CA Besançon, 1re ch., 25 novembre 2025, n° 24/01034
BESANÇON
Arrêt
Autre
PM/LZ
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 24/01034 - N° Portalis DBVG-V-B7I-EZJX
COUR D'APPEL DE BESANÇON
1ère chambre civile et commerciale
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2025
Décision déférée à la Cour : jugement du 25 juin 2024 - RG N°22/00837 - TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 5]
Code affaire : 50A - Demande en nullité de la vente ou d'une clause de la vente
COMPOSITION DE LA COUR :
M. Michel WACHTER, Président de chambre.
M. Philippe MAUREL et Mme Bénédicte UGUEN-LAITHIER , Conseillers.
Greffier : Mme Leila ZAIT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DEBATS :
L'affaire a été examinée en audience publique du 23 septembre 2025 tenue par M. Michel WACHTER, président de chambre, M. Philippe MAUREL et Mme Bénédicte UGUEN-LAITHIER, conseillers et assistés de Mme Leila Zait, greffier.
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
L'affaire oppose :
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [C] [U]
né le 27 Décembre 1955 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Catherine ROUSSELOT, avocat au barreau de BESANCON
ET :
INTIMÉES
S.A.R.L. CAL-HAN
RCS de [Localité 6] n° 802 079 426
sise [Adresse 2]
N'ayant pas constitué avocat
Défaillant, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 11 octobre 2024 au représentant légal.
S.A. COFIDIS
RCS de [Localité 7] Métropole n°325 307 166
sise [Adresse 3]
Représentée par Me Adrien MAIROT de la SCP LETONDOR - MAIROT - GEERSSEN, avocat au barreau de JURA
ARRÊT :
- REPUTE CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Leila Zait , greffier lors du prononcé.
*************
EXPOSE DU LITIGE
Après avoir connu des problèmes de chauffage à son domicile situé à [Localité 4] (25), M. [C] [U] a fait appel à la SARL Cal-Han pour la fourniture et l'installation d'un nouveau système de chauffage plus performant mettant en 'uvre un système de pompe à chaleur. Un bon de commande a ainsi été établi le 11 janvier 2021 pour la livraison et l'installation de deux pompes à chaleur ainsi qu'un ballon thermodynamique moyennant un prix de 24'900 euros.
Le même jour, M. [U] a souscrit un prêt affecté au financement de l'acquisition et de l'installation de l'équipement de chauffage auprès de la SA Cofidis.
M. [U], faisant valoir que n'avait pas été tenue la promesse d'un financement de l'installation par les aides promises, que la société Cal-Han ne s'était pas conformée aux prescriptions du fabricant en installant les pompes à chaleur dans la cave et ne lui avait pas remis la documentation utile, a alors saisi le tribunal judiciaire de Besançon d'une action en nullité du contrat de vente et du crédit auquel ce dernier était affecté et, subsidiairement, à l'effet d'engager la responsabilité des défendeurs afin d'obtenir de leur part le paiement d'une indemnité réparatrice d'un montant de 15'000 euros.
Suivant jugement en date du 24 juin 2024, le tribunal judiciaire de Besançon a statué dans les termes suivants :
'Déboute M. [C] [U] de sa demande de nullité du contrat passé entre lui et la SARL Cal-Han le 11 janvier 2021 ainsi que de sa demande de nullité du contrat de crédit affecté conclu le même jour avec la SA Cofidis.
' Déboute M. [C] [U] de sa demande indemnitaire au titre d'un défaut de conformité
' Condamne M. [C] [U] à payer à la SARL Cal-Han la somme de 1000 euros et à la SA Cofidis la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
' Condamne M. [C] [U] aux entiers dépens de l'instance.
Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal s'est déterminé à partir des motifs suivants :
' Il ne s'évince pas du contrat de vente que le vendeur se soit obligé à une quelconque garantie quant à l'octroi des aides publiques si bien qu'un engagement de cette nature ne participe pas du champ contractuel.
' Si le vendeur s'est obligé à tout mettre en 'uvre pour assister l'acquéreur dans les démarches visant à obtenir un financement public pour son installation de chauffage, il n'est pas démontré qu'il ait failli dans l'exécution de cette obligation.
' Pas davantage il n'est rapporté la preuve de ce que la prohibition d'installation des équipements dans la cave était une recommandation du fabricant alors même qu'il est peu probable que les sous-sols de l'immeuble soient assujettis à un risque de gel.
