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CA Paris, Pôle 1 - ch. 11, 26 novembre 2025, n° 25/06565

PARIS

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CA Paris n° 25/06565

26 novembre 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 11

L. 743-22 du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU 26 NOVEMBRE 2025

(1 pages)

Numéro d'inscription au numéro général et de décision : B N° RG 25/06565 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CMKAO

Décision déférée : ordonnance rendue le 25 novembre 2025, à 11h17, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris

Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère, à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Marie Bounaix, greffière aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANTS

1°) LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE PRÈS DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS

MINISTÈRE PUBLIC, en la personne de Mme Martine Trapero, avocat général,

2°) LE PRÉFET DE POLICE

représenté par Me Ludivine Floret, du cabinet Adam-Caumeil, avocat au barreau de Paris

INTIMÉ

M. [I] [B] [S] [Z]

né le 14 juin 1982 à [Localité 4], de nationalité camerounaise

RETENU au centre de rétention de [Localité 3]

assisté de Me Ruben Garcia, avocat au barreau de Paris

présent en salle d'audience au centre de rétention administrative du [1], plaidant par visioconférence

ORDONNANCE :

- contradictoire,

- prononcée en audience publique,

- Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l'application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;

Constatant qu'aucune salle d'audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n'est disponible pour l'audience de ce jour ;

- Vu l'ordonnance du 25 novembre 2025, à 11h17 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris, du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris, constatant l'irrégularité de la procédure, disant n'y avoir lieu à mesure de surveillance et de contrôle et rappelant à l'intéressé qu'il a l'obligation de quitter le territoire national ;

- Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 25 novembre 2025 à 13h13 par le procureur de la République près du tribunal judiciaire de Paris, avec demande d'effet suspensif ;

- Vu l'appel de ladite ordonnance, interjeté le 25 novembre 2025, à 16h21, par le préfet de police ;

- Vu l'ordonnance du 25 novembre 2025 conférant un caractère suspensif au recours du procureur de la République ;

- Vu la décision de jonction, par mention au dossier, des deux appels ;

- Vu les conclusions du conseil de M. [I] [B] [S] [Z] reçues le 25 novembre 2025 à 15h14 ;

Me Garcia in limine litis renonce aux moyens relatifs aux moyens tirés de la notification de l'appel du procureur de la République et de la notification de l'ordonnance suspensive à l'intéressé.

- Vu les observations :

- de l'avocat général tendant à l'infirmation de l'ordonnance ;

- du conseil de la préfecture lequel, s'associant à l'argumentation développée par le ministère public, nous demande d'infirmer l'ordonnance et de prolonger la rétention pour une durée de 26 jours ;

- de M. [I] [B] [S] [Z], assisté de son conseil qui demande la confirmation de l'ordonnance ;

SUR QUOI,

Monsieur [I] [B] [S] [Z], né le 14 juin 1982 à [Localité 4] (Cameroun), a été placé en rétention par arrêté préfectoral en date du 21 novembre 2025, sur la base d'un arrêté préfectoral portant OQTF en date du même jour.

Par ordonnance en date du 25 novembre 2025, le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de Paris a déclaré la procédure de garde à vue irrégulière pour défaut d'alimentation et déclaré la requête irrecevable faute de mention du recours contre l'OQTF sur le registre.

Le procureur de la République a interjeté appel et sollicité l'effet suspensif.

L'effet suspensif a été accordé par ordonnance en date du 25 novembre 2025.

La préfecture a également interjeté appel.

Monsieur [I] [B] [S] [Z], par conclusions d'intimé, demande à la cour de :

- confirmer la décision ayant retenu l'irrégularité de la garde à vue

- déclarer la garde à vue irrégulière pour absence d'avis au procureur de la République de la garde à vue supplétive

- constater la levée tardive de la garde à vue

- déclarer irrecevable la requête du préfet faute de registre actualisé

- déclarer irrégulier l'arrêté de placement en rétention pour :

- absence de délégation de signature du signataire

- déloyauté de la procédure préalable à la rétention

- absence de menace à l'ordre public

- absence d'examen de la situation personnelle du requérant

- disproportion

- non prise en compte de l'état de vulnérabilité

Sur ce,

Sur la recevabilité de la requête aux fins de prolongation

Il résulte de l'article L.744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative, d'une part, tient à jour un registre relatif aux personnes retenues, d'autre part, tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Aux termes de l'article R.743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2 précité. Il est constant que ce registre doit être 'actualisé' pour être pertinent.

L'absence de production d'une copie actualisée du registre équivaut à l'absence de production du registre.

S'agissant en outre des informations devant être contenues dans le registre, il n'existe aucune liste ni dans la partie législative ni dans la partie réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile déclinant précisément ce que recouvrent les notions susvisées tenant aux « conditions de (') placement ou de (') maintien en rétention ».

En revanche, il peut être rappelé que l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention prévu à l'article L. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative » (LOGICRA) en son article 2 dispose que :

« Le registre et le traitement mentionnés à l'article 1er enregistrent des données à caractère personnel et informations, figurant en annexe du présent arrêté, et relatives :

- à l'étranger placé en rétention administrative et, le cas échéant, aux enfants mineurs l'accompagnant;

- à la procédure administrative de placement en rétention administrative ;

- aux procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention ;

- à la fin de la rétention et à l'éloignement. »

et son annexe (données à caractère personnel et informations enregistrées dans les traitements) en son III 1° prévoit que figurent « Concernant les procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention :

Contentieux administratif : type de recours, juridiction saisie, date et heure de l'audience, décision, appel ».

Ce texte, opposable à l'administration, est clair, même s'il doit aussi être noté qu'il obéit à une autre finalité tenant au contenu du registre au regard des données autorisées à être traitées informatiquement.

En ce domaine, il appartient au juge de vérifier, in concreto et dans chaque espèce, qu'il dispose des informations utiles au contrôle qu'il doit exercer sans imposer, pour autant, un formalisme excessif à l'administration, mais aussi que le registre a été renseigné afin de répondre au second objectif tenant au contrôle d'autres instances de la privation de liberté en cours, ce qui constitue également un droit pour la personne retenue.

S'agissant du recours portant sur le fondement même de la rétention que constitue ici l'OQTF, il est indifférent pour l'importance de cette mention que le recours ait été diligenté avant le placement en rétention. D'une part, le texte susvisé est clair et d'autre part, il n'est ni contesté ni contestable que l'autorité administrative avait eu connaissance, dès le 22 novembre à 13h45 du recours exercé par Monsieur [I] [B] [S] [Z]. Pour autant, aucune mention n'est portée sur le registre communiqué avec al saisine au magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté le 24 novembre 2025.

C'est donc à juste titre que le premier juge a déclaré la requête irrecevable. Du fait de cette irrecevabilité, il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens soulevés. Par conséquent, il n'était pas utile de se prononcer sur la régularité de la garde à vue en première instance.

Dès lors, la décision sera infirmée en ce qu'elle a statué sur la régularité de la garde à vue alors même que la requête du préfet était irrecevable.

PAR CES MOTIFS

INFIRMONS l'ordonnance du 25 novembre 2025,

STATUANT À NOUVEAU,

DÉCLARONS irrecevable la requête du préfet de police de [Localité 2],

DISONS n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de M. [I] [B] [S] [Z],

RAPPELONS à l'intéressé qu'il a l'obligation de quitter le territoire français,

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.

Fait à [Localité 2] le 26 novembre 2025 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

Pour information :

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant L'intéressé L'avocat de l'intéressé L'avocat général

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