CA Besançon, 1re ch., 25 novembre 2025, n° 25/00662
BESANÇON
Arrêt
Autre
BUL/LZ
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 25/00662 - N° Portalis DBVG-V-B7J-E4XK
COUR D'APPEL DE BESANÇON
1ère chambre civile et commerciale
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2025
Décision déférée à la Cour : jugement du 10 avril 2025 - RG N°24/01096 - JUGE DE LA MISE EN ETAT DE [Localité 5]
Code affaire : 50D - Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité
COMPOSITION DE LA COUR :
M. Michel WACHTER, Président de chambre.
et M. Philippe MAUREL et Mme Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseillers.
Greffier : Mme Leila ZAIT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DEBATS :
L'affaire a été examinée en audience publique du 23 septembre 2025 tenue par M. Michel WACHTER, président de chambre, et M. Philippe MAUREL et Mme Bénédicte UGUEN-LAITHIER, conseillers et assistés de Mme Leila ZAIT, greffier.
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
L'affaire oppose :
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Madame [B] [N] veuve [X]
née le 11 Janvier 1994 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Ariel LORACH de la SELASU LORACH - CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de BESANCON
ET :
INTIMÉE
Madame [J] [C]
née le 03 Janvier 1963 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Benoît MAURIN de la SELARL MAURIN-PILATI ASSOCIES, avocat au barreau de BESANCON
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Leila ZAIT, greffier lors du prononcé.
*************
Faits, procédure et prétentions des parties
Par acte notarié dressé le 16 juillet 2021 par Maître [R], notaire à [Localité 5], Mme [J] [C] a fait l'acquisition d'une maison à usage d'habitation située [Adresse 3] à [Localité 6], appartenant à Mme [B] [N] veuve [X].
Déplorant des désordres affectant le carrelage de plusieurs pièces de l'immeuble, Mme [J] [C] a confié au cabinet Elex une mission d'expertise privée, réalisée contradictoirement à l'égard de Mme [B] [N], dont le rapport, déposé le 28 juin 2023, conclut à l'impropriété à destination du revêtement carrelage litigieux.
Suivant acte du 11 avril 2024, Mme [J] [C] a fait assigner Mme [B] [N] veuve [X] devant le tribunal judiciaire de Besançon aux fins d'obtenir, sur le fondement de la garantie décennale, sa condamnation à lui verser la somme de 26 524,23 euros au titre de la réfection du carrelage, conformément aux préconisations du rapport d'expertise.
Dans le cadre de cette instance, Mme [B] [N] veuve [X] a saisi le juge de la mise en état d'une fin de non recevoir à l'effet de voir au principal, aux termes de ses ultimes conclusions d'incident du 13 janvier 2025, juger irrecevables les demandes adverses du fait de la forclusion.
Par ordonnance du 10 avril 2025, le juge de la mise en état a :
- rejeté la fin de non recevoir tirée de la forclusion de la demande indemnitaire formée par Mme [J] [C] sur le fondement de la garantie décennale
- rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles
- renvoyé l'affaire à la mise en état
- dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance principale
Pour se déterminer ainsi, le premier juge a, en substance, retenu :
- qu'il incombe à la demanderesse à l'incident qui se prévaut de la forclusion d'administrer la preuve que le délai pour agir à son encontre au titre de la garantie décennale est expiré et, par voie de conséquence, la date de réception des travaux, à compter de laquelle ce délai court, conformément à l'article 1792-4-1 du code civil ;
- que la pose du carrelage, objet du litige, ayant été réalisée par le maître de l'ouvrage lui-même sans recours à un locateur d'ouvrage, le délai décennal court par conséquent à compter du jour de l'achèvement des travaux de pose ;
- que les deux attestations selon lesquelles les travaux auraient été réalisés par M. [X] à l'étage de la maison à l'été 2013, et les photographies prétendues prises le 17 décembre 2013 sont manifestement insuffisantes pour rapporter cette preuve, de sorte qu'en l'absence de preuve de la date de réception l'action ne saurait être forclose.
