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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 16, 13 novembre 2025, n° 24/16280

PARIS

Ordonnance

Autre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

LE VAILLANT

CA Paris n° 24/16280

12 novembre 2025

I/ FAITS ET PROCEDURE

1. M. [J] [G] [O] a conclu, le 17 février 2017, avec la société de droit libanais H2 holding S.A.L., M. [M] [J] [F] [O], M. [J] [F] [O], M. [X] [J] [F] [O] et la société de droit libanais Resource group holding SAL un contrat de cession de l'ensemble des participations directes et indirectes qu'il détenait dans plusieurs sociétés.

2. Le même jour, les parties ont conclu un contrat portant sur les garanties personnelles fournies par M. [J] [G] [O] en tant que cédant de ses diverses participations, les cessionnaires s'engageant à donner mainlevée de ces garanties sous peine d'une pénalité de retard calculée selon un taux progressif.

3. Invoquant un défaut de mainlevée de plusieurs garanties personnelles, ou sa tardiveté, M. [J] [G] [O] a saisi la Cour internationale d'arbitrage de la CCI par demande d'arbitrage du 9 septembre 2020 pour obtenir la condamnation solidaire de la société H2 holding S.A.L., de M. [M] [J] [F] [O], de M. [J] [F] [O], de M. [X] [J] [F] [O] et de la société Resource group holding SAL au paiement de pénalités au titre du contrat de garanties du 17 février 2017.

4. Par sentence rendue à Beyrouth le 21 novembre 2022, le tribunal arbitral a notamment dit que les défendeurs à l'arbitrage sont solidairement tenus au paiement à M. [J] [G] [O], pour son compte et celui de son père, M. [G] [S] [O], de la somme de cinq millions de dollars américains à titre de pénalités prévues à l'article 2.08 du contrat de garanties du 17 février 2017, outre les pénalités de 1% par mois de l'encours de la dette envers le Crédit Libanais, lesquelles courront, sous réserve de leur liquidation et de leur réduction éventuelle, à compter de la date de la sentence jusqu'à la mainlevée complète des Garanties Personnelles liées à cette dette et que les défendeurs à l'arbitrage sont solidairement tenus au remboursement à M. [J] [G] [O] de la somme de 139 500 USD au titre des frais de l'arbitrage.

5. Par ordonnance du 26 février 2024, la délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris a accordé l'exequatur de cette sentence arbitrale.

6. Par déclaration du 17 septembre 2024, la société H2 holding S.A.L., M. [M] [J] [F] [O], M. [J] [F] [O], M. [X] [J] [F] [O] et la société Resource group holding SAL ont interjeté appel de l'ordonnance d'exequatur.

7. Par conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 14 février 2025, les appelants ont saisi le conseiller de la mise en état, d'une part, d'une exception de connexité internationale entre le " recours en annulation " et la demande de validité et/ou la contestation " d'un paiement " des causes de la sentence portée devant le tribunal civil de première instance de Beyrouth aux fins de sursis à statuer dans l'attente de la décision de cette juridiction libanaise et, d'autre part, d'une demande d'arrêt de l'exécution de la sentence arbitrale rendue à Beyrouth le 21 novembre 2022.

8. Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er septembre 2025, la société H2 holding S.A.L., M. [M] [J] [F] [O], M. [J] [F] [O], M. [X] [J] [F] [O] et la société Resource group holding SAL demandent au conseiller de la mise en état, au visa des articles 42, 101, 514-3, 1516, 1520, 1525 et 1526 du code de procédure civile et de l'article 1342 du code civil, de :

In limine litis,

- Juger qu'une exception de connexité internationale est constituée entre le recours en annulation et la demande de validité et/ou la contestation du paiement devant le Tribunal Civil de Première Instance à Beyrouth (Liban) ;

- Sursoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive du Tribunal Judiciaire de Beyrouth, devenue irrévocable, sur les actions en nullité de l'offre réelle de consignation introduite par Monsieur [J] [G] [O], ainsi que sur les actions en validité de ladite offre introduites par Monsieur [J] [F] [O], inscrites devant ce tribunal sous les numéros 444/2024, 445/2024 ainsi que 469/2024 et 470/2024.

