moyens soulevés par la requérante au référé pour contester le bienfondé du jugement rendu par le tribunal sont dépourvus de sérieux.

Aussi, convient-il de rejeter la requête formée par la société Nouveau Départ tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire attachée audit jugement.

PAR CES MOTIFS

Nous, magistrat délégué du premier président,

Rejetons la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement frappé d'appel ;

Disons que les dépens du référé suivront le sort de ceux de l'appel.

ORDONNANCE rendue par Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère, assistée de Mme Yvonne TRINCA, greffière présente lors de la mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

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