Suivant déclaration du 28 avril 2025, Mme [B] [N] veuve [X] a relevé appel de cette décision, en en critiquant l'intégralité des dispositions, et aux termes de ses dernières écritures transmises le 18 septembre 2025, demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :
. rejeté la fin de non recevoir tirée de la forclusion
. rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles
. dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance principale
Statuant à nouveau,
- juger que Mme [J] [C] est forclose, voire prescrite, en ses demandes
- les déclarer irrecevables
- débouter Mme [J] [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
- condamner Mme [J] [C] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et 3 000 euros pour les frais irrépétibles à hauteur d'appel ainsi qu'aux entiers dépens
Suivant ultimes écritures transmises le 16 septembre 2025, Mme [J] [C], appelante incidente, demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance déférée, sauf en ce qu'elle ne lui a pas accordé d'indemnité de procédure et a statué sur les dépens
Statuant à nouveau,
- condamner Mme [B] [X] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et 3 500 euros pour ceux d'appel ainsi qu'aux dépens de l'incident d'instance et d'appel
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 septembre 2025.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Sur ce, la cour,
A titre liminaire, il est relevé que si les parties concluent surabondamment sur les moyens développés subsidiairement au fond devant les premiers juges tenant aux vices cachés et au dol ainsi qu'à la prescription de l'action pour vices cachés et à l'absence de manoeuvres pour inciter l'acquéreur à contracter, ces moyens étant sans objet dans le présent litige, qui ne porte à hauteur de cour que sur la prescription de l'action poursuivie au principal sur le fondement de la garantie décennale, il n'est point besoin de répondre aux développements correspondants.
I- Sur la fin de non recevoir tirée de la forclusion de l'action en garantie décennale
Mme [B] [N] veuve [X] fait grief à l'ordonnance entreprise d'avoir rejeté la fin de non recevoir tirée de la forclusion de l'action engagée à son encontre par son contradicteur sur le fondement de la garantie décennale.
Au soutien de son appel, elle fait valoir que les travaux de pose de carrelage litigieux ont été achevés fin décembre 2013, ainsi qu'en attestent selon elle les clichés photographiques pris le 17 décembre 2013 et trois témoignages fixant l'achèvement des travaux à la fin 2013, en sorte que la garantie décennale ne saurait être mobilisée, l'action engagée par exploit délivré le 11 avril 2024 étant atteinte par la forclusion.
Après avoir souligné l'intérêt limité de la fin de non recevoir ainsi soulevée par son contradicteur, compte tenu des deux fondements subsidiairement invoqués au fond devant les premiers juges, Mme [J] [C] lui objecte que son action engagée le 11 avril 2024 n'est pas prescrite puisqu'aucune preuve de la date à laquelle les travaux pouvaient être réceptionnés n'est rapportée et qu'il apparaît au contraire que les travaux se sont poursuivis jusqu'à la fin de l'année 2016, estimant les pièces adverses notoirement insuffisantes et les attestations complaisantes et contradictoires entre elles.
En vertu de l'article 1792 alinéa 1er du code civil 'tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination (...)'.
Selon l'article 1792-4-3 du même code, en dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux.
En l'espèce, il est constant que le revêtement carrelage litigieux constitue un ouvrage au sens de l'article 1792 précité.
Il s'ensuit qu'il incombe à l'appelante, qui soulève la fin de non recevoir tirée de la forclusion, d'administrer la preuve que son contradicteur a agi postérieurement au délai de dix ans courant à compter de la réception de l'ouvrage.
L'article 1792-6 du code civil énonce que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
Or, il est avéré qu'aucune réception expresse des travaux n'est intervenue en l'espèce.
Si la réception de l'ouvrage peut être expresse ou tacite, cette dernière procède d'une volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir ce dernier, qui peut résulter notamment de la prise de possession de l'ouvrage et du paiement concomitant du prix.
Dans la mesure où les travaux ont été réalisés par le conjoint, aujourd'hui décédé, de Mme [B] [N] veuve [X], aucune réception tacite n'a pu davantage avoir lieu.
Si les parties conviennent de cet état de fait, elles divergent en revanche sur la date à laquelle la réception de l'ouvrage est supposée être intervenue et que le premier juge situe, à juste titre, à la date d'achèvement de ceux-ci en présence d'un maître de l'ouvrage constructeur (Civ. 3ème 10 novembre 2016 n°15-24379 et 19 septembre 2019 n°18-19918).
A cet égard, si Mme [B] [N] veuve [X] prétend que l'achèvement des travaux est intervenu à la fin de l'année 2013, et au plus tard le 17 décembre 2013, c'est avec raison que l'intimée fait valoir que les attestations adverses ne sauraient suffire à administrer la preuve de la date de réception/achèvement desdits travaux, pas plus que les photographies communiquées.
Sur ce dernier point, s'il est produit deux clichés, supposés avoir été pris à la date du 17 décembre 2013 selon l'horodatage qui y figure, ceux-ci donnent à voir deux pièces à l'évidence encore en cours de travaux, dont seule une partie des sols carrelés est visible, de sorte qu'il ne peut en être tiré la conséquence d'un achèvement des travaux de carrelage à cette date précise.