A titre principal,

- Juger que les Appelants disposent de moyens sérieux d'annulation de l'ordonnance d'exequatur accordant force exécutoire à la sentence arbitrale critiquée ;

- Juger que l'exécution provisoire de la sentence arbitrale risque de léser gravement les droits des Appelants.

Par conséquent,

- Ordonner l'arrêt d'exécution de la sentence arbitrale rendue le 21 novembre 2022 à Beyrouth au Liban, en attendant la décision de la Cour d'appel de Paris quant au recours en appel contre l'Ordonnance d'exequatur rendant exécutoire la sentence arbitrale litigieuse ;

- Condamner l'Intimé, Monsieur [J] [G] [O], à payer la somme de 50.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance, dont le recouvrement sera poursuivi par la SELARL 2H AVOCATS en la personne de Maître Audrey SCHWAB, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

9. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 juillet 2025, M. [J] [G] [O] demande à la cour, au visa des articles 101, 377 et suivants, 1516, 1518, 1520, 1525 et 1526 du code de procédure civile, de bien vouloir :

- Déclarer Monsieur [J] [G] [O] recevable en ses demandes, fins et conclusions

En conséquence :

- Débouter la société H2 HOLDING SAL, Monsieur [M] [J] [F] [O], Monsieur [J] [F] [O], Monsieur [X] [J] [F] [O] et la société RESOURCE GROUP HOLDING SAL de leur demande de sursis à statuer en attendant la décision du Tribunal civil de Première instance de Beyrouth ;

- Débouter la société H2 HOLDING SAL, Monsieur [M] [J] [F] [O], Monsieur [J] [F] [O], Monsieur [X] [J] ²demande d'arrêt de l'exécution provisoire de la sentence rendue le 21 novembre 2022 à Beyrouth ;

En tout état de cause,

- Débouter la société H2 HOLDING SAL, Monsieur [M] [J] [F] [O], Monsieur [J] [F] [O], Monsieur [X] [J] [F] [O] et la société RESOURCE GROUP HOLDING SAL de l'ensemble de leurs demandes, fins, prétentions et conclusions ;

- Condamner in solidum la société H2 HOLDING SAL, Monsieur [M], [J] [F] [O], Monsieur [J] [F] [O], Monsieur [X] [J] [F] [O] et la société RESOURCE GROUP HOLDING SAL à verser à Monsieur [J] [G] [O] la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'incident, dont distraction au profit de la SELARL LX Paris-Versailles-Reims, représentée Maître Matthieu Boccon-Gibod.

10. L'incident a été plaidé dans les termes des conclusions susvisées à l'audience d'incident du conseiller de la mise en état du 18 septembre 2025.

II/ MOTIFS DE LA DECISION

A. Sur l'exception de connexité internationale et la demande de sursis à statuer

i. Enoncé des moyens des parties

11. La société H2 holding S.A.L., M. [M] [J] [F] [O], M. [J] [F] [O], M. [X] [J] [F] [O] et la société Resource group holding SAL exposent que M. [J] [F] [O] a procédé à des offres réelles des sommes d'argent mises à leur charge par la sentence arbitrale du 21 novembre 2022 et de consignation de ces sommes au moyen de la remise de deux chèques entre les mains d'un notaire à Beyrouth le 30 septembre 2024, que M. [J] [G] [O] a fait assigner l'offrant en nullité de ces offres réelles et de consignation devant le tribunal civil de première instance de Beyrouth par acte du 10 octobre 2024 et que l'offrant a fait assigner M. [J] [G] [O] en déclaration de validité de ces offres devant cette même juridiction par acte du 12 novembre 2024.

12. Ils soutiennent être fondés à soulever une exception de connexité internationale fondant leur demande de sursis à statuer car il existe un lien étroit entre les instances en cours devant le tribunal civil de première instance de Beyrouth et la présente instance d'appel de l'ordonnance d'exequatur de la sentence arbitrale du 21 novembre 2022, que chaque juridiction est régulièrement saisie d'une demande relevant de sa compétence propre et qu'il en résulte un risque de contrariété de décisions car les offres réelles et de consignation du 30 septembre 2024 valent paiement et ont un effet libératoire sous condition résolutoire du prononcé d'une décision par la juridiction libanaise compétente, déjà saisie, les déclarant nulles de sorte que, une même dette ne pouvant être réglée plusieurs fois, une décision des juridictions françaises autorisant M. [J] [G] [O] à poursuivre l'exécution forcée de la sentence arbitrale en France et statuant sur l'appel de l'ordonnance d'exequatur de cette sentence créerait un risque de coexistence de décisions inconciliables.

