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CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 26 novembre 2025, n° 24/16964

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/16964

26 novembre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2025

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/16964 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKFBJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Septembre 2024 - Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2024P01151

APPELANTE

S.A.R.L. ONLY ADV agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 8]

Immatriculée au RCS de [Localité 10] sous le numéro 953 285 764

Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT, avocate au barreau de PARIS, toque : C1050

Assistée par Me Jean-Claude BOUHENIC, avocat au barreau de PARIS, toque : A0861

INTIMÉS

Me [V] [T] [K] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. ONLY ADV

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représenté par Me Thierry SERRA, avocat au barreau de PARIS, toque : E0280

M. LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 2]

[Localité 6]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Novembre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Raoul CARBONARO, Président de chambre

Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère

Caroline TABOUROT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Raoul CARBONARO, président, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

La SARL unipersonnelle ONLY ADV est immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Créteil sous le numéro 953285764 (2023 B 4379). Elle a déclaré exercer une activité commerciale de conseils et accompagnement des entreprises dans tous les domaines. Son siège social est sis [Adresse 3].

Le 20 Septembre 2024, elle déclare la cessation de ses paiements aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.

Le 25 septembre 2024, le tribunal de commerce de Créteil :

- Ouvre une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SARL unipersonnelle ONLY ADV,

- Fixe provisoirement au 1er juin 2023 la date de cessation des paiements,

- Désigne M. [U] [W], juge commissaire et Me [V] [T] [K], liquidateur,

- Constate que le débiteur pourra accomplir les actes et exercer les actions qui ne sont pas comprises dans la mission du liquidateur conformément à l'article L. 641-9 du code de commerce,

- Désigne la SELARL [Adresse 9] [Adresse 1] en qualité de commissaire de justice, aux fins de réaliser l'inventaire prévu à l'article L. 622-6 du code de commerce et la prisée de l'actif du débiteur et dit que celui-ci devra déposer son rapport au greffe du tribunal et le communiquer aux personnes prévues à l'article R. 622-4 alinéa 5 du code de commerce,

- Invite le comité d'entreprise ou à défaut les délégués du personnel ou à défaut les salariés, à désigner au sein de l'entreprise un représentant dans les conditions prévues par l'article L. 621-4 du code de commerce et l'article R. 621-14 du code de commerce et à communiquer le nom et l'adresse de ce représentant au greffe,

- Dit que le liquidateur devra déposer la liste des créances dans un délai de dix mois à compter du terme du délai de déclaration des créances,

- Fixe à 2 ans le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée, conformément aux dispositions de l'article L. 643-9 du code de commerce,

- Dit que ce délai pourra être prorogé par décision du tribunal si la clôture ne peut être prononcée à cette date,

- Ordonne à tout séquestre ou détenteur de fonds de les remettre au liquidateur ci-dessus désigné sur sa demande,

- Dit que le jugement sera publié conformément à la loi,

- Ordonne l'exécution provisoire,

- Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

La SARL unipersonnelle ONLY ADV a interjeté appel de la décision par déclaration formée par voie électronique le 3 octobre 2024 en contestant uniquement la date de cessation des paiements.

Par conclusions notifiées par RPVA le 14 octobre 2025, la SARL unipersonnelle ONLY ADV demande à la cour de :

- Rejeter l'ensemble des pièces adverses non communiquées aux débats et écarter développement des écritures adverses qui se fondent sur celles-ci, en violation du principe de la contradiction ;

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Créteil du 25 septembre 2024 du chef de dispositif suivant :

o « Fixe provisoirement au 1er juin 2023 la date de cessation des paiements »

Statuant à nouveau,

- Fixer provisoirement la date de cessation des paiements de la société ONLY ADV au 15 août 2024.

