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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 16, 4 novembre 2025, n° 24/16194

PARIS

Ordonnance

Autre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

BARLOW

CA Paris n° 24/16194

3 novembre 2025

I/ FAITS ET PROCEDURE

1. La cour est saisie d'un recours en annulation contre une sentence arbitrale rendue à [Localité 4] le 2 août 2024, sous l'égide de la Chambre arbitrale du sport, dans une affaire CAS n° 24-082023 opposant la société de droit français [Localité 2] Olympique Sporting Club (ci-après, « le [3] ») à la société de droit luxembourgeois Starfactory Football Management.

2. Le différend à l'origine de cette sentence porte sur le paiement du solde d'une commission que Starfactory Football Management considère comme lui être due au titre de sa mission d'intermédiaire dans le transfert d'un joueur professionnel, en exécution d'un contrat d'agent sportif conclu avec le Losc.

3. Le 5 juillet 2019, le LOSC et Starfactory Football Management ont conclu un contrat d'agent sportif par lequel cette dernière était mandatée pour négocier avec le club de [Localité 1] le transfert définitif d'un joueur durant la période d'enregistrement de l'été 2019.

4. Le contrat prévoyait le versement d'une commission de 9 % HT du montant de l'indemnité fixe de transfert payée par le Losc au club de [Localité 1], plafonnée à 1 000 000 euros.

5. Le 1er juillet 2020, Starfactory Football Management a adressé au Losc une première facture d'un montant de 400 000 euros, qui a été réglée le 7 octobre 2020.

6. Trois autres factures de 200 000 euros chacune ont été adressées au Losc, les 15 juin 2021, 12 juillet 2022 et 20 juillet 2023, sans être réglées.

7. En décembre 2020, à la suite de la prise de contrôle du Locs par le fonds d'investissement Merlyn Partners, un audit interne des contrats d'agents et de supervision a été réalisé.

8. A l'issue de cet audit interne, le Losc a fait connaître à Starfactory Football Management sa décision de ne pas honorer le paiement de la facture émise le 15 juin 2021.

9. Le 1er septembre 2023, Starfactory Football Management a engagé une procédure d'arbitrage devant la Chambre arbitrale du sport du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) en application de la clause d'arbitrage prévue dans le contrat du 5 juillet 2019. Elle sollicitait la condamnation du Losc à lui verser les sommes de 600 000 euros au titre du solde de la commission, et 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et atteinte à sa réputation.

10. Par sentence arbitrale du 2 août 2024, notifiée le 21 août 2024, le tribunal arbitral a statué en ces termes :

DIT ET JUGE que la CAS est compétente pour trancher le présent litige ;

REJETTE les demandes de la Défenderesse de communication de pièces, d'injonction aux fins de communication de pièces et de comparution de Madame [X] [R], Monsieur [I] [U] et Monsieur [G] [O] [L] à l'audience de plaidoiries ;

DIT ET JUGE que le Contrat d'Agent Sportif est valable et a été pleinement exécuté par la Demanderesse ;

DIT ET JUGE que les exceptions de nullité du Contrat d'Agent Sportif soulevées par la Défenderesse sont inopérantes ;

DIT ET JUGE que la Défenderesse doit respecter ses obligations financières en application du Contrat d'Agent Sportif.

EN CONSÉQUENCE :

CONDAMNE la Défenderesse à verser à la Demanderesse la somme de 600.000 euros correspondant à la commission lui restant due en application du Contrat d'Agent Sportif ;

CONDAMNE la Défenderesse à verser des intérêts de retard, comme suit :

- sur la somme de 200.000 euros, les intérêts légaux courant du 1er juillet 2021 jusqu'à la date de paiement effectif ;

- sur la somme de 200.000 euros, les intérêts légaux courant du 1er juillet 2022 jusqu'à la date de paiement effectif ;

- sur la somme de 200.000 euros, les intérêts légaux courant du 1er juillet 2023 jusqu'à la date de paiement effectif.

DIT que le surplus des conclusions de la Demanderesse est rejeté ;

DEBOUTE la Défenderesse de l'ensemble de ses Demandes ;

CONDAMNE la Défenderesse ; à rembourser à la Demanderesse et/ou s'acquitter auprès de la Chambre Arbitrale du Sport du CNOSF de toutes les sommes dues au titre des frais et honoraires d'arbitrage tels que visés aux articles 25 et 29 du Règlement et de tous autres frais exposés pour les besoins de la présente action.

DIT que les frais d'avocat sont laissés à la charge de chaque partie ;

ORDONNE l'exécution provisoire de sa sentence.

11. Le Losc a formé un recours en annulation contre cette sentence arbitrale devant la cour de céans, par déclaration du 10 septembre 2024.

12. Par conclusions du 22 juillet 2025, Starfactory Football Management a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident aux fins de voir déclarer irrecevable le recours en annulation formé par le LOSC.

