CA Paris, Pôle 6 - ch. 6, 26 novembre 2025, n° 21/10087
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRET DU 26 NOVEMBRE 2025
(N°2025/ , 20 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/10087 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEZJK
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/02727
APPELANT
Monsieur [M] [B]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représenté par Me Pauline MORDACQ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0380
INTIMEES
S.A.S.U. BUSINESS SUPPORT SERVICES
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Marie-christine LE, avocat au barreau de PARIS
Société [E] GLOBAL LICENSOR SA Société anonyme de droit Luxembourgeois agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 11]
Représentée par Me Jean-claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mars 2025, en audience publique et double rapporteur; les avocats ne s'y étant pas opposés, devant la Cour composée de Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre, chargé du rapport, et de Madame Roselyne NEMOZ-BENILAN, Magistrat honoraire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre et de la formation
Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre
Madame Roselyne NEMOZ-BENILAN, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Gisèle MBOLLO
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, initialement prévue le 28 mai 2025 et prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre et par Gisèle MBOLLO, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
A l'issue d'échanges dont l'origine fait l'objet d'une contestation entre les parties, M. [B] a accepté, par courriel adressé le 22 novembre 2019 au directeur général de la société [E], la proposition du poste de directeur réseau. Après cet accord, une contractualisation des relations devait avoir lieu.
M. [B] a commencé à travailler le 13 janvier 2020 à [Localité 13].
Par courriel du 17 janvier 2020, M. [O], président de la société [E] et de la société [E] Global Licensor, a adressé à M. [B] un projet de contrat de travail entre celui-ci et la société [E] Global Licensor, société de droit luxembourgeois ayant son siège dans la ville de Luxembourg, pour le poste de directeur international réseaux. Des échanges par courriel ont ensuite eu lieu sur ce contrat de droit luxembourgeois.
Par courriel du 12 février 2020, M. [O] a notifié à M. [B] « la rupture avec effet immédiat de nos relations contractuelles ».
Par lettre recommandée du 13 février 2020, l'avocat de la société [E] Global Licensor (la société BGL) a notifié à M. [B] son licenciement « avec effet immédiat pour faute grave en application de l'article L.124-10 du code du travail » luxembourgeois.
Par lettre du 19 février 2020, l'avocat de M. [B] a contesté que la société BGL ait été l'employeur de celui-ci et a soutenu qu'il avait été embauché par la société [E] support services, société de droit français ayant son siège à [Localité 13].
Par lettre du 24 février 2020 adressée à la société [E] support services, M. [B] a déclaré prendre acte de la rupture du contrat de travail avec celle-ci.
M. [B] a saisi le 19 mai 2020 le conseil de prud'hommes de Paris de demandes tendant à voir juger que sa prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à voir condamner in solidum la société [E] support services et la société BGL à lui payer diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Par jugement du 5 novembre 2021, auquel il est renvoyé pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a rendu la décision suivante:
« Déboute Monsieur [M] [B] de l'ensemble de ses demandes.
Déboute la société [E] SUPPORT SERVICES de sa demande relative à l'article 700 du code de procédure civile. »
M. [B] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 10 décembre 2021 (RG n° 21/10087).
M. [B] a relevé une nouvelle fois appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 8 mars 2022 (RG n° 22/03621).
Dans ses dernières conclusions au fond communiquées par voie électronique le 8 mars 2022 dans la procédure RG n° 21/10087 et le 31 mai 2022 dans la procédure RG n° 22/03621, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [B] demande à la cour:
« A titre principal
Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Paris le 5 novembre 2021 en toutes ses dispositions ;
Et statuant à nouveau,
Juger que Monsieur [M] [B] a été embauché à compter du 13 janvier 2020 par la société BUSINESS SUPPORT SERVICES selon contrat de droit français exécuté en France,
En conséquence,
Juger que la société BUSINESS SUPPORT SERVICES a commis des manquements graves empêchant la poursuite du contrat,
Juger que la prise d'acte de rupture du contrat de travail liant Monsieur [B] à la [E]
SUPPORT SERVICES en date du 24 février 2020 doit produire les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamner la société [E] SUPPORT SERVICES à verser à Monsieur [B] les sommes
suivantes :
- la somme de 12 309 € bruts en paiement de son salaire du 13 janvier au 24 février 2020 (variable garanti inclus),
- la somme de 30 000 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- la somme de 3 000 € au titre des congés payés afférents,
- la somme de 10 000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause,
- la somme de 20 000 €, soit deux mois de salaire, au titre du préjudice moral,
- la somme de 60 000 € d'indemnité forfaitaire, soit 6 mois de salaire au titre du travail dissimulé prévue par l'article L 8223-1 du Code du travail,
Ordonner à la société [E] SUPPORT SERVICES de déclarer Monsieur [B] à l'URSSAF dont elle relève,
Ordonner à la société [E] SUPPORT SERVICES de remettre à Monsieur [B] l'ensemble des documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pole Emploi, solde de tout compte) conformément à la décision à intervenir,
Assortir ces obligations d'une astreinte de 30 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, la Cour se réservant le droit de liquider l'astreinte,
Ordonner que les condamnations prononcées soient assorties d'intérêt au taux légal à compter de la saisine avec la capitalisation des intérêts pour une année entière,
A titre subsidiaire,
Si par impossible et pour les besoins du raisonnement la Cour ne devait pas reconnaître de contrat de travail conclu avec la société BUSINESS SUPPORT SERVICES, elle ne pourra que,
Se déclarer compétente ratione materiae et ratione loci vis-à-vis de la société [E]
GLOBAL LICENSOR,
Juger que Monsieur [B] a conclu avec la société [E] GLOBAL LICENSOR un contrat
de travail,
Juger que ce contrat de travail a été exécuté en France et relève du droit français,
En conséquence,
Condamner la société [E] GLOBAL LICENSOR à verser à Monsieur [B] les sommes
suivantes :
- la somme de 12 309 € bruts en paiement de son salaire du 13 janvier au 24 février 2020 (variable garanti inclus),
- la somme de 30 000 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- la somme de 3 000 € au titre des congés payés afférents,
- la somme de 20 000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause,
- la somme de 10 000 €, soit deux mois de salaire, au titre du préjudice moral,
- la somme de 60 000 € d'indemnité forfaitaire, soit 6 mois de salaire au titre du travail dissimulé prévue par l'article L 8223-1 du Code du travail,
Ordonner à la société [E] GLOBAL LICENSOR de déclarer Monsieur [B] à L'URSSAF de [Localité 15],
Ordonner à la société [E] GLOBAL LICENSOR de remettre à Monsieur [B] l'ensemble des documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pole Emploi, solde de tout compte) conformément à la décision à intervenir,
Assortir ces obligations d'une astreinte de 30 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, la Cour se réservant le droit de liquider l'astreinte,
En tout état de cause,
Condamner in solidum les sociétés [E] GLOBAL LICENSOR et [E] SUPPORT SERVICES à payer à Monsieur [B] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code
de procédure civile.
Les condamner aux entiers dépens. »
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 juin 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société BGL demande à la cour (RG n° 21/10087):
« IN LIMINE LITIS :
CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris en ce qu'il s'est déclaré « incompétent au profit de la justice luxembourgeoise en ce qui concerne la société [E] GLOBAL LICENSOR »
INFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris en date du 5 novembre 2021 en ce qu'il s'est déclaré « compétent pour entendre Monsieur [B] et la société [E] SUPPORT SERVICES » ;
En conséquence, statuant à nouveau :
- Dire et juger que les juridictions françaises sont incompétentes au profit des juridictions luxembourgeoises ;
- Prononcer la mise hors de cause de la société BUSINESS SUPPORT SERVICES et l'irrecevabilité de l'ensemble des demandes de Monsieur [B] à son encontre ;
AU FOND :
Si par extraordinaire, la Cour estimait que les juridictions françaises sont compétentes :
Dire et juger que la loi luxembourgeoise est applicable à la relation contractuelle de travail formée entre Monsieur [B] et [E] GLOBAL LICENSOR, société de droit luxembourgeois ;
Dire et juger que le licenciement de Monsieur [B] par [E] GLOBAL LICENSOR est
justifié par une faute grave conformément à la législation luxembourgeoise.
En tout état de cause :
Dire et juger qu'il n'existe aucune situation de travail dissimulé
En conséquence :
Débouter Monsieur [B] de l'ensemble de ses demandes ;
Dire qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire ;
Condamner Monsieur [B] à verser à [E] GLOBAL LICENSOR, la somme de 5.000 EUR. sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner Monsieur [B] aux entiers dépens de l'instance.»
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 juin 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société [E] support services, devenue la société Business support services, demande à la cour (RG n° 21/10087):
« IN LIMINE LITIS :
CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris en ce qu'il s'est déclaré « incompétent au profit de la justice luxembourgeoise en ce qui concerne la société [E] GLOBAL LICENSOR »
INFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris en date du 5 novembre 2021 en ce qu'il s'est déclaré « compétent pour entendre Monsieur [B] et la société [E] SUPPORT SERVICES » ;
En conséquence, statuant à nouveau :
- Dire et juger que les juridictions françaises sont incompétentes au profit des juridictions luxembourgeoises ;
- Prononcer la mise hors de cause de la société BUSINESS SUPPORT SERVICES et l'irrecevabilité de l'ensemble des demandes de Monsieur [B] à son encontre ;
AU FOND :
Si par extraordinaire, la Cour s'estimait compétente et considérait que les demandes de Monsieur [B] sont recevables :
CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris en ce qu'il a :
- Constaté qu'il n'existe aucun lien de subordination ni de contrat de travail entre Monsieur [B] et [E] SUPPORT SERVICES
Et Débouté Monsieur [B] de sa demande concernant l'existence d'un contrat de travail avec [E] SUPPORT SERVICES ;
- Constaté que la prise d'acte aux torts exclusifs de [E] SUPPORT SERVICES portant sur un contrat inexistant ne produit aucun effet
Et Débouté Monsieur [B] de toutes ses demandes subséquentes de salaires impayés, de travail dissimulé et de préjudice moral ;
- Débouté Monsieur [B] de l'ensemble de ses demandes
- Condamné Monsieur [B] aux entiers dépens
EN TOUT ETAT DE CAUSE
- Dire et juger que la loi luxembourgeoise est applicable à la relation contractuelle de travail formée entre Monsieur [B] et [E] GLOBAL LICENSOR, société de droit luxembourgeois ;
- Dire et juger que le licenciement de Monsieur [B] par [E] GLOBAL LICENSOR est justifié par une faute grave conformément à la législation luxembourgeoise.
- Dire et juger qu'il n'existe aucun lien de subordination ni de contrat de travail entre Monsieur [B] et [E] SUPPORT SERVICES et en conséquence constater que toute prise d'acte aux torts exclusifs de [E] SUPPORT SERVICES portant sur un contrat inexistant ne peut produire aucun effet de droit ;
- Dire et juger qu'il n'existe aucune situation de travail dissimulé ;
- Débouter Monsieur [B] de l'ensemble de ses demandes ;
- Dire qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire ;
- Condamner Monsieur [B] à verser à BUSINESS SUPPORT SERVICES, la somme de 5.000 EUR sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner Monsieur [B] aux entiers dépens de l'instance. »
L'affaire a été évoquée à l'audience du 25 juin 2024.
Par arrêt du 2 octobre 2024, la cour d'appel a d'ordonné la réouverture des débats afin qu'il soit procédé à une jonction des deux procédures, a renvoyé leur examen à l'audience du 25 mars 2025 et a enjoint aux parties de communiquer:
« - les organigrammes de la société [E] Global Licensor et de la société [E] support services en 2019-2020;
- tous les échanges, quels que soient leur support (courriel, SMS, réseau social, applications, etc) intervenus entre les parties entre la date de parution de l'annonce d'offre d'emploi de directeur réseau diffusée le 23 juillet 2019 par le groupe [E] et le courriel du 22 novembre 2019 par lequel M. [B] a accepté la proposition du poste de directeur réseau;
- tous justificatifs sur la nature des locaux à [Localité 13] dans lesquels M. [B] a travaillé et sur l'identité de la personne morale dont les salariés travaillent dans ces locaux. »
Par ordonnance du 9 octobre 2024, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des instances enregistrées sous les numéros de RG 21/10087 et 22/03621 et dit qu'elles seraient désormais jugées sous le numéro de RG 21/10087.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mars 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'exception d'incompétence concernant la société BGL et l'irrecevabilité des demandes formées à l'égard de la société Business support services
Dans le dispositif de leurs conclusions, la société BGL et la société Business support services forment les mêmes demandes à titre liminaire à la cour, à savoir d'une part se déclarer incompétente au profit des juridictions luxembourgeoises en ce qui concerne la société BGL et d'autre part prononcer la mise hors de cause de la société Business support services et l'irrecevabilité des demandes de M. [B] à l'encontre de celle-ci.
Toutefois, la réponse à chacune de ses demandes liminaires nécessite que soit déterminée préalablement laquelle de ces deux sociétés a été l'employeur de M. [B] puisque la société BGL est une société de droit luxembourgeois domiciliée au Luxembourg tandis que la société [E] support services est une société de droit français domiciliée en France.
' Le règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dispose en son article 21, paragraphe 1, que:
« Un employeur domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait :
a) devant les juridictions de l'État membre où il a son domicile ; ou
b) dans un autre État membre :
i) devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ; ou
ii) lorsque le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant la juridiction du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur. »
La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que la notion de « lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail », doit être interprétée comme visant le lieu où, ou à partir duquel, le travailleur s'acquitte de fait de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur (CJUE, arrêt du 25 février 2021, Markt 24, C-804/19, point 40)
Par ailleurs, s'agissant des critères permettant de déterminer si une entreprise est l'employeur d'un travailleur, la Cour de justice a jugé que « la relation entre un « employeur » et son « personnel » salarié implique l'existence d'un lien de subordination entre ceux-ci » (CJUE, arrêt du 16 juillet 2020,AFMB e.a., C-610/18, point 53) et qu'une relation de travail supposant l'existence d'un lien de subordination entre le travailleur et son employeur, « L'existence d'un tel lien doit être appréciée dans chaque cas particulier en fonction de tous les éléments et de toutes les circonstances caractérisant les relations entre les parties » (CJUE, arrêt du 20 novembre 2018, Sindicatul Familia Constanta e.a., C-147/17, point 42).
