CA Versailles, ch. soc. 4-4, 26 novembre 2025, n° 23/02677
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-4
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 26 NOVEMBRE 2025
N° RG 23/02677
N° Portalis DBV3-V-B7H-WDGU
AFFAIRE :
[S] [A]
C/
Société SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES
Décision déférée à la cour : Jugement rendu
le 22 juin 2023 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
Section : E
N° RG : F 22/02186
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Oriane DONTOT
Me Denis PELLETIER
Copie numérique adressée à:
France Travail
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [S] [A]
née le 6 mai 1981 à [Localité 7]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617
Plaidant,: Me Joëlle HOFFMAN de la SELARL LA BATIE HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0206 -
APPELANTE
****************
Société SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES
N° SIRET : 954 503 439
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Denis PELLETIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R006
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 septembre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller faisant fonction de président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Laurent BABY, Conseiller faisant fonction de président,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère,
Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère,
Greffière en préaffectation lors des débats : Meriem EL FAQIR,
Greffière lors du prononcé : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Mme [A] a été engagée par la société Schneider electric industries le 25 juillet 2013, par contrat à durée indéterminée, en qualité de responsable des relations institutionnelles, ce contrat prenant effet au 4 novembre 2013.
La société Schneider electric industries a pour domaine d'activité le commerce de gros à l'exception des automobiles et des motocycles. L'effectif de la société était au jour de la rupture du contrat de travail de plus de 11 salariés.
La convention collective nationale applicable est celle des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
La salariée a été placée en arrêt de travail du 7 mars au 14 juin 2022.
Par lettre du 10 juin 2022, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société Schneider electric industries.
Par requête des 29 novembre 2022, Mme [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de requalification de la prise d'acte aux torts exclusifs de son employeur en licenciement nul et en paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Par un jugement du 22 juin 2023, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section encadrement) a':
. dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail aux torts de la société Schneider electric industries de Mme [A] produit les effets d'un licenciement nul,
. débouté Mme [A] des dommages-intérêts pour préjudice distinct quant à la nullité du licenciement,
. condamné la société Schneider electric industries à payer à Mme [A] la somme de 14'896,14 euros brut au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
. condamné la société Schneider electric industries à payer à Mme [A] les sommes de 17'889,69 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1'788,96 euros au titre des congés payés afférents,
. débouté Mme [A] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement,
. débouté Mme [A] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention,
. débouté la société Schneider electric industries de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
. acté l'engagement pris par Mme [A] en audience du 22 mars 2023 pour la restitution des matériels appartenant à la société Schneider electric industries, badge, ordinateur portable, téléphone portable et carte de paiement Amex sous huit jours à compter de la date d'audience du 22 mars 2023,
. dit l'exécution provisoire de plein droit sur les montants au titre de la rémunération et les congés afférents,
. rappelé qu'aux termes des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail sont exécutoires de droit à titre provisoire les jugements ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat de travail') ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l'article R. 1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mensualités,
. condamné la société Schneider electric industries à payer à Mme [A] la somme de 2'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
. condamné la société Schneider electric industries aux intérêts légaux et à la capitalisation des intérêts,
. débouté la société Schneider electric industries de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration au greffe le 28 septembre 2023, Mme [A] a interjeté appel.
L'affaire a été clôturée par ordonnance du 2 septembre 2025.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 juillet 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [A] demande à la cour de :
. infirmer le jugement rendu le 22 juin 2023 par le conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a':
. limité la condamnation de la société Schneider electric industries au titre des dommages-intérêts pour discrimination alloués à Mme [A] à la somme de 30 000 euros (principe de condamnation non repris dans le dispositif du jugement du conseil de prud'hommes par suite d'une erreur matérielle qu'il sera demandé à la cour de rectifier)
. débouté Mme [A] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct quant à la nullité du licenciement
. débouté Mme [A] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement
. débouté Mme [A] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention
. limité la condamnation de la société Schneider electric industries au titre de l'article 700 à la somme de 2500 euros
. le confirmer en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de Mme [A] devait produire les conséquences d'un licenciement nul en raison de la discrimination dont elle a été victime, et a condamné la société Schneider electric industries à payer les sommes suivantes':
. indemnité conventionnelle de licenciement 14'896,14 euros
. indemnité compensatrice de préavis (3 mois) 17'889,69 euros
. indemnité de congés payés sur préavis 1'788,96 euros
statuant à nouveau,
. juger recevable l'intégralité des demandes de Mme [A],
. condamner la société Schneider electric industries à payer les sommes suivantes':
. dommages-intérêts pour licenciement nul': 72'065,64 euros,
. dommages-intérêts pour discrimination': 609'480,79 euros,
. dommages-intérêts pour harcèlement': 35'780 euros,
. dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention': 35'780 euros,
. article 700 du code de procédure civile': 5'000 euros,
. intérêts légaux et capitalisation des intérêts,
. dépens,
à titre subsidiaire,
. si la cour estime que les conditions de la discrimination ne sont pas réunies, condamner la société Schneider electric industries à payer la somme suivantes': dommages-intérêts pour inégalité de traitement 609'480,79 euros,
. débouter la société Schneider electric industries de son appel incident et, plus généralement, de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 31 juillet 2025 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Schneider electric industries demande à la cour de':
. constater que le jugement entrepris a statué sur une demande de dommages-intérêts pour licenciement nul que n'avait pas formée Mme [A],
En conséquence,
. retrancher le dispositif dudit jugement, page 10, la disposition suivante': «'débouté Mme [A] des dommages-intérêts pour préjudice distinct quant à la nullité du licenciement'»,
. infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a':
. dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de la société Schneider electric industries de Mme [A] produit les effets d'un licenciement nul,
. condamné la société Schneider electric industries à payer à Mme [A] les sommes suivantes':
. 14 896,14 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
. 17 889,69 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 1 788,96 euros à titre de congés payés y afférents,
. 30 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination (condamnation résultant des motifs du jugement omise par son dispositif),
. 2 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
. le confirmer pour le surplus,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
. juger irrecevable la demande de dommages-intérêts pour licenciement nul,
. débouter Mme [A] du surplus de ses demandes,
A titre subsidiaire,
. débouter Mme [A] de l'ensemble de ses demandes,
En tout état de cause,
. condamner Mme [A] à payer à la société Schneider electric industries les sommes de':
. 17'889,69 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 5'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. la condamner aux entiers dépens.
MOTIFS
Sur la discrimination, l'inégalité de traitement et le harcèlement moral
Il ressort de l'article L. 1132-1 du code du travail qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son sexe.
Il n'appartient pas au salarié qui s'estime victime d'une discrimination d'en prouver l'existence. Suivant l'article L. 1134-1, il doit seulement présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l'article L. 1154-1 dans sa version applicable à l'espèce, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Enfin, le principe de l'égalité de traitement impose à l'employeur d'assurer une égalité de rémunération entre tous les salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale. Il appartient d'abord au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une différence de traitement et il appartient ensuite à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence et dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.
Il résulte de ce principe que la seule différence de diplômes ne permet pas de fonder une différence de traitement entre des salariés qui exercent les mêmes fonctions sauf s'il est démontré par des justifications, dont il appartient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, que la possession d'un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l'exercice de la fonction occupée.
En l'espèce, la salariée, qui dénonce à la fois une discrimination en raison de son sexe associée à une inégalité de traitement et un harcèlement moral, soumet à la cour plusieurs faits':
. S'agissant de la discrimination sexuelle et l'inégalité de traitement dont elle prétend avoir fait l'objet': le fait qu'elle a eu une progression de carrière anormale dès lors qu'elle a repris les fonctions d'un prédécesseur masculin sans avoir été classée au même niveau (son prédécesseur ayant occupé des fonctions de directeur des relations institutionnelles alors qu'elle n'a été recrutée qu'en qualité de responsable des relations institutionnelles) et sans percevoir la même rémunération que lui, et dès lors qu'un collègue de même niveau qu'elle ' M. [D] ' a pour sa part connu une évolution de carrière l'amenant à être rémunéré au grade 10 alors qu'elle-même est demeurée au grade 7';
. le fait qu'elle n'a pas eu une progression de carrière normale puisque son salaire et son grade n'ont pas évolué, alors que sa charge de travail a régulièrement augmenté.
. S'agissant du harcèlement moral':
. la discrimination dont elle a fait l'objet,
. son invisibilisation par son supérieur hiérarchique et sa dépréciation,
. des injonctions contradictoires,
. l'entretien d'une terreur permanente,
. la dégradation de son état de santé.
En ce qui concerne la discrimination sexuelle et l'inégalité de traitement, il ressort des débats que M. [V] a occupé une fonction de directeur des relations institutionnelles au sein de la société Schneider electric industries jusqu'en mars 2013. La salariée, quant à elle, a été engagée par la société le 25 juillet 2013 en qualité de responsable des relations institutionnelles France ainsi que le montre son contrat de travail (pièce 1 de la salariée). Son contrat a pris effet le 4 novembre 2013.
En revanche, la société conteste le fait que Mme [A] aurait remplacé poste pour poste M. [V].
Selon les pièces versées aux débats par la salariée, qu'il s'agisse d'attestations de collègues ayant travaillé comme salariés de la société Schneider electric industries (pièces 10, 12, 14, 31, 41, 42, 43) ou bien de sa carte de visite (pièce 13': «'[S] [A] Directeur des relations institutionnelles & partenariats France ' Direction développement durable'»), d'informations issues du site web de la société (pièce 28) ou bien de courriels internes à la société (pièce 14 ' courriel du 13 novembre 2013 «'[S] viendra elle remplace [X] à son [poste](*) d'influence'» ' (*) «'piste'» dans le texte original étant ici précisé que la touche «'i'» jouxte la touche «'o'» sur un clavier AZERTY) ou encore de comptes rendus officiels (pièce 23 ' compte-rendu d'une mission de l'assemblée nationale d'information sur les freins à la transition énergétique en date du 15 novembre 2018 présentant Mme [A] comme «'directrice des affaires institutionnelles'») ou enfin d'attestations rédigées par des interlocuteurs externes à la société Schneider electric industries (pièces 30 (interlocuteur travaillant à l'assemblée nationale), 32 (interlocuteur travaillant auprès du syndicat professionnel Gimélec qui regroupe les opérateurs en matière d'électricité), 33 (interlocuteur salarié de la société Boury, Tallon & associés, cabinet en affaires publiques et lobbying), celle-ci était perçue par ses collègues et interlocuteurs comme ayant remplacé poste pour poste M. [V] en qualité, non pas de responsable des relations institutionnelles mais comme directrice des relations institutionnelles de la société Schneider electric industries.