' Il résulte du contrat que l'acquéreur a reconnu avoir été récipiendaire du manuel d'utilisation et des notes techniques si bien que la preuve de la défaillance de son partenaire contractuel, de ce point de vue, n'est, là encore, nullement rapportée.
Suivant déclaration au greffe en date du 12 juillet 2024, formalisée par voie électronique, M. [C] [U] a interjeté appel du jugement rendu. Dans le dernier état de ses écritures en date du 9 octobre 2024, il invite la cour à statuer dans le sens suivant :
' Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Besançon en date du 25 juin 2024 en ce qu'il a débouté le concluant de sa demande de nullité du contrat passé avec la société Cal-Han le 11 janvier 2021, ainsi que de sa demande de nullité du contrat de crédit affecté conclu le même jour avec la SA Cofidis, débouté le concluant de sa demande indemnitaire au titre du défaut de conformité, débouté les parties de toutes demandes plus amples et contraire, condamné le concluant à payer à la société Cal-Han la somme de 1000 euros et à la SA Cofidis la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, condamné le concluant à supporter les entiers dépens.
Statuant à nouveau :
' Juger que le concluant est recevable et fondé en sa demande de nullité du contrat souscrit avec la société Cal-Han et, par voie de conséquence, du crédit affecté conclu avec la société Cofidis pour cause de vice du consentement en raison de l'erreur sur les qualités essentielles de la chose vendue.
' Prononcer la nullité du contrat de vente et de prestation de services, et du contrat de crédit affecté accessoire, avec toutes les conséquences de droit et de fait d'une telle nullité, notamment en termes de restitution.
' Juger, en cas de nullité du contrat principal entraînant la nullité du contrat de crédit affecté, au visa de l'article L.311-32 du code de la consommation que la restitution du capital emprunté sera à la charge totale et exclusive de la société Cal-Han et condamner ladite société au remboursement de ce capital versé directement entre les mains de la société Cofidis.
Subsidiairement :
' Juger le concluant recevable bien-fondé en sa demande d'indemnisation à l'encontre de la société Cal-Han.
' Condamner la société Cal-Han à payer au concluant la somme de 15'000 euros à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudice confondues.
' Débouter les sociétés Cal-Han et Cofidis de l'intégralité de leurs prétentions.
' Les condamner à lui payer la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 CPC, outre les entiers dépens avec distraction au profit de Me Catherine Rousselot aux offres de droit.
Il fait valoir, à l'appui de ses prétentions, les moyens et arguments suivants :
' Le prestataire s'était engagé à effectuer l'ensemble des démarches utiles à l'obtention des aides publiques ce qui s'est avéré impossible puisqu'il ne bénéficiait pas de la certification (RGE) lui permettant d'y procéder. La privation de cette source de financement a été pour lui particulièrement dommageable puisqu'il n'a pas été en mesure d'honorer les échéances de remboursement du prêt.
' La société Cal-Han a manqué à son obligation de délivrance conforme puisqu'elle n' a émis aucune facture à la suite des travaux d'installation réalisés et sur lesquelles devaient figurer les conditions de mobilisation de la garantie du vendeur. Elle s'est également abstenue de lui fournir les fiches techniques relatives aux équipements installés. Enfin, elle n'a pas respecté les directives du fabricant s'agissant de l'installation du dispositif dans un endroit du logement exposé au gel.
* * *
Dans des écritures responsives et à portée récapitulative en date du 6 décembre 2024, la SA Cofidis a fait valoir les moyens, fins et prétentions suivants :
' Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Besançon le 25 juin 2024 en ce qu'il a débouté M. [C] [U] de l'intégralité de ses demandes.
Subsidiairement :
' Condamner M. [C] [U] à rembourser à la société concluante l'intégralité des sommes empruntées, soit 24'900 euros outre intérêts.
' Condamner la société Cal-Han à garantir M. [C] [U] du remboursement du prêt contracté auprès de la société concluante.
' Condamner la partie succombante à payer à la concluante la somme de 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec distraction au profit de la SCP Letondor-Goy-Letondor-Mairot pour la partie dont elle justifierait avoir fait l'avance.
