CA Paris, Pôle 5 - ch. 16, 18 novembre 2025, n° 24/14571
PARIS
Arrêt
Autre
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
BARLOW
Conseillers :
LE VAILLANT, GHORAYEB
I/ FAITS ET PROCEDURE
1. La cour est saisie d'un recours en annulation contre une sentence arbitrale sur la compétence rendue à [Localité 7], le 11 juillet 2024, sous l'égide de la Chambre arbitrale internationale de [Localité 7], dans un litige opposant la société Soyl, anciennement dénommée Colzagro, aux sociétés Novial et Axa France IARD.
2. La société par actions simplifiée Novial est spécialisée dans le secteur de l'agro-alimentaire et a pour activité la fabrication de produits destinés à l'alimentation animale. Elle a souscrit un contrat d'assurance de responsabilité civile auprès de la société anonyme Axa France IARD.
3. La société anonyme de droit belge Soyl est spécialisée dans la fabrication d'huile de soja biologique et de sous-produits issus de cette fabrication, dont les tourteaux de soja.
4. Les sociétés Novial et Soyl entretiennent une relation d'affaires depuis plusieurs années consistant en l'achat, par la société Novial, de tourteaux de soja auprès de la société Soyl.
5. La société Novial utilise ces tourteaux de soja pour fabriquer des produits alimentaires qu'elle revend ensuite à ses propres clients.
6. Les contrats de vente sont conclus par l'intermédiaire d'une société de courtage spécialisée dans les matières premières agricoles, la société Courtagrain.
7. Entre le 12 novembre 2021 et le 10 juin 2022, les sociétés Novial et Soyl ont conclu onze contrats de vente portant sur 3 039 tonnes de tourteaux de soja pour un prix total de 3 859 948 euros, qui ont fait l'objet de livraisons successives intervenues entre les mois de janvier et novembre 2022.
8. La société Novial s'est plainte de réclamations reçues de ses clients éleveurs de poules pondeuses biologiques à compter du printemps 2022.
9. Une expertise amiable contradictoire a été mise en 'uvre entre les parties mais ne leur a pas permis de s'accorder sur la cause des réclamations formulées par les éleveurs, un défaut de qualité des tourteaux de soja livrés par la société Soyl étant invoqué par la société Novial et son assureur mais contesté par la société Soyl.
10. A la suite de l'assignation signifiée le 18 décembre 2023 par les sociétés Novial et Axa France IARD, par ordonnance du 22 février 2024, le président du tribunal de commerce de Beauvais a désigné un expert judiciaire ayant pour mission de déterminer l'origine des désordres.
11. Le 9 janvier 2024, les sociétés Novial et Axa France IARD ont déposé une demande d'arbitrage auprès de la Chambre arbitrale internationale de [Localité 7] en se fondant sur la clause compromissoire stipulée en bas de page de chacun des onze contrats de vente en cause.
12. Par sentence arbitrale sur la compétence en date du 11 juillet 2024, le tribunal arbitral a statué en ces termes :
a) SE DECLARE compétent pour statuer sur le litige opposant les sociétés NOVIAL S.A.S. et AXA FRANCE IARD, Demanderesses, à la société SOYL B.V., Défenderesse, et nés des onze confirmations de commande conclues entre la société NOVIAL S.A.S. et la société SOYL B.V. (anciennement COLZAGRO) ;
b) DECLARE que le siège du Tribunal arbitral est situé à Paris (France) ;
c) DECLARE que la langue de la procédure arbitrale est le français ;
d) RESERVE sa décision relative aux frais irrépétibles et aux frais de l'arbitrage.
13. La société Soyl a introduit un recours en annulation par déclaration de saisine du 24 juillet 2024.
14. La clôture a été prononcée le 8 juillet 2025 et l'affaire appelée à l'audience de plaidoiries du 9 septembre 2025.
II/ CONCLUSIONS ET DEMANDES DES PARTIES
15. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 mars 2025, la société Soyl demande à la cour, au visa des articles 1518 et 1520 du code de procédure civile, de bien vouloir :
« Annuler la sentence arbitrale rendue le 11 juillet 2024 par le Tribunal arbitral de la Chambre Arbitrale Internationale de Paris, en ce que le Tribunal arbitral :
o S'est déclaré compétent pour statuer sur le litige opposant les sociétés NOVIAL et AXA FRANCE IARD à la société SOYL, né des onze confirmations de commande conclues entre les parties.
o A déclaré que le siège du Tribunal arbitral est situé à Paris.
o A déclaré que la langue de la procédure arbitrale est le français.