Les attestations circonstanciées et précises des multiples témoins ayant collaboré avec la salariée qu'ils appartiennent ou non à la société, associées aux nombreux autres éléments qu'elle verse aux débats, tels que sa carte de visite, les informations issues du site internet de la société, le compte-rendu de la mission de l'assemblée nationale, les courriels internes, accréditent unanimement que, comme elle le soutient, elle occupait en réalité une fonction identique à celle de M. [V].
Or, il ressort de la lecture de leur contrat de travail respectif':
. que M. [V] a été engagé en qualité de «'directeur relations publiques France'» sous la responsabilité de M. [L] [N], position IIIA indice 135 de la convention collective (cf. contrat de travail de M. [V] en date du 26 mars 2010 ' pièce 21 de l'employeur), moyennant une rémunération de 98'300 euros annuels outre un «'bonus cible'» de 16'711 euros et donc, une «'rémunération totale annuelle cible'» de 115'011 euros';
. que Mme [A] a été engagée en qualité de «'responsable des relations institutionnelles France'» sous la responsabilité du même M. [L] [N], position II indice 114 de la convention collective (cf. contrat de travail de la salariée ' sa pièce 1), moyennant une rémunération de 52'000 euros annuels outre un «'bonus cible'» de 2'600 euros et donc, une «'rémunération totale annuelle cible'» de 54'600 euros.
Par conséquent, alors que, quoique sous une appellation différente, les deux salariés ont successivement occupé les mêmes fonctions, le premier a perçu une rémunération plus de deux fois supérieure à la seconde.
Par ailleurs, en ce qui concerne son évolution de carrière, la salariée est entrée au service de la société Schneider electric industries en juillet 2013 à la position II, indice 114. Son contrat de travail a pris fin lorsque, le 10 juin 2022 soit environ neuf ans plus tard, elle a pris acte de la rupture de ce contrat.
Entre temps, la salariée a été promue à la position IIIA indice 135 le 1er mai 2018 avec effet rétroactif au 1er avril 2018 (pièce 4 de l'employeur). Elle produit en pièce 3 ses bulletins de paie entre mai 2021 et juin 2022 montrant qu'elle était rémunérée à la position IIIA indice 135, comme M. [V] lorsqu'il est entré en fonction chez la société Schneider electric industries.
Par conséquent, Mme [A] n'a atteint la position de son prédécesseur masculin ' qui l'avait, pour sa part, acquise dès son entrée en fonction ' que près de cinq ans après la signature de son contrat de travail.
Au surplus, la salariée a conservé sa position IIIA jusqu'à la rupture du contrat de travail, c'est-à-dire entre le 1er avril 2018 et le mois de juin 2022, soit pendant quatre ans.
Or, comme en atteste Mme [R] (global vice présidente pour l'engagement des salariés et la diversité pour l'ensemble du groupe Schneider electric) «'il est clair que son (note de la cour': il est question de Mme [A]) niveau de reconnaissance en terme de grade surtout et donc de rémunération par rapport à son prédécesseur et les postes de même niveau d'intervention s'avère bien inférieur à son niveau de responsabilité'» (pièce 9 de la salariée). Mme [R], qui lorsqu'elle a rédigé son témoignage, ne faisait plus partie de la société Schneider electric industries, ajoute': «'J'ai pu constater que chez Schneider electric comme dans beaucoup d'organisations, et ce malgré les politiques menées en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, des pratiques de «'traitements'» différenciés entre les femmes et les hommes persistaient. Et particulièrement pour les promotions et le positionnement dans les grades.'».
En outre, la cour observe que les bulletins de paie de M. [V] (pièce 49 de l'employeur) et ceux de la salariée (pièce 3 de la salariée) montrent qu'alors qu'ils étaient tous deux (M. [V] en 2012 et Mme [A] en 2021/2022) à la position IIIA et tous deux cadres soumis à un forfait annuel en jours':
. le salaire mensuel brut de base de M. [V] s'élevait à 8'491,66 euros en janvier 2012 et 8'355,49 euros en décembre 2012 (l'ancienneté du salarié remontant au 3 mai 2010)';
. tandis que celui de Mme [A] s'élevait à 4'973,48 euros en mai 2021 et à 5'222,15 euros en avril 2022 (son ancienneté remontant au 4 novembre 2013).
Par conséquent, même la promotion de la salariée à la position IIIA, comme celle initialement accordée à M. [V], ne lui pas permis de parvenir à la même rémunération que son prédécesseur.
Par ailleurs, la salariée se compare à M. [D] qui occupait en mars 2022, un poste de directeur (director, global strategy & Prospective & External affairs).
Dans un courriel du 1er mars 2022 (pièce 15 de la salariée), M. [D] écrit à la salariée qu'il est au grade 10, étant ici relevé que, bien que ce grade n'apparaisse nulle part dans son contrat de travail ou dans ses bulletins de paie, il n'est pas contesté que la salariée était quant à elle au grade 7. La salariée montre au surplus (pièces 16 et 17) que son positionnement hiérarchique était identique à celui de M. [D] eu égard au nombre d'échelons hiérarchiques la séparant du Chief executive officer (3 échelons hiérarchiques tant en ce qui concerne la salariée que M. [D]).
L'attribution du grade 7 à la salariée est jugée par Mme [Y], elle aussi directrice au sein de la société Schneider electric industries, de la façon suivante': «'En reportant à un senior Vice President, à savoir à 3 niveaux hiérarchiques du PDG, les grades rencontrés sont au minimum de 10 et bien souvent 11 (Vice Président). Nous avons immédiatement identifié un écart avec [S], qui était à un grade 7. Moi-même, dont le niveau hiérarchique n'était pas aussi élevé que celui d'[S] en 2015, j'avais à l'époque un grade 9.'» (pièce 8 de la salariée).
Ces faits, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination sexuelle et une inégalité de traitement.
Il revient donc à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Il lui revient aussi de justifier de la différence de traitement par des éléments objectifs.
S'agissant de M. [V], la société expose que le profil de ce dernier se distinguait en tous points de celui de Mme [A] tant en termes de connaissances professionnelles que de capacités découlant de l'expérience acquises et de responsabilités exercées.
A cet égard, la société établit que M. [V] est diplômé de l'école polytechnique (promotion 1997) puis de Télécom [Localité 7] (2002), laquelle fait partie de la conférence des grandes écoles et qu'avant d'intégrer en mai 2010 la société Schneider electric industries, il avait exercé pendant plusieurs années des fonctions salariales auprès d'opérateurs institutionnels':
. pendant deux ans et un mois des fonctions de conseiller technique au sein du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer entre 2008 et 2010';
. et des fonctions de «'Mobile operators licensing chief'» au sein de l'arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) entre 2004 et 2008 (pièce 37 de l'employeur).
Pour sa part, la salariée a obtenu une maîtrise d'histoire à l'université [Localité 7] I Panthéon Sorbonne en 2003, une licence de philosophie au sein de la même université en 2004, un master de sciences politiques affaires européennes en 2007 auprès de l'IEP de [Localité 6] et un diplôme de compétence en langue arabe en 2012. Lorsqu'elle a été engagée en 2013 par la société Schneider electric industries, elle disposait d'une expérience professionnelle (hors stages) de 5 ans et 4 mois pour avoir été chargée de relations publiques (fiscalité automobile monde et véhicule électrique) au sein de la société Renault (pièce 27 de l'employeur).
La cour ne peut que constater que M. [V] était titulaire de diplômes d'ingénieur acquis auprès d'écoles particulièrement sélectives offrant des débouchés de très haut niveau à l'ensemble de leurs titulaires. La nature sélective des diplômes de M. [V] associée aux débouchés offerts à ses copromotionnaires, occupant eux aussi des postes de haut niveau, le destinaient tout particulièrement à un poste de relations institutionnelles. Aussi est-il établi que la possession, par M. [V], de ses diplômes lui apportaient des connaissances particulières utiles à l'exercice de la fonction occupée dont la dimension «'influence'» est essentielle.
Au surplus, M. [V] avait, avant d'être engagé par la société Schneider electric industries, occupé des fonctions au sein d'opérateurs institutionnels (Ministère et autorité de régulation) le destinant tout particulièrement à occuper chez la société Schneider electric industries un poste aux relations institutionnelles, ce que confirme au demeurant M. [O], salarié de la société, qui témoigne, à propos de M. [V], qu'il avait «'de nombreux contacts avec la sphère publique suite à son précédent poste de conseiller technique auprès du ministère de l'écologie (')'» (pièce 40 de l'employeur).
S'agissant de M. [D], la société prouve que la différence de traitement avec la salariée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. En effet, M. [D] a été engagé par la société en 2010, soit trois ans avant la salariée et surtout, M. [D] exerce des fonctions d'encadrement au contraire de la salariée qui, elle, n'encadre aucune équipe comme en témoigne sa pièce 17 qui associe à son nom la mention suivante': «'[S] [A] has no direct reportee'».
Partant, limitant l'examen de la situation de la salariée à la comparaison de sa situation avec celle de MM. [V] et [D], la cour retient que l'employeur justifie ses décisions par des raisons objectives et justifie tout aussi objectivement de la différence de traitement constatée.
S'agissant de M. [H] [E], successeur de Mme [A] et donc appartenant au cercle des égaux': la cour relève que la salariée ne se comparait initialement pas à son successeur et qu'elle indique que sa comparaison avec M. [H] [E] est dénuée de pertinence dès lors, selon elle, «'que la situation que doit prendre en considération la cour est bien la période durant laquelle Mme [A] était en poste et discriminée. Le sort réservé à un salarié après le départ de Mme [A] n'apporte aucun élément sur la situation de la salariée à l'époque des faits'».
Néanmoins, dès lors que l'employeur présente la situation du successeur de la salariée, un débat oppose là aussi les parties sur la situation de ces salariés au regard de la discrimination et de l'inégalité de traitement ici examinées.