Pour le surplus, la cour partage l'avis de l'intimée, selon lequel les six témoignages versés aux débats par Mme [B] [N] veuve [X] sont insuffisants à administrer la preuve d'une date précise d'achèvement des travaux litigieux.
Les attestations correspondantes apparaissent en effet imprécises et parfois divergentes quant au mois visé. M. [Z] [G], voisin du couple [X], indique ainsi que s'il n'y a pas pris part lui-même il a pu observer que les travaux de pose du carrelage 'ont été achevés pour la fin 2013". Mme [S] [A] indique pour sa part que M. [W] [X], propriétaire depuis mai 2013 de la maison, a commencé à réaliser des travaux de carrelage à l'étage au début de l'été 2013, lesquels se sont achevés 'à la fin de cette même année, aux alentours du 20/12/2013". En revanche, M. [D] [L], ancien collègue de M. [W] [X], qui indique s'être rendu à deux reprises au domicile de ce dernier courant novembre 2013 témoigne quant à lui que les 'travaux du 1er étage (carrelage, peinture, menuiserie) (...) ont été finalisés vers novembre 2013, avant l'un de ses départs en mission à l'étranger' et Mme [K] [P] expose 'avoir vu l'ensemble de la finalisation des travaux de la pièce à vivre, salle de bains, wc, couloir (...) en novembre 2013". Mme [M] [V], qui se présente comme étant l'ex-conjointe de M. [W] [X], précise enfin que 'les travaux du 1er étage de la maison (...) ont été finis vers octobre/novembre 2013".
Il résulte ainsi des développements qui précèdent que faute pour Mme [B] [N] veuve [X] de justifier de la date précise d'achèvement, valant réception pour le maître de l'ouvrage constructeur, des travaux litigieux, elle échoue à démontrer le bien fondé de la fin de non recevoir dont elle se prévaut à l'encontre de son contradicteur.
Dans ces conditions, la cour ne peut que confirmer l'ordonnance déférée, en ce qu'elle a écarté ladite fin de non recevoir tirée de la forclusion.
II- Sur les demandes accessoires
La décision entreprise sera confirmée s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.
Mme [B] [N] veuve [X], partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à verser à Mme [J] [C] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 10 avril 2025 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Besançon ;
Y ajoutant :
Condamne Mme [B] [N] veuve [X] à payer à Mme [J] [C] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [B] [N] veuve [X] aux dépens d'appel.
Le greffier, Le président,
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 25/00662 - N° Portalis DBVG-V-B7J-E4XK
COUR D'APPEL DE BESANÇON
1ère chambre civile et commerciale
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2025
Décision déférée à la Cour : jugement du 10 avril 2025 - RG N°24/01096 - JUGE DE LA MISE EN ETAT DE [Localité 5]
Code affaire : 50D - Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité
COMPOSITION DE LA COUR :
M. Michel WACHTER, Président de chambre.
et M. Philippe MAUREL et Mme Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseillers.
Greffier : Mme Leila ZAIT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DEBATS :
L'affaire a été examinée en audience publique du 23 septembre 2025 tenue par M. Michel WACHTER, président de chambre, et M. Philippe MAUREL et Mme Bénédicte UGUEN-LAITHIER, conseillers et assistés de Mme Leila ZAIT, greffier.
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
L'affaire oppose :
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Madame [B] [N] veuve [X]
née le 11 Janvier 1994 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Ariel LORACH de la SELASU LORACH - CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de BESANCON
ET :
INTIMÉE
Madame [J] [C]
née le 03 Janvier 1963 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Benoît MAURIN de la SELARL MAURIN-PILATI ASSOCIES, avocat au barreau de BESANCON
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Leila ZAIT, greffier lors du prononcé.
*************
Faits, procédure et prétentions des parties
Par acte notarié dressé le 16 juillet 2021 par Maître [R], notaire à [Localité 5], Mme [J] [C] a fait l'acquisition d'une maison à usage d'habitation située [Adresse 3] à [Localité 6], appartenant à Mme [B] [N] veuve [X].
Déplorant des désordres affectant le carrelage de plusieurs pièces de l'immeuble, Mme [J] [C] a confié au cabinet Elex une mission d'expertise privée, réalisée contradictoirement à l'égard de Mme [B] [N], dont le rapport, déposé le 28 juin 2023, conclut à l'impropriété à destination du revêtement carrelage litigieux.
Suivant acte du 11 avril 2024, Mme [J] [C] a fait assigner Mme [B] [N] veuve [X] devant le tribunal judiciaire de Besançon aux fins d'obtenir, sur le fondement de la garantie décennale, sa condamnation à lui verser la somme de 26 524,23 euros au titre de la réfection du carrelage, conformément aux préconisations du rapport d'expertise.