En l'espèce, aucun contrat de travail n'a été signé par M. [B] avec la société [E] support services ou la société BGL.
Il n'est pas contesté que le groupe [E], fondé par M. [O], intervient dans le secteur d'activité de l'immobilier haut de gamme, qu'il s'agisse de biens à louer ou à vendre, et ce tant en France qu'à l'étranger. Le groupe comprend plusieurs sociétés, dont la société [E] support services devenue la société Business support services (la société BSS), et la société BGL. Le groupe a ouvert un certain nombre d'agences immobilières dans le cadre de contrats de licence de la marque [E].
La société BSS est une société de droit français qui a son siège social à [Localité 13] et dont le président est M. [C].
La société BGL est une société de droit luxembourgeois qui a son siège social à Luxembourg et dont le président est M. [O].
Les intimées indiquent dans leurs conclusions, sans que M. [B] n'émette de critique circonstanciée à ce sujet, que la société BSS est une société du groupe [E] dont l'activité consiste à fournir des prestations de services supports notamment dans les domaines administratif, juridique, fiscal, comptable, informatique, marketing et communication à destination des autres sociétés du groupe. Elles ajoutent que la société BGL est, quant à elle, la société au sein du groupe qui est détentrice des droits d'exploitation de la marque Barnes et concentre les activités de licences de la marque.
Selon les éléments versés aux débats par les différentes parties, M. [B], qui était alors salarié de la société Junot immobilier, également spécialisée dans l'immobilier haut de gamme, a eu un entretien le 13 novembre 2019 avec M. [J], directeur général de la société [E], société tierce appartenant au groupe [E]. M. [B] explique que cet entretien était consécutif au démarchage dont il avait fait l'objet courant octobre 2019 par les équipes du groupe [E] afin qu'il les rejoigne comme « directeur réseau » en charge des licenciés. Les intimées exposent que l'entretien faisait suite à la diffusion à compter de juillet 2019 d'une offre d'emploi par le groupe [E] afin de pourvoir le poste de directeur réseau au sein de la société BGL et qu'à l'automne 2019 M. [B] avait présenté sa candidature à ce poste, ce qui est contesté par celui-ci.
Malgré l'arrêt rendu le 2 octobre 2024 enjoignant aux parties de communiquer les échanges entre les parties antérieurs au 22 novembre 2019, M. [B] ne produit aucun élément permettant à la cour de déterminer de quelle manière celui-ci a été amené à avoir un entretien avec M. [J] le 13 novembre 2019. Les intimées produisent en revanche plusieurs courriels montrant que le 23 juillet 2019 M. [O], qui avait entre autres fonctions celle de président de la société BGL, a informé notamment Mme [D], secrétaire générale et directrice juridique de la société BSS, et M. [W], administrateur de la société BGL, de sa décision qu'un « directeur réseau doit être recruté par BGL au Luxembourg. Pourrions-nous recourir aux services d'un chasseur de tête sur place ». Par courriel du 25 juillet 2019, Mme [D] répondait à M. [O], avec mise en copie à M. [W], que « nous avons déjà reposté mardi notre offre d'embauche à partir de Linkedin en précisant que le poste était basé au Luxembourg. Nous avons également commencé à circuler l'offre par notre réseau personnel au Luxembourg (...) ».
Dans un courriel du 25 septembre 2019 ayant comme objet « recrutement directeur réseau », Mme [D] demandait à M. [W] « Est-ce qu'on est d'accord pour qu'on écarte définitivement ces deux candidats, sauf à ce qu'ils acceptent de se domicilier au Luxembourg' », ce à quoi M. [W] répondait « Yes, on est d'accord ». Il résulte des différents échanges de courriels internes au groupe [E] concernant le recrutement d'un directeur réseau que le groupe souhaitait que le poste soit juridiquement et fiscalement basé à Luxembourg et non à [Localité 13]. Ainsi, M. [W] écrivait à Mme [D] dans un courriel du 9 octobre 2019 à propos de M. [N], « Voici un nouveau profil que je sais intéressé par [E] mais qui n'a pas encore postulé sur le poste de directeur réseau basé au Luxembourg. Pourriez-vous le rencontrer pour une approche' Son parcours me semble vraiment pertinent ». Si ce courriel concerne M. [N], qui n'a finalement pas été recruté et non M. [B], il en résulte néanmoins que la société BGL chargeait bien Mme [D], directrice juridique de la société BSS et n'ayant aucune fonction dans la société BGL, du recrutement du futur directeur réseau de la société BGL.
Aucune pièce n'est cependant communiquée par les intimées concernant spécifiquement M. [B] qui soit antérieure au courriel de M. [J] du 13 novembre 2019 déjà évoqué.
La société BGL verse aux débats une annonce pour le poste de directeur de réseau publiée le 27 juillet 2019 sur le réseau social Linkedin, ce qui coïncide avec le courriel du 25 juillet 2019 par lequel Mme [D] indiquait que l'offre d'embauche voulue par M. [O] venait d'être postée. Sur cette annonce, de près d'une page, les missions du futur directeur de réseau sont détaillées. Si la marque [E] est citée à plusieurs reprises dans le texte de l'annonce, le nom d'aucune société, qu'il s'agisse de la société BSS ou de la société BGL ou d'une autre société du groupe [E], n'est précisé. A la lecture de l'annonce, le candidat ne peut donc identifier le nom de la société qui serait son futur employeur. En revanche, il est indiqué sous le titre de l'annonce correspondant à l'intitulé du poste la mention « Barnes - Luxembourg ». Et de façon plus explicite, en fin de l'annonce il est écrit de façon claire et visible « Parfaite maîtrise du français et de l'anglais indispensable. Poste basé au Luxembourg. Nombreux déplacements à prévoir. Poste en CDI à pourvoir dès que possible. Merci de joindre un CV à votre candidature ».
M. [B] affirme dans ses conclusions d'une part que ladite annonce avait été clôturée le 22 août 2019, ce qu'il ne démontre pas, et d'autre part que l'annonce avait été clôturée avant le début de ses négociations avec M. [J], ce qu'il n'établit pas davantage dès lors que la cour rappelle que l'appelant ne communique aucun élément permettant de déterminer à quelle date il est entré en contact pour la première fois avec le groupe [E] pour le poste de directeur réseau, cette entrée en contact étant nécessairement antérieure au courriel du 13 novembre 2019 émanant de M. [J].
Dans ce courriel du 13 novembre 2019, mentionnant comme objet « Directeur réseau » et mis en copie à M. [O], M. [W] et Mme [D], M. [J] écrit à M. [M] [B] « Cher [M], Comme convenu lors de notre entretien de ce jour, je te confirme donc la rémunération concernant l'offre « direction réseau » que nous te proposons », la part fixe de rémunération et les modalités de calcul du variable étant ensuite détaillée de façon complète, et le courriel se terminant par « Dans l'attente de ta réponse définitive (et nous l'espérons positive) lundi prochain ». Ce courriel n'indique nulle part où le poste de directeur réseau est localisé et notamment qu'il est basé à Luxembourg. En revanche, les modalités de part variable qui y sont indiquées incluent la phrase suivante: « 4/ Variable lié à l'économie réalisée grâce au respect des délais de paiement des licenciés dans le cadre des royalties et des règlements de factures avancées par BGL, soit au 31/12 de l'année: etc ». Dès ce courriel, M. [B] était donc informé que son variable serait calculé notamment au regard des règlements de facture avancées par la société BGL, étant ajouté qu'il n'était fait nulle part mention d'un calcul du variable en considération d'une activité quelconque de la société BSS.
Dans son courriel du 19 novembre 2019, démontrant que la question financière était au centre des pourparlers et de l'attention de M. [B], celui-ci formule une contre-proposition de rémunération qu'il détaille de façon très précise. En particulier, dans la partie concernant le variable, M. [B] écrit à propos du « 4/ » précité faisant état de la société BGL, « OK sur le principe, remarques: Quel est l'état actuel des dettes licenciés '». M. [B] ne remet ainsi donc pas en cause dans son courriel le fait que son variable soit déterminé notamment en considération d'une activité de la société BGL, l'appelant ne posant d'ailleurs aucune question quant au fait qu'aucun des autres critères de détermination de la part variable ne fasse référence à une autre société. En fin de son courriel, M. [B] écrit « 5/ déplacements: J'ai bien intégré que ce poste inclut beaucoup de déplacements, pour pouvoir visiter les licenciés en France 2 fois par an et ceux à l'étranger 1 fois par an. Pouvez-vous me donner plus de détail sur les conditions / frais liés à ces déplacements' ». Aucun passage dans le courriel de M. [B] ne concerne la localisation du poste de directeur réseau.
Dans le courriel de réponse du 20 novembre 2019, avec mise en copie à M. [O], M. [W], Mme [D] et M. [C], président de la société BSS, M. [J] écrit notamment à M. [B] « Au sujet du point concernant les notes de frais liés à tes déplacements dans le cadre de ta mission de directeur réseau, elles seront naturellement prises en charge par [E] et nous pouvons envisager une avance « fonds de roulement » qui te permettra de n'avoir jamais à avancer d'argent ». Aucun passage dans ce courriel ne fait référence à la localisation du poste de directeur réseau ni au fait que le contrat de travail de M. [B] serait un contrat de droit luxembourgeois.
Dans son courriel du 22 novembre 2019 adressé à M. [J], avec mise en copie à notamment M. [O], M. [B] écrit « Chers tous, Pour faire suite à nos échanges pour le poste de directeur réseau, j'ai le plaisir de vous confirmer que j'accepte votre proposition. Je suis convaincu que ce sera une collaboration très enrichissante, qui consolidera le réseau [E]. Et c'est avec une certaine impatience que je m'apprête à rejoindre l'équipe de [I]! Je me tiens à votre disposition pour les prochaines étapes et la contractualisation. Merci de votre confiance! », étant rappelé par la cour, d'une part, que M. [J] était le directeur général de la société [E], société appartenant au groupe [E] mais distincte de la société BSS et de la société BGL, mais qu'il était aussi administrateur de la société BGL selon les organigrammes produits, et, d'autre part, que M. [I] [W] était administrateur de la société BGL.
Dans son courriel de réponse du 22 novembre 2019, M. [J] écrit à M. [B] « Nous nous réjouissons de ta décision. Nous te proposons de préparer la semaine prochaine ton contrat pour que nous puissions avancer rapidement et que tu puisses nous rejoindre début janvier idéalement ». Ce courriel ne donne aucune indication sur la localisation du poste et que le fait qu'il donnerait lieu à un contrat de droit luxembourgeois.
Par courriel du 27 novembre 2019 adressé aux seuls M. [I] [W] et Mme [X] [D], M. [B] écrit « Chère [X], Je vous écris dans la continuité de nos échanges, concernant la mise en place de mon contrat chez [E]; J'ai vu [I] hier, qui m'a proposé de voir cela avec vous. Je me tiens à votre disposition (...) ».
Par courriel du 2 décembre 2019, Mme [D] écrit à M. [B] « Le mieux serait de pouvoir vous rencontrer une première fois avant de finaliser ensuite votre contrat de travail. Auriez-vous un moment de disponible dans les jours qui viennent' ».
Par courriel du 11 décembre 2019, M. [B] écrit à Mme [D] que notamment « Dans la continuité de notre rdv, je t'adresse une copie de ma carte d'identité et une attestation de droit. (...) Dis moi si tu as besoin de quoique ce soit pour finaliser le contrat, que j'aimerais signer en début de semaine prochaine au plus tard, puisque je termine chez Junot le vendredi 20/12. Je te renverrai en même temps l'attestation de remise des annexes et le document à remplir pour l'affiliation à la complémentaire ». M. [B] verse aux débats une attestation de remise des « annexes au contrat de travail » ni datée ni signée qui mentionne que lesdites annexes « sont rappelées ci-dessous: ANNEXE 1: Règlement d'utilisation des systèmes d'information et de protection des données personnelles ». Dès lors, M. [B] ne démontre pas que le document d'information sur la prévoyance santé au sein de la société BSS, qu'il produit, lui a été transmis à titre d'annexe à son futur contrat de travail, l'attestation précitée ne mentionnant pas une telle annexe, et ce alors que la société BSS expose que ledit document lui a été remis ultérieurement afin de lui permettre de comparer les garanties de prévoyance santé relatives à un contrat de droit français et les garanties de prévoyances afférentes au contrat de droit luxembourgeois qui allait lui être proposé. Le document en cause ne constitue donc pas un indice d'une future embauche de M. [B] par la société BSS.
Par courriel du 17 décembre 2019, Mme [D] écrit à M. [B] « Je te remercie pour ces éléments ainsi que les précédents. Désolée, cette fin d'année est un peu compliquée mais rassure toi, ton contrat devrait être prêt dans la journée de demain ».
Par courriel du 3 janvier 2020, M. [B] écrit à Mme [D] « Bonjour [X], J'espère que tu as passé de belles fêtes, je te présente mes meilleurs voeux pour 2020! Je reviens vers toi concernant la rentrée chez [E] prévue pour le 13/01: As-tu pu finaliser le contrat de travail ' As-tu pu prévenir l'IT pour prévoir l'ordinateur et le téléphone' Je te remercie de ton retour, à très bientôt ».
M. [B] a commencé à travailler le 13 janvier 2020, sans qu'à cette date aucun contrat de travail ne lui ait encore été communiqué ne serait-ce qu'à l'état de projet.
Par courriel du 17 janvier 2020, M. [O] adresse un courriel à M. [B] avec copie à M. [J], mentionnant comme objet « Projet de contrat » et indiquant « Cher [M], Nous pourrons prendre un moment en fin de journée pour lire attentivement ensemble ton projet de contrat de travail, que tu trouveras ci-joint. J'ai fini mon rendez-vous avec [T] [Y] et je vous rejoins vers 11h30 à l'agence ».
Le projet joint à ce courriel mentionne en page 1 que le contrat de travail est conclu entre la société BGL et M. [B], que celui-ci « est engagé par l'employeur dans le présent contrat à partir du 13 janvier 2020 en qualité de directeur international réseaux », et que le salarié exercera ses missions « sous l'autorité de [A] [O], président ».