A cet égard, il importe de relever que M. [H] [E] a dès le départ (décembre 2022) été engagé comme «'responsable relations institutionnelles de la business unit Corporate citizenship'», sous la responsabilité du même M. [N], à la position III A ' indice 135 (pièce 47 de l'employeur), position que Mme [A] n'avait acquise qu'après 5 années passées au même poste. La rémunération initiale de base de M. [H] [E] a été fixée à 68'000 euros (5'666,67 euros bruts mensuels) pouvant être élevée à 76'160 euros annuels par l'effet d'un bonus cible. En comparaison, il convient de rappeler que Mme [A] avait été engagée en 2013 à la position II indice 114 de la convention collective, moyennant une rémunération de base de 52'000 euros annuels outre un «'bonus cible'» de 2'600 euros et donc, une «'rémunération totale annuelle cible'» de 54'600 euros.
Par ailleurs, au dernier état de la relation contractuelle, la salariée percevait une rémunération mensuelle brute de base de 5'222,15 euros, à comparer à la rémunération mensuelle brute de base de M. [H] [E] qui, dès l'origine de la relation contractuelle, a été fixée à 5'666,67 euros bruts mensuels.
Là encore, la salariée se prévaut d'éléments factuels de nature à laisser supposer tant une inégalité de traitement qu'une discrimination sexuelle.
Il revient donc à l'employeur, là encore, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Il lui revient aussi de justifier de la différence de traitement par des éléments objectifs.
Pour en justifier, l'employeur se fonde sur le profil, selon lui plus adapté au poste, de M. [H] [E].
Celui-ci (pièce 48 de l'employeur) disposait d'un Master I en droit européen ([Localité 7] II Panthéon [Localité 5]- 2013) d'un Master II Études politiques ([Localité 7] II Panthéon [Localité 5] ' 2014), d'un Master II en apprentissage en Affaires publiques ([Localité 7] Dauphine ' 2015).
Il avait acquis une expérience professionnelle (hors stages) de chargé de mission en Affaires publiques chez Airbus (de septembre 2014 à octobre 2015), de chargé de mission affaires publiques auprès d'une société de conseil en affaires publiques (de janvier 2016 à septembre 2017), de chef de projet environnement et industrie auprès du groupe Afnor (de septembre 2017 à janvier 2021), de chef de programmes, partenariats et affaires réglementaires CEE auprès d'Eni Energies et services (de janvier 2021 à février 2023), puis de co-fondateur ' conseiller Plaidoyer/Affaires publiques de la fédération Mode circulaire, fédération qui représente les entreprises de la mode circulaire, du recyclage textile au retail. Il en résulte que M. [H] [E], lorsqu'il a été engagé par la société Schneider electric industries selon un contrat de décembre 2022 à effet à février 2023, jouissait d'une expérience professionnelle de près de 8 années (septembre 2014 ' décembre 2022).
Ainsi qu'il a été relevé plus haut, la salariée, pour sa part, avait une expérience professionnelle moindre (5 ans et 4 mois) et des diplômes équivalents lorsqu'elle-même a été engagée.
Ceci étant précisé, il convient de rappeler que lorsque la salariée a quitté la société en juin 2022, elle avait acquis une expérience professionnelle de près de 14 ans, soit':
. ses 5 ans et 4 mois avant son entrée en fonction auprès de la société Schneider electric industries,
. outre son ancienneté de près de 8 ans et 7 mois (4 novembre 2013 ' 10 juin 2022) au sein de la société Schneider electric industries qui n'a jamais mis en cause ses qualités professionnelles ainsi que le montrent ses évaluations annuelles.
Par conséquent, alors que la salariée percevait au terme de son contrat de travail une rémunération de base de 5'222,15 euros avec une expérience professionnelle de 14 ans dont 8 ans et 7 mois à un poste de responsable des relations institutionnelles, M. [H] [E] qui disposait d'une expérience professionnelle moindre de 8 années, a, lui, perçu une rémunération de 5'666,67 euros bruts mensuels.
Les seuls diplômes de M. [H] [E], comparables à ceux de la salariée, ne suffisent à expliquer que M. [H] [E] ait perçu, dès l'origine, une rémunération supérieure à celle que percevait la salariée lorsqu'elle a quitté la société.
Cette différence de traitement ne s'explique pas par des raisons objectives.
Il en résulte que la discrimination sexuelle et l'inégalité de traitement sont établies.
En ce qui concerne la réparation du préjudice qui en découle, la cour a retenu que l'employeur justifiait par des raisons objectives la différence de traitement réservée à la salariée lorsqu'elle était comparée à MM. [V] et [D].
La différence de traitement et la discrimination n'a été identifiée qu'au regard de la situation respective de la salariée et de son successeur M. [H] [E]. Le préjudice de la salariée doit donc être évalué à l'aune de la situation de ce dernier de sorte que le salaire de référence de la salariée sera arrêté à la somme de 76'160 euros bruts annuels (soit 6'346,66 euros bruts mensuels).
Selon le calcul que la salariée soumet à la cour (p. 44 de ses conclusions), qui a pour assiette sa seule rémunération au dernier état de la relation contractuelle (68'634,03 euros annuels), le manque à gagner résultant de la différence de traitement dont elle a été victime s'établit à 7'525,97 euros par an.
Cette différence de traitement n'affecte cependant pas toute la période de la relation contractuelle. Par comparaison avec M. [H] [E] qui avait une expérience professionnelle de 8 années, la salariée avait pour sa part acquis une expérience professionnelle comparable de 8 années deux ans et huit mois après le début de son contrat de travail le 4 novembre 2013 soit à compter du 4 juillet 2016.
Le préjudice de la salariée s'étend en conséquence du mois de juillet 2016 au mois de juin 2022, mois de sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail soit pendant 5 ans et 11 mois, ce qui représente un préjudice de 44'530 euros.
A ce préjudice s'ajoutent un préjudice lié au différentiel d'indemnité de licenciement (en effet, ainsi qu'il sera vu plus loin, la salariée fonde sa demande d'indemnité de licenciement sur la base de la rémunération qu'elle a effectivement perçue au cours des derniers mois de la relation contractuelle) ainsi qu'un préjudice moral du fait de l'absence de reconnaissance professionnelle.
Ainsi, toutes causes de préjudices confondues, le préjudice total résultant de la discrimination de la salariée est évalué à la somme de 100'000 euros.
Le conseil de prud'hommes, bien qu'ayant statué sur la discrimination dans les motifs de son jugement, n'a pas, dans son dispositif, repris la condamnation de 30'000 euros qu'il accordait à la salariée en raison de la discrimination qu'il tenait pour établie.
Selon l'article 462 alinéa 1 du code de procédure civile les erreurs ou omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.
Le jugement argué d'erreur est réputé déféré à la cour d'appel et ne peut plus être rectifié que par elle à compter de l'inscription de l'appel au rôle de la cour.
Comme rappelé ci-avant, le jugement n'a pas repris dans son dispositif la condamnation de 30'000 euros qu'il accordait pourtant à la salariée dans ses motifs.
Il s'agit là d'une omission matérielle qu'il convient de réparer ainsi qu'il sera dit dans le dispositif qui suit.
Ainsi, par voie de réformation du jugement rectifié, il convient de condamner l'employeur à payer à la salariée la somme de 100'000 euros en réparation du préjudice consécutif à la discrimination sexuelle et l'inégalité de traitement dont elle a fait l'objet.
En ce qui concerne le harcèlement moral, outre la discrimination et l'inégalité de traitement qu'elle dénonce et qui ont été établies, la salariée reproche à l'employeur son invisibilisation par son supérieur hiérarchique, sa dépréciation, des injonctions contradictoires, l'entretien d'une terreur permanente qui ont eu une répercussion sur son état de santé.
D'abord, s'agissant de ce que la salariée présente comme sa dépréciation, son invisibilisation organisée par son supérieur hiérarchique M. [N] et des injonctions contradictoires, elle produit sur ce point plusieurs témoignages':
. Mme [Y], salariée de la société Schneider electric industries de septembre 2010 à novembre 2020 (pièce 8 de la salariée) explique avoir été témoin «'quasi-quotidien de ces violences répétées'», lesdites «'violences répétées'» n'étant décrites par la témoin que de façon indirecte puisqu'elle indique que la salarié les lui a «'confiées'». Ces «'violences répétées'» se traduisent cependant par les déceptions de Mme [A] dans son évolution de carrière dont les manifestations ont pu être personnellement constatées par ce témoin. Ce témoin présente aussi ce qu'elle décrit comme des injonctions contradictoires en relevant la contradiction entre le fait que l'entreprise pousse les femmes à évoluer, mais laisse leur carrière stagner';
. Mme [R], salariée de la société Schneider electric industries (pièce 9 de la salariée) explique elle aussi avoir été témoin de «'très fortes déceptions'» de la salariée après des entretiens individuels avec son supérieur hiérarchique et du manque de reconnaissance de sa hiérarchie.
Néanmoins, si ces témoins ont effectivement pu constater par elles-mêmes la déception de la salariée relativement à la stagnation de sa carrière, il demeure que cette stagnation est en lien avec une inégalité de traitement et une discrimination sexuelle. Ils ne procèdent donc pas d'un fait distinct de la discrimination elle-même.
Par ailleurs, il ne ressort pas de ces témoignages que la salariée a été invisibilisée ainsi qu'elle le prétend.
Ensuite, en ce qui concerne ce que la salariée présente comme l'entretien d'une terreur permanente, la salariée ne produit pour en attester que sa pièce 36 qui consiste en un échange de courriels entre elle et M. [N] courant février 2022 à propos de «'STIP'» que la cour comprend comme étant le nom donné à la rémunération variable. La teneur de cet échange ne fait cependant pas ressortir la terreur permanente dénoncée par la salariée.
La salariée présente enfin en pièce 11 une attestation de suivi thérapeutique établie le 6 octobre 2022 par Mme [C], psychologue du travail. Il en ressort que la salariée a été suivie à l'occasion de huit séances après qu'elle lui a été adressée par son médecin traitant, lequel lui avait accordé un arrêt de travail le 7 mars 2022 pour épuisement professionnel se manifestant par les symptômes suivants': «'angoisses, pleurs, problèmes de sommeil'». En pièce 18, la salariée montre par ailleurs, par la production du certificat de son médecin traitant (docteur en médecine générale) daté du 7 juin 2022, qu'elle a été «'suivie'» pour un «'syndrome anxio-dépressif'» et qu'il lui a prescrit pour cela un arrêt de travail «'du 7 mars au 14 juin inclus'», la cour comprenant qu'il s'agit des 7 mars 2022 au 14 juin 2022. Elle justifie aussi (pièce 19) que le même médecin lui a prescrit, le 7 juin 2022 un traitement médicamenteux antidépresseur.
La salariée établit donc la réalité de la dégradation de son état de santé.