Déclarer le Tribunal arbitral de la Cour Arbitrale Internationale de Paris incompétent au profit de la Chambre d'Arbitrage et de Conciliation de la FEGRA (« Arbitrage- en Verzoeningskamer Fegra ») à Bruxelles.
En toutes hypothèses, condamner les sociétés NOVIAL et AXA France IARD au paiement à la société SOYL de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, dont distraction au profit de Maitre Stéphane Fertier du Cabinet JRF & ASSOCIES. »
16. Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 juin 2025, les sociétés Novial et Axa France IARD demandent à la cour de bien vouloir :
« Débouter la société Soyl de sa demande d'annulation de la sentence arbitrale sur la compétence du 11 juillet 2024.
Condamner Soyl à régler à Axa France et à Novial une indemnité au titre des frais irrépétibles d'un montant de 5 000 euros, et les condamner au paiement des entiers dépens. »
17. La cour renvoie à ces conclusions pour le complet exposé des moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
III/ MOTIFS DE LA DECISION
A. Sur l'annulation de la sentence au motif que le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent
i. Enoncé des moyens des parties
18. La société Soyl fait valoir qu'en présence de deux clauses compromissoires concurrentes et inconciliables, il incombe à la juridiction saisie de rechercher la volonté réelle des parties en tenant compte des éléments permettant de hiérarchiser le choix des parties pour identifier le plus vraisemblable. Elle rappelle que les conditions particulières d'un contrat doivent primer sur ses conditions générales.
19. Elle fait valoir que les confirmations de commande établies par la société Courtagrain pour le compte de la société Novial incluent la clause d'arbitrage Fegra stipulée à l'article 13 des conditions Liprobel numéro 7 (Lipids and Proteins Belgium n°7) qui doit primer sur la clause compromissoire pré-imprimée en petits caractères figurant dans des conditions générales standard émanant du courtier, se trouvant en bas de page des confirmations de commande dès lors que l'application des conditions Liprobel n°7 est quant à elle prévue dans le corps des confirmations de commandes, parmi les clauses décrivant les conditions spécifiques de chaque commande, c'est-à-dire parmi les conditions particulières de chaque contrat.
20. Elle soutient que cette clause compromissoire par référence est opposable à la société Novial dès lors que les offres verbales de la société Soyl ont toujours été soumises aux conditions et au contrat-type Liprobel, que les confirmations de commande émanant de la société Novial par l'intermédiaire de son courtier reprennent au demeurant la structure des conditions Liprobel n°7 et qu'elles y renvoient expressément, attestant ainsi d'un usage établi entre les parties.
21. La société Soyl souligne que le recto des conditions Liprobel n°7 prévoit que le contrat est accepté par les parties comme convention d'arbitrage, de sorte que la référence opérée à ces conditions dans les confirmations de commande emporte nécessairement acceptation de la clause d'arbitrage Fegra qui est indissociable de tout contrat Liprobel.
22. Elle soutient que les mentions pré-imprimées figurant en bas de page des confirmations de commande constituent des conditions générales qui émanent du courtier, et non des parties elles-mêmes qui ne les ont pas choisies, et qui ne sont pas spécifiques aux contrats conclus entre la société Soyl et la société Novial puisqu'elles se retrouvent dans toutes les confirmations de commande émises par le courtier Courtagrain, quels que soient ses clients, à la différence des conditions Liprobel n°7 dont l'application n'est pas systématiquement prévue dans chaque contrat émis par ce courtier.
23. La société Soyl expose en outre que la Chambre d'arbitrage et de conciliation Fegra est spécialisée dans les litiges portant sur les tourteaux de soja destinés à l'alimentation animale alors que la CAIP est une chambre d'arbitrage plus généraliste ce qui plaide également en l'espèce, en vertu du principe d'interprétation de bonne foi, dans le sens d'un choix des parties en faveur d'un arbitrage Fegra.
24. Elle soutient que les parties n'ont pas clairement et expressément stipulé qu'elles entendaient déroger à la clause d'arbitrage Fegra incluse dans les conditions Liprobel n°7 alors que l'application de cette clause d'arbitrage et des conditions Liprobel sont indissociables, de sorte que la référence à ces dernières dans les confirmations de commande, sans réserve ou exclusion expresse, emporte application du contrat Liprobel 7 dans son ensemble. Elle souligne à cet égard que la clause pré-imprimée prévoyant un arbitrage CAIP n'excluait pas expressément l'application de la clause d'arbitrage Fegra. Elle soutient que la clause d'arbitrage CAIP ne peut, en elle-même, être considérée comme une mention « contraire expresse et écrite » au sens de l'article 1.1 des conditions Liprobel n°7 et ce d'autant qu'elle figure dans les confirmations de commande émanant de l'acheteur sur lesquels priment les conditions du vendeur, en application de l'article 1.3 des conditions Liprobel n°7.