Elle soutient, à cet égard, que :
' Elle n'a procédé au déblocage des fonds qu'une fois les travaux achevés et après réception d'une attestation en ce sens.
' Le défaut de conformité s'apprécie par rapport aux qualités substantielles de la chose vendue au sens des dispositions du code de la consommation. En l'occurrence, et ainsi que l'a retenu à bon escient le premier juge, l'absence d'éligibilité du client au dispositif d'aide publique ne peut engager la responsabilité du prestataire.
' Aucune faute ne peut être imputée à la société concluante dans la souscription du prêt. L'organisme prêteur ne saurait donc être privé de son droit à restitution.
* * *
La société Cal-Han n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel et les conclusions d'appelant lui ont été signifiées, et remises au représentant légal, par acte de commissaire de justice en date du 11 octobre 2024.
Il sera statué par arrêt réputé contradictoire.
* * *
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 6 mai 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
M. [U] fait essentiellement grief à la société locatrice d'ouvrage de s'être engagée à procéder aux démarches utiles à l'obtention des aides publiques alors que le versement de celles-ci n'était nullement garanti et qu'en conséquence le coût de l'acquisition des équipements est devenu pour lui particulièrement dispendieux. Il est également fait grief au prestataire de services de s'être affranchi des recommandations du fabricant et de n'avoir pas fourni les fiches techniques relatives au fonctionnement des appareillages mis en place.
* * *
L'appelant reproche à son partenaire contractuel de l'avoir induit en erreur au sujet des avantages d'un dispositif de chaufage en conformité avec les exigences tirées de la transition écologique dont les aides publiques devaient lui assurer la couverture intégrale de l'investissement entrepris.
Aux termes de l'article 1133 du code civil :
« Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté. L'erreur est une cause de nullité qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie.'
Sous l'empire du droit positif antérieur à la réforme initiée par l'ordonnance du 10 février 2016 ayant donné lieu à la promulgation de l'article de loi précité, l'erreur sur un motif du contrat, extérieur à l'objet de celui-ci n'était pas une cause de nullité de la convention quand bien même il aurait été déterminant en l'absence de stipulation expresse le faisant entrer dans le champ contractuel en l'érigeant en condition du contrat (Cass. 3° Civ. 14 décembre 2017 n° 16- 24. 108). Il s'en déduisait qu'à défaut d'introduction dans le périmètre du champ contractuel de la cause impulsive de l'engagement, la nullité de celui-ci ne pouvait être invoquée. La rigueur de ce principe a cependant été atténuée par la référence à des causes subjectives qui, quand bien même ne seraient-elles pas exprimées de manière littérale dans les clauses contractuelles, peuvent néanmoins être prises en compte pour déterminer l'objet même du consentement parties. Il s'en déduit que l'objet et le but de la prestation sur lesquels les parties ont fondé leur accord peuvent-être tacites si l'enjeu et les circonstances dans lesquels la convention a été souscrite lui confèrent un caractère déterminant (Cass. 3° Civ. 6 juillet 2023 n° 22- 16. 999). C'est donc cette faculté de s'affranchir des termes stricts des stipulations du contrat qu'a consacré l'article 1133 précité en faisant référence à un consentement tacite.
Dès lors, et contrairement aux postulats sur lequel s'est fondé le premier juge pour écarter toute demande d'anéantissement du contrat de fourniture et de prestation de louage d'ouvrage, la circonstance que l'octroi d'aides publiques au financement de l'opération n'ait pas été expressément évoquée dans le corps de l'acte formalisant l'engagement, ne constitue pas de manière univoque, un motif de rejet du demandeur à la nullité.
En l'occurrence, il est produit au dossier de la procédure une fiche de renseignements récapitulant l'ensemble des formalités à l'exécution desquelles était tenue l'entreprise installatrice. Ainsi, les démarches devaient être entamées de sa part à l'effet de finaliser le montage financier permettant d'optimiser les gains devant s'imputer, en moins-value, sur le coût de l'investissement réalisé. L'économie escomptée n'était donc pas manifestement exclusive de l'intention de contracter manifestée par M. [U].