La salariée établit en synthèse, au titre du harcèlement moral qu'elle dénonce':
. la discrimination sexuelle et l'inégalité de traitement dont elle a fait l'objet pendant plusieurs années,
. les injonctions contradictoires de l'employeur tenant à pousser les salariées femmes à évoluer mais en l'ayant discriminée à raison de son sexe,
. la dégradation de son état de santé.
Ces faits laissent supposer un harcèlement moral susceptible d'avoir eu pour objet ou pour effet la dégradation de son état de santé ou de compromettre son avenir professionnel. Il revient donc à l'employeur d'établir que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La discrimination sexuelle et l'inégalité de traitement dont la salariée a fait l'objet est injustifiable par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral de même que les injonctions contradictoires de l'employeur, ainsi qu'il a été précédemment démontré.
Le harcèlement moral est par conséquent établi.
Il en est résulté, pour la salariée, un préjudice distinct de ceux qui seront réparés plus loin au titre de la discrimination et de l'inégalité de traitement, qu'il convient de réparer par une somme de 4'000 euros, somme au paiement de laquelle, par voie d'infirmation, l'employeur sera condamné.
Sur la prise d'acte de la rupture et ses effets
Sur la fin de non-recevoir
L'employeur invoque l'article 910-4 du code de procédure civile qui impose à l'appelant de présenter dans ses conclusions initiales l'ensemble de ses prétentions au fond à peine d'irrecevabilité des demandes ultérieurement formées et expose que dans ses premières conclusions, la salariée ne formait aucune demande de dommages-intérêts pour licenciement nul de sorte que sa prétention est irrecevable.
En réplique, la salariée invoque l'article 565 du code de procédure civile en soutenant que la demande tend aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges.
***
L'article 910-4, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2020 au 1er septembre 2024, prescrit qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de'l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En l'espèce, dans ses premières conclusions remises au greffe dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile (conclusions du 26 décembre 2023), la salariée formait les demandes suivantes':
«'. infirmer le jugement rendu le 22 juin 2023 par le conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a':
. limité la condamnation de la société Schneider electric industries au titre des dommages-intérêts pour discrimination alloués à Mme [A] à la somme de 30 000 euros (principe de condamnation non repris dans le dispositif du jugement du conseil de prud'hommes par suite d'une erreur matérielle qu'il sera demandé à la cour de rectifier),
. débouté Mme [A] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct quant à la nullité du licenciement,
. débouté Mme [A] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement,
. débouté Mme [A] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention,
. limité la condamnation de la société Schneider electric industries au titre de l'article 700 à la somme de 2500 euros,
. le confirmer en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de Mme [A] devait produire les conséquences d'un licenciement nul en raison de la discrimination dont elle a été victime, et a condamné la société Schneider electric industries à payer les sommes suivantes':
. indemnité conventionnelle de licenciement 14'896,14 euros
. indemnité compensatrice de préavis (3 mois) 17'889,69 euros
. indemnité de congés payés sur préavis 1'788,96 euros
statuant à nouveau,
. condamner la société Schneider electric industries à payer les sommes suivantes':
. dommages-intérêts pour discrimination': 609'480,79 euros,
. dommages-intérêts pour harcèlement': 35'780 euros,
. dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention': 35'780 euros,
. article 700 du code de procédure civile': 5'000 euros,
. intérêts légaux et capitalisation des intérêts,
. dépens.'».
Ainsi, si la salariée demandait bien de confirmer que sa prise d'acte produisait les effets d'un licenciement nul, force est de constater qu'elle ne demandait pas d'indemnité pour licenciement nul, demande qu'elle n'a formée que dans des conclusions postérieures au délai de l'article 908 du code de procédure civile, à hauteur de 72'065,64 euros, soit de façon tardive.
Le moyen présenté par la salariée, qui se fonde sur l'article 565 du code de procédure civile est inopérant dès lors que la fin de non-recevoir qui lui est opposée ne concerne pas la question du caractère nouveau des demandes formées en appel, mais seulement celle résultant du principe de concentration des prétentions dans la procédure d'appel avec représentation obligatoire.
Par conséquent, la demande de dommages-intérêts pour licenciement nul formée par la salariée à hauteur de 72'065,64 euros est irrecevable comme tardive et sera déclarée telle.
Sur la demande de retranchement
A raison, la société expose que le conseil de prud'hommes a statué dans son dispositif sur une demande qui ne lui avait pas été soumise du chef de demande d'indemnité pour licenciement nul.
Il conviendra donc de faire droit à la demande de la société et, en application de l'article 462 alinéa 1 du code de procédure civile, de retrancher le dispositif dudit jugement la disposition suivante': «'débouté Mme [A] des dommages-intérêts pour préjudice distinct quant à la nullité du licenciement'».
Sur la demande au fond de la prise d'acte de la rupture
La prise d'acte de la rupture se définit comme un mode de rupture du contrat de travail par le biais duquel le salarié met un terme à son contrat en se fondant sur des griefs qu'il impute à son employeur.
Si les griefs invoqués par le salarié sont établis et empêchent la poursuite du contrat de travail, alors la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans le cas contraire, la prise d'acte doit être requalifiée en démission.
La prise d'acte peut produire les effets d'un licenciement nul si les manquements reprochés à l'employeur sont de nature à entraîner la nullité du licenciement.
En l'espèce, la salariée a établi la réalité de la discrimination sexuelle et de l'inégalité de traitement dont elle a fait l'objet. Elle a également établi son harcèlement moral.
Ces manquements, qui empêchent la poursuite du contrat de travail, sont de nature à entraîner la nullité du licenciement.
Par conséquent, la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement nul. Le jugement sera de ce chef confirmé.
Sur les effets de la prise d'acte de la rupture
Ainsi qu'il a été vu, la salariée ne peut prétendre au paiement d'une indemnité pour licenciement nul, sa demande étant de ce chef irrecevable.
En revanche, d'une part la demande reconventionnelle de l'employeur relativement à la condamnation de la salariée à lui payer une indemnité compensatrice de préavis est infondée de telle sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il déboute la société de cette demande. D'autre part, la salariée peut prétendre, de son côté, à une indemnité compensatrice de préavis correspondant à trois mois de salaire sur la base d'un salaire de référence arrêté plus haut à la somme de 6'346,66 euros bruts mensuels ainsi qu'à une indemnité de licenciement.
La salariée ne présente cependant ses demandes qu'en se référant aux salaires qu'elle a effectivement perçus et non par référence à un salaire réévalué pour tenir compte d'une discrimination et d'une différence de traitement.
Ainsi, statuant dans les limites des demandes soumises à la cour, il conviendra de confirmer le jugement en ce qu'il condamne l'employeur à payer à la salariée les sommes suivantes':
. 14'896,14 euros brut au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
. 17'889,69 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1'788,96 euros au titre des congés payés afférents.
En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, dont les dispositions sont d'ordre public et sont donc dans les débats, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à la salariée du jour de sa prise d'acte de la rupture au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention des agissements de harcèlement moral
La salariée expose qu'en dépit des alertes qu'elle avait adressées à l'employeur, celui-ci n'a entrepris aucune action pour la préserver des agissements de son supérieur hiérarchique.
En réplique, l'employeur conteste la demande, exposant qu'il ne peut prévenir des agissements dont il n'a pas connaissance et ajoutant que la salariée ne démontre pas la réalité et l'étendue du préjudice qu'elle allègue.
***
L'article L. 1152-4 du code du travail dispose que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.
En l'espèce, les éléments présentés par la salariée ne permettent pas de montrer qu'elle aurait, comme elle le prétend, lancé des alertes à son employeur relativement à une situation de harcèlement moral. Au contraire, à chacune de ses évaluations entre 2016 et 2021, la salariée se montre très positive quant à la qualité de ses rapports avec sa hiérarchie, ce qui montre qu'elle n'a pas avisé cette dernière d'une situation qu'elle vivait comme du harcèlement moral.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il déboute la salariée de ce chef de demande.
Sur les intérêts
Les condamnations au paiement de sommes ayant une vocation indemnitaire seront assorties des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ou à compter du jugement du conseil de prud'hommes s'agissant d'un arrêt confirmatif.
Les condamnations au paiement des indemnités de rupture et des rappels de salaire produiront quant à elles intérêts au taux légal à compter de la réception, par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.
Sur la demande tendant à la capitalisation des intérêts
L'article 1343-2 du code civil (dans sa nouvelle rédaction) dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. La demande ayant été formée par la salariée et la loi n'imposant aucune condition pour l'accueillir, il y a lieu, en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, d'ordonner la capitalisation des intérêts.
Celle-ci portera sur des intérêts dus au moins pour une année entière.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant, l'employeur sera condamné aux dépens de la procédure d'appel et, ajoutant au jugement qui n'a pas statué sur ce point, aux dépens de première instance.
Il conviendra de confirmer le jugement en ce qu'il condamne la société à payer à la salariée une indemnité de 2'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en première instance et de condamner la même à payer à la salariée une indemnité de 1'500 euros sur ce même fondement au titre des frais engagés en appel.
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour':
RÉPARE l'omission du dispositif du jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en ce sens qu'il condamne la société Schneider electric industries à payer à Mme [A] la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination,
RETRANCHE du dispositif du jugement déféré à la cour la disposition suivante': «'Déboute Mme [A] [S] des dommages-intérêts pour préjudice distinct quant à la nullité du licenciement'»,
INFIRME le jugement en ce qu'il condamne la société Schneider electric industries à payer à Mme [A] la somme de 30'000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination et déboute Mme [A] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
STATUANT à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant':
DIT que la prise d'acte de la rupture, par la salariée, produit les effets d'un licenciement nul,
DÉCLARE irrecevable la demande de Mme [A] tendant à la condamnation de la société Schneider electric industries à lui payer la somme de 72'065,64 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
CONDAMNE la société Schneider electric industries à payer à Mme [A] les sommes suivantes':
. 100'000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination sexuelle et inégalité de traitement, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2023 sur la somme de 30'000 euros et à compter du présent arrêt sur le reste de la somme,
. 4'000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,
ORDONNE le remboursement par la société Schneider electric industries aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à Mme [A] du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage en application de l'article L. 1235-4 du code du travail,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,
CONDAMNE la société Schneider electric industries à payer à Mme [A] la somme de 1'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Schneider electric industries aux dépens de première instance et d'appel.
. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
. signé par Monsieur Laurent Baby, conseiller faisant fonction de président et par Madame Dorothée Marcinek, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière Le conseiller faisant fonction de président
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-4
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 26 NOVEMBRE 2025
N° RG 23/02677
N° Portalis DBV3-V-B7H-WDGU
AFFAIRE :
[S] [A]
C/
Société SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES
Décision déférée à la cour : Jugement rendu
le 22 juin 2023 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
Section : E
N° RG : F 22/02186
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Oriane DONTOT
Me Denis PELLETIER
Copie numérique adressée à:
France Travail
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [S] [A]
née le 6 mai 1981 à [Localité 7]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617
Plaidant,: Me Joëlle HOFFMAN de la SELARL LA BATIE HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0206 -
APPELANTE
****************
Société SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES
N° SIRET : 954 503 439
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Denis PELLETIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R006
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 septembre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller faisant fonction de président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Laurent BABY, Conseiller faisant fonction de président,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère,
Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère,
Greffière en préaffectation lors des débats : Meriem EL FAQIR,
Greffière lors du prononcé : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Mme [A] a été engagée par la société Schneider electric industries le 25 juillet 2013, par contrat à durée indéterminée, en qualité de responsable des relations institutionnelles, ce contrat prenant effet au 4 novembre 2013.
La société Schneider electric industries a pour domaine d'activité le commerce de gros à l'exception des automobiles et des motocycles. L'effectif de la société était au jour de la rupture du contrat de travail de plus de 11 salariés.
La convention collective nationale applicable est celle des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
La salariée a été placée en arrêt de travail du 7 mars au 14 juin 2022.
Par lettre du 10 juin 2022, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société Schneider electric industries.
Par requête des 29 novembre 2022, Mme [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de requalification de la prise d'acte aux torts exclusifs de son employeur en licenciement nul et en paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Par un jugement du 22 juin 2023, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section encadrement) a':
. dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail aux torts de la société Schneider electric industries de Mme [A] produit les effets d'un licenciement nul,
. débouté Mme [A] des dommages-intérêts pour préjudice distinct quant à la nullité du licenciement,
. condamné la société Schneider electric industries à payer à Mme [A] la somme de 14'896,14 euros brut au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
. condamné la société Schneider electric industries à payer à Mme [A] les sommes de 17'889,69 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1'788,96 euros au titre des congés payés afférents,
. débouté Mme [A] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement,
. débouté Mme [A] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention,
. débouté la société Schneider electric industries de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
. acté l'engagement pris par Mme [A] en audience du 22 mars 2023 pour la restitution des matériels appartenant à la société Schneider electric industries, badge, ordinateur portable, téléphone portable et carte de paiement Amex sous huit jours à compter de la date d'audience du 22 mars 2023,
. dit l'exécution provisoire de plein droit sur les montants au titre de la rémunération et les congés afférents,
. rappelé qu'aux termes des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail sont exécutoires de droit à titre provisoire les jugements ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat de travail') ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l'article R. 1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mensualités,
. condamné la société Schneider electric industries à payer à Mme [A] la somme de 2'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
. condamné la société Schneider electric industries aux intérêts légaux et à la capitalisation des intérêts,
. débouté la société Schneider electric industries de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration au greffe le 28 septembre 2023, Mme [A] a interjeté appel.
L'affaire a été clôturée par ordonnance du 2 septembre 2025.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 juillet 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [A] demande à la cour de :
. infirmer le jugement rendu le 22 juin 2023 par le conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a':
. limité la condamnation de la société Schneider electric industries au titre des dommages-intérêts pour discrimination alloués à Mme [A] à la somme de 30 000 euros (principe de condamnation non repris dans le dispositif du jugement du conseil de prud'hommes par suite d'une erreur matérielle qu'il sera demandé à la cour de rectifier)
. débouté Mme [A] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct quant à la nullité du licenciement
. débouté Mme [A] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement
. débouté Mme [A] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention
. limité la condamnation de la société Schneider electric industries au titre de l'article 700 à la somme de 2500 euros
. le confirmer en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de Mme [A] devait produire les conséquences d'un licenciement nul en raison de la discrimination dont elle a été victime, et a condamné la société Schneider electric industries à payer les sommes suivantes':
. indemnité conventionnelle de licenciement 14'896,14 euros
. indemnité compensatrice de préavis (3 mois) 17'889,69 euros
. indemnité de congés payés sur préavis 1'788,96 euros
statuant à nouveau,
. juger recevable l'intégralité des demandes de Mme [A],
. condamner la société Schneider electric industries à payer les sommes suivantes':
. dommages-intérêts pour licenciement nul': 72'065,64 euros,
. dommages-intérêts pour discrimination': 609'480,79 euros,
. dommages-intérêts pour harcèlement': 35'780 euros,
. dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention': 35'780 euros,
. article 700 du code de procédure civile': 5'000 euros,
. intérêts légaux et capitalisation des intérêts,
. dépens,
à titre subsidiaire,
. si la cour estime que les conditions de la discrimination ne sont pas réunies, condamner la société Schneider electric industries à payer la somme suivantes': dommages-intérêts pour inégalité de traitement 609'480,79 euros,
. débouter la société Schneider electric industries de son appel incident et, plus généralement, de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 31 juillet 2025 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Schneider electric industries demande à la cour de':
. constater que le jugement entrepris a statué sur une demande de dommages-intérêts pour licenciement nul que n'avait pas formée Mme [A],
En conséquence,
. retrancher le dispositif dudit jugement, page 10, la disposition suivante': «'débouté Mme [A] des dommages-intérêts pour préjudice distinct quant à la nullité du licenciement'»,
. infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a':
. dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de la société Schneider electric industries de Mme [A] produit les effets d'un licenciement nul,
. condamné la société Schneider electric industries à payer à Mme [A] les sommes suivantes':
. 14 896,14 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
. 17 889,69 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 1 788,96 euros à titre de congés payés y afférents,
. 30 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination (condamnation résultant des motifs du jugement omise par son dispositif),
. 2 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
. le confirmer pour le surplus,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
. juger irrecevable la demande de dommages-intérêts pour licenciement nul,
. débouter Mme [A] du surplus de ses demandes,
A titre subsidiaire,
. débouter Mme [A] de l'ensemble de ses demandes,
En tout état de cause,
. condamner Mme [A] à payer à la société Schneider electric industries les sommes de':
. 17'889,69 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 5'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. la condamner aux entiers dépens.
MOTIFS
Sur la discrimination, l'inégalité de traitement et le harcèlement moral
Il ressort de l'article L. 1132-1 du code du travail qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son sexe.
Il n'appartient pas au salarié qui s'estime victime d'une discrimination d'en prouver l'existence. Suivant l'article L. 1134-1, il doit seulement présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l'article L. 1154-1 dans sa version applicable à l'espèce, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Enfin, le principe de l'égalité de traitement impose à l'employeur d'assurer une égalité de rémunération entre tous les salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale. Il appartient d'abord au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une différence de traitement et il appartient ensuite à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence et dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.
Il résulte de ce principe que la seule différence de diplômes ne permet pas de fonder une différence de traitement entre des salariés qui exercent les mêmes fonctions sauf s'il est démontré par des justifications, dont il appartient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, que la possession d'un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l'exercice de la fonction occupée.
En l'espèce, la salariée, qui dénonce à la fois une discrimination en raison de son sexe associée à une inégalité de traitement et un harcèlement moral, soumet à la cour plusieurs faits':
. S'agissant de la discrimination sexuelle et l'inégalité de traitement dont elle prétend avoir fait l'objet': le fait qu'elle a eu une progression de carrière anormale dès lors qu'elle a repris les fonctions d'un prédécesseur masculin sans avoir été classée au même niveau (son prédécesseur ayant occupé des fonctions de directeur des relations institutionnelles alors qu'elle n'a été recrutée qu'en qualité de responsable des relations institutionnelles) et sans percevoir la même rémunération que lui, et dès lors qu'un collègue de même niveau qu'elle ' M. [D] ' a pour sa part connu une évolution de carrière l'amenant à être rémunéré au grade 10 alors qu'elle-même est demeurée au grade 7';
. le fait qu'elle n'a pas eu une progression de carrière normale puisque son salaire et son grade n'ont pas évolué, alors que sa charge de travail a régulièrement augmenté.
. S'agissant du harcèlement moral':
. la discrimination dont elle a fait l'objet,
. son invisibilisation par son supérieur hiérarchique et sa dépréciation,
. des injonctions contradictoires,
. l'entretien d'une terreur permanente,
. la dégradation de son état de santé.
En ce qui concerne la discrimination sexuelle et l'inégalité de traitement, il ressort des débats que M. [V] a occupé une fonction de directeur des relations institutionnelles au sein de la société Schneider electric industries jusqu'en mars 2013. La salariée, quant à elle, a été engagée par la société le 25 juillet 2013 en qualité de responsable des relations institutionnelles France ainsi que le montre son contrat de travail (pièce 1 de la salariée). Son contrat a pris effet le 4 novembre 2013.
En revanche, la société conteste le fait que Mme [A] aurait remplacé poste pour poste M. [V].
Selon les pièces versées aux débats par la salariée, qu'il s'agisse d'attestations de collègues ayant travaillé comme salariés de la société Schneider electric industries (pièces 10, 12, 14, 31, 41, 42, 43) ou bien de sa carte de visite (pièce 13': «'[S] [A] Directeur des relations institutionnelles & partenariats France ' Direction développement durable'»), d'informations issues du site web de la société (pièce 28) ou bien de courriels internes à la société (pièce 14 ' courriel du 13 novembre 2013 «'[S] viendra elle remplace [X] à son [poste](*) d'influence'» ' (*) «'piste'» dans le texte original étant ici précisé que la touche «'i'» jouxte la touche «'o'» sur un clavier AZERTY) ou encore de comptes rendus officiels (pièce 23 ' compte-rendu d'une mission de l'assemblée nationale d'information sur les freins à la transition énergétique en date du 15 novembre 2018 présentant Mme [A] comme «'directrice des affaires institutionnelles'») ou enfin d'attestations rédigées par des interlocuteurs externes à la société Schneider electric industries (pièces 30 (interlocuteur travaillant à l'assemblée nationale), 32 (interlocuteur travaillant auprès du syndicat professionnel Gimélec qui regroupe les opérateurs en matière d'électricité), 33 (interlocuteur salarié de la société Boury, Tallon & associés, cabinet en affaires publiques et lobbying), celle-ci était perçue par ses collègues et interlocuteurs comme ayant remplacé poste pour poste M. [V] en qualité, non pas de responsable des relations institutionnelles mais comme directrice des relations institutionnelles de la société Schneider electric industries.