13. En réponse, M. [J] [G] [O] fait valoir que l'admission d'une exception de connexité n'est qu'une simple faculté pour le juge et que, dans l'ordre international, elle ne peut être admise que lorsqu'il existe un risque de contrariété de décisions.

14. Il soutient que cette exception n'est pas applicable en matière d'exequatur d'une sentence arbitrale rendue à l'étranger car le juge de l'exequatur a pour office de vérifier que la sentence arbitrale remplit les conditions de sa reconnaissance et de son exécution et non de trancher le fond du litige, de sorte qu'il doit statuer sans tenir compte de procédures connexes, aucune juridiction étrangère ne pouvant avoir compétence pour statuer sur une demande d'exequatur soumise au juge français.

15. Il fait valoir que les litiges pendants devant les juridictions française et libanaise n'ont pas le même objet, que la solution pouvant être donnée à l'appel de l'ordonnance d'exequatur de la sentence du 21 novembre 2022 ne commande aucunement d'apprécier la validité des offres réelles et de consignation dont la juridiction libanaise est saisie et que les demandes ne sont donc pas liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y ait intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des décisions qui pourraient être inconciliables, ce d'autant que les procédures en cours en France et au Liban ne suspendent pas les mesures d'exécution en cours.

16. M. [J] [G] [O] soutient enfin qu'il n'existe aucune risque de double paiement en l'espèce dès lors que les sommes susceptibles d'être perçues à la suite des mesures d'exécution mises en 'uvre en France ainsi qu'à [Localité 1] viendraient en déduction de celles susceptibles de l'être au Liban et qu'à supposer que les offres réelles et de consignation du 30 septembre 2024 viennent à être validées par la juridiction libanaise, la sentence arbitrale serait néanmoins loin d'être exécutée par l'effet de la forte érosion monétaire qui sévit au Liban.

ii. Appréciation de la juridiction

17. En cas de conflit de juridictions dans l'ordre international, lorsque le droit de l'Union européenne n'est pas applicable au litige, l'exception de connexité internationale peut être admise aux seules conditions que deux juridictions, l'une française et l'autre étrangère, soient également et concurremment saisies de deux instances, en cours, faisant ressortir entre elles un lien de nature à créer une contrariété de décision.

18. En l'espèce, la société H2 holding S.A.L., M. [M] [J] [F] [O], M. [J] [F] [O], M. [X] [J] [F] [O] et la société Resource group holding SAL ont interjeté appel d'une ordonnance d'exequatur en date du 26 février 2024 d'une sentence arbitrale rendue à Beyrouth le 21 novembre 2022.

19. Leur demande d'annulation ou de réformation de cette ordonnance d'exequatur ne concerne que l'ordre juridique interne français. Elle échappe par nature à la compétence d'un juge étranger puisque son objet est précisément de faire vérifier par le juge d'appel qu'une sentence arbitrale rendue à l'étranger remplisse les conditions posées par l'article 1520 du code de procédure civile français.

20. Il ne peut donc exister aucune compétence concurrente entre une instance d'appel d'une ordonnance d'exequatur d'une sentence arbitrale rendue à l'étranger, portée devant la cour d'appel de Paris, et une quelconque instance au fond opposant les parties devant une juridiction étrangère, quand bien même son objet est susceptible d'affecter les modalités d'exécution de la sentence arbitrale dans le for du siège du tribunal arbitral qui l'a rendue, puisque cette juridiction étrangère ne peut valablement connaître de l'office exclusif du juge de l'exequatur français.

21. Dans cette situation, non seulement aucun dessaisissement du juge de l'exequatur français au profit d'un juge étranger n'est possible en droit mais encore il ne peut être prononcé aucun sursis à statuer par le juge de l'exequatur français qui ne peut subordonner l'accomplissement de son office à la survenance d'un évènement dépourvu d'effet.