L'article 3 du projet intitulé « Lieu de travail » énonce: Compte tenu de la nature de ses fonctions, le salarié sera amené à se déplacer à près de 90% de son temps de travail. En conséquence, son temps de travail sera réparti comme suit: 2 à 5 jours par mois au siège de la société, situé [Adresse 2]; 10 à 15 jours par mois en visite chez les licenciés de la marque [E], en Union européenne, au Royaume Uni et dans le reste du monde; 1 à 4 jours par mois dans les locaux de la société BSS situé [Adresse 4]. Le salarié pourra également effectuer du télétravail de façon ponctuelle, sous réserve d'obtenir l'accord écrit préalable de l'employeur. ».
L'article 12 intitulé « lois applicables » énonce que « Pour tous les points non traités dans le présent contrat, les parties se réfèrent aux dispositions légales en vigueur au [Localité 10]-Duché de Luxembourg et le cas échéant aux conventions collectives de travail ou règlements internes de l'employeur ».
L'article 13 intitulé « Juridiction applicable » énonce que « Pour tout ce qui n'est pas prévu au présent contrat, les parties se réfèrent aux prescriptions légales. L'interprétation de l'exécution du présent contrat relève exclusivement des lois et juridictions luxembourgeoises ».
Par courriel du 21 janvier 2020, M. [B] écrit à M. [O], avec mise en copie à M. [J], M. [W] et Mme [D], « Cher [K], Pour vous tenir informé, j'ai vu [X] aujourd'hui pour échanger sur l'opportunité de contrat luxembourgeois. Je vais échanger avec vos conseils (juridique et expert comptable) pour s'assurer que cela ne changera rien en terme de cotisations sociales, imposition, soins en France, retraite etc... si c'est le cas je ne vois pas d'inconvénient ».
Par courriel du 30 janvier 2020 à 20h42 mentionnant comme objet « Contrat de travail - suite à notre conversation », M. [B] écrit à M. [O] avec mise en copie à Mme [D] et M. [W], « Cher [K], Dans la continuité de notre conversation téléphonique, comme demandé, je vous confirme que je suis ouvert à un contrat luxembourgeois, si cela peut être favorable à [E], dans la mesure où l'ensemble des cotisations sociales concernent les organismes français, en terme de santé (obligatoire et complémentaire), retraite, chômage. Si cela était impossible pour les raisons évoquées avec vous et [X], il faudrait alors, j'imagine, que nous trouvions une formulation pour expliquer que BSS fournit une prestation d'animation de réseau à BGL, au même titre que les autres expertises immobilières que BSS maîtrise. Comme vous le savez, ces aspects du contrat de travail ne sont pas neutres pour un salarié et je ne souhaite pas me mettre en difficulté sur ces sujets. Je vous remercie de votre soutien ».
Il résulte de ce courriel du 30 janvier 2020 que contrairement à ce que soutiennent les intimées, à cette date M. [B] n'avait pas encore accepté le contrat de travail qui lui était proposé et que s'il n'était pas opposé dans le principe à un contrat de droit luxembourgeois, il subordonnait son accord à un tel contrat au fait qu'il bénéficie néanmoins de l'ensemble des prestations sociales délivrées par les organismes français. En outre, il résulte de ce même courriel que M. [B] savait que le poste de directeur réseau s'inscrivait dans un contrat de travail avec la société BGL et non la société BSS, qu'il n'était pas opposé à un contrat de travail avec la société BGL, et que c'est seulement dans l'hypothèse où un contrat de travail avec la société BGL ne lui permettrait pas de bénéficier des prestations sociales d'organismes français qu'il proposait, tout en ayant conscience du caractère artificiel de ce montage juridique, de trouver une façon d'impliquer la société BSS dans son contrat de travail, par le biais de l'ajout d'une mention contractuelle expliquant que la société BSS fournissait une prestation d'animation de réseau, afin de lui permettre, par référence à la société BSS, de bénéficier des prestations sociales délivrées par les organismes français.
Par courriel du 30 janvier 2020 à 22h50 mentionnant comme objet « Contrat de travail - suite à notre conversation », avec mise en copie à Mme [D], M. [I] [W], M. [J] et Mme [U] [V], secrétaire générale de la société BGL, M. [O] écrit à M. [B] « Cher [M], Comme je te l'ai expliqué et comme nous le concevions depuis le démarrage de nos discussions, nous recherchions un directeur de réseau pour BGL, qui est titulaire des droits de la marque et contracte avec l'ensemble des licenciés. Le directeur de réseau, qui travaille pour fluidifier les relations entre le titulaire des droits et les licenciés ne peut pas dépendre d'une autre entité que BGL. Tu prends la suite de [L] [H], qui avait contracté avec BGL. Il ne peut donc pas en être autrement. En revanche et comme je te l'ai indiqué au téléphone, nous sommes prêts à compenser d'éventuels inconvénients en terme de couverture sociale, retraite, assurance-chômage si il y en avait. Mais à notre connaissance, il n'y en a pas. Côté financement bancaire en cas d'acquisition d'un bien en France, nous pourrons te soutenir soit en passant par les banques de Barnes ou via [U], qui te fournira toutes attestations utiles. Sur ce point, il ne nous semble pas qu'il y ait de réelles difficultés, d'autant plus que tu pourras fournir un avis d'imposition en France. S'agissant de janvier, [U] va t'adresser ta fiche de paie. Nous ne pouvons donc que partir sur un contrat BGL et nous te proposons de faire un point fin 2019 et de nous ajuster à ce moment-là, si il apparaît avec le recul certains inconvénients, que nous compenserons alors. En espérant que nous pourrons finaliser ce contrat BGL / [M] [B] avant la fin de la semaine. Dans l'attente, [Localité 9] soirée. PS: [I] t'appellera demain».
Par courriel du 11 février 2020 mentionnant comme objet « Contrat de travail - suite à notre conversation », M. [O] écrit à M. [B] et à Mme [V], avec mise en copie à M. [W], « Cher [M], A la suite de nos échanges et de notre dernière conversation sur le sujet, il apparaît que nous ne soyons pas parvenus à nous entendre sur les termes du contrat bien que tu aies commencé à travailler en date du 13 janvier 2020 comme indiqué au contrat (ci-joint). En conséquence et à défaut d'accord sous 24h, nous serons dans l'obligation de mettre fin avec regret à notre relation de travail dans le cadre de la période d'essai, soit avec un préavis de 15 jours à compter de la réception de notre courrier. Nous sommes naturellement à ta disposition pour un entretien dans les meilleurs délais ».
Par courriel du 12 février 2020 mentionnant comme objet « Rupture relations contractuelles », avec mise en copie à M. [W] et Mme [V], M. [O] écrit à M. [B] « Bonsoir [M], Compte tenu de la mésentente grave que vous avez créée et qui a conduit à une situation de blocage préjudiciable à la société, nous n'avons pas d'autre choix que de vous notifier la rupture avec effet immédiat de nos relations contractuelles. Bien cordialement ».
Par courriel du 13 février 2020, avec mise en copie à M. [J], M. [W] et Mme [D], M. [B] écrit à M. [O] « [K], Vous osez m'annoncer brutalement la rupture du contrat qui nous lie au prétexte, je vous cite: « de la mésentente grave » que j'aurais créée « et qui a conduit à une situation de blocage préjudiciable à la société »! C'est totalement mensonger et je suis très choqué de telles méthodes. Je vous rappelle que vous m'avez débauché de mon poste chez Junot immobilier, pour me proposer de devenir directeur du réseau des licenciés de [E]. Nos échanges au cours des mois de novembre et décembre dernier ont exclusivement porté sur un contrat de travail français, au sein de la société BSS. J'ai accepté votre offre le 22 novembre et le 4 décembre j'ai reçu en main propre de Mme [X] [D], lors d'un rendez-vous, des documents relatifs à la prévoyance et la garantie frais de santé de la société BSS. J'ai relancé Mme [D], par email courant décembre pour recevoir le contrat de travail et elle me l'annonçait pour le 18 décembre, mais j'ai dû la relancer le 3 janvier. Comme nous étions d'accord sur le contrat, le poste et la rémunération et conformément à votre demande, j'ai commencé à travailler le 13 janvier dernier au sein de société BSS. En réalité et pour des raisons purement fiscales, compte tenu des contrôles subis par vos sociétés, vous avez fait volte face et décidé unilatéralement que je devrai travailler sous un contrat 100% luxembourgeois... Ce que j'ai découvert lors de son envoi le 17 janvier et qui explique qu'en décembre je n'ai pas été destinataire de mon contrat de travail. Un contrat de droit luxembourgeois et une présence importante au Luxembourg n'ont jamais fait partie de nos discussions et je ne saurais les accepter. Dans ces conditions je n'ai causé aucune mésentente grave et le blocage est de votre fait. Vous avez abusé de ma confiance en me faisant venir pour ensuite me mettre devant le fait accompli et vous ne m'avez ni déclaré ni payé pendant tout ce mois au cours duquel j'ai exercé mes fonctions au sein de BSS. Vous savez parfaitement que: vous m'avez débauché de chez junot dans une période de forte activité; j'ai dû redistribuer l'ensemble de mon portefeuille clients; j'ai démissionné et que je n'aurai pas d'accès au chômage; vous avez violé l'accord initial; je vais devoir retrouver un poste de négociateur en cdi, ce qui n'est pas simple et les premières commissions n'interviendront qu'après 5 à 6 mois. Votre attitude me place dans une situation très difficile et notre désaccord ultérieur à mon embauche est de votre seul fait. Vous me devez: mon salaire sur janvier et février, trois mois de préavis et l'indemnisation que me cause votre comportement. »
Par lettre recommandée du 13 février 2020, l'avocat de la société BGL a notifié à M. [B] son licenciement « avec effet immédiat pour faute grave » en concluant, après avoir rappelé l'historique des échanges entre les parties à compter du 13 novembre 2019, que « votre attitude laquelle désorganise la société, entraîne une perte totale de confiance en vous. Aussi, au vu des faits relatés dans la présente, il est incontestable que société BGL ne peut plus compter sur une collaboration effective pour les nécessités de la bonne marche de la société. Ces faits ont conduit notre mandante à ne plus pouvoir compter sur votre personne. Ces faits rendent immédiatement et définitivement impossible votre relation de travail avec la société BGL ».
Par lettre officielle du 19 février 2020 adressée à l'avocat de la société BGL, l'avocat de M. [B] a contesté que celle-ci ait été l'employeur de M. [B], affirmant que ce dernier avait été embauché par la société BSS le 13 janvier 2020, et a conclu que la lettre de licenciement au nom de la société BGL était « donc nulle et avenue ».
Par courriel du 24 février 2020 adressé à Mme [V] et à M. [O], M. [B] a restitué à la société BGL les sommes qui lui avaient été versées par celle-ci à titre de paie depuis le 13 janvier 2020, considérant qu'il n'avait pas travaillé pour cette société.
Par lettre du 24 février 2020 adressée à la société BSS, M. [B] a écrit prendre acte de la rupture de son contrat de travail avec celle-ci.
Contrairement à ce que soutient M. [B], il ne résulte d'aucun des éléments qui précèdent l'existence d'indice tendant à établir que M. [B] avait été engagé par la société BSS.
Ainsi, le fait que les courriels échangés entre les parties aient été mis en copie à des personnes qui n'étaient pas toutes salariées de la société BGL est indifférent dès lors que la société BSS était chargée de prestations transversales au sein du groupe [E], destinées donc à toutes les sociétés composant le groupe, et ce notamment en matière administrative et juridique, de sorte que la participation de Mme [D], directrice juridique de la société BSS, au recrutement de M. [B] et à l'élaboration de son contrat de travail n'impliquait pas que les discussions à ce sujet portaient sur une embauche au sein de la société BSS. De même, le fait que M. [J] ait été l'interlocuteur de M. [B] lors de certains échanges est sans emport, M. [J] étant le directeur général de la société [E] distincte de la société BSS et de la société BGL. La circonstance que ce soit seulement à compter du courriel du 30 janvier 2020 à 22h50 de M. [O] que Mme [V], secrétaire générale de la société BGL, ait été mise en copie, est sans incidence puisqu'il n'est pas établi que Mme [V] avait un rôle dans le recrutement de personnels et, d'ailleurs, c'est à la suite du questionnement de M. [B] relativement au financement futur d'un bien immobilier que Mme [V], qui avait une compétence en matière financière et de paie au sein de la société BSS, a été mise en copie par M. [O], lequel était de toute façon le président de la société BGL.
L'examen des adresses électroniques de ces différentes personnes démontre que, quelle que soit la société qui était leur employeur au sein du groupe, leur adresse était identique en ce qu'elle se terminait par « @barnes-international.com », y compris pour Mme [D]. L'adresse électronique qu'avait attribué le groupe à M. [B] avant même janvier 2020, à savoir « [Courriel 8] », ne correspondait donc pas à une adresse rattachée spécifiquement à la société BSS ou excluant nécessairement l'appartenance à celle-ci.
Il est manifeste, au regard des pièces versées aux débats, que le groupe [E], dont l'organisation interne présentait l'aspect d'une certaine confusion, aurait dû, dans l'annonce diffusée dès juillet 2019 ou ultérieurement, au début de chaque entrée en discussion avec un nouveau candidat au poste de directeur réseau, mentionner par écrit de façon explicite que le poste de directeur réseau chargé des licenciés était à pourvoir au sein de la société BGL sous contrat de travail de droit luxembourgeois, le groupe s'étant de toute évidence servi de la notoriété de sa marque [E] pour attirer des candidats sans prendre la peine de les informer à ce stade du contrat précis qui correspondait au poste proposé. Pour autant, il est établi que les missions dévolues à compter du 13 janvier 2020 à M. [B] correspondaient à celles détaillées dans l'annonce Linkedin diffusée en juillet 2019, de sorte qu'il s'agissait du même poste, l'absence de communication initiale du groupe [E] sur le fait qu'il était à pourvoir dans le cadre d'un contrat de droit luxembourgeois n'induisant pas qu'il s'agissait de deux postes distincts. Le contenu du poste, à savoir diriger et animer le réseau des licences [E], correspond à l'objet social de la société BGL et à son activité réelle et non à l'objet social et à l'activité de la société BSS.
Par ailleurs, le poste proposé depuis juillet 2019 était théoriquement basé à Luxembourg même si, comme le démontre l'article 3 du projet de contrat de travail soumis à M. [B], la répartition mensuelle de la localisation des jours de travail conduisait, avec « 2 à 5 jours par mois au siège de la société, situé [Adresse 2] » et « 1 à 4 jours par mois dans les locaux de la société BSS situé [Adresse 4] » à ce que le salarié puisse éventuellement travailler davantage de jours dans le mois à [Localité 13] qu'à Luxembourg.