Les attestations circonstanciées et précises des multiples témoins ayant collaboré avec la salariée qu'ils appartiennent ou non à la société, associées aux nombreux autres éléments qu'elle verse aux débats, tels que sa carte de visite, les informations issues du site internet de la société, le compte-rendu de la mission de l'assemblée nationale, les courriels internes, accréditent unanimement que, comme elle le soutient, elle occupait en réalité une fonction identique à celle de M. [V].
Or, il ressort de la lecture de leur contrat de travail respectif':
. que M. [V] a été engagé en qualité de «'directeur relations publiques France'» sous la responsabilité de M. [L] [N], position IIIA indice 135 de la convention collective (cf. contrat de travail de M. [V] en date du 26 mars 2010 ' pièce 21 de l'employeur), moyennant une rémunération de 98'300 euros annuels outre un «'bonus cible'» de 16'711 euros et donc, une «'rémunération totale annuelle cible'» de 115'011 euros';
. que Mme [A] a été engagée en qualité de «'responsable des relations institutionnelles France'» sous la responsabilité du même M. [L] [N], position II indice 114 de la convention collective (cf. contrat de travail de la salariée ' sa pièce 1), moyennant une rémunération de 52'000 euros annuels outre un «'bonus cible'» de 2'600 euros et donc, une «'rémunération totale annuelle cible'» de 54'600 euros.
Par conséquent, alors que, quoique sous une appellation différente, les deux salariés ont successivement occupé les mêmes fonctions, le premier a perçu une rémunération plus de deux fois supérieure à la seconde.
Par ailleurs, en ce qui concerne son évolution de carrière, la salariée est entrée au service de la société Schneider electric industries en juillet 2013 à la position II, indice 114. Son contrat de travail a pris fin lorsque, le 10 juin 2022 soit environ neuf ans plus tard, elle a pris acte de la rupture de ce contrat.
Entre temps, la salariée a été promue à la position IIIA indice 135 le 1er mai 2018 avec effet rétroactif au 1er avril 2018 (pièce 4 de l'employeur). Elle produit en pièce 3 ses bulletins de paie entre mai 2021 et juin 2022 montrant qu'elle était rémunérée à la position IIIA indice 135, comme M. [V] lorsqu'il est entré en fonction chez la société Schneider electric industries.
Par conséquent, Mme [A] n'a atteint la position de son prédécesseur masculin ' qui l'avait, pour sa part, acquise dès son entrée en fonction ' que près de cinq ans après la signature de son contrat de travail.
Au surplus, la salariée a conservé sa position IIIA jusqu'à la rupture du contrat de travail, c'est-à-dire entre le 1er avril 2018 et le mois de juin 2022, soit pendant quatre ans.
Or, comme en atteste Mme [R] (global vice présidente pour l'engagement des salariés et la diversité pour l'ensemble du groupe Schneider electric) «'il est clair que son (note de la cour': il est question de Mme [A]) niveau de reconnaissance en terme de grade surtout et donc de rémunération par rapport à son prédécesseur et les postes de même niveau d'intervention s'avère bien inférieur à son niveau de responsabilité'» (pièce 9 de la salariée). Mme [R], qui lorsqu'elle a rédigé son témoignage, ne faisait plus partie de la société Schneider electric industries, ajoute': «'J'ai pu constater que chez Schneider electric comme dans beaucoup d'organisations, et ce malgré les politiques menées en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, des pratiques de «'traitements'» différenciés entre les femmes et les hommes persistaient. Et particulièrement pour les promotions et le positionnement dans les grades.'».
En outre, la cour observe que les bulletins de paie de M. [V] (pièce 49 de l'employeur) et ceux de la salariée (pièce 3 de la salariée) montrent qu'alors qu'ils étaient tous deux (M. [V] en 2012 et Mme [A] en 2021/2022) à la position IIIA et tous deux cadres soumis à un forfait annuel en jours':
. le salaire mensuel brut de base de M. [V] s'élevait à 8'491,66 euros en janvier 2012 et 8'355,49 euros en décembre 2012 (l'ancienneté du salarié remontant au 3 mai 2010)';
. tandis que celui de Mme [A] s'élevait à 4'973,48 euros en mai 2021 et à 5'222,15 euros en avril 2022 (son ancienneté remontant au 4 novembre 2013).
Par conséquent, même la promotion de la salariée à la position IIIA, comme celle initialement accordée à M. [V], ne lui pas permis de parvenir à la même rémunération que son prédécesseur.
Par ailleurs, la salariée se compare à M. [D] qui occupait en mars 2022, un poste de directeur (director, global strategy & Prospective & External affairs).
Dans un courriel du 1er mars 2022 (pièce 15 de la salariée), M. [D] écrit à la salariée qu'il est au grade 10, étant ici relevé que, bien que ce grade n'apparaisse nulle part dans son contrat de travail ou dans ses bulletins de paie, il n'est pas contesté que la salariée était quant à elle au grade 7. La salariée montre au surplus (pièces 16 et 17) que son positionnement hiérarchique était identique à celui de M. [D] eu égard au nombre d'échelons hiérarchiques la séparant du Chief executive officer (3 échelons hiérarchiques tant en ce qui concerne la salariée que M. [D]).
L'attribution du grade 7 à la salariée est jugée par Mme [Y], elle aussi directrice au sein de la société Schneider electric industries, de la façon suivante': «'En reportant à un senior Vice President, à savoir à 3 niveaux hiérarchiques du PDG, les grades rencontrés sont au minimum de 10 et bien souvent 11 (Vice Président). Nous avons immédiatement identifié un écart avec [S], qui était à un grade 7. Moi-même, dont le niveau hiérarchique n'était pas aussi élevé que celui d'[S] en 2015, j'avais à l'époque un grade 9.'» (pièce 8 de la salariée).
Ces faits, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination sexuelle et une inégalité de traitement.
Il revient donc à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Il lui revient aussi de justifier de la différence de traitement par des éléments objectifs.
S'agissant de M. [V], la société expose que le profil de ce dernier se distinguait en tous points de celui de Mme [A] tant en termes de connaissances professionnelles que de capacités découlant de l'expérience acquises et de responsabilités exercées.
A cet égard, la société établit que M. [V] est diplômé de l'école polytechnique (promotion 1997) puis de Télécom [Localité 7] (2002), laquelle fait partie de la conférence des grandes écoles et qu'avant d'intégrer en mai 2010 la société Schneider electric industries, il avait exercé pendant plusieurs années des fonctions salariales auprès d'opérateurs institutionnels':
. pendant deux ans et un mois des fonctions de conseiller technique au sein du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer entre 2008 et 2010';
. et des fonctions de «'Mobile operators licensing chief'» au sein de l'arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) entre 2004 et 2008 (pièce 37 de l'employeur).
Pour sa part, la salariée a obtenu une maîtrise d'histoire à l'université [Localité 7] I Panthéon Sorbonne en 2003, une licence de philosophie au sein de la même université en 2004, un master de sciences politiques affaires européennes en 2007 auprès de l'IEP de [Localité 6] et un diplôme de compétence en langue arabe en 2012. Lorsqu'elle a été engagée en 2013 par la société Schneider electric industries, elle disposait d'une expérience professionnelle (hors stages) de 5 ans et 4 mois pour avoir été chargée de relations publiques (fiscalité automobile monde et véhicule électrique) au sein de la société Renault (pièce 27 de l'employeur).
La cour ne peut que constater que M. [V] était titulaire de diplômes d'ingénieur acquis auprès d'écoles particulièrement sélectives offrant des débouchés de très haut niveau à l'ensemble de leurs titulaires. La nature sélective des diplômes de M. [V] associée aux débouchés offerts à ses copromotionnaires, occupant eux aussi des postes de haut niveau, le destinaient tout particulièrement à un poste de relations institutionnelles. Aussi est-il établi que la possession, par M. [V], de ses diplômes lui apportaient des connaissances particulières utiles à l'exercice de la fonction occupée dont la dimension «'influence'» est essentielle.
Au surplus, M. [V] avait, avant d'être engagé par la société Schneider electric industries, occupé des fonctions au sein d'opérateurs institutionnels (Ministère et autorité de régulation) le destinant tout particulièrement à occuper chez la société Schneider electric industries un poste aux relations institutionnelles, ce que confirme au demeurant M. [O], salarié de la société, qui témoigne, à propos de M. [V], qu'il avait «'de nombreux contacts avec la sphère publique suite à son précédent poste de conseiller technique auprès du ministère de l'écologie (')'» (pièce 40 de l'employeur).
S'agissant de M. [D], la société prouve que la différence de traitement avec la salariée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. En effet, M. [D] a été engagé par la société en 2010, soit trois ans avant la salariée et surtout, M. [D] exerce des fonctions d'encadrement au contraire de la salariée qui, elle, n'encadre aucune équipe comme en témoigne sa pièce 17 qui associe à son nom la mention suivante': «'[S] [A] has no direct reportee'».
Partant, limitant l'examen de la situation de la salariée à la comparaison de sa situation avec celle de MM. [V] et [D], la cour retient que l'employeur justifie ses décisions par des raisons objectives et justifie tout aussi objectivement de la différence de traitement constatée.
S'agissant de M. [H] [E], successeur de Mme [A] et donc appartenant au cercle des égaux': la cour relève que la salariée ne se comparait initialement pas à son successeur et qu'elle indique que sa comparaison avec M. [H] [E] est dénuée de pertinence dès lors, selon elle, «'que la situation que doit prendre en considération la cour est bien la période durant laquelle Mme [A] était en poste et discriminée. Le sort réservé à un salarié après le départ de Mme [A] n'apporte aucun élément sur la situation de la salariée à l'époque des faits'».
Néanmoins, dès lors que l'employeur présente la situation du successeur de la salariée, un débat oppose là aussi les parties sur la situation de ces salariés au regard de la discrimination et de l'inégalité de traitement ici examinées.
A cet égard, il importe de relever que M. [H] [E] a dès le départ (décembre 2022) été engagé comme «'responsable relations institutionnelles de la business unit Corporate citizenship'», sous la responsabilité du même M. [N], à la position III A ' indice 135 (pièce 47 de l'employeur), position que Mme [A] n'avait acquise qu'après 5 années passées au même poste. La rémunération initiale de base de M. [H] [E] a été fixée à 68'000 euros (5'666,67 euros bruts mensuels) pouvant être élevée à 76'160 euros annuels par l'effet d'un bonus cible. En comparaison, il convient de rappeler que Mme [A] avait été engagée en 2013 à la position II indice 114 de la convention collective, moyennant une rémunération de base de 52'000 euros annuels outre un «'bonus cible'» de 2'600 euros et donc, une «'rémunération totale annuelle cible'» de 54'600 euros.