Elle expose que les pièces 1 et 2 visées dans le bordereau de communication de pièces ne lui ont pas été transmises ; aucune disposition n'interdit que l'appel, interjeté par le débiteur, soit limité à la disposition concernant la date provisoire de la cessation des paiements ; à la date retenue par le tribunal, elle était à jour du paiement de ses cotisations sociales ; la date retenue de cessation des paiements correspond à sa date de création ; son expert-comptable atteste qu'elle était à jour du paiement de ses salaires depuis sa création jusqu'au mois d'août 2024 ; les premiers impayés de salaire sont ceux du mois d'août 2024 exigibles début septembre ; elle était à jour du paiement de ses charges sociales jusqu'au 15 août 2024 date du 1er impayé des charges sociales liées à la DSN de juillet 2024 ; elle était parfaitement à jour à fin août des dettes fiscales, notamment de la TVA ; sa trésorerie était de 291 177,15 euros au 30 juin 2024 et positive antérieurement ; le débat s'est focalisé sur la date qu'elle avait demandé au tribunal de retenir ; le débat contradictoire ne permet donc pas de conclure à un acquiescement sur la date proposée par le tribunal ; les éléments comptables demandés par le liquidateur lui ont bien été transmis ; son dirigeant a mis en contact directement Me [K] et son expert-comptable, de sorte que la sommation de communiquer du mandataire liquidateur est sans objet, d'autant que les demandes de celui-ci ont été satisfaites ; le liquidateur ne produit pas l'état de déclaration des créances et ne justifie pas de ses assertions.

Par conclusions notifiées par RPVA le 3 mars 2025, Me [V] [T] [K] ès-qualités demande à la cour de :

- Débouter la SARLU ONLY ADV de l'ensemble de ses prétentions, fins et moyens au soutien de son appel du jugement du tribunal de commerce de Créteil en date du 25 septembre 2024 ouvrant la procédure de liquidation judiciaire de la SARLU ONLY ADV et fixant sa date de cessation des paiements au 1er juin 2023 ;

- Confirmer le jugement des chefs de la fixation de la date de cessation des paiements de la SARLU ONLY ADV ;

- Statuer ce que de droit sur les dépens qui seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Il expose qu'en application de l'article L. 662-3 du code de commerce les débats devant le tribunal de la procédure collective ont lieu en chambre du conseil et de l'article R. 662-1 dudit code, les règles du code de procédure civile sont applicables de sorte que selon l'article 860-1 du code de procédure civile, la devant la juridiction consulaire est une procédure orale ; dans ces conditions au visa de l'article 860-1, il est de jurisprudence constante que devant la juridiction consulaire en cas de contradiction entre les observations écrites et les déclarations orales, ces dernières priment ; dans une procédure orale, les parties ne sont pas engagées par leurs écritures antérieures et elles peuvent adopter à l'audience une position différente de celle figurant dans lesdites écritures ; de surcroît, le caractère oral de la procédure fait présumer que les moyens, pièces et prétentions retenus dans le jugement ont fait l'objet d'un débat contradictoire pendant l'audience, cette présomption valant jusqu'à inscription de faux.

Il ajoute que les pièces comptables ne permettent pas de démontrer que la société disposait d'un actif disponible suffisant pour lui permettre de faire face à son passif exigible né antérieurement au jugement d'ouverture soit comme le retient le tribunal à une date antérieure de 15 mois dès lors que les charges sociales n'étaient plus réglées et qu'elle ne pouvait faire face au passif courant ; le fait que cette date serait la date de constitution de la société ne peut constituer une preuve suffisante de l'existence de disponibilité suffisante face au passif exigible, d'autant que le capital constitutif de 5 000 euros, paraît manifestement insuffisant pour faire face aux charges d'exploitation d'une société censée employer 30 collaborateurs, et être la société support de NJCE qui se trouvait en difficulté voir d'ores et déjà en état de cessation des paiements ; l'absence de production des pièces comptables relatives à l'année comptable 2032-2024 ne permet pas de revenir sur les conclusions du jugement ; l'attestation de l'expert-comptable du 8 octobre 2024 ne démontre rien, faute d'attester des actifs disponibles existant.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 novembre 2025.

SUR CE

- Sur les pièces :

Les pièces n° 1 et 2 produites par Me [K] ne se rapportant pas à la société en cause et n'étant pas directement utiles à la solution du litige seront écartées des débats.

- Sur le débat contradictoire sur la date de cessation des paiements et ses conséquences :

Le moyen tiré de l'acquiescement du débiteur à la date de cessation des paiements fixée par le tribunal, qui constitue une fin de non-recevoir tendant à voir déclarer irrecevable l'appel, n'est soulevé qu'aux fins de rejet de la demande.