25. A titre subsidiaire, pour le cas où la validité de la convention d'arbitrage devait être appréciée non pas au regard des règles matérielles du droit français en matière d'arbitrage international mais au regard de la loi applicable aux contrats, à savoir en l'espèce la Convention de [Localité 8] sur les contrats de vente internationale de marchandises, la société Soyl fait valoir que la clause d'arbitrage Fegra constitue un élément essentiel des contrats de vente qui ne pouvait être modifiée tacitement par la société Novial par une acceptation légèrement différente de l'offre qui lui avait été faite, en l'occurrence en introduisant une clause d'arbitrage CAIP.
26. Enfin, la société Soyl fait valoir que la clause d'arbitrage Fegra est opposable à la société Axa France, au même titre qu'à son assurée.
27. En réponse, les sociétés Novial et Axa France IARD répliquent que le tribunal arbitral a fait application à juste titre de la clause d'arbitrage CAIP qui est la seule clause compromissoire applicable et expressément stipulées dans les conditions particulières des onze contrats de vente litigieux.
28. Elles soutiennent que l'acceptation par la société Soyl de la clause d'arbitrage CAIP ressort clairement des confirmations de commande à en-tête de la société Courtagrain puisque seule la clause d'arbitrage CAIP y figure explicitement, la clause compromissoire invoquée Fegra n'y étant en revanche pas reprise, et qu'elle a donc été portée à la connaissance des cocontractants qui ont exécuté les contrats sans réserve ou objection.
29. Elles font valoir que la clause d'arbitrage CAIP fait partie des conditions particulières des contrats de vente et prévaut sur la clause d'arbitrage Fegra stipulée dans les conditions Liprobel n°7 qui en sont les conditions générales puisque :
o les conditions Liprobel précisent dans leur titre même et leur article 1.1 leur nature juridique de conditions générales ;
o leur première page comporte, parmi les informations à compléter par les parties, une ligne intitulée « Conditions Particulières » ;
o à l'inverse des contrats en cause, les conditions Liprobel ne contiennent aucune des informations déterminantes dans le cadre d'un contrat de vente (le nom des parties, les quantités et la qualité des marchandises, leur composition, leur conditionnement, leur prix), de sorte qu'elles ne se suffisent pas à elles-mêmes mais doivent être complétées par un document spécifique à une vente donnée.
30. Se fondant sur les stipulations de l'article 1.1 des conditions Liprobel, elles exposent que ces conditions ne s'appliquent que sauf convention contraire expresse et écrite et font valoir que la clause d'arbitrage CAIP déroge précisément de manière expresse à l'application de la clause d'arbitrage Fegra stipulée à l'article 13 des conditions Liprobel.
31. Elles soutiennent que l'argument de la société Soyl selon lequel la clause d'arbitrage CAIP constituerait une mention pré-imprimée type des confirmations de commandes émises par le courtier Courtagrain est inopérant dès lors que cette clause est stipulée de manière expresse sur les confirmations de commandes formant les contrats de vente conclus par les parties et que cette clause est visible et n'a pas été contestée par la société Soyl.
32. Elles font valoir qu'il n'est pas pertinent pour la société Soyl d'invoquer la spécialisation plus grande de la Fegra en l'espèce, puisque seule importe la commune intention des parties ici clairement caractérisée.
33. Les sociétés Novial et Axa France IARD soutiennent enfin qu'il est inopérant de se référer aux dispositions de la Convention de [Localité 8] puisque celle-ci n'est pas applicable pour régler le litige relatif à l'existence et la validité de la clause compromissoire invoquée par chacune des parties, seule étant en jeu la recherche de la commune intention des parties.
ii. Appréciation de la cour
34. L'article 1520, 1°, du code de procédure civile, ouvre le recours en annulation lorsque le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent ou incompétent.
35. Pour l'application de ce texte, il appartient au juge de l'annulation de contrôler la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, qu'il se soit déclaré compétent ou incompétent, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage, ce contrôle étant exclusif de toute révision au fond de la sentence.
36. En vertu d'une règle matérielle du droit international de l'arbitrage, la clause compromissoire, qui selon l'article 1507 