Par ailleurs, au dernier état de la relation contractuelle, la salariée percevait une rémunération mensuelle brute de base de 5'222,15 euros, à comparer à la rémunération mensuelle brute de base de M. [H] [E] qui, dès l'origine de la relation contractuelle, a été fixée à 5'666,67 euros bruts mensuels.
Là encore, la salariée se prévaut d'éléments factuels de nature à laisser supposer tant une inégalité de traitement qu'une discrimination sexuelle.
Il revient donc à l'employeur, là encore, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Il lui revient aussi de justifier de la différence de traitement par des éléments objectifs.
Pour en justifier, l'employeur se fonde sur le profil, selon lui plus adapté au poste, de M. [H] [E].
Celui-ci (pièce 48 de l'employeur) disposait d'un Master I en droit européen ([Localité 7] II Panthéon [Localité 5]- 2013) d'un Master II Études politiques ([Localité 7] II Panthéon [Localité 5] ' 2014), d'un Master II en apprentissage en Affaires publiques ([Localité 7] Dauphine ' 2015).
Il avait acquis une expérience professionnelle (hors stages) de chargé de mission en Affaires publiques chez Airbus (de septembre 2014 à octobre 2015), de chargé de mission affaires publiques auprès d'une société de conseil en affaires publiques (de janvier 2016 à septembre 2017), de chef de projet environnement et industrie auprès du groupe Afnor (de septembre 2017 à janvier 2021), de chef de programmes, partenariats et affaires réglementaires CEE auprès d'Eni Energies et services (de janvier 2021 à février 2023), puis de co-fondateur ' conseiller Plaidoyer/Affaires publiques de la fédération Mode circulaire, fédération qui représente les entreprises de la mode circulaire, du recyclage textile au retail. Il en résulte que M. [H] [E], lorsqu'il a été engagé par la société Schneider electric industries selon un contrat de décembre 2022 à effet à février 2023, jouissait d'une expérience professionnelle de près de 8 années (septembre 2014 ' décembre 2022).
Ainsi qu'il a été relevé plus haut, la salariée, pour sa part, avait une expérience professionnelle moindre (5 ans et 4 mois) et des diplômes équivalents lorsqu'elle-même a été engagée.
Ceci étant précisé, il convient de rappeler que lorsque la salariée a quitté la société en juin 2022, elle avait acquis une expérience professionnelle de près de 14 ans, soit':
. ses 5 ans et 4 mois avant son entrée en fonction auprès de la société Schneider electric industries,
. outre son ancienneté de près de 8 ans et 7 mois (4 novembre 2013 ' 10 juin 2022) au sein de la société Schneider electric industries qui n'a jamais mis en cause ses qualités professionnelles ainsi que le montrent ses évaluations annuelles.
Par conséquent, alors que la salariée percevait au terme de son contrat de travail une rémunération de base de 5'222,15 euros avec une expérience professionnelle de 14 ans dont 8 ans et 7 mois à un poste de responsable des relations institutionnelles, M. [H] [E] qui disposait d'une expérience professionnelle moindre de 8 années, a, lui, perçu une rémunération de 5'666,67 euros bruts mensuels.
Les seuls diplômes de M. [H] [E], comparables à ceux de la salariée, ne suffisent à expliquer que M. [H] [E] ait perçu, dès l'origine, une rémunération supérieure à celle que percevait la salariée lorsqu'elle a quitté la société.
Cette différence de traitement ne s'explique pas par des raisons objectives.
Il en résulte que la discrimination sexuelle et l'inégalité de traitement sont établies.
En ce qui concerne la réparation du préjudice qui en découle, la cour a retenu que l'employeur justifiait par des raisons objectives la différence de traitement réservée à la salariée lorsqu'elle était comparée à MM. [V] et [D].
La différence de traitement et la discrimination n'a été identifiée qu'au regard de la situation respective de la salariée et de son successeur M. [H] [E]. Le préjudice de la salariée doit donc être évalué à l'aune de la situation de ce dernier de sorte que le salaire de référence de la salariée sera arrêté à la somme de 76'160 euros bruts annuels (soit 6'346,66 euros bruts mensuels).
Selon le calcul que la salariée soumet à la cour (p. 44 de ses conclusions), qui a pour assiette sa seule rémunération au dernier état de la relation contractuelle (68'634,03 euros annuels), le manque à gagner résultant de la différence de traitement dont elle a été victime s'établit à 7'525,97 euros par an.
Cette différence de traitement n'affecte cependant pas toute la période de la relation contractuelle. Par comparaison avec M. [H] [E] qui avait une expérience professionnelle de 8 années, la salariée avait pour sa part acquis une expérience professionnelle comparable de 8 années deux ans et huit mois après le début de son contrat de travail le 4 novembre 2013 soit à compter du 4 juillet 2016.
Le préjudice de la salariée s'étend en conséquence du mois de juillet 2016 au mois de juin 2022, mois de sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail soit pendant 5 ans et 11 mois, ce qui représente un préjudice de 44'530 euros.
A ce préjudice s'ajoutent un préjudice lié au différentiel d'indemnité de licenciement (en effet, ainsi qu'il sera vu plus loin, la salariée fonde sa demande d'indemnité de licenciement sur la base de la rémunération qu'elle a effectivement perçue au cours des derniers mois de la relation contractuelle) ainsi qu'un préjudice moral du fait de l'absence de reconnaissance professionnelle.
Ainsi, toutes causes de préjudices confondues, le préjudice total résultant de la discrimination de la salariée est évalué à la somme de 100'000 euros.
Le conseil de prud'hommes, bien qu'ayant statué sur la discrimination dans les motifs de son jugement, n'a pas, dans son dispositif, repris la condamnation de 30'000 euros qu'il accordait à la salariée en raison de la discrimination qu'il tenait pour établie.
Selon l'article 462 alinéa 1 du code de procédure civile les erreurs ou omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.
Le jugement argué d'erreur est réputé déféré à la cour d'appel et ne peut plus être rectifié que par elle à compter de l'inscription de l'appel au rôle de la cour.
Comme rappelé ci-avant, le jugement n'a pas repris dans son dispositif la condamnation de 30'000 euros qu'il accordait pourtant à la salariée dans ses motifs.
Il s'agit là d'une omission matérielle qu'il convient de réparer ainsi qu'il sera dit dans le dispositif qui suit.
Ainsi, par voie de réformation du jugement rectifié, il convient de condamner l'employeur à payer à la salariée la somme de 100'000 euros en réparation du préjudice consécutif à la discrimination sexuelle et l'inégalité de traitement dont elle a fait l'objet.
En ce qui concerne le harcèlement moral, outre la discrimination et l'inégalité de traitement qu'elle dénonce et qui ont été établies, la salariée reproche à l'employeur son invisibilisation par son supérieur hiérarchique, sa dépréciation, des injonctions contradictoires, l'entretien d'une terreur permanente qui ont eu une répercussion sur son état de santé.
D'abord, s'agissant de ce que la salariée présente comme sa dépréciation, son invisibilisation organisée par son supérieur hiérarchique M. [N] et des injonctions contradictoires, elle produit sur ce point plusieurs témoignages':
. Mme [Y], salariée de la société Schneider electric industries de septembre 2010 à novembre 2020 (pièce 8 de la salariée) explique avoir été témoin «'quasi-quotidien de ces violences répétées'», lesdites «'violences répétées'» n'étant décrites par la témoin que de façon indirecte puisqu'elle indique que la salarié les lui a «'confiées'». Ces «'violences répétées'» se traduisent cependant par les déceptions de Mme [A] dans son évolution de carrière dont les manifestations ont pu être personnellement constatées par ce témoin. Ce témoin présente aussi ce qu'elle décrit comme des injonctions contradictoires en relevant la contradiction entre le fait que l'entreprise pousse les femmes à évoluer, mais laisse leur carrière stagner';
. Mme [R], salariée de la société Schneider electric industries (pièce 9 de la salariée) explique elle aussi avoir été témoin de «'très fortes déceptions'» de la salariée après des entretiens individuels avec son supérieur hiérarchique et du manque de reconnaissance de sa hiérarchie.
Néanmoins, si ces témoins ont effectivement pu constater par elles-mêmes la déception de la salariée relativement à la stagnation de sa carrière, il demeure que cette stagnation est en lien avec une inégalité de traitement et une discrimination sexuelle. Ils ne procèdent donc pas d'un fait distinct de la discrimination elle-même.
Par ailleurs, il ne ressort pas de ces témoignages que la salariée a été invisibilisée ainsi qu'elle le prétend.
Ensuite, en ce qui concerne ce que la salariée présente comme l'entretien d'une terreur permanente, la salariée ne produit pour en attester que sa pièce 36 qui consiste en un échange de courriels entre elle et M. [N] courant février 2022 à propos de «'STIP'» que la cour comprend comme étant le nom donné à la rémunération variable. La teneur de cet échange ne fait cependant pas ressortir la terreur permanente dénoncée par la salariée.
La salariée présente enfin en pièce 11 une attestation de suivi thérapeutique établie le 6 octobre 2022 par Mme [C], psychologue du travail. Il en ressort que la salariée a été suivie à l'occasion de huit séances après qu'elle lui a été adressée par son médecin traitant, lequel lui avait accordé un arrêt de travail le 7 mars 2022 pour épuisement professionnel se manifestant par les symptômes suivants': «'angoisses, pleurs, problèmes de sommeil'». En pièce 18, la salariée montre par ailleurs, par la production du certificat de son médecin traitant (docteur en médecine générale) daté du 7 juin 2022, qu'elle a été «'suivie'» pour un «'syndrome anxio-dépressif'» et qu'il lui a prescrit pour cela un arrêt de travail «'du 7 mars au 14 juin inclus'», la cour comprenant qu'il s'agit des 7 mars 2022 au 14 juin 2022. Elle justifie aussi (pièce 19) que le même médecin lui a prescrit, le 7 juin 2022 un traitement médicamenteux antidépresseur.
La salariée établit donc la réalité de la dégradation de son état de santé.