Toutefois, il n'est aucunement spécifié dans l'acte que l'accomplissement de ces formalités constitue, pour la société débitrice, une obligation de résultat. Il n'est par ailleurs nullement indiqué dans les pièces contractuelles que les aides publiques ou les crédits d'impôt accordés au maître de l'ouvrage couvrent nécessairement, sur le plan financier, le prix de revient de l'équipement installé et qu'il se soit agi là d'une condition déterminante du consentement du client donneur d'ordre. Dès lors, à la lecture du document susvisé par lequel le fournisseur et installateur se charge d'entamer les démarches auprès d'organismes publics en vue d'alléger le coût de l'installation d'un dispositif de chauffage, aides au demeurant ne devant jamais être regardées comme intangibles et constituer un droit acquis pour tout usager qui en fait la demande, il ne peut être admis que la prise en charge, totale ou partielle, par un organisme tiers constitue une cause impulsive du consentement de l'acquéreur..
Enfin, les dispositions légales nouvelles, auxquelles une jurisprudence antérieure avait ouvert la voie, n'ont pas pour autant fait disparaître la règle selon laquelle l'erreur sur l'opportunité économique de procéder à l'installation d'équipements nouveaux, n'est jamais une cause de nullité (arrêt précité de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 6 juillet 2023).
Il suit de là que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté l'appelant de sa demande de prononcé de la nullité du contrat de fourniture et de louage d'ouvrage.
* * *
Sur un plan purement matériel et technique, l'appelant fait grief à la société locatrice d'ouvrage d'avoir méconnu les recommandations du fabricant en vertu desquelles les équipements de chauffage ne pouvaient être installés dans la cave dans la mesure où ils étaient exposés à un risque de gel. Le premier juge a rejeté les griefs ainsi formulés par référence aux dispositions de l'article L. 217-3 du code de la consommation relatif à la responsabilité du professionnel pour défaut de conformité. Il convient de relever que les recommandations de fabricant, dès l'instant où elles ne sont pas visées expressément dans l'acte contractuel formalisant l'engagement des parties, sont elles-mêmes dépourvues de toute valeur conventionnelle et ne peuvent, de manière intrinsèque, constituer un référentiel pour les règles de l'art auxquelles l'entrepreneur exécutant est nécessairement soumis. En outre, et quand bien même le fabricant a expressément indiqué que l'installation d'appareillage dans une cave n'était pas recommandée en l'absence de stipulation énoncées dans le bon de commande ou tout autre document à portée contractuelle certaine, la faute du prestataire ne peut être engagée que moyennant la preuve d'un dommage, lequel ne ressort aucunement des faits de l'espèce. Surabondamment, il sera observé que le risque que le phénomène de gel se produise dans une cave d'un local d'habitation apparaît singulièrement limité, y compris dans des zones exposées au grand froid.
Il est enfin reproché à la société Cal-Han de n'avoir fourni que tardivement les fiches techniques afférentes au dispositif de chauffage mis en place. Il ressort néanmoins de la signature du formulaire attestant de la régularisation de cette formalité par le producteur, que cette diligence a bien été accomplie. De surcroît, ainsi que le fait ressortir à bon escient, le premier juge, un simple courriel de doléances expédié par le donneur d'ordre demeure insuffisant pour caractériser un manquement de la part de son cocontractant.
De la même manière, il n'est aucunement démontré que le professionnel ait failli à son obligation de fournir au client un exemplaire des conditions générales dans lesquelles figuraient les modalités d'engagement de la garantie due par le vendeur.
Il suit des motifs qui précèdent que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté l'appelant de sa demande de nullité du contrat d'entreprise.
Il ressort des pièces de la procédure que le contrat de prêt souscrit dans les livres de la sociétés Cofidis entre dans la catégorie les contrats régularisés hors établissement et justiciable à ce titre d'un formalisme spécifique. Cependant, l'emprunteur n'a formulé aucun grief sur ce terrain. Il s'ensuit que la résolution du contrat de prêt n'est pas encourue puisque le contrat principal auquel il est adossé a été reconnu valide, aux termes des développements précédents, et source d'obligations pour le souscripteur. Le jugement entrepris sera donc également confirmé en ce qu'il a débouté l'appelant des prétentions dirigées contre l'organisme de crédit.
L'équité ne commande pas de faire application, cas présent, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Chaque partie conservera donc la charge intégrale de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et après en avoir délibéré conformément conformément à la loi :
' Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré.
' Condamne Monsieur [C] [U] aux dépens d'appel, avec distraction au profit de la SCP Letondor-Goy-Letondor-Mairot, aux offres de droit.