II/ CONCLUSIONS ET DEMANDES DES PARTIES

13. Dans ses dernières conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 22 juillet 2025, Starfactory Football Management demande à la cour de bien vouloir :

- PRONONCER l'irrecevabilité du recours en annulation introduit par le LOSC contre la Sentence.

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE,

- CONDAMNER le LOSC à verser à STARFACTORY une somme de 30.000 (Trente Mille Euros) à titre de dommages et intérêts pour le recours en annulation dilatoire et abusif.

- CONDAMNER le LOSC à une amende civile en application de l'article 32-1 du CPC.

- CONDAMNER le LOSC à verser à STARFACTORY une somme de 5.000 € (Cinq Mille Euros) au titre de l'article 700 du CPC.

- CONDAMNER le LOSC aux entiers dépens

14. Dans ses dernières conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 22 septembre 2025, le LOSC demande à la cour, au visa des articles 122, 1504, 1518 et 1520 du code de procédure civile de bien vouloir :

- REJETER la fin de non-recevoir invoquée par la société STARFACTORY FOOTBALL MANAGEMENT

- CONDAMNER la société STARFACTORY FOOTBALL MANAGEMENT à verser à la société LOSC [Localité 2] une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNER la société STARFACTORY FOOTBALL MANAGEMENT aux entiers dépens.

III/ EXAMEN DES DEMANDES

A. Sur la fin de non-recevoir

i. Positions des parties

15. Starfactory Football Management conclut à l'irrecevabilité du recours en annulation formée par la société Losc [Localité 2] en faisant valoir que :

- sous couvert de l'application de l'article 1520 du code de procédure civile, la recourante cherche à faire rejuger l'affaire au fond par la cour d'appel de Paris ;

- elle n'apporte aucun élément sérieux à l'appui de son moyen tiré de la violation du principe de la contradiction, la formation arbitrale ayant agi dans les limites de sa mission et des pouvoirs qui lui étaient confiés ;

- s'agissant de la contrariété alléguée à l'ordre public international, elle reprend le même argumentaire que devant les arbitres, qui ont déjà écarté ces moyens de fait et de droit.

16. Le Losc répond que :

- les arguments avancés par Starfactory Football Management visent à faire rejeter le recours en annulation comme étant mal fondé ;

- la demanderesse à l'incident ne démontre pas que le Losc serait dépourvu du droit d'agir.

ii. Appréciation

17. Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

18. Pour conclure à l'irrecevabilité du recours formé par le Losc, Starfactory Football Management critique la pertinence et le sérieux des moyens d'annulation invoqués par cette société.

19. Ce faisant, elle ne remet nullement en cause le droit d'agir de la recourante.

20. Le recours en annulation formé par le Losc ne saurait dès lors être considéré comme irrecevable de ce chef, étant relevé que :

- cette société était partie à procédure arbitrale ayant abouti au prononcé de la sentence querellée ;

- en application de l'article 31 du code de procédure civile, l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bienfondé de l'action.

21. En outre, le fait que la formation arbitrale se soit déjà prononcée sur certains moyens de fait ou de droit invoqué au soutien du recours en annulation ne constitue pas un motif d'irrecevabilité du recours, le contrôle opéré par le juge de l'annulation, par nature distinct de celui fait par le tribunal arbitral, ayant une finalité propre.

22. Il y a lieu, dans ces conditions, de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par Starfactory Football Management.

B. Sur la demande de dommages et intérêts

23. Starfactory Football Management sollicite la condamnation du Losc à lui payer des dommages et intérêts pour recours abusif et dilatoire.

24. Mais, outre que cette prétention n'est étayée par aucun moyen de fait et de droit, la demanderesse à l'incident échoue à démontrer l'irrecevabilité du recours en annulation. Sa demande d'indemnisation doit dès lors être rejetée.

25. Sa demande de condamnation à une amende civile pour procédure abusive est quant à elle irrecevable, Starfactory Football Management n'ayant pas qualité pour former une telle demande, qui profite à l'État.

C. Sur les frais de l'incident

26. Starfactory Football Mangement, qui succombe en ses prétentions, sera condamnée aux dépens de l'incident, la demande qu'elle forme au titre de l'article 700 du code de procédure civile étant rejetée.

27. Elle sera condamnée à payer à la société Losc [Localité 2] la somme de 3 000 euros en application du même article.

IV/ DISPOSITIF

Par ces motifs, le magistrat chargé de la mise en état :

1) Rejette la fin de non-recevoir invoquée par la société Starfactory Football Management ;

2) Déclare recevable le recours en annulation formé par la société Losc [Localité 2] ;

3) Rejette la demande de condamnation à des dommages et intérêts formée par la société Starfactory Football Management pour procédure abusive et dilatoire ;

4) Déclare irrecevable la demande de condamnation à une amende civile formée par la société Starfactory Football Management ;

5) Condamne la société Starfactory Football Management aux dépens de l'incident ;

6) En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Starfactory Football Management et la condamne à payer à la société Losc [Localité 2] la somme de trois mille (3 000) euros.

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