Dans le cadre de cette instance, Mme [B] [N] veuve [X] a saisi le juge de la mise en état d'une fin de non recevoir à l'effet de voir au principal, aux termes de ses ultimes conclusions d'incident du 13 janvier 2025, juger irrecevables les demandes adverses du fait de la forclusion.
Par ordonnance du 10 avril 2025, le juge de la mise en état a :
- rejeté la fin de non recevoir tirée de la forclusion de la demande indemnitaire formée par Mme [J] [C] sur le fondement de la garantie décennale
- rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles
- renvoyé l'affaire à la mise en état
- dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance principale
Pour se déterminer ainsi, le premier juge a, en substance, retenu :
- qu'il incombe à la demanderesse à l'incident qui se prévaut de la forclusion d'administrer la preuve que le délai pour agir à son encontre au titre de la garantie décennale est expiré et, par voie de conséquence, la date de réception des travaux, à compter de laquelle ce délai court, conformément à l'article 1792-4-1 du code civil ;
- que la pose du carrelage, objet du litige, ayant été réalisée par le maître de l'ouvrage lui-même sans recours à un locateur d'ouvrage, le délai décennal court par conséquent à compter du jour de l'achèvement des travaux de pose ;
- que les deux attestations selon lesquelles les travaux auraient été réalisés par M. [X] à l'étage de la maison à l'été 2013, et les photographies prétendues prises le 17 décembre 2013 sont manifestement insuffisantes pour rapporter cette preuve, de sorte qu'en l'absence de preuve de la date de réception l'action ne saurait être forclose.
Suivant déclaration du 28 avril 2025, Mme [B] [N] veuve [X] a relevé appel de cette décision, en en critiquant l'intégralité des dispositions, et aux termes de ses dernières écritures transmises le 18 septembre 2025, demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :
. rejeté la fin de non recevoir tirée de la forclusion
. rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles
. dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance principale
Statuant à nouveau,
- juger que Mme [J] [C] est forclose, voire prescrite, en ses demandes
- les déclarer irrecevables
- débouter Mme [J] [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
- condamner Mme [J] [C] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et 3 000 euros pour les frais irrépétibles à hauteur d'appel ainsi qu'aux entiers dépens
Suivant ultimes écritures transmises le 16 septembre 2025, Mme [J] [C], appelante incidente, demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance déférée, sauf en ce qu'elle ne lui a pas accordé d'indemnité de procédure et a statué sur les dépens
Statuant à nouveau,
- condamner Mme [B] [X] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et 3 500 euros pour ceux d'appel ainsi qu'aux dépens de l'incident d'instance et d'appel
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 septembre 2025.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Sur ce, la cour,
A titre liminaire, il est relevé que si les parties concluent surabondamment sur les moyens développés subsidiairement au fond devant les premiers juges tenant aux vices cachés et au dol ainsi qu'à la prescription de l'action pour vices cachés et à l'absence de manoeuvres pour inciter l'acquéreur à contracter, ces moyens étant sans objet dans le présent litige, qui ne porte à hauteur de cour que sur la prescription de l'action poursuivie au principal sur le fondement de la garantie décennale, il n'est point besoin de répondre aux développements correspondants.
I- Sur la fin de non recevoir tirée de la forclusion de l'action en garantie décennale
Mme [B] [N] veuve [X] fait grief à l'ordonnance entreprise d'avoir rejeté la fin de non recevoir tirée de la forclusion de l'action engagée à son encontre par son contradicteur sur le fondement de la garantie décennale.
Au soutien de son appel, elle fait valoir que les travaux de pose de carrelage litigieux ont été achevés fin décembre 2013, ainsi qu'en attestent selon elle les clichés photographiques pris le 17 décembre 2013 et trois témoignages fixant l'achèvement des travaux à la fin 2013, en sorte que la garantie décennale ne saurait être mobilisée, l'action engagée par exploit délivré le 11 avril 2024 étant atteinte par la forclusion.
Après avoir souligné l'intérêt limité de la fin de non recevoir ainsi soulevée par son contradicteur, compte tenu des deux fondements subsidiairement invoqués au fond devant les premiers juges, Mme [J] [C] lui objecte que son action engagée le 11 avril 2024 n'est pas prescrite puisqu'aucune preuve de la date à laquelle les travaux pouvaient être réceptionnés n'est rapportée et qu'il apparaît au contraire que les travaux se sont poursuivis jusqu'à la fin de l'année 2016, estimant les pièces adverses notoirement insuffisantes et les attestations complaisantes et contradictoires entre elles.