' Rejette les demandes formées sur le fondement de l'articler 700 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 24/01034 - N° Portalis DBVG-V-B7I-EZJX
COUR D'APPEL DE BESANÇON
1ère chambre civile et commerciale
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2025
Décision déférée à la Cour : jugement du 25 juin 2024 - RG N°22/00837 - TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 5]
Code affaire : 50A - Demande en nullité de la vente ou d'une clause de la vente
COMPOSITION DE LA COUR :
M. Michel WACHTER, Président de chambre.
M. Philippe MAUREL et Mme Bénédicte UGUEN-LAITHIER , Conseillers.
Greffier : Mme Leila ZAIT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DEBATS :
L'affaire a été examinée en audience publique du 23 septembre 2025 tenue par M. Michel WACHTER, président de chambre, M. Philippe MAUREL et Mme Bénédicte UGUEN-LAITHIER, conseillers et assistés de Mme Leila Zait, greffier.
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
L'affaire oppose :
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [C] [U]
né le 27 Décembre 1955 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Catherine ROUSSELOT, avocat au barreau de BESANCON
ET :
INTIMÉES
S.A.R.L. CAL-HAN
RCS de [Localité 6] n° 802 079 426
sise [Adresse 2]
N'ayant pas constitué avocat
Défaillant, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 11 octobre 2024 au représentant légal.
S.A. COFIDIS
RCS de [Localité 7] Métropole n°325 307 166
sise [Adresse 3]
Représentée par Me Adrien MAIROT de la SCP LETONDOR - MAIROT - GEERSSEN, avocat au barreau de JURA
ARRÊT :
- REPUTE CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Leila Zait , greffier lors du prononcé.
*************
EXPOSE DU LITIGE
Après avoir connu des problèmes de chauffage à son domicile situé à [Localité 4] (25), M. [C] [U] a fait appel à la SARL Cal-Han pour la fourniture et l'installation d'un nouveau système de chauffage plus performant mettant en 'uvre un système de pompe à chaleur. Un bon de commande a ainsi été établi le 11 janvier 2021 pour la livraison et l'installation de deux pompes à chaleur ainsi qu'un ballon thermodynamique moyennant un prix de 24'900 euros.
Le même jour, M. [U] a souscrit un prêt affecté au financement de l'acquisition et de l'installation de l'équipement de chauffage auprès de la SA Cofidis.
M. [U], faisant valoir que n'avait pas été tenue la promesse d'un financement de l'installation par les aides promises, que la société Cal-Han ne s'était pas conformée aux prescriptions du fabricant en installant les pompes à chaleur dans la cave et ne lui avait pas remis la documentation utile, a alors saisi le tribunal judiciaire de Besançon d'une action en nullité du contrat de vente et du crédit auquel ce dernier était affecté et, subsidiairement, à l'effet d'engager la responsabilité des défendeurs afin d'obtenir de leur part le paiement d'une indemnité réparatrice d'un montant de 15'000 euros.
Suivant jugement en date du 24 juin 2024, le tribunal judiciaire de Besançon a statué dans les termes suivants :
'Déboute M. [C] [U] de sa demande de nullité du contrat passé entre lui et la SARL Cal-Han le 11 janvier 2021 ainsi que de sa demande de nullité du contrat de crédit affecté conclu le même jour avec la SA Cofidis.
' Déboute M. [C] [U] de sa demande indemnitaire au titre d'un défaut de conformité
' Condamne M. [C] [U] à payer à la SARL Cal-Han la somme de 1000 euros et à la SA Cofidis la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
' Condamne M. [C] [U] aux entiers dépens de l'instance.
Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal s'est déterminé à partir des motifs suivants :
' Il ne s'évince pas du contrat de vente que le vendeur se soit obligé à une quelconque garantie quant à l'octroi des aides publiques si bien qu'un engagement de cette nature ne participe pas du champ contractuel.
' Si le vendeur s'est obligé à tout mettre en 'uvre pour assister l'acquéreur dans les démarches visant à obtenir un financement public pour son installation de chauffage, il n'est pas démontré qu'il ait failli dans l'exécution de cette obligation.
' Pas davantage il n'est rapporté la preuve de ce que la prohibition d'installation des équipements dans la cave était une recommandation du fabricant alors même qu'il est peu probable que les sous-sols de l'immeuble soient assujettis à un risque de gel.