La salariée établit en synthèse, au titre du harcèlement moral qu'elle dénonce':
. la discrimination sexuelle et l'inégalité de traitement dont elle a fait l'objet pendant plusieurs années,
. les injonctions contradictoires de l'employeur tenant à pousser les salariées femmes à évoluer mais en l'ayant discriminée à raison de son sexe,
. la dégradation de son état de santé.
Ces faits laissent supposer un harcèlement moral susceptible d'avoir eu pour objet ou pour effet la dégradation de son état de santé ou de compromettre son avenir professionnel. Il revient donc à l'employeur d'établir que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La discrimination sexuelle et l'inégalité de traitement dont la salariée a fait l'objet est injustifiable par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral de même que les injonctions contradictoires de l'employeur, ainsi qu'il a été précédemment démontré.
Le harcèlement moral est par conséquent établi.
Il en est résulté, pour la salariée, un préjudice distinct de ceux qui seront réparés plus loin au titre de la discrimination et de l'inégalité de traitement, qu'il convient de réparer par une somme de 4'000 euros, somme au paiement de laquelle, par voie d'infirmation, l'employeur sera condamné.
Sur la prise d'acte de la rupture et ses effets
Sur la fin de non-recevoir
L'employeur invoque l'article 910-4 du code de procédure civile qui impose à l'appelant de présenter dans ses conclusions initiales l'ensemble de ses prétentions au fond à peine d'irrecevabilité des demandes ultérieurement formées et expose que dans ses premières conclusions, la salariée ne formait aucune demande de dommages-intérêts pour licenciement nul de sorte que sa prétention est irrecevable.
En réplique, la salariée invoque l'article 565 du code de procédure civile en soutenant que la demande tend aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges.
***
L'article 910-4, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2020 au 1er septembre 2024, prescrit qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de'l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En l'espèce, dans ses premières conclusions remises au greffe dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile (conclusions du 26 décembre 2023), la salariée formait les demandes suivantes':
«'. infirmer le jugement rendu le 22 juin 2023 par le conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a':
. limité la condamnation de la société Schneider electric industries au titre des dommages-intérêts pour discrimination alloués à Mme [A] à la somme de 30 000 euros (principe de condamnation non repris dans le dispositif du jugement du conseil de prud'hommes par suite d'une erreur matérielle qu'il sera demandé à la cour de rectifier),
. débouté Mme [A] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct quant à la nullité du licenciement,
. débouté Mme [A] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement,
. débouté Mme [A] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention,
. limité la condamnation de la société Schneider electric industries au titre de l'article 700 à la somme de 2500 euros,
. le confirmer en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de Mme [A] devait produire les conséquences d'un licenciement nul en raison de la discrimination dont elle a été victime, et a condamné la société Schneider electric industries à payer les sommes suivantes':
. indemnité conventionnelle de licenciement 14'896,14 euros
. indemnité compensatrice de préavis (3 mois) 17'889,69 euros
. indemnité de congés payés sur préavis 1'788,96 euros
statuant à nouveau,
. condamner la société Schneider electric industries à payer les sommes suivantes':
. dommages-intérêts pour discrimination': 609'480,79 euros,
. dommages-intérêts pour harcèlement': 35'780 euros,
. dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention': 35'780 euros,
. article 700 du code de procédure civile': 5'000 euros,
. intérêts légaux et capitalisation des intérêts,
. dépens.'».
Ainsi, si la salariée demandait bien de confirmer que sa prise d'acte produisait les effets d'un licenciement nul, force est de constater qu'elle ne demandait pas d'indemnité pour licenciement nul, demande qu'elle n'a formée que dans des conclusions postérieures au délai de l'article 908 du code de procédure civile, à hauteur de 72'065,64 euros, soit de façon tardive.
Le moyen présenté par la salariée, qui se fonde sur l'article 565 du code de procédure civile est inopérant dès lors que la fin de non-recevoir qui lui est opposée ne concerne pas la question du caractère nouveau des demandes formées en appel, mais seulement celle résultant du principe de concentration des prétentions dans la procédure d'appel avec représentation obligatoire.
Par conséquent, la demande de dommages-intérêts pour licenciement nul formée par la salariée à hauteur de 72'065,64 euros est irrecevable comme tardive et sera déclarée telle.
Sur la demande de retranchement
A raison, la société expose que le conseil de prud'hommes a statué dans son dispositif sur une demande qui ne lui avait pas été soumise du chef de demande d'indemnité pour licenciement nul.
Il conviendra donc de faire droit à la demande de la société et, en application de l'article 462 alinéa 1 du code de procédure civile, de retrancher le dispositif dudit jugement la disposition suivante': «'débouté Mme [A] des dommages-intérêts pour préjudice distinct quant à la nullité du licenciement'».
Sur la demande au fond de la prise d'acte de la rupture
La prise d'acte de la rupture se définit comme un mode de rupture du contrat de travail par le biais duquel le salarié met un terme à son contrat en se fondant sur des griefs qu'il impute à son employeur.
Si les griefs invoqués par le salarié sont établis et empêchent la poursuite du contrat de travail, alors la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans le cas contraire, la prise d'acte doit être requalifiée en démission.
La prise d'acte peut produire les effets d'un licenciement nul si les manquements reprochés à l'employeur sont de nature à entraîner la nullité du licenciement.
En l'espèce, la salariée a établi la réalité de la discrimination sexuelle et de l'inégalité de traitement dont elle a fait l'objet. Elle a également établi son harcèlement moral.
Ces manquements, qui empêchent la poursuite du contrat de travail, sont de nature à entraîner la nullité du licenciement.
Par conséquent, la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement nul. Le jugement sera de ce chef confirmé.
Sur les effets de la prise d'acte de la rupture
Ainsi qu'il a été vu, la salariée ne peut prétendre au paiement d'une indemnité pour licenciement nul, sa demande étant de ce chef irrecevable.
En revanche, d'une part la demande reconventionnelle de l'employeur relativement à la condamnation de la salariée à lui payer une indemnité compensatrice de préavis est infondée de telle sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il déboute la société de cette demande. D'autre part, la salariée peut prétendre, de son côté, à une indemnité compensatrice de préavis correspondant à trois mois de salaire sur la base d'un salaire de référence arrêté plus haut à la somme de 6'346,66 euros bruts mensuels ainsi qu'à une indemnité de licenciement.
La salariée ne présente cependant ses demandes qu'en se référant aux salaires qu'elle a effectivement perçus et non par référence à un salaire réévalué pour tenir compte d'une discrimination et d'une différence de traitement.
Ainsi, statuant dans les limites des demandes soumises à la cour, il conviendra de confirmer le jugement en ce qu'il condamne l'employeur à payer à la salariée les sommes suivantes':
. 14'896,14 euros brut au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
. 17'889,69 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1'788,96 euros au titre des congés payés afférents.
En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, dont les dispositions sont d'ordre public et sont donc dans les débats, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à la salariée du jour de sa prise d'acte de la rupture au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention des agissements de harcèlement moral
La salariée expose qu'en dépit des alertes qu'elle avait adressées à l'employeur, celui-ci n'a entrepris aucune action pour la préserver des agissements de son supérieur hiérarchique.
En réplique, l'employeur conteste la demande, exposant qu'il ne peut prévenir des agissements dont il n'a pas connaissance et ajoutant que la salariée ne démontre pas la réalité et l'étendue du préjudice qu'elle allègue.
***
L'article L. 1152-4 du code du travail dispose que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.
En l'espèce, les éléments présentés par la salariée ne permettent pas de montrer qu'elle aurait, comme elle le prétend, lancé des alertes à son employeur relativement à une situation de harcèlement moral. Au contraire, à chacune de ses évaluations entre 2016 et 2021, la salariée se montre très positive quant à la qualité de ses rapports avec sa hiérarchie, ce qui montre qu'elle n'a pas avisé cette dernière d'une situation qu'elle vivait comme du harcèlement moral.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il déboute la salariée de ce chef de demande.
Sur les intérêts
Les condamnations au paiement de sommes ayant une vocation indemnitaire seront assorties des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ou à compter du jugement du conseil de prud'hommes s'agissant d'un arrêt confirmatif.
Les condamnations au paiement des indemnités de rupture et des rappels de salaire produiront quant à elles intérêts au taux légal à compter de la réception, par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.
Sur la demande tendant à la capitalisation des intérêts
L'article 1343-2 du code civil (dans sa nouvelle rédaction) dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. La demande ayant été formée par la salariée et la loi n'imposant aucune condition pour l'accueillir, il y a lieu, en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, d'ordonner la capitalisation des intérêts.
Celle-ci portera sur des intérêts dus au moins pour une année entière.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant, l'employeur sera condamné aux dépens de la procédure d'appel et, ajoutant au jugement qui n'a pas statué sur ce point, aux dépens de première instance.
Il conviendra de confirmer le jugement en ce qu'il condamne la société à payer à la salariée une indemnité de 2'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en première instance et de condamner la même à payer à la salariée une indemnité de 1'500 euros sur ce même fondement au titre des frais engagés en appel.
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour':
RÉPARE l'omission du dispositif du jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en ce sens qu'il condamne la société Schneider electric industries à payer à Mme [A] la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination,
RETRANCHE du dispositif du jugement déféré à la cour la disposition suivante': «'Déboute Mme [A] [S] des dommages-intérêts pour préjudice distinct quant à la nullité du licenciement'»,
INFIRME le jugement en ce qu'il condamne la société Schneider electric industries à payer à Mme [A] la somme de 30'000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination et déboute Mme [A] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
STATUANT à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant':
DIT que la prise d'acte de la rupture, par la salariée, produit les effets d'un licenciement nul,
DÉCLARE irrecevable la demande de Mme [A] tendant à la condamnation de la société Schneider electric industries à lui payer la somme de 72'065,64 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
CONDAMNE la société Schneider electric industries à payer à Mme [A] les sommes suivantes':
. 100'000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination sexuelle et inégalité de traitement, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2023 sur la somme de 30'000 euros et à compter du présent arrêt sur le reste de la somme,
. 4'000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,
ORDONNE le remboursement par la société Schneider electric industries aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à Mme [A] du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage en application de l'article L. 1235-4 du code du travail,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,
CONDAMNE la société Schneider electric industries à payer à Mme [A] la somme de 1'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Schneider electric industries aux dépens de première instance et d'appel.
. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
. signé par Monsieur Laurent Baby, conseiller faisant fonction de président et par Madame Dorothée Marcinek, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière Le conseiller faisant fonction de président