Il ne résulte aucunement des mentions du jugement que la société a acquiescé à la date de cessation des paiements fixée par le tribunal, la mention du fait que les observations du débiteur ont été sollicitées avant de fixer cette date ne permettant pas de déduire de l'absence de dires de sa part que la date retenue avait été discutée et qu'il l'avait acceptée expressément.

Ce moyen sera donc écarté.

- Sur la date de la cessation des paiements :

La cessation des paiements au sens de l'article L. 631-1 du code de commerce est caractérisée par l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

L'actif disponible est composé des liquidités et des valeurs immédiatement réalisables, de la trésorerie disponible, incluant les effets de commerce échus ou escomptables, la provision des chèques de banque durant l'année de la prescription de l'action bancaire et des ouvertures de crédit non utilisées. Les créances à recouvrer en sont exclues sauf si leur mobilisation a été acceptée. Les créances à vue n'en font pas partie sauf facilité de recouvrement rapide et à date certaines ou quasi immédiates.

Le passif exigible est composé des créances certaines, liquides et exigibles, non contestées, non provisionnelles discutée lors d'une instance au fond. Il ne peut s'agir de créances devenues échues du fait de l'ouverture de la procédure ou déclarées à titre provisionnel. Une avance en compte courant non bloquée ou dont le remboursement n'est pas demandé ne constitue pas un passif exigible. Si la créance a fait l'objet d'un moratoire exprès, elle n'est pas exigible.

En l'espèce, l'expert-comptable de la SARL unipersonnelle ONLY ADV dépose le 8 octobre 2024 une attestation aux termes de laquelle la société était à jour du paiement de ses salaires depuis sa création jusqu'au mois d'août 2024, les premiers impayés de salaire étant ceux du mois d'août 2024, payables en septembre. Les charges sociales étaient payées jusqu'au 15 août 2024, date du premier impayé des charges sociales liées à la déclaration de juillet 2024. La société était à jour de ses dettes fiscales.

Il écrit en outre que la trésorerie disponible de la société s'élevait à 102 549,20 euros au 31 mars 2024, 131 435,13 euros au 30 avril 2025, 126 404,04 euros au 31 mai 2024 et à 291 177,15 euros au 30 juin 2024.

Cette attestation démontre qu'antérieurement à la date d'exigibilité des cotisations URSSAF de juillet 2024, la société n'était pas en état de cessation des paiements, sa trésorerie lui permettant de faire face à ses dettes exigibles, sans arriéré de paiement.

L'exercice comptable s'achevant au 31 août de chaque année, la société qui avait été créée le 1er juin 2023 ne disposait pas de bilan arrêté. Le liquidateur ne saurait lui en faire le reproche et contester le contenu de l'attestation.

Faute de produire les déclarations de créance qui sont les seules à permettre la contradiction sur les éléments avancés par la société, Me [V] [T] [K] succombe à démontrer le caractère erroné de l'attestation de l'expert-comptable.

Sauf à considérer que toute société créée est dès le premier jour de son activité en état de cessation des paiements faute de rentrée d'argent, et alors même qu'il n'est pas démontré l'existence d'un passif exigible à cette date, la cour ne saurait suivre le raisonnement tenu par le tribunal qui ne caractérise pas à la date du 1er juin 2023 les éléments de passif réellement exigibles, le défaut de paiement des salaires et des charges sociales ne pouvant raisonnablement être retenu, au regard de leurs échéances propres, à la date de la création de la société, sauf preuve non rapportée en l'espèce d'une reprise d'un passif antérieur.

Le jugement déféré sera donc infirmé et la date de cessation des paiements sera fixée au 15 août 2024, date du premier impayé des charges sociales faute d'actif disponible.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Écarte les pièces n° 1 et 2 du dossier de plaidoirie de Me [V] [T] [K] ;

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Créteil du 25 septembre 2024 du chef de dispositif suivant :

- « Fixe provisoirement au 1er juin 2023 la date de cessation des paiements »

Statuant à nouveau,

Fixe provisoirement la date de cessation des paiements de la SARL unipersonnelle ONLY ADV au 15 août 2024 ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

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