22. Le lien invoqué en l'espèce par les appelants entre l'instance d'appel de l'ordonnance d'exequatur de la sentence du 21 novembre 2022 et les instances relatives à la validation des mesures mises en 'uvre au Liban par M. [J] [F] [O] au titre de la procédure d'offres réelles et de consignation régie par le droit libanais est inexistant. Un tel lien n'est en effet susceptible d'être apprécié que dans le cadre d'instances ayant le même objet, à savoir la mise en 'uvre de l'exécution volontaire ou forcée de la sentence arbitrale ce qui est distinct d'une demande d'exequatur de cette sentence dans un ordre juridique déterminé.

23. L'exception de connexité internationale soulevée par la société H2 holding S.A.L., M. [M] [J] [F] [O], M. [J] [F] [O], M. [X] [J] [F] [O] et la société Resource group holding SAL aux fins de sursis à statuer dans le cadre de la présente instance d'appel sera donc rejetée.

B. Sur la demande d'arrêt de l'exécution de la sentence arbitrale

i. Enoncé des moyens des parties

24. La société H2 holding S.A.L., M. [M] [J] [F] [O], M. [J] [F] [O], M. [X] [J] [F] [O] et la société Resource group holding SAL soutiennent que les conditions posées par l'article 1526 du code de procédure civile pour que soit arrêtée l'exécution en France de la sentence arbitrale du 21 novembre 2022 sont remplies dès lors qu'il existe un moyen sérieux de contestation de l'ordonnance d'exequatur de la sentence et que son exécution est susceptible de léser gravement leurs droits.

25. Ils font valoir qu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou d'infirmation de l'ordonnance d'exequatur déférée dès lors que la créance née de la sentence arbitrale a été intégralement payée au Liban au moyen des offres réelles et de consignation effectuées par remise de chèques par M. [J] [F] [O] le 30 septembre 2024.

26. Ils soutiennent en outre que leur appel est bien fondé dès lors que le tribunal arbitral ne s'est pas conformé à la mission confiée en soulevant d'office une demande indemnitaire, qu'il a ce faisant violé le principe de la contradiction et rendu la sentence arbitrale au terme d'une procédure inéquitable en violation des principes fondamentaux relevant de l'ordre public international français.

27. Ils soutiennent que l'exécution de la sentence arbitrale du 21 novembre 2022 est susceptible de léser gravement leurs droits dès lors qu'elle a pour objet le recouvrement d'une créance qui n'est plus exigible en raison du paiement intervenu au Liban, que la demande d'exequatur de la sentence en France s'inscrit dans un contexte d'acharnement procédural de M. [J] [G] [O] qui ne fait qu'accroître le risque d'enrichissement sans cause de ce dernier, qui, enfin, ne présente aucune garantie de disposer des ressources nécessaires pour faire face aux conséquences d'une infirmation de l'ordonnance d'exequatur du 26 février 2024 puisqu'il ne justifie d'aucun actif ni patrimoine, au Liban ou à l'étranger, dont la valeur permettrait d'assurer la restitution des fonds.

28. En réponse, M. [J] [G] [O] fait valoir que la condition de la lésion grave des droits d'une partie prévue à l'article 1526 du code de procédure civile doit être appréciée de manière stricte et in concreto, sauf à porter atteinte au caractère non suspensif du recours en annulation d'une sentence arbitrale et de l'appel d'une ordonnance d'exequatur.

29. Il soutient que le critère tiré d'un prétendu caractère sérieux des moyens d'appel est inopérant puisqu'il n'est pas prévu à l'article 1526 du code de procédure civile et qu'en tout état de cause, en l'espèce, cette allégation est sans fondement en fait puisque la dette des appelants n'est pas éteinte, qu'aucune somme n'a été valablement consignée au Liban, une offre réelle et de consignation non acceptée par le créancier et effectuée au moyen d'un chèque bancaire étant invalide et ne constituant pas un paiement de la dette en droit libanais. Il soutient en outre qu'aucun moyen sérieux de réformation de l'ordonnance d'exequatur n'est soulevé par les appelants.