En vertu de l'article 1792 alinéa 1er du code civil 'tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination (...)'.
Selon l'article 1792-4-3 du même code, en dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux.
En l'espèce, il est constant que le revêtement carrelage litigieux constitue un ouvrage au sens de l'article 1792 précité.
Il s'ensuit qu'il incombe à l'appelante, qui soulève la fin de non recevoir tirée de la forclusion, d'administrer la preuve que son contradicteur a agi postérieurement au délai de dix ans courant à compter de la réception de l'ouvrage.
L'article 1792-6 du code civil énonce que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
Or, il est avéré qu'aucune réception expresse des travaux n'est intervenue en l'espèce.
Si la réception de l'ouvrage peut être expresse ou tacite, cette dernière procède d'une volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir ce dernier, qui peut résulter notamment de la prise de possession de l'ouvrage et du paiement concomitant du prix.
Dans la mesure où les travaux ont été réalisés par le conjoint, aujourd'hui décédé, de Mme [B] [N] veuve [X], aucune réception tacite n'a pu davantage avoir lieu.
Si les parties conviennent de cet état de fait, elles divergent en revanche sur la date à laquelle la réception de l'ouvrage est supposée être intervenue et que le premier juge situe, à juste titre, à la date d'achèvement de ceux-ci en présence d'un maître de l'ouvrage constructeur (Civ. 3ème 10 novembre 2016 n°15-24379 et 19 septembre 2019 n°18-19918).
A cet égard, si Mme [B] [N] veuve [X] prétend que l'achèvement des travaux est intervenu à la fin de l'année 2013, et au plus tard le 17 décembre 2013, c'est avec raison que l'intimée fait valoir que les attestations adverses ne sauraient suffire à administrer la preuve de la date de réception/achèvement desdits travaux, pas plus que les photographies communiquées.
Sur ce dernier point, s'il est produit deux clichés, supposés avoir été pris à la date du 17 décembre 2013 selon l'horodatage qui y figure, ceux-ci donnent à voir deux pièces à l'évidence encore en cours de travaux, dont seule une partie des sols carrelés est visible, de sorte qu'il ne peut en être tiré la conséquence d'un achèvement des travaux de carrelage à cette date précise.
Pour le surplus, la cour partage l'avis de l'intimée, selon lequel les six témoignages versés aux débats par Mme [B] [N] veuve [X] sont insuffisants à administrer la preuve d'une date précise d'achèvement des travaux litigieux.
Les attestations correspondantes apparaissent en effet imprécises et parfois divergentes quant au mois visé. M. [Z] [G], voisin du couple [X], indique ainsi que s'il n'y a pas pris part lui-même il a pu observer que les travaux de pose du carrelage 'ont été achevés pour la fin 2013". Mme [S] [A] indique pour sa part que M. [W] [X], propriétaire depuis mai 2013 de la maison, a commencé à réaliser des travaux de carrelage à l'étage au début de l'été 2013, lesquels se sont achevés 'à la fin de cette même année, aux alentours du 20/12/2013". En revanche, M. [D] [L], ancien collègue de M. [W] [X], qui indique s'être rendu à deux reprises au domicile de ce dernier courant novembre 2013 témoigne quant à lui que les 'travaux du 1er étage (carrelage, peinture, menuiserie) (...) ont été finalisés vers novembre 2013, avant l'un de ses départs en mission à l'étranger' et Mme [K] [P] expose 'avoir vu l'ensemble de la finalisation des travaux de la pièce à vivre, salle de bains, wc, couloir (...) en novembre 2013". Mme [M] [V], qui se présente comme étant l'ex-conjointe de M. [W] [X], précise enfin que 'les travaux du 1er étage de la maison (...) ont été finis vers octobre/novembre 2013".
Il résulte ainsi des développements qui précèdent que faute pour Mme [B] [N] veuve [X] de justifier de la date précise d'achèvement, valant réception pour le maître de l'ouvrage constructeur, des travaux litigieux, elle échoue à démontrer le bien fondé de la fin de non recevoir dont elle se prévaut à l'encontre de son contradicteur.
Dans ces conditions, la cour ne peut que confirmer l'ordonnance déférée, en ce qu'elle a écarté ladite fin de non recevoir tirée de la forclusion.
II- Sur les demandes accessoires
La décision entreprise sera confirmée s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.
Mme [B] [N] veuve [X], partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à verser à Mme [J] [C] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 10 avril 2025 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Besançon ;
Y ajoutant :
Condamne Mme [B] [N] veuve [X] à payer à Mme [J] [C] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [B] [N] veuve [X] aux dépens d'appel.
Le greffier, Le président,