Cependant, pour déterminer qui était l'employeur de M. [B], il convient également d'examiner les conditions de fait dans lesquelles celui-ci a exercé concrètement, à compter du 13 janvier 2020, son activité au sein du groupe [E].
En l'occurrence, les locaux situés à [Localité 13] dans lesquels M. [B] a travaillé [Adresse 14] appartenaient à la société BSS, ainsi que l'article 3 du projet de contrat de travail l'indiquait d'ailleurs. Mais il résulte des pièces communiquées que ces locaux et leurs matériels, notamment informatiques, étaient utilisés aussi par des salariés de l'ensemble des sociétés du groupe [E] et que ces locaux n'accueillaient donc pas que le personnel de la société BSS.
Dès le 22 novembre 2019, dans un courriel déjà cité, M. [B] a écrit que « c'est avec une certaine impatience que je m'apprête à rejoindre l'équipe de [I] ». Il ressort des éléments communiqués que M. [I] [W] travaillait au sein de la société BGL et que M. [B], par suite de leurs échanges, ne pouvait l'ignorer. En revanche, comme le soutient ce dernier, aucune pièce n'est produite par les intimées démontrant que M. [W] et son équipe faisaient tous l'objet d'un contrat de droit luxembourgeois et qu'ils étaient tous localisés à Luxembourg, et ce d'autant que les intimées expliquent elles-mêmes que les locaux situés [Adresse 14] à [Localité 13] accueillaient du personnel d'autres sociétés que la société BSS et qu'elles n'établissent pas que ce personnel ainsi accueilli ne concernait que des salariés dont les postes étaient basés à l'étranger.
Dans les locaux de [Localité 13], M. [B] était amené à collaborer avec Mme [P], laquelle était salariée de la société BSS. Toutefois, celle-ci avait été engagée en qualité de business analyst, poste correspondant aux fonctions support occupées par les salariés de la société BSS au sein du groupe [E] à destination de n'importe quelle autre société du groupe.
Indépendamment du fait qu'il n'est pas contesté que M. [B] s'est occupé des licenciés de la marque [E] entre le 13 janvier 2020, date de début de son travail, et le terme de celui-ci, les intimées ne produisent aucun élément (courriel, message d'un réseau social, réservation d'un moyen de transport ou d'un hôtel, signature d'un document quelconque etc) sur le travail concret qu'il a réalisé, étant observé par la cour qu'il n'est pas reproché par ces mêmes intimées à M. [B] de ne pas avoir travaillé durant cette période.
En revanche, M. [B] verse aux débats son agenda pour la période en cause. Il n'est pas établi par les intimées que le contenu de cet agenda n'est pas conforme à l'activité qu'il a effectivement eue.
Or, cet agenda détaillé démontre que M. [B] ne s'est rendu que deux jours au total au Luxembourg entre le 13 janvier et le 12 février 2020, à chaque fois dans le cadre d'un aller-retour entre [Localité 13] et [Localité 12] dans la journée. Les intimées ne démontrent pas avoir demandé à M. [B] d'aller plus souvent à [Localité 12] ou que son activité aurait nécessité qu'il s'y rende davantage.
L'examen de l'agenda démontre que si M. [B] a effectué de nombreux déplacements pendant la période en cause, il n'a en réalité effectué qu'un nombre réduit de déplacements à l'étranger en-dehors des deux allers-retours à Luxembourg précités.
Il en résulte que l'essentiel de l'activité de M. [B] s'est déroulée en France, avec [Localité 13] comme lieu de travail le plus fréquent. L'assertion des intimées selon lesquelles l'activité de M. [B] durant le premier mois n'est pas représentative de ce qu'aurait été son activité habituelle sur une plus longue période n'est corroborée par aucune pièce.
Compte tenu de l'ensemble des éléments qui ont été examinés par la cour depuis la parution de l'annonce en juillet 2019 et des conditions de fait d'exercice de l'activité de M. [B], il est établi que celui-ci a, à compter du 13 janvier 2020, occupé une fonction créée par la société BGL, exercé une activité correspondant à celle de la seule société BGL, dans l'équipe de M. [W], administrateur de la société BGL, et donc sous la responsabilité de celui-ci, la rémunération variable de M. [B] étant d'ailleurs prévue comme devant se référer à la société BGL et non à la société BSS, ce qui est incohérent avec une relation contractuelle de travail avec cette dernière.
En conséquence, la cour retient, par confirmation du jugement, l'existence d'un contrat de travail entre M. [B] et la société BGL à compter du 13 janvier 2020.
En l'absence d'une relation contractuelle entre M. [B] et la société BSS, la prise d'acte de la rupture de M. [B] à l'encontre de la société BSS est sans emport et ses demandes financières relatives à cette rupture mais aussi à un rappel de salaire et à une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et plus généralement toutes ses demandes dirigées contre la société BSS sont rejetées. Le jugement est confirmé sur ces points. La société BSS est en outre mise hors de cause, étant ajouté au jugement à cet égard.
' La cour vient de retenir que l'essentiel de l'activité de M. [B] s'est déroulée en France, avec [Localité 13] comme lieu de travail le plus fréquent, de sorte qu'au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, le lieu où M. [B] accomplissait habituellement son travail est [Localité 13].
Il en résulte qu'en application des dispositions de l'article 21, paragraphe1, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, déjà cité, selon lesquelles un employeur domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait dans un autre État membre devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail, M. [B] pouvait valablement attraire la société BGL, société domiciliée au Luxembourg, devant le conseil de prud'hommes de Paris.
Dans le dispositif de son jugement, le conseil de prud'hommes n'a pas statué sur l'exception d'incompétence soulevée par les intimées relativement à la société BGL mais a débouté M. [B] de l'ensemble de ses demandes.
En conséquence, par ajout au jugement, la cour rejette l'exception d'incompétence soulevée par les intimées à l'égard de la société BGL et se déclare compétente pour connaître de la relation contractuelle salariée ayant existé entre celle-ci et M. [B].
' Par ailleurs, le règlement (CE) n° 593/2008 du parlement européen et du conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (dit règlement Rome I) est applicable en l'espèce, la société BGL étant de droit luxembourgeois à la date des faits. Son article 8 consacré aux contrats individuels de travail dispose que:
« 1. Le contrat individuel de travail est régi par la loi choisie par les parties conformément à l'article 3. Ce choix ne peut toutefois avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix, aurait été applicable selon les paragraphes 2, 3 et 4 du présent article.
2. À défaut de choix exercé par les parties, le contrat individuel de travail est régi par la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail. Le pays dans lequel le travail est habituellement accompli n'est pas réputé changer lorsque le travailleur accomplit son travail de façon temporaire dans un autre pays.
3. Si la loi applicable ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 2, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel est situé l'établissement qui a embauché le travailleur.
4. S'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays que celui visé au paragraphe 2 ou 3, la loi de cet autre pays s'applique. »
En l'espèce, la cour constate que la société BGL ne peut se prévaloir des dispositions prévues par le contrat de travail proposé à M. [B], lequel ne l'a pas signé. La loi applicable ne peut donc être considérée comme résultant d'un choix des parties contenu dans ce contrat au sens de l'article 1 du règlement précité.
En revanche, la cour a retenu que l'essentiel de l'activité de l'appelant s'est déroulée en France et que le lieu habituel d'exécution de la prestation de travail a été [Localité 13], les quelques déplacements temporaires de M. [B] au Luxembourg ou ailleurs à l'étranger n'ayant pas changé son lieu de travail habituel au sens de l'article 2 du règlement Rome I.
En conséquence, la loi française est applicable à la relation contractuelle ayant existé entre M. [B] et la société BGL. Il est ajouté au jugement sur ce point.
En outre, dès lors que la loi française devait régir le contrat de travail de M. [B], il convient de faire droit à la demande de celui-ci concernant l'URSSAF. Par infirmation du jugement, il est donc ordonné à la société BGL de déclarer M. [B] à l'URSSAF de [Localité 15].
Sur le licenciement pour faute grave
Il est de jurisprudence constante que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. C'est à l'employeur qu'incombe la charge de rapporter la preuve de la faute grave, étant ajouté que la lettre de licenciement fixe les limites du litige.
En l'espèce, par courriel du 12 février 2020, M. [O], président de la société BGL, a écrit à M. [B] lui « notifier la rupture avec effet immédiat de nos relations contractuelles ».
Cette rupture, qui n'a pas été précédée d'un entretien préalable et n'est pas formalisée dans une lettre de licenciement notifiée régulièrement au salarié, a dès lors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La cour précise en outre qu'en l'absence de signature par M. [B] du contrat de travail proposé par la société BSS, aucune période d'essai n'était applicable.
Si le conseil de prud'hommes n'a pas statué sur la rupture du contrat de travail, il a, dans le dispositif de son jugement, débouté M. [B] de l'ensemble de ses demandes. Le jugement est dès lors infirmé sur la rupture.
Sur les conséquences financières de la rupture
a) L'indemnité compensatrice de préavis est égale à la rémunération totale qui aurait été perçue si le salarié avait accompli son préavis.
Compte tenu des éléments versés aux débats, le salaire mensuel moyen de M. [B] qui est retenu s'élève à 8 206 euros variable inclus.
Selon l'article L1234-1, 1°, du code du travail, le salarié dont licenciement n'est pas motivé par une faute grave a droit, « S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ».
En l'espèce, en l'absence de toute information communiquée à ce sujet par la société BGL, et de critique motivée par celle-ci de la durée de préavis de trois mois invoquée par M. [B], il convient, par infirmation du jugement, de condamner la société BGL à payer à M. [B] la somme de 24 618 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 2 461 euros au titre des congés payés afférents.
b) Les dispositions de l'article L.1235-3 du contrat de travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable au litige, prévoient l'octroi au salarié, dans les entreprises de plus de 11 salariés, d'une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre un minimum et un maximum de mois de salaire brut selon l'ancienneté du salarié dans l'entreprise, celle-ci n'étant calculée que sur le fondement d'années complètes à la date de notification de la rupture.
Eu égard à l'ancienneté de M. [B], moins d'une année complète, le montant minimal de l'indemnité est ainsi de 0 mois de salaire brut et le montant maximal prévu est de 1 mois de salaire brut.
En considération des circonstances de la rupture ainsi que de la situation particulière du salarié tenant notamment à son âge, son expérience et sa capacité à retrouver un emploi, il convient de condamner la société BGL à payer à M. [B] la somme de 8 206 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral distinct
Il est de jurisprudence constante que le salarié justifiant, en raison des circonstances vexatoires ou brutales de la rupture de son contrat de travail, d'un préjudice distinct du licenciement lui-même, peut obtenir des dommages et intérêts en réparation de ce préjudice. Il peut prétendre à cette indemnité que son licenciement ait été jugé sans cause réelle et sérieuse ou fondé sur une cause réelle et sérieuse ou une faute grave.
En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats la caractérisation d'un comportement fautif de la société BGL, lors de la rupture, ayant causé à M. [B] un préjudice distinct de celui résultant du licenciement, le président de ladite société l'ayant licencié par un simple courriel le lendemain d'un courriel qui était déjà comminatoire envers M. [B].
Par infirmation du jugement, la société BSS est donc condamnée à payer à M. [B] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct.
Sur la demande de rappel de salaire
M. [B] ayant retourné à la société BGL la somme que celle-ci lui avait versée à titre de salaire pour la période commençant le 13 janvier 2020, le salaire pour cette période lui reste dû.
En considération des éléments produits, la société BGL est condamnée, par infirmation du jugement, à payer à M. [B] la somme de 12 309 euros à titre de rappel de salaire pour la période d'exécution du contrat de travail de M. [B] au profit de la société BGL hors préavis.
Sur l'indemnité pour travail dissimulé
Il résulte des articles L.8221-5 et L.8223-1 du code du travail qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en se soustrayant intentionnellement à l'accomplissement de la déclaration préalable à l'embauche, à la délivrance d'un bulletin de paie ou en mentionnant sur celui-ci un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou en se soustrayant intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Cependant, en l'espèce, c'est bien la société BGL, comme invoqué par celle-ci, qui était l'employeur de M. [B]. En l'absence de tout élément pertinent communiqué, le caractère intentionnel d'un travail dissimulé n'est pas établi par M. [B]. La demande d'indemnité pour travail dissimulé est donc rejetée, le jugement étant confirmé sur ce point.
Sur la délivrance de documents
M. [B] sollicite la remise d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle Emploi devenu France travail, et d'un solde de tout compte conformes à la décision à intervenir.
Il est fait droit à ces demandes par ajout au jugement.
En revanche, aucun élément ne permettant de présumer que la société BGL va résister à la présente décision, il n'y a pas lieu d'ajouter une astreinte à cette obligation de remise. La demande d'astreinte est donc rejetée.
Sur les autres demandes
La société BGL succombant, elle est condamnée aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel, le jugement étant infirmé sur les dépens.
Il paraît équitable de condamner la société BGL à payer à M. [B] la somme de 4 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure de première instance et d'appel, le jugement étant infirmé sur les frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a dit que M. [B] n'était pas lié par un contrat de travail à la société [E] support services et l'a débouté de toutes ses demandes formées à l'encontre de celle-ci, et en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité pour travail dissimulé
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, dans les limites de l'appel, et y ajoutant,
Met hors de cause la société Business support services anciennement dénommée société [E] support services.
Dit que M. [B] et la société [E] Global Licensor ont été liées par un contrat de travail à compter du 13 janvier 2020.
Dit que les juridictions françaises sont compétentes pour connaître du litige concernant ce contrat de travail.
Dit que la loi française est applicable à ce contrat de travail.
Dit que la rupture du contrat de travail de M. [B] par la société [E] Global Licensor produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Condamne la société [E] Global Licensor à payer à M. [B] les sommes de:
- 24 618 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis;
- 2 461 euros au titre des congés payés afférents;
- 8 206 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct;
- 12 309 euros à titre de rappel de salaire.
Ordonne à la société [E] Global Licensor de déclarer M. [B] à l'URSSAF de [Localité 15].
Ordonne à la société [E] Global Licensor de remettre à M. [B] un certificat de travail, une attestation France travail et un solde de tout compte conformes à la présente décision.
Condamne la société [E] Global Licensor à payer à M. [B] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure de première instance et de la procédure d'appel.
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Condamne la société [E] Global Licensor aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel.