30. M. [J] [G] [O] fait valoir que la preuve du risque de lésion des droits des débiteurs leur incombe et qu'il ne suffit pas pour eux de démontrer des difficultés financières du créancier mais également les conséquences qu'auraient pour eux une non-restitution des sommes payées au titre de l'exécution provisoire, au regard de leur patrimoine et de leur situation financière.

31. Il soutient que les appelants se contredisent en invoquant un risque de non-restitution des sommes dues en exécution de la sentence arbitrale tout en prétendant que leur dette est éteinte par l'effet des offres réelles et de consignation du 30 septembre 2024, que ce risque ne peut être renforcée par l'exécution provisoire en France puisque les sommes éventuellement perçues viendront en déduction des sommes restant à régler au Liban en cas de validation de ces offres et, enfin, qu'il lui est encore dû par les appelants une somme de 7 250 000 USD en exécution du contrat de cession de titres.

ii. Appréciation de la juridiction

32. L'article 1526 du code de procédure civile dispose que : " Le recours en annulation formé contre la sentence et l'appel de l'ordonnance ayant accordé l'exequatur ne sont pas suspensifs.

Toutefois, le premier président statuant en référé ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut arrêter ou aménager l'exécution de la sentence si cette exécution est susceptible de léser gravement les droits de l'une des parties. "

33. L'arrêt ou l'aménagement de l'exécution de la sentence doit être apprécié strictement, sous peine de rendre ineffectif l'absence d'effet suspensif du recours en annulation ou de l'appel de l'ordonnance d'exequatur.

34. Le bénéfice de l'arrêt ou de l'aménagement est ainsi subordonné à une appréciation in concreto de la lésion grave des droits que l'exécution de la sentence est susceptible de générer, de sorte que ce risque doit être, au jour où le juge statue, suffisamment caractérisé par la partie qui le sollicite.

35. Il en résulte que les moyens soulevés par la société H2 holding S.A.L., M. [M] [J] [F] [O], M. [J] [F] [O], M. [X] [J] [F] [O] et la société Resource group holding SAL portant sur le mérite de l'appel qu'ils ont formé à l'encontre de l'ordonnance d'exequatur de la sentence arbitrale du 21 novembre 2022 sont inopérants puisqu'ils ne peuvent, seuls, caractériser une lésion grave que l'exécution de la sentence est susceptible de générer concrètement à leurs droits.

36. Les appelants se contredisent au demeurant en soutenant qu'ils ont procédé à un complet paiement des sommes mises à leur charge par la sentence arbitrale du 21 novembre 2022 au profit de M. [J] [G] [O] au moyen d'offres réelles de sommes d'argent et de consignation par remise de chèques établis en dollars américains à l'ordre de ce dernier et tirés sur une banque libanaise et à invoquer un risque de lésion grave à leurs droits que pourraient générer l'exécution provisoire de la sentence.

37. En effet, le paiement que les appelants affirment ainsi avoir effectué afin d'éteindre la totalité de leur dette née de l'exécution de la sentence arbitrale leur interdit de prétendre non seulement que l'exécution de la sentence est de nature à léser gravement leurs droits au regard de leur capacité de financement mais également que cette exécution est susceptible de générer pour eux un risque de ne pouvoir obtenir une restitution des sommes que M. [J] [G] [O] pourrait percevoir au moyen de mesures d'exécution mises en 'uvre en France puisqu'ils ne soutiennent pas que le patrimoine et la capacité financière de ce dernier aient diminué de manière significative depuis la date à laquelle ils ont effectué le paiement allégué au Liban.

38. Aucun risque de double paiement ne peut valablement être invoqué par les appelants dans ce contexte puisque si, comme ils le soutiennent, les offres réelles et de consignation sont valides au regard du droit libanais et pleinement libératoires, alors toute somme perçue en France par M. [J] [G] [O] par voie de mesures d'exécution en excédent éventuel du montant total de sa créance viendra en déduction des sommes consignées au Liban lorsque la validité des offres sera définitivement prononcées par les juridictions libanaises compétentes.