' Il résulte du contrat que l'acquéreur a reconnu avoir été récipiendaire du manuel d'utilisation et des notes techniques si bien que la preuve de la défaillance de son partenaire contractuel, de ce point de vue, n'est, là encore, nullement rapportée.
Suivant déclaration au greffe en date du 12 juillet 2024, formalisée par voie électronique, M. [C] [U] a interjeté appel du jugement rendu. Dans le dernier état de ses écritures en date du 9 octobre 2024, il invite la cour à statuer dans le sens suivant :
' Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Besançon en date du 25 juin 2024 en ce qu'il a débouté le concluant de sa demande de nullité du contrat passé avec la société Cal-Han le 11 janvier 2021, ainsi que de sa demande de nullité du contrat de crédit affecté conclu le même jour avec la SA Cofidis, débouté le concluant de sa demande indemnitaire au titre du défaut de conformité, débouté les parties de toutes demandes plus amples et contraire, condamné le concluant à payer à la société Cal-Han la somme de 1000 euros et à la SA Cofidis la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, condamné le concluant à supporter les entiers dépens.
Statuant à nouveau :
' Juger que le concluant est recevable et fondé en sa demande de nullité du contrat souscrit avec la société Cal-Han et, par voie de conséquence, du crédit affecté conclu avec la société Cofidis pour cause de vice du consentement en raison de l'erreur sur les qualités essentielles de la chose vendue.
' Prononcer la nullité du contrat de vente et de prestation de services, et du contrat de crédit affecté accessoire, avec toutes les conséquences de droit et de fait d'une telle nullité, notamment en termes de restitution.
' Juger, en cas de nullité du contrat principal entraînant la nullité du contrat de crédit affecté, au visa de l'article L.311-32 du code de la consommation que la restitution du capital emprunté sera à la charge totale et exclusive de la société Cal-Han et condamner ladite société au remboursement de ce capital versé directement entre les mains de la société Cofidis.
Subsidiairement :
' Juger le concluant recevable bien-fondé en sa demande d'indemnisation à l'encontre de la société Cal-Han.
' Condamner la société Cal-Han à payer au concluant la somme de 15'000 euros à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudice confondues.
' Débouter les sociétés Cal-Han et Cofidis de l'intégralité de leurs prétentions.
' Les condamner à lui payer la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 CPC, outre les entiers dépens avec distraction au profit de Me Catherine Rousselot aux offres de droit.
Il fait valoir, à l'appui de ses prétentions, les moyens et arguments suivants :
' Le prestataire s'était engagé à effectuer l'ensemble des démarches utiles à l'obtention des aides publiques ce qui s'est avéré impossible puisqu'il ne bénéficiait pas de la certification (RGE) lui permettant d'y procéder. La privation de cette source de financement a été pour lui particulièrement dommageable puisqu'il n'a pas été en mesure d'honorer les échéances de remboursement du prêt.
' La société Cal-Han a manqué à son obligation de délivrance conforme puisqu'elle n' a émis aucune facture à la suite des travaux d'installation réalisés et sur lesquelles devaient figurer les conditions de mobilisation de la garantie du vendeur. Elle s'est également abstenue de lui fournir les fiches techniques relatives aux équipements installés. Enfin, elle n'a pas respecté les directives du fabricant s'agissant de l'installation du dispositif dans un endroit du logement exposé au gel.
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Dans des écritures responsives et à portée récapitulative en date du 6 décembre 2024, la SA Cofidis a fait valoir les moyens, fins et prétentions suivants :
' Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Besançon le 25 juin 2024 en ce qu'il a débouté M. [C] [U] de l'intégralité de ses demandes.
Subsidiairement :
' Condamner M. [C] [U] à rembourser à la société concluante l'intégralité des sommes empruntées, soit 24'900 euros outre intérêts.
' Condamner la société Cal-Han à garantir M. [C] [U] du remboursement du prêt contracté auprès de la société concluante.
' Condamner la partie succombante à payer à la concluante la somme de 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec distraction au profit de la SCP Letondor-Goy-Letondor-Mairot pour la partie dont elle justifierait avoir fait l'avance.
Elle soutient, à cet égard, que :
' Elle n'a procédé au déblocage des fonds qu'une fois les travaux achevés et après réception d'une attestation en ce sens.