La Greffière Le Président
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRET DU 26 NOVEMBRE 2025
(N°2025/ , 20 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/10087 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEZJK
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/02727
APPELANT
Monsieur [M] [B]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représenté par Me Pauline MORDACQ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0380
INTIMEES
S.A.S.U. BUSINESS SUPPORT SERVICES
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Marie-christine LE, avocat au barreau de PARIS
Société [E] GLOBAL LICENSOR SA Société anonyme de droit Luxembourgeois agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 11]
Représentée par Me Jean-claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mars 2025, en audience publique et double rapporteur; les avocats ne s'y étant pas opposés, devant la Cour composée de Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre, chargé du rapport, et de Madame Roselyne NEMOZ-BENILAN, Magistrat honoraire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre et de la formation
Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre
Madame Roselyne NEMOZ-BENILAN, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Gisèle MBOLLO
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, initialement prévue le 28 mai 2025 et prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre et par Gisèle MBOLLO, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
A l'issue d'échanges dont l'origine fait l'objet d'une contestation entre les parties, M. [B] a accepté, par courriel adressé le 22 novembre 2019 au directeur général de la société [E], la proposition du poste de directeur réseau. Après cet accord, une contractualisation des relations devait avoir lieu.
M. [B] a commencé à travailler le 13 janvier 2020 à [Localité 13].
Par courriel du 17 janvier 2020, M. [O], président de la société [E] et de la société [E] Global Licensor, a adressé à M. [B] un projet de contrat de travail entre celui-ci et la société [E] Global Licensor, société de droit luxembourgeois ayant son siège dans la ville de Luxembourg, pour le poste de directeur international réseaux. Des échanges par courriel ont ensuite eu lieu sur ce contrat de droit luxembourgeois.
Par courriel du 12 février 2020, M. [O] a notifié à M. [B] « la rupture avec effet immédiat de nos relations contractuelles ».
Par lettre recommandée du 13 février 2020, l'avocat de la société [E] Global Licensor (la société BGL) a notifié à M. [B] son licenciement « avec effet immédiat pour faute grave en application de l'article L.124-10 du code du travail » luxembourgeois.
Par lettre du 19 février 2020, l'avocat de M. [B] a contesté que la société BGL ait été l'employeur de celui-ci et a soutenu qu'il avait été embauché par la société [E] support services, société de droit français ayant son siège à [Localité 13].
Par lettre du 24 février 2020 adressée à la société [E] support services, M. [B] a déclaré prendre acte de la rupture du contrat de travail avec celle-ci.
M. [B] a saisi le 19 mai 2020 le conseil de prud'hommes de Paris de demandes tendant à voir juger que sa prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à voir condamner in solidum la société [E] support services et la société BGL à lui payer diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Par jugement du 5 novembre 2021, auquel il est renvoyé pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a rendu la décision suivante:
« Déboute Monsieur [M] [B] de l'ensemble de ses demandes.
Déboute la société [E] SUPPORT SERVICES de sa demande relative à l'article 700 du code de procédure civile. »
M. [B] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 10 décembre 2021 (RG n° 21/10087).
M. [B] a relevé une nouvelle fois appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 8 mars 2022 (RG n° 22/03621).
Dans ses dernières conclusions au fond communiquées par voie électronique le 8 mars 2022 dans la procédure RG n° 21/10087 et le 31 mai 2022 dans la procédure RG n° 22/03621, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [B] demande à la cour:
« A titre principal
Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Paris le 5 novembre 2021 en toutes ses dispositions ;
Et statuant à nouveau,
Juger que Monsieur [M] [B] a été embauché à compter du 13 janvier 2020 par la société BUSINESS SUPPORT SERVICES selon contrat de droit français exécuté en France,
En conséquence,
Juger que la société BUSINESS SUPPORT SERVICES a commis des manquements graves empêchant la poursuite du contrat,
Juger que la prise d'acte de rupture du contrat de travail liant Monsieur [B] à la [E]
SUPPORT SERVICES en date du 24 février 2020 doit produire les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamner la société [E] SUPPORT SERVICES à verser à Monsieur [B] les sommes
suivantes :
- la somme de 12 309 € bruts en paiement de son salaire du 13 janvier au 24 février 2020 (variable garanti inclus),
- la somme de 30 000 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- la somme de 3 000 € au titre des congés payés afférents,
- la somme de 10 000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause,
- la somme de 20 000 €, soit deux mois de salaire, au titre du préjudice moral,
- la somme de 60 000 € d'indemnité forfaitaire, soit 6 mois de salaire au titre du travail dissimulé prévue par l'article L 8223-1 du Code du travail,
Ordonner à la société [E] SUPPORT SERVICES de déclarer Monsieur [B] à l'URSSAF dont elle relève,
Ordonner à la société [E] SUPPORT SERVICES de remettre à Monsieur [B] l'ensemble des documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pole Emploi, solde de tout compte) conformément à la décision à intervenir,
Assortir ces obligations d'une astreinte de 30 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, la Cour se réservant le droit de liquider l'astreinte,
Ordonner que les condamnations prononcées soient assorties d'intérêt au taux légal à compter de la saisine avec la capitalisation des intérêts pour une année entière,
A titre subsidiaire,
Si par impossible et pour les besoins du raisonnement la Cour ne devait pas reconnaître de contrat de travail conclu avec la société BUSINESS SUPPORT SERVICES, elle ne pourra que,
Se déclarer compétente ratione materiae et ratione loci vis-à-vis de la société [E]
GLOBAL LICENSOR,
Juger que Monsieur [B] a conclu avec la société [E] GLOBAL LICENSOR un contrat
de travail,
Juger que ce contrat de travail a été exécuté en France et relève du droit français,
En conséquence,
Condamner la société [E] GLOBAL LICENSOR à verser à Monsieur [B] les sommes
suivantes :
- la somme de 12 309 € bruts en paiement de son salaire du 13 janvier au 24 février 2020 (variable garanti inclus),
- la somme de 30 000 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- la somme de 3 000 € au titre des congés payés afférents,
- la somme de 20 000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause,
- la somme de 10 000 €, soit deux mois de salaire, au titre du préjudice moral,
- la somme de 60 000 € d'indemnité forfaitaire, soit 6 mois de salaire au titre du travail dissimulé prévue par l'article L 8223-1 du Code du travail,
Ordonner à la société [E] GLOBAL LICENSOR de déclarer Monsieur [B] à L'URSSAF de [Localité 15],
Ordonner à la société [E] GLOBAL LICENSOR de remettre à Monsieur [B] l'ensemble des documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pole Emploi, solde de tout compte) conformément à la décision à intervenir,
Assortir ces obligations d'une astreinte de 30 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, la Cour se réservant le droit de liquider l'astreinte,
En tout état de cause,
Condamner in solidum les sociétés [E] GLOBAL LICENSOR et [E] SUPPORT SERVICES à payer à Monsieur [B] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code
de procédure civile.
Les condamner aux entiers dépens. »
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 juin 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société BGL demande à la cour (RG n° 21/10087):
« IN LIMINE LITIS :
CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris en ce qu'il s'est déclaré « incompétent au profit de la justice luxembourgeoise en ce qui concerne la société [E] GLOBAL LICENSOR »
INFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris en date du 5 novembre 2021 en ce qu'il s'est déclaré « compétent pour entendre Monsieur [B] et la société [E] SUPPORT SERVICES » ;
En conséquence, statuant à nouveau :
- Dire et juger que les juridictions françaises sont incompétentes au profit des juridictions luxembourgeoises ;
- Prononcer la mise hors de cause de la société BUSINESS SUPPORT SERVICES et l'irrecevabilité de l'ensemble des demandes de Monsieur [B] à son encontre ;
AU FOND :
Si par extraordinaire, la Cour estimait que les juridictions françaises sont compétentes :
Dire et juger que la loi luxembourgeoise est applicable à la relation contractuelle de travail formée entre Monsieur [B] et [E] GLOBAL LICENSOR, société de droit luxembourgeois ;
Dire et juger que le licenciement de Monsieur [B] par [E] GLOBAL LICENSOR est
justifié par une faute grave conformément à la législation luxembourgeoise.
En tout état de cause :
Dire et juger qu'il n'existe aucune situation de travail dissimulé
En conséquence :
Débouter Monsieur [B] de l'ensemble de ses demandes ;
Dire qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire ;
Condamner Monsieur [B] à verser à [E] GLOBAL LICENSOR, la somme de 5.000 EUR. sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner Monsieur [B] aux entiers dépens de l'instance.»
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 juin 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société [E] support services, devenue la société Business support services, demande à la cour (RG n° 21/10087):
« IN LIMINE LITIS :
CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris en ce qu'il s'est déclaré « incompétent au profit de la justice luxembourgeoise en ce qui concerne la société [E] GLOBAL LICENSOR »
INFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris en date du 5 novembre 2021 en ce qu'il s'est déclaré « compétent pour entendre Monsieur [B] et la société [E] SUPPORT SERVICES » ;
En conséquence, statuant à nouveau :
- Dire et juger que les juridictions françaises sont incompétentes au profit des juridictions luxembourgeoises ;
- Prononcer la mise hors de cause de la société BUSINESS SUPPORT SERVICES et l'irrecevabilité de l'ensemble des demandes de Monsieur [B] à son encontre ;
AU FOND :
Si par extraordinaire, la Cour s'estimait compétente et considérait que les demandes de Monsieur [B] sont recevables :
CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris en ce qu'il a :
- Constaté qu'il n'existe aucun lien de subordination ni de contrat de travail entre Monsieur [B] et [E] SUPPORT SERVICES
Et Débouté Monsieur [B] de sa demande concernant l'existence d'un contrat de travail avec [E] SUPPORT SERVICES ;
- Constaté que la prise d'acte aux torts exclusifs de [E] SUPPORT SERVICES portant sur un contrat inexistant ne produit aucun effet
Et Débouté Monsieur [B] de toutes ses demandes subséquentes de salaires impayés, de travail dissimulé et de préjudice moral ;
- Débouté Monsieur [B] de l'ensemble de ses demandes
- Condamné Monsieur [B] aux entiers dépens
EN TOUT ETAT DE CAUSE
- Dire et juger que la loi luxembourgeoise est applicable à la relation contractuelle de travail formée entre Monsieur [B] et [E] GLOBAL LICENSOR, société de droit luxembourgeois ;
- Dire et juger que le licenciement de Monsieur [B] par [E] GLOBAL LICENSOR est justifié par une faute grave conformément à la législation luxembourgeoise.
- Dire et juger qu'il n'existe aucun lien de subordination ni de contrat de travail entre Monsieur [B] et [E] SUPPORT SERVICES et en conséquence constater que toute prise d'acte aux torts exclusifs de [E] SUPPORT SERVICES portant sur un contrat inexistant ne peut produire aucun effet de droit ;
- Dire et juger qu'il n'existe aucune situation de travail dissimulé ;
- Débouter Monsieur [B] de l'ensemble de ses demandes ;
- Dire qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire ;
- Condamner Monsieur [B] à verser à BUSINESS SUPPORT SERVICES, la somme de 5.000 EUR sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner Monsieur [B] aux entiers dépens de l'instance. »
L'affaire a été évoquée à l'audience du 25 juin 2024.
Par arrêt du 2 octobre 2024, la cour d'appel a d'ordonné la réouverture des débats afin qu'il soit procédé à une jonction des deux procédures, a renvoyé leur examen à l'audience du 25 mars 2025 et a enjoint aux parties de communiquer:
« - les organigrammes de la société [E] Global Licensor et de la société [E] support services en 2019-2020;
- tous les échanges, quels que soient leur support (courriel, SMS, réseau social, applications, etc) intervenus entre les parties entre la date de parution de l'annonce d'offre d'emploi de directeur réseau diffusée le 23 juillet 2019 par le groupe [E] et le courriel du 22 novembre 2019 par lequel M. [B] a accepté la proposition du poste de directeur réseau;
- tous justificatifs sur la nature des locaux à [Localité 13] dans lesquels M. [B] a travaillé et sur l'identité de la personne morale dont les salariés travaillent dans ces locaux. »
Par ordonnance du 9 octobre 2024, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des instances enregistrées sous les numéros de RG 21/10087 et 22/03621 et dit qu'elles seraient désormais jugées sous le numéro de RG 21/10087.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mars 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'exception d'incompétence concernant la société BGL et l'irrecevabilité des demandes formées à l'égard de la société Business support services
Dans le dispositif de leurs conclusions, la société BGL et la société Business support services forment les mêmes demandes à titre liminaire à la cour, à savoir d'une part se déclarer incompétente au profit des juridictions luxembourgeoises en ce qui concerne la société BGL et d'autre part prononcer la mise hors de cause de la société Business support services et l'irrecevabilité des demandes de M. [B] à l'encontre de celle-ci.
Toutefois, la réponse à chacune de ses demandes liminaires nécessite que soit déterminée préalablement laquelle de ces deux sociétés a été l'employeur de M. [B] puisque la société BGL est une société de droit luxembourgeois domiciliée au Luxembourg tandis que la société [E] support services est une société de droit français domiciliée en France.
' Le règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dispose en son article 21, paragraphe 1, que:
« Un employeur domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait :
a) devant les juridictions de l'État membre où il a son domicile ; ou
b) dans un autre État membre :
i) devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ; ou
ii) lorsque le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant la juridiction du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur. »
La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que la notion de « lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail », doit être interprétée comme visant le lieu où, ou à partir duquel, le travailleur s'acquitte de fait de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur (CJUE, arrêt du 25 février 2021, Markt 24, C-804/19, point 40)
Par ailleurs, s'agissant des critères permettant de déterminer si une entreprise est l'employeur d'un travailleur, la Cour de justice a jugé que « la relation entre un « employeur » et son « personnel » salarié implique l'existence d'un lien de subordination entre ceux-ci » (CJUE, arrêt du 16 juillet 2020,AFMB e.a., C-610/18, point 53) et qu'une relation de travail supposant l'existence d'un lien de subordination entre le travailleur et son employeur, « L'existence d'un tel lien doit être appréciée dans chaque cas particulier en fonction de tous les éléments et de toutes les circonstances caractérisant les relations entre les parties » (CJUE, arrêt du 20 novembre 2018, Sindicatul Familia Constanta e.a., C-147/17, point 42).
En l'espèce, aucun contrat de travail n'a été signé par M. [B] avec la société [E] support services ou la société BGL.