39. Un tel risque n'est pas de nature au demeurant à caractériser une lésion grave à leurs droits susceptible d'être causée par la force exécutoire conférée en France à la sentence arbitrale du 21 novembre 2022. Il ne peut être utilement apprécié qu'au stade d'une contestation, portée devant la juridiction compétente, du compte entre les parties des sommes perçues en exécution de la sentence arbitrale.

40. Enfin, le risque de non-restitution des sommes qui seraient recouvrées en France par M. [J] [G] [O] ne peut être considéré comme caractérisé alors que les appelants ne contestent pas devoir une somme de 7 250 000 USD à celui-ci en exécution du contrat de cession de participations du 17 février 2017, cette somme excédant le montant total des condamnations à paiement prononcées par le tribunal arbitral dans sa sentence du 21 novembre 2022, de sorte que ce droit de créance augmente d'autant le patrimoine de M. [J] [G] [O] et l'assiette du gage de ses créanciers.

41. La demande d'arrêt de l'exécution de la sentence arbitrale du 21 novembre 2022 à laquelle l'exequatur a été accordée par ordonnance du délégué du président du tribunal judiciaire de Paris du 26 février 2024 formée par la société H2 holding S.A.L., M. [M] [J] [F] [O], M. [J] [F] [O], M. [X] [J] [F] [O] et la société Resource group holding SAL sera donc rejetée.

C. Sur les frais de l'incident

42. La société H2 holding S.A.L., M. [M] [J] [F] [O], M. [J] [F] [O], M. [X] [J] [F] [O] et la société Resource group holding SAL, parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, seront tenus in solidum de supporter la charge des dépens de l'incident, dont distraction au profit de la Selarl LX Paris-Versailles-Reims, prise en la personne de Maître Matthieu Boccon-Gibod en application de l'article 699 du code de procédure civile.

43. Pour ce motif, la société H2 holding S.A.L., M. [M] [J] [F] [O], M. [J] [F] [O], M. [X] [J] [F] [O] et la société Resource group holding SAL seront condamnés in solidum à payer à M. [J] [G] [O] la somme de 10 000 euros à titre d'indemnité de procédure en application de l'article 700 du code de procédure civile.

III/ DISPOSITIF

Par ces motifs, le conseiller de la mise en état :

1) Rejette l'exception de connexité internationale soulevée par la société H2 holding S.A.L., M. [M] [J] [F] [O], M. [J] [F] [O], M. [X] [J] [F] [O] et la société Resource group holding SAL,

2) Déboute la société H2 holding S.A.L., M. [M] [J] [F] [O], M. [J] [F] [O], M. [X] [J] [F] [O] et la société Resource group holding SAL de leur demande de sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive du tribunal civil de première instance de Beyrouth sur les actions en nullité des offres réelles de consignation introduites par M. [J] [G] [O] ainsi que sur les actions en validité de ces offres introduites par M. [J] [F] [O], inscrites devant ce tribunal sous les numéros 444/2024, 445/2024 ainsi que 469/2024 et 470/2024,

3) Déboute la société H2 holding S.A.L., M. [M] [J] [F] [O], M. [J] [F] [O], M. [X] [J] [F] [O] et la société Resource group holding SAL de leur demande d'arrêt de l'exécution de la sentence arbitrale du 21 novembre 2022 à laquelle l'exequatur a été accordée par la délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris le 26 février 2024,

4) Condamne in solidum la société H2 holding S.A.L., M. [M] [J] [F] [O], M. [J] [F] [O], M. [X] [J] [F] [O] et la société Resource group holding SAL aux dépens de l'incident, dont distraction au profit de la Selarl LX Paris-Versailles-Reims, prise en la personne de Maître Matthieu Boccon-Gibod en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

5) Condamne in solidum la société H2 holding S.A.L., M. [M] [J] [F] [O], M. [J] [F] [O], M. [X] [J] [F] [O] et la société Resource group holding SAL à payer la somme de dix mille euros (10 000,00 euros) à M. [J] [G] [O] en application de l'article 700 du code de procédure civile et rejette le surplus de la demande.

Ordonnance rendue par M. Jacques LE VAILLANT, magistrat en charge de la mise en état, assisté de Mme Najma EL FARISSI, greffière présente lors du prononcé de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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