' Le défaut de conformité s'apprécie par rapport aux qualités substantielles de la chose vendue au sens des dispositions du code de la consommation. En l'occurrence, et ainsi que l'a retenu à bon escient le premier juge, l'absence d'éligibilité du client au dispositif d'aide publique ne peut engager la responsabilité du prestataire.
' Aucune faute ne peut être imputée à la société concluante dans la souscription du prêt. L'organisme prêteur ne saurait donc être privé de son droit à restitution.
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La société Cal-Han n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel et les conclusions d'appelant lui ont été signifiées, et remises au représentant légal, par acte de commissaire de justice en date du 11 octobre 2024.
Il sera statué par arrêt réputé contradictoire.
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La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 6 mai 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
M. [U] fait essentiellement grief à la société locatrice d'ouvrage de s'être engagée à procéder aux démarches utiles à l'obtention des aides publiques alors que le versement de celles-ci n'était nullement garanti et qu'en conséquence le coût de l'acquisition des équipements est devenu pour lui particulièrement dispendieux. Il est également fait grief au prestataire de services de s'être affranchi des recommandations du fabricant et de n'avoir pas fourni les fiches techniques relatives au fonctionnement des appareillages mis en place.
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L'appelant reproche à son partenaire contractuel de l'avoir induit en erreur au sujet des avantages d'un dispositif de chaufage en conformité avec les exigences tirées de la transition écologique dont les aides publiques devaient lui assurer la couverture intégrale de l'investissement entrepris.
Aux termes de l'article 1133 du code civil :
« Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté. L'erreur est une cause de nullité qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie.'
Sous l'empire du droit positif antérieur à la réforme initiée par l'ordonnance du 10 février 2016 ayant donné lieu à la promulgation de l'article de loi précité, l'erreur sur un motif du contrat, extérieur à l'objet de celui-ci n'était pas une cause de nullité de la convention quand bien même il aurait été déterminant en l'absence de stipulation expresse le faisant entrer dans le champ contractuel en l'érigeant en condition du contrat (Cass. 3° Civ. 14 décembre 2017 n° 16- 24. 108). Il s'en déduisait qu'à défaut d'introduction dans le périmètre du champ contractuel de la cause impulsive de l'engagement, la nullité de celui-ci ne pouvait être invoquée. La rigueur de ce principe a cependant été atténuée par la référence à des causes subjectives qui, quand bien même ne seraient-elles pas exprimées de manière littérale dans les clauses contractuelles, peuvent néanmoins être prises en compte pour déterminer l'objet même du consentement parties. Il s'en déduit que l'objet et le but de la prestation sur lesquels les parties ont fondé leur accord peuvent-être tacites si l'enjeu et les circonstances dans lesquels la convention a été souscrite lui confèrent un caractère déterminant (Cass. 3° Civ. 6 juillet 2023 n° 22- 16. 999). C'est donc cette faculté de s'affranchir des termes stricts des stipulations du contrat qu'a consacré l'article 1133 précité en faisant référence à un consentement tacite.
Dès lors, et contrairement aux postulats sur lequel s'est fondé le premier juge pour écarter toute demande d'anéantissement du contrat de fourniture et de prestation de louage d'ouvrage, la circonstance que l'octroi d'aides publiques au financement de l'opération n'ait pas été expressément évoquée dans le corps de l'acte formalisant l'engagement, ne constitue pas de manière univoque, un motif de rejet du demandeur à la nullité.
En l'occurrence, il est produit au dossier de la procédure une fiche de renseignements récapitulant l'ensemble des formalités à l'exécution desquelles était tenue l'entreprise installatrice. Ainsi, les démarches devaient être entamées de sa part à l'effet de finaliser le montage financier permettant d'optimiser les gains devant s'imputer, en moins-value, sur le coût de l'investissement réalisé. L'économie escomptée n'était donc pas manifestement exclusive de l'intention de contracter manifestée par M. [U].