Il n'est pas contesté que le groupe [E], fondé par M. [O], intervient dans le secteur d'activité de l'immobilier haut de gamme, qu'il s'agisse de biens à louer ou à vendre, et ce tant en France qu'à l'étranger. Le groupe comprend plusieurs sociétés, dont la société [E] support services devenue la société Business support services (la société BSS), et la société BGL. Le groupe a ouvert un certain nombre d'agences immobilières dans le cadre de contrats de licence de la marque [E].
La société BSS est une société de droit français qui a son siège social à [Localité 13] et dont le président est M. [C].
La société BGL est une société de droit luxembourgeois qui a son siège social à Luxembourg et dont le président est M. [O].
Les intimées indiquent dans leurs conclusions, sans que M. [B] n'émette de critique circonstanciée à ce sujet, que la société BSS est une société du groupe [E] dont l'activité consiste à fournir des prestations de services supports notamment dans les domaines administratif, juridique, fiscal, comptable, informatique, marketing et communication à destination des autres sociétés du groupe. Elles ajoutent que la société BGL est, quant à elle, la société au sein du groupe qui est détentrice des droits d'exploitation de la marque Barnes et concentre les activités de licences de la marque.
Selon les éléments versés aux débats par les différentes parties, M. [B], qui était alors salarié de la société Junot immobilier, également spécialisée dans l'immobilier haut de gamme, a eu un entretien le 13 novembre 2019 avec M. [J], directeur général de la société [E], société tierce appartenant au groupe [E]. M. [B] explique que cet entretien était consécutif au démarchage dont il avait fait l'objet courant octobre 2019 par les équipes du groupe [E] afin qu'il les rejoigne comme « directeur réseau » en charge des licenciés. Les intimées exposent que l'entretien faisait suite à la diffusion à compter de juillet 2019 d'une offre d'emploi par le groupe [E] afin de pourvoir le poste de directeur réseau au sein de la société BGL et qu'à l'automne 2019 M. [B] avait présenté sa candidature à ce poste, ce qui est contesté par celui-ci.
Malgré l'arrêt rendu le 2 octobre 2024 enjoignant aux parties de communiquer les échanges entre les parties antérieurs au 22 novembre 2019, M. [B] ne produit aucun élément permettant à la cour de déterminer de quelle manière celui-ci a été amené à avoir un entretien avec M. [J] le 13 novembre 2019. Les intimées produisent en revanche plusieurs courriels montrant que le 23 juillet 2019 M. [O], qui avait entre autres fonctions celle de président de la société BGL, a informé notamment Mme [D], secrétaire générale et directrice juridique de la société BSS, et M. [W], administrateur de la société BGL, de sa décision qu'un « directeur réseau doit être recruté par BGL au Luxembourg. Pourrions-nous recourir aux services d'un chasseur de tête sur place ». Par courriel du 25 juillet 2019, Mme [D] répondait à M. [O], avec mise en copie à M. [W], que « nous avons déjà reposté mardi notre offre d'embauche à partir de Linkedin en précisant que le poste était basé au Luxembourg. Nous avons également commencé à circuler l'offre par notre réseau personnel au Luxembourg (...) ».
Dans un courriel du 25 septembre 2019 ayant comme objet « recrutement directeur réseau », Mme [D] demandait à M. [W] « Est-ce qu'on est d'accord pour qu'on écarte définitivement ces deux candidats, sauf à ce qu'ils acceptent de se domicilier au Luxembourg' », ce à quoi M. [W] répondait « Yes, on est d'accord ». Il résulte des différents échanges de courriels internes au groupe [E] concernant le recrutement d'un directeur réseau que le groupe souhaitait que le poste soit juridiquement et fiscalement basé à Luxembourg et non à [Localité 13]. Ainsi, M. [W] écrivait à Mme [D] dans un courriel du 9 octobre 2019 à propos de M. [N], « Voici un nouveau profil que je sais intéressé par [E] mais qui n'a pas encore postulé sur le poste de directeur réseau basé au Luxembourg. Pourriez-vous le rencontrer pour une approche' Son parcours me semble vraiment pertinent ». Si ce courriel concerne M. [N], qui n'a finalement pas été recruté et non M. [B], il en résulte néanmoins que la société BGL chargeait bien Mme [D], directrice juridique de la société BSS et n'ayant aucune fonction dans la société BGL, du recrutement du futur directeur réseau de la société BGL.
Aucune pièce n'est cependant communiquée par les intimées concernant spécifiquement M. [B] qui soit antérieure au courriel de M. [J] du 13 novembre 2019 déjà évoqué.
La société BGL verse aux débats une annonce pour le poste de directeur de réseau publiée le 27 juillet 2019 sur le réseau social Linkedin, ce qui coïncide avec le courriel du 25 juillet 2019 par lequel Mme [D] indiquait que l'offre d'embauche voulue par M. [O] venait d'être postée. Sur cette annonce, de près d'une page, les missions du futur directeur de réseau sont détaillées. Si la marque [E] est citée à plusieurs reprises dans le texte de l'annonce, le nom d'aucune société, qu'il s'agisse de la société BSS ou de la société BGL ou d'une autre société du groupe [E], n'est précisé. A la lecture de l'annonce, le candidat ne peut donc identifier le nom de la société qui serait son futur employeur. En revanche, il est indiqué sous le titre de l'annonce correspondant à l'intitulé du poste la mention « Barnes - Luxembourg ». Et de façon plus explicite, en fin de l'annonce il est écrit de façon claire et visible « Parfaite maîtrise du français et de l'anglais indispensable. Poste basé au Luxembourg. Nombreux déplacements à prévoir. Poste en CDI à pourvoir dès que possible. Merci de joindre un CV à votre candidature ».
M. [B] affirme dans ses conclusions d'une part que ladite annonce avait été clôturée le 22 août 2019, ce qu'il ne démontre pas, et d'autre part que l'annonce avait été clôturée avant le début de ses négociations avec M. [J], ce qu'il n'établit pas davantage dès lors que la cour rappelle que l'appelant ne communique aucun élément permettant de déterminer à quelle date il est entré en contact pour la première fois avec le groupe [E] pour le poste de directeur réseau, cette entrée en contact étant nécessairement antérieure au courriel du 13 novembre 2019 émanant de M. [J].
Dans ce courriel du 13 novembre 2019, mentionnant comme objet « Directeur réseau » et mis en copie à M. [O], M. [W] et Mme [D], M. [J] écrit à M. [M] [B] « Cher [M], Comme convenu lors de notre entretien de ce jour, je te confirme donc la rémunération concernant l'offre « direction réseau » que nous te proposons », la part fixe de rémunération et les modalités de calcul du variable étant ensuite détaillée de façon complète, et le courriel se terminant par « Dans l'attente de ta réponse définitive (et nous l'espérons positive) lundi prochain ». Ce courriel n'indique nulle part où le poste de directeur réseau est localisé et notamment qu'il est basé à Luxembourg. En revanche, les modalités de part variable qui y sont indiquées incluent la phrase suivante: « 4/ Variable lié à l'économie réalisée grâce au respect des délais de paiement des licenciés dans le cadre des royalties et des règlements de factures avancées par BGL, soit au 31/12 de l'année: etc ». Dès ce courriel, M. [B] était donc informé que son variable serait calculé notamment au regard des règlements de facture avancées par la société BGL, étant ajouté qu'il n'était fait nulle part mention d'un calcul du variable en considération d'une activité quelconque de la société BSS.
Dans son courriel du 19 novembre 2019, démontrant que la question financière était au centre des pourparlers et de l'attention de M. [B], celui-ci formule une contre-proposition de rémunération qu'il détaille de façon très précise. En particulier, dans la partie concernant le variable, M. [B] écrit à propos du « 4/ » précité faisant état de la société BGL, « OK sur le principe, remarques: Quel est l'état actuel des dettes licenciés '». M. [B] ne remet ainsi donc pas en cause dans son courriel le fait que son variable soit déterminé notamment en considération d'une activité de la société BGL, l'appelant ne posant d'ailleurs aucune question quant au fait qu'aucun des autres critères de détermination de la part variable ne fasse référence à une autre société. En fin de son courriel, M. [B] écrit « 5/ déplacements: J'ai bien intégré que ce poste inclut beaucoup de déplacements, pour pouvoir visiter les licenciés en France 2 fois par an et ceux à l'étranger 1 fois par an. Pouvez-vous me donner plus de détail sur les conditions / frais liés à ces déplacements' ». Aucun passage dans le courriel de M. [B] ne concerne la localisation du poste de directeur réseau.
Dans le courriel de réponse du 20 novembre 2019, avec mise en copie à M. [O], M. [W], Mme [D] et M. [C], président de la société BSS, M. [J] écrit notamment à M. [B] « Au sujet du point concernant les notes de frais liés à tes déplacements dans le cadre de ta mission de directeur réseau, elles seront naturellement prises en charge par [E] et nous pouvons envisager une avance « fonds de roulement » qui te permettra de n'avoir jamais à avancer d'argent ». Aucun passage dans ce courriel ne fait référence à la localisation du poste de directeur réseau ni au fait que le contrat de travail de M. [B] serait un contrat de droit luxembourgeois.
Dans son courriel du 22 novembre 2019 adressé à M. [J], avec mise en copie à notamment M. [O], M. [B] écrit « Chers tous, Pour faire suite à nos échanges pour le poste de directeur réseau, j'ai le plaisir de vous confirmer que j'accepte votre proposition. Je suis convaincu que ce sera une collaboration très enrichissante, qui consolidera le réseau [E]. Et c'est avec une certaine impatience que je m'apprête à rejoindre l'équipe de [I]! Je me tiens à votre disposition pour les prochaines étapes et la contractualisation. Merci de votre confiance! », étant rappelé par la cour, d'une part, que M. [J] était le directeur général de la société [E], société appartenant au groupe [E] mais distincte de la société BSS et de la société BGL, mais qu'il était aussi administrateur de la société BGL selon les organigrammes produits, et, d'autre part, que M. [I] [W] était administrateur de la société BGL.
Dans son courriel de réponse du 22 novembre 2019, M. [J] écrit à M. [B] « Nous nous réjouissons de ta décision. Nous te proposons de préparer la semaine prochaine ton contrat pour que nous puissions avancer rapidement et que tu puisses nous rejoindre début janvier idéalement ». Ce courriel ne donne aucune indication sur la localisation du poste et que le fait qu'il donnerait lieu à un contrat de droit luxembourgeois.
Par courriel du 27 novembre 2019 adressé aux seuls M. [I] [W] et Mme [X] [D], M. [B] écrit « Chère [X], Je vous écris dans la continuité de nos échanges, concernant la mise en place de mon contrat chez [E]; J'ai vu [I] hier, qui m'a proposé de voir cela avec vous. Je me tiens à votre disposition (...) ».
Par courriel du 2 décembre 2019, Mme [D] écrit à M. [B] « Le mieux serait de pouvoir vous rencontrer une première fois avant de finaliser ensuite votre contrat de travail. Auriez-vous un moment de disponible dans les jours qui viennent' ».
Par courriel du 11 décembre 2019, M. [B] écrit à Mme [D] que notamment « Dans la continuité de notre rdv, je t'adresse une copie de ma carte d'identité et une attestation de droit. (...) Dis moi si tu as besoin de quoique ce soit pour finaliser le contrat, que j'aimerais signer en début de semaine prochaine au plus tard, puisque je termine chez Junot le vendredi 20/12. Je te renverrai en même temps l'attestation de remise des annexes et le document à remplir pour l'affiliation à la complémentaire ». M. [B] verse aux débats une attestation de remise des « annexes au contrat de travail » ni datée ni signée qui mentionne que lesdites annexes « sont rappelées ci-dessous: ANNEXE 1: Règlement d'utilisation des systèmes d'information et de protection des données personnelles ». Dès lors, M. [B] ne démontre pas que le document d'information sur la prévoyance santé au sein de la société BSS, qu'il produit, lui a été transmis à titre d'annexe à son futur contrat de travail, l'attestation précitée ne mentionnant pas une telle annexe, et ce alors que la société BSS expose que ledit document lui a été remis ultérieurement afin de lui permettre de comparer les garanties de prévoyance santé relatives à un contrat de droit français et les garanties de prévoyances afférentes au contrat de droit luxembourgeois qui allait lui être proposé. Le document en cause ne constitue donc pas un indice d'une future embauche de M. [B] par la société BSS.
Par courriel du 17 décembre 2019, Mme [D] écrit à M. [B] « Je te remercie pour ces éléments ainsi que les précédents. Désolée, cette fin d'année est un peu compliquée mais rassure toi, ton contrat devrait être prêt dans la journée de demain ».
Par courriel du 3 janvier 2020, M. [B] écrit à Mme [D] « Bonjour [X], J'espère que tu as passé de belles fêtes, je te présente mes meilleurs voeux pour 2020! Je reviens vers toi concernant la rentrée chez [E] prévue pour le 13/01: As-tu pu finaliser le contrat de travail ' As-tu pu prévenir l'IT pour prévoir l'ordinateur et le téléphone' Je te remercie de ton retour, à très bientôt ».
M. [B] a commencé à travailler le 13 janvier 2020, sans qu'à cette date aucun contrat de travail ne lui ait encore été communiqué ne serait-ce qu'à l'état de projet.
Par courriel du 17 janvier 2020, M. [O] adresse un courriel à M. [B] avec copie à M. [J], mentionnant comme objet « Projet de contrat » et indiquant « Cher [M], Nous pourrons prendre un moment en fin de journée pour lire attentivement ensemble ton projet de contrat de travail, que tu trouveras ci-joint. J'ai fini mon rendez-vous avec [T] [Y] et je vous rejoins vers 11h30 à l'agence ».
Le projet joint à ce courriel mentionne en page 1 que le contrat de travail est conclu entre la société BGL et M. [B], que celui-ci « est engagé par l'employeur dans le présent contrat à partir du 13 janvier 2020 en qualité de directeur international réseaux », et que le salarié exercera ses missions « sous l'autorité de [A] [O], président ».
L'article 3 du projet intitulé « Lieu de travail » énonce: Compte tenu de la nature de ses fonctions, le salarié sera amené à se déplacer à près de 90% de son temps de travail. En conséquence, son temps de travail sera réparti comme suit: 2 à 5 jours par mois au siège de la société, situé [Adresse 2]; 10 à 15 jours par mois en visite chez les licenciés de la marque [E], en Union européenne, au Royaume Uni et dans le reste du monde; 1 à 4 jours par mois dans les locaux de la société BSS situé [Adresse 4]. Le salarié pourra également effectuer du télétravail de façon ponctuelle, sous réserve d'obtenir l'accord écrit préalable de l'employeur. ».
L'article 12 intitulé « lois applicables » énonce que « Pour tous les points non traités dans le présent contrat, les parties se réfèrent aux dispositions légales en vigueur au [Localité 10]-Duché de Luxembourg et le cas échéant aux conventions collectives de travail ou règlements internes de l'employeur ».
L'article 13 intitulé « Juridiction applicable » énonce que « Pour tout ce qui n'est pas prévu au présent contrat, les parties se réfèrent aux prescriptions légales. L'interprétation de l'exécution du présent contrat relève exclusivement des lois et juridictions luxembourgeoises ».
Par courriel du 21 janvier 2020, M. [B] écrit à M. [O], avec mise en copie à M. [J], M. [W] et Mme [D], « Cher [K], Pour vous tenir informé, j'ai vu [X] aujourd'hui pour échanger sur l'opportunité de contrat luxembourgeois. Je vais échanger avec vos conseils (juridique et expert comptable) pour s'assurer que cela ne changera rien en terme de cotisations sociales, imposition, soins en France, retraite etc... si c'est le cas je ne vois pas d'inconvénient ».
Par courriel du 30 janvier 2020 à 20h42 mentionnant comme objet « Contrat de travail - suite à notre conversation », M. [B] écrit à M. [O] avec mise en copie à Mme [D] et M. [W], « Cher [K], Dans la continuité de notre conversation téléphonique, comme demandé, je vous confirme que je suis ouvert à un contrat luxembourgeois, si cela peut être favorable à [E], dans la mesure où l'ensemble des cotisations sociales concernent les organismes français, en terme de santé (obligatoire et complémentaire), retraite, chômage. Si cela était impossible pour les raisons évoquées avec vous et [X], il faudrait alors, j'imagine, que nous trouvions une formulation pour expliquer que BSS fournit une prestation d'animation de réseau à BGL, au même titre que les autres expertises immobilières que BSS maîtrise. Comme vous le savez, ces aspects du contrat de travail ne sont pas neutres pour un salarié et je ne souhaite pas me mettre en difficulté sur ces sujets. Je vous remercie de votre soutien ».
Il résulte de ce courriel du 30 janvier 2020 que contrairement à ce que soutiennent les intimées, à cette date M. [B] n'avait pas encore accepté le contrat de travail qui lui était proposé et que s'il n'était pas opposé dans le principe à un contrat de droit luxembourgeois, il subordonnait son accord à un tel contrat au fait qu'il bénéficie néanmoins de l'ensemble des prestations sociales délivrées par les organismes français. En outre, il résulte de ce même courriel que M. [B] savait que le poste de directeur réseau s'inscrivait dans un contrat de travail avec la société BGL et non la société BSS, qu'il n'était pas opposé à un contrat de travail avec la société BGL, et que c'est seulement dans l'hypothèse où un contrat de travail avec la société BGL ne lui permettrait pas de bénéficier des prestations sociales d'organismes français qu'il proposait, tout en ayant conscience du caractère artificiel de ce montage juridique, de trouver une façon d'impliquer la société BSS dans son contrat de travail, par le biais de l'ajout d'une mention contractuelle expliquant que la société BSS fournissait une prestation d'animation de réseau, afin de lui permettre, par référence à la société BSS, de bénéficier des prestations sociales délivrées par les organismes français.
Par courriel du 30 janvier 2020 à 22h50 mentionnant comme objet « Contrat de travail - suite à notre conversation », avec mise en copie à Mme [D], M. [I] [W], M. [J] et Mme [U] [V], secrétaire générale de la société BGL, M. [O] écrit à M. [B] « Cher [M], Comme je te l'ai expliqué et comme nous le concevions depuis le démarrage de nos discussions, nous recherchions un directeur de réseau pour BGL, qui est titulaire des droits de la marque et contracte avec l'ensemble des licenciés. Le directeur de réseau, qui travaille pour fluidifier les relations entre le titulaire des droits et les licenciés ne peut pas dépendre d'une autre entité que BGL. Tu prends la suite de [L] [H], qui avait contracté avec BGL. Il ne peut donc pas en être autrement. En revanche et comme je te l'ai indiqué au téléphone, nous sommes prêts à compenser d'éventuels inconvénients en terme de couverture sociale, retraite, assurance-chômage si il y en avait. Mais à notre connaissance, il n'y en a pas. Côté financement bancaire en cas d'acquisition d'un bien en France, nous pourrons te soutenir soit en passant par les banques de Barnes ou via [U], qui te fournira toutes attestations utiles. Sur ce point, il ne nous semble pas qu'il y ait de réelles difficultés, d'autant plus que tu pourras fournir un avis d'imposition en France. S'agissant de janvier, [U] va t'adresser ta fiche de paie. Nous ne pouvons donc que partir sur un contrat BGL et nous te proposons de faire un point fin 2019 et de nous ajuster à ce moment-là, si il apparaît avec le recul certains inconvénients, que nous compenserons alors. En espérant que nous pourrons finaliser ce contrat BGL / [M] [B] avant la fin de la semaine. Dans l'attente, [Localité 9] soirée. PS: [I] t'appellera demain».
Par courriel du 11 février 2020 mentionnant comme objet « Contrat de travail - suite à notre conversation », M. [O] écrit à M. [B] et à Mme [V], avec mise en copie à M. [W], « Cher [M], A la suite de nos échanges et de notre dernière conversation sur le sujet, il apparaît que nous ne soyons pas parvenus à nous entendre sur les termes du contrat bien que tu aies commencé à travailler en date du 13 janvier 2020 comme indiqué au contrat (ci-joint). En conséquence et à défaut d'accord sous 24h, nous serons dans l'obligation de mettre fin avec regret à notre relation de travail dans le cadre de la période d'essai, soit avec un préavis de 15 jours à compter de la réception de notre courrier. Nous sommes naturellement à ta disposition pour un entretien dans les meilleurs délais ».
Par courriel du 12 février 2020 mentionnant comme objet « Rupture relations contractuelles », avec mise en copie à M. [W] et Mme [V], M. [O] écrit à M. [B] « Bonsoir [M], Compte tenu de la mésentente grave que vous avez créée et qui a conduit à une situation de blocage préjudiciable à la société, nous n'avons pas d'autre choix que de vous notifier la rupture avec effet immédiat de nos relations contractuelles. Bien cordialement ».
Par courriel du 13 février 2020, avec mise en copie à M. [J], M. [W] et Mme [D], M. [B] écrit à M. [O] « [K], Vous osez m'annoncer brutalement la rupture du contrat qui nous lie au prétexte, je vous cite: « de la mésentente grave » que j'aurais créée « et qui a conduit à une situation de blocage préjudiciable à la société »! C'est totalement mensonger et je suis très choqué de telles méthodes. Je vous rappelle que vous m'avez débauché de mon poste chez Junot immobilier, pour me proposer de devenir directeur du réseau des licenciés de [E]. Nos échanges au cours des mois de novembre et décembre dernier ont exclusivement porté sur un contrat de travail français, au sein de la société BSS. J'ai accepté votre offre le 22 novembre et le 4 décembre j'ai reçu en main propre de Mme [X] [D], lors d'un rendez-vous, des documents relatifs à la prévoyance et la garantie frais de santé de la société BSS. J'ai relancé Mme [D], par email courant décembre pour recevoir le contrat de travail et elle me l'annonçait pour le 18 décembre, mais j'ai dû la relancer le 3 janvier. Comme nous étions d'accord sur le contrat, le poste et la rémunération et conformément à votre demande, j'ai commencé à travailler le 13 janvier dernier au sein de société BSS. En réalité et pour des raisons purement fiscales, compte tenu des contrôles subis par vos sociétés, vous avez fait volte face et décidé unilatéralement que je devrai travailler sous un contrat 100% luxembourgeois... Ce que j'ai découvert lors de son envoi le 17 janvier et qui explique qu'en décembre je n'ai pas été destinataire de mon contrat de travail. Un contrat de droit luxembourgeois et une présence importante au Luxembourg n'ont jamais fait partie de nos discussions et je ne saurais les accepter. Dans ces conditions je n'ai causé aucune mésentente grave et le blocage est de votre fait. Vous avez abusé de ma confiance en me faisant venir pour ensuite me mettre devant le fait accompli et vous ne m'avez ni déclaré ni payé pendant tout ce mois au cours duquel j'ai exercé mes fonctions au sein de BSS. Vous savez parfaitement que: vous m'avez débauché de chez junot dans une période de forte activité; j'ai dû redistribuer l'ensemble de mon portefeuille clients; j'ai démissionné et que je n'aurai pas d'accès au chômage; vous avez violé l'accord initial; je vais devoir retrouver un poste de négociateur en cdi, ce qui n'est pas simple et les premières commissions n'interviendront qu'après 5 à 6 mois. Votre attitude me place dans une situation très difficile et notre désaccord ultérieur à mon embauche est de votre seul fait. Vous me devez: mon salaire sur janvier et février, trois mois de préavis et l'indemnisation que me cause votre comportement. »
Par lettre recommandée du 13 février 2020, l'avocat de la société BGL a notifié à M. [B] son licenciement « avec effet immédiat pour faute grave » en concluant, après avoir rappelé l'historique des échanges entre les parties à compter du 13 novembre 2019, que « votre attitude laquelle désorganise la société, entraîne une perte totale de confiance en vous. Aussi, au vu des faits relatés dans la présente, il est incontestable que société BGL ne peut plus compter sur une collaboration effective pour les nécessités de la bonne marche de la société. Ces faits ont conduit notre mandante à ne plus pouvoir compter sur votre personne. Ces faits rendent immédiatement et définitivement impossible votre relation de travail avec la société BGL ».
Par lettre officielle du 19 février 2020 adressée à l'avocat de la société BGL, l'avocat de M. [B] a contesté que celle-ci ait été l'employeur de M. [B], affirmant que ce dernier avait été embauché par la société BSS le 13 janvier 2020, et a conclu que la lettre de licenciement au nom de la société BGL était « donc nulle et avenue ».
Par courriel du 24 février 2020 adressé à Mme [V] et à M. [O], M. [B] a restitué à la société BGL les sommes qui lui avaient été versées par celle-ci à titre de paie depuis le 13 janvier 2020, considérant qu'il n'avait pas travaillé pour cette société.
Par lettre du 24 février 2020 adressée à la société BSS, M. [B] a écrit prendre acte de la rupture de son contrat de travail avec celle-ci.
Contrairement à ce que soutient M. [B], il ne résulte d'aucun des éléments qui précèdent l'existence d'indice tendant à établir que M. [B] avait été engagé par la société BSS.
Ainsi, le fait que les courriels échangés entre les parties aient été mis en copie à des personnes qui n'étaient pas toutes salariées de la société BGL est indifférent dès lors que la société BSS était chargée de prestations transversales au sein du groupe [E], destinées donc à toutes les sociétés composant le groupe, et ce notamment en matière administrative et juridique, de sorte que la participation de Mme [D], directrice juridique de la société BSS, au recrutement de M. [B] et à l'élaboration de son contrat de travail n'impliquait pas que les discussions à ce sujet portaient sur une embauche au sein de la société BSS. De même, le fait que M. [J] ait été l'interlocuteur de M. [B] lors de certains échanges est sans emport, M. [J] étant le directeur général de la société [E] distincte de la société BSS et de la société BGL. La circonstance que ce soit seulement à compter du courriel du 30 janvier 2020 à 22h50 de M. [O] que Mme [V], secrétaire générale de la société BGL, ait été mise en copie, est sans incidence puisqu'il n'est pas établi que Mme [V] avait un rôle dans le recrutement de personnels et, d'ailleurs, c'est à la suite du questionnement de M. [B] relativement au financement futur d'un bien immobilier que Mme [V], qui avait une compétence en matière financière et de paie au sein de la société BSS, a été mise en copie par M. [O], lequel était de toute façon le président de la société BGL.
L'examen des adresses électroniques de ces différentes personnes démontre que, quelle que soit la société qui était leur employeur au sein du groupe, leur adresse était identique en ce qu'elle se terminait par « @barnes-international.com », y compris pour Mme [D]. L'adresse électronique qu'avait attribué le groupe à M. [B] avant même janvier 2020, à savoir « [Courriel 8] », ne correspondait donc pas à une adresse rattachée spécifiquement à la société BSS ou excluant nécessairement l'appartenance à celle-ci.
Il est manifeste, au regard des pièces versées aux débats, que le groupe [E], dont l'organisation interne présentait l'aspect d'une certaine confusion, aurait dû, dans l'annonce diffusée dès juillet 2019 ou ultérieurement, au début de chaque entrée en discussion avec un nouveau candidat au poste de directeur réseau, mentionner par écrit de façon explicite que le poste de directeur réseau chargé des licenciés était à pourvoir au sein de la société BGL sous contrat de travail de droit luxembourgeois, le groupe s'étant de toute évidence servi de la notoriété de sa marque [E] pour attirer des candidats sans prendre la peine de les informer à ce stade du contrat précis qui correspondait au poste proposé. Pour autant, il est établi que les missions dévolues à compter du 13 janvier 2020 à M. [B] correspondaient à celles détaillées dans l'annonce Linkedin diffusée en juillet 2019, de sorte qu'il s'agissait du même poste, l'absence de communication initiale du groupe [E] sur le fait qu'il était à pourvoir dans le cadre d'un contrat de droit luxembourgeois n'induisant pas qu'il s'agissait de deux postes distincts. Le contenu du poste, à savoir diriger et animer le réseau des licences [E], correspond à l'objet social de la société BGL et à son activité réelle et non à l'objet social et à l'activité de la société BSS.
Par ailleurs, le poste proposé depuis juillet 2019 était théoriquement basé à Luxembourg même si, comme le démontre l'article 3 du projet de contrat de travail soumis à M. [B], la répartition mensuelle de la localisation des jours de travail conduisait, avec « 2 à 5 jours par mois au siège de la société, situé [Adresse 2] » et « 1 à 4 jours par mois dans les locaux de la société BSS situé [Adresse 4] » à ce que le salarié puisse éventuellement travailler davantage de jours dans le mois à [Localité 13] qu'à Luxembourg.