Toutefois, il n'est aucunement spécifié dans l'acte que l'accomplissement de ces formalités constitue, pour la société débitrice, une obligation de résultat. Il n'est par ailleurs nullement indiqué dans les pièces contractuelles que les aides publiques ou les crédits d'impôt accordés au maître de l'ouvrage couvrent nécessairement, sur le plan financier, le prix de revient de l'équipement installé et qu'il se soit agi là d'une condition déterminante du consentement du client donneur d'ordre. Dès lors, à la lecture du document susvisé par lequel le fournisseur et installateur se charge d'entamer les démarches auprès d'organismes publics en vue d'alléger le coût de l'installation d'un dispositif de chauffage, aides au demeurant ne devant jamais être regardées comme intangibles et constituer un droit acquis pour tout usager qui en fait la demande, il ne peut être admis que la prise en charge, totale ou partielle, par un organisme tiers constitue une cause impulsive du consentement de l'acquéreur..
Enfin, les dispositions légales nouvelles, auxquelles une jurisprudence antérieure avait ouvert la voie, n'ont pas pour autant fait disparaître la règle selon laquelle l'erreur sur l'opportunité économique de procéder à l'installation d'équipements nouveaux, n'est jamais une cause de nullité (arrêt précité de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 6 juillet 2023).
Il suit de là que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté l'appelant de sa demande de prononcé de la nullité du contrat de fourniture et de louage d'ouvrage.
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Sur un plan purement matériel et technique, l'appelant fait grief à la société locatrice d'ouvrage d'avoir méconnu les recommandations du fabricant en vertu desquelles les équipements de chauffage ne pouvaient être installés dans la cave dans la mesure où ils étaient exposés à un risque de gel. Le premier juge a rejeté les griefs ainsi formulés par référence aux dispositions de l'article L. 217-3 du code de la consommation relatif à la responsabilité du professionnel pour défaut de conformité. Il convient de relever que les recommandations de fabricant, dès l'instant où elles ne sont pas visées expressément dans l'acte contractuel formalisant l'engagement des parties, sont elles-mêmes dépourvues de toute valeur conventionnelle et ne peuvent, de manière intrinsèque, constituer un référentiel pour les règles de l'art auxquelles l'entrepreneur exécutant est nécessairement soumis. En outre, et quand bien même le fabricant a expressément indiqué que l'installation d'appareillage dans une cave n'était pas recommandée en l'absence de stipulation énoncées dans le bon de commande ou tout autre document à portée contractuelle certaine, la faute du prestataire ne peut être engagée que moyennant la preuve d'un dommage, lequel ne ressort aucunement des faits de l'espèce. Surabondamment, il sera observé que le risque que le phénomène de gel se produise dans une cave d'un local d'habitation apparaît singulièrement limité, y compris dans des zones exposées au grand froid.
Il est enfin reproché à la société Cal-Han de n'avoir fourni que tardivement les fiches techniques afférentes au dispositif de chauffage mis en place. Il ressort néanmoins de la signature du formulaire attestant de la régularisation de cette formalité par le producteur, que cette diligence a bien été accomplie. De surcroît, ainsi que le fait ressortir à bon escient, le premier juge, un simple courriel de doléances expédié par le donneur d'ordre demeure insuffisant pour caractériser un manquement de la part de son cocontractant.
De la même manière, il n'est aucunement démontré que le professionnel ait failli à son obligation de fournir au client un exemplaire des conditions générales dans lesquelles figuraient les modalités d'engagement de la garantie due par le vendeur.
Il suit des motifs qui précèdent que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté l'appelant de sa demande de nullité du contrat d'entreprise.
Il ressort des pièces de la procédure que le contrat de prêt souscrit dans les livres de la sociétés Cofidis entre dans la catégorie les contrats régularisés hors établissement et justiciable à ce titre d'un formalisme spécifique. Cependant, l'emprunteur n'a formulé aucun grief sur ce terrain. Il s'ensuit que la résolution du contrat de prêt n'est pas encourue puisque le contrat principal auquel il est adossé a été reconnu valide, aux termes des développements précédents, et source d'obligations pour le souscripteur. Le jugement entrepris sera donc également confirmé en ce qu'il a débouté l'appelant des prétentions dirigées contre l'organisme de crédit.
L'équité ne commande pas de faire application, cas présent, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Chaque partie conservera donc la charge intégrale de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et après en avoir délibéré conformément conformément à la loi :
' Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré.
' Condamne Monsieur [C] [U] aux dépens d'appel, avec distraction au profit de la SCP Letondor-Goy-Letondor-Mairot, aux offres de droit.
' Rejette les demandes formées sur le fondement de l'articler 700 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,