Cependant, pour déterminer qui était l'employeur de M. [B], il convient également d'examiner les conditions de fait dans lesquelles celui-ci a exercé concrètement, à compter du 13 janvier 2020, son activité au sein du groupe [E].
En l'occurrence, les locaux situés à [Localité 13] dans lesquels M. [B] a travaillé [Adresse 14] appartenaient à la société BSS, ainsi que l'article 3 du projet de contrat de travail l'indiquait d'ailleurs. Mais il résulte des pièces communiquées que ces locaux et leurs matériels, notamment informatiques, étaient utilisés aussi par des salariés de l'ensemble des sociétés du groupe [E] et que ces locaux n'accueillaient donc pas que le personnel de la société BSS.
Dès le 22 novembre 2019, dans un courriel déjà cité, M. [B] a écrit que « c'est avec une certaine impatience que je m'apprête à rejoindre l'équipe de [I] ». Il ressort des éléments communiqués que M. [I] [W] travaillait au sein de la société BGL et que M. [B], par suite de leurs échanges, ne pouvait l'ignorer. En revanche, comme le soutient ce dernier, aucune pièce n'est produite par les intimées démontrant que M. [W] et son équipe faisaient tous l'objet d'un contrat de droit luxembourgeois et qu'ils étaient tous localisés à Luxembourg, et ce d'autant que les intimées expliquent elles-mêmes que les locaux situés [Adresse 14] à [Localité 13] accueillaient du personnel d'autres sociétés que la société BSS et qu'elles n'établissent pas que ce personnel ainsi accueilli ne concernait que des salariés dont les postes étaient basés à l'étranger.
Dans les locaux de [Localité 13], M. [B] était amené à collaborer avec Mme [P], laquelle était salariée de la société BSS. Toutefois, celle-ci avait été engagée en qualité de business analyst, poste correspondant aux fonctions support occupées par les salariés de la société BSS au sein du groupe [E] à destination de n'importe quelle autre société du groupe.
Indépendamment du fait qu'il n'est pas contesté que M. [B] s'est occupé des licenciés de la marque [E] entre le 13 janvier 2020, date de début de son travail, et le terme de celui-ci, les intimées ne produisent aucun élément (courriel, message d'un réseau social, réservation d'un moyen de transport ou d'un hôtel, signature d'un document quelconque etc) sur le travail concret qu'il a réalisé, étant observé par la cour qu'il n'est pas reproché par ces mêmes intimées à M. [B] de ne pas avoir travaillé durant cette période.
En revanche, M. [B] verse aux débats son agenda pour la période en cause. Il n'est pas établi par les intimées que le contenu de cet agenda n'est pas conforme à l'activité qu'il a effectivement eue.
Or, cet agenda détaillé démontre que M. [B] ne s'est rendu que deux jours au total au Luxembourg entre le 13 janvier et le 12 février 2020, à chaque fois dans le cadre d'un aller-retour entre [Localité 13] et [Localité 12] dans la journée. Les intimées ne démontrent pas avoir demandé à M. [B] d'aller plus souvent à [Localité 12] ou que son activité aurait nécessité qu'il s'y rende davantage.
L'examen de l'agenda démontre que si M. [B] a effectué de nombreux déplacements pendant la période en cause, il n'a en réalité effectué qu'un nombre réduit de déplacements à l'étranger en-dehors des deux allers-retours à Luxembourg précités.
Il en résulte que l'essentiel de l'activité de M. [B] s'est déroulée en France, avec [Localité 13] comme lieu de travail le plus fréquent. L'assertion des intimées selon lesquelles l'activité de M. [B] durant le premier mois n'est pas représentative de ce qu'aurait été son activité habituelle sur une plus longue période n'est corroborée par aucune pièce.
Compte tenu de l'ensemble des éléments qui ont été examinés par la cour depuis la parution de l'annonce en juillet 2019 et des conditions de fait d'exercice de l'activité de M. [B], il est établi que celui-ci a, à compter du 13 janvier 2020, occupé une fonction créée par la société BGL, exercé une activité correspondant à celle de la seule société BGL, dans l'équipe de M. [W], administrateur de la société BGL, et donc sous la responsabilité de celui-ci, la rémunération variable de M. [B] étant d'ailleurs prévue comme devant se référer à la société BGL et non à la société BSS, ce qui est incohérent avec une relation contractuelle de travail avec cette dernière.
En conséquence, la cour retient, par confirmation du jugement, l'existence d'un contrat de travail entre M. [B] et la société BGL à compter du 13 janvier 2020.
En l'absence d'une relation contractuelle entre M. [B] et la société BSS, la prise d'acte de la rupture de M. [B] à l'encontre de la société BSS est sans emport et ses demandes financières relatives à cette rupture mais aussi à un rappel de salaire et à une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et plus généralement toutes ses demandes dirigées contre la société BSS sont rejetées. Le jugement est confirmé sur ces points. La société BSS est en outre mise hors de cause, étant ajouté au jugement à cet égard.
' La cour vient de retenir que l'essentiel de l'activité de M. [B] s'est déroulée en France, avec [Localité 13] comme lieu de travail le plus fréquent, de sorte qu'au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, le lieu où M. [B] accomplissait habituellement son travail est [Localité 13].
Il en résulte qu'en application des dispositions de l'article 21, paragraphe1, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, déjà cité, selon lesquelles un employeur domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait dans un autre État membre devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail, M. [B] pouvait valablement attraire la société BGL, société domiciliée au Luxembourg, devant le conseil de prud'hommes de Paris.
Dans le dispositif de son jugement, le conseil de prud'hommes n'a pas statué sur l'exception d'incompétence soulevée par les intimées relativement à la société BGL mais a débouté M. [B] de l'ensemble de ses demandes.
En conséquence, par ajout au jugement, la cour rejette l'exception d'incompétence soulevée par les intimées à l'égard de la société BGL et se déclare compétente pour connaître de la relation contractuelle salariée ayant existé entre celle-ci et M. [B].
' Par ailleurs, le règlement (CE) n° 593/2008 du parlement européen et du conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (dit règlement Rome I) est applicable en l'espèce, la société BGL étant de droit luxembourgeois à la date des faits. Son article 8 consacré aux contrats individuels de travail dispose que:
« 1. Le contrat individuel de travail est régi par la loi choisie par les parties conformément à l'article 3. Ce choix ne peut toutefois avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix, aurait été applicable selon les paragraphes 2, 3 et 4 du présent article.
2. À défaut de choix exercé par les parties, le contrat individuel de travail est régi par la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail. Le pays dans lequel le travail est habituellement accompli n'est pas réputé changer lorsque le travailleur accomplit son travail de façon temporaire dans un autre pays.
3. Si la loi applicable ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 2, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel est situé l'établissement qui a embauché le travailleur.
4. S'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays que celui visé au paragraphe 2 ou 3, la loi de cet autre pays s'applique. »
En l'espèce, la cour constate que la société BGL ne peut se prévaloir des dispositions prévues par le contrat de travail proposé à M. [B], lequel ne l'a pas signé. La loi applicable ne peut donc être considérée comme résultant d'un choix des parties contenu dans ce contrat au sens de l'article 1 du règlement précité.
En revanche, la cour a retenu que l'essentiel de l'activité de l'appelant s'est déroulée en France et que le lieu habituel d'exécution de la prestation de travail a été [Localité 13], les quelques déplacements temporaires de M. [B] au Luxembourg ou ailleurs à l'étranger n'ayant pas changé son lieu de travail habituel au sens de l'article 2 du règlement Rome I.
En conséquence, la loi française est applicable à la relation contractuelle ayant existé entre M. [B] et la société BGL. Il est ajouté au jugement sur ce point.
En outre, dès lors que la loi française devait régir le contrat de travail de M. [B], il convient de faire droit à la demande de celui-ci concernant l'URSSAF. Par infirmation du jugement, il est donc ordonné à la société BGL de déclarer M. [B] à l'URSSAF de [Localité 15].
Sur le licenciement pour faute grave
Il est de jurisprudence constante que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. C'est à l'employeur qu'incombe la charge de rapporter la preuve de la faute grave, étant ajouté que la lettre de licenciement fixe les limites du litige.
En l'espèce, par courriel du 12 février 2020, M. [O], président de la société BGL, a écrit à M. [B] lui « notifier la rupture avec effet immédiat de nos relations contractuelles ».
Cette rupture, qui n'a pas été précédée d'un entretien préalable et n'est pas formalisée dans une lettre de licenciement notifiée régulièrement au salarié, a dès lors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La cour précise en outre qu'en l'absence de signature par M. [B] du contrat de travail proposé par la société BSS, aucune période d'essai n'était applicable.
Si le conseil de prud'hommes n'a pas statué sur la rupture du contrat de travail, il a, dans le dispositif de son jugement, débouté M. [B] de l'ensemble de ses demandes. Le jugement est dès lors infirmé sur la rupture.
Sur les conséquences financières de la rupture
a) L'indemnité compensatrice de préavis est égale à la rémunération totale qui aurait été perçue si le salarié avait accompli son préavis.
Compte tenu des éléments versés aux débats, le salaire mensuel moyen de M. [B] qui est retenu s'élève à 8 206 euros variable inclus.
Selon l'article L1234-1, 1°, du code du travail, le salarié dont licenciement n'est pas motivé par une faute grave a droit, « S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ».
En l'espèce, en l'absence de toute information communiquée à ce sujet par la société BGL, et de critique motivée par celle-ci de la durée de préavis de trois mois invoquée par M. [B], il convient, par infirmation du jugement, de condamner la société BGL à payer à M. [B] la somme de 24 618 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 2 461 euros au titre des congés payés afférents.
b) Les dispositions de l'article L.1235-3 du contrat de travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable au litige, prévoient l'octroi au salarié, dans les entreprises de plus de 11 salariés, d'une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre un minimum et un maximum de mois de salaire brut selon l'ancienneté du salarié dans l'entreprise, celle-ci n'étant calculée que sur le fondement d'années complètes à la date de notification de la rupture.
Eu égard à l'ancienneté de M. [B], moins d'une année complète, le montant minimal de l'indemnité est ainsi de 0 mois de salaire brut et le montant maximal prévu est de 1 mois de salaire brut.
En considération des circonstances de la rupture ainsi que de la situation particulière du salarié tenant notamment à son âge, son expérience et sa capacité à retrouver un emploi, il convient de condamner la société BGL à payer à M. [B] la somme de 8 206 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral distinct
Il est de jurisprudence constante que le salarié justifiant, en raison des circonstances vexatoires ou brutales de la rupture de son contrat de travail, d'un préjudice distinct du licenciement lui-même, peut obtenir des dommages et intérêts en réparation de ce préjudice. Il peut prétendre à cette indemnité que son licenciement ait été jugé sans cause réelle et sérieuse ou fondé sur une cause réelle et sérieuse ou une faute grave.
En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats la caractérisation d'un comportement fautif de la société BGL, lors de la rupture, ayant causé à M. [B] un préjudice distinct de celui résultant du licenciement, le président de ladite société l'ayant licencié par un simple courriel le lendemain d'un courriel qui était déjà comminatoire envers M. [B].
Par infirmation du jugement, la société BSS est donc condamnée à payer à M. [B] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct.
Sur la demande de rappel de salaire
M. [B] ayant retourné à la société BGL la somme que celle-ci lui avait versée à titre de salaire pour la période commençant le 13 janvier 2020, le salaire pour cette période lui reste dû.
En considération des éléments produits, la société BGL est condamnée, par infirmation du jugement, à payer à M. [B] la somme de 12 309 euros à titre de rappel de salaire pour la période d'exécution du contrat de travail de M. [B] au profit de la société BGL hors préavis.
Sur l'indemnité pour travail dissimulé
Il résulte des articles L.8221-5 et L.8223-1 du code du travail qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en se soustrayant intentionnellement à l'accomplissement de la déclaration préalable à l'embauche, à la délivrance d'un bulletin de paie ou en mentionnant sur celui-ci un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou en se soustrayant intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Cependant, en l'espèce, c'est bien la société BGL, comme invoqué par celle-ci, qui était l'employeur de M. [B]. En l'absence de tout élément pertinent communiqué, le caractère intentionnel d'un travail dissimulé n'est pas établi par M. [B]. La demande d'indemnité pour travail dissimulé est donc rejetée, le jugement étant confirmé sur ce point.
Sur la délivrance de documents
M. [B] sollicite la remise d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle Emploi devenu France travail, et d'un solde de tout compte conformes à la décision à intervenir.
Il est fait droit à ces demandes par ajout au jugement.
En revanche, aucun élément ne permettant de présumer que la société BGL va résister à la présente décision, il n'y a pas lieu d'ajouter une astreinte à cette obligation de remise. La demande d'astreinte est donc rejetée.
Sur les autres demandes
La société BGL succombant, elle est condamnée aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel, le jugement étant infirmé sur les dépens.
Il paraît équitable de condamner la société BGL à payer à M. [B] la somme de 4 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure de première instance et d'appel, le jugement étant infirmé sur les frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a dit que M. [B] n'était pas lié par un contrat de travail à la société [E] support services et l'a débouté de toutes ses demandes formées à l'encontre de celle-ci, et en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité pour travail dissimulé
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, dans les limites de l'appel, et y ajoutant,
Met hors de cause la société Business support services anciennement dénommée société [E] support services.
Dit que M. [B] et la société [E] Global Licensor ont été liées par un contrat de travail à compter du 13 janvier 2020.
Dit que les juridictions françaises sont compétentes pour connaître du litige concernant ce contrat de travail.
Dit que la loi française est applicable à ce contrat de travail.
Dit que la rupture du contrat de travail de M. [B] par la société [E] Global Licensor produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Condamne la société [E] Global Licensor à payer à M. [B] les sommes de:
- 24 618 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis;
- 2 461 euros au titre des congés payés afférents;
- 8 206 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct;
- 12 309 euros à titre de rappel de salaire.
Ordonne à la société [E] Global Licensor de déclarer M. [B] à l'URSSAF de [Localité 15].
Ordonne à la société [E] Global Licensor de remettre à M. [B] un certificat de travail, une attestation France travail et un solde de tout compte conformes à la présente décision.
Condamne la société [E] Global Licensor à payer à M. [B] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure de première instance et de la procédure d'appel.
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Condamne la société [E] Global Licensor aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel.
La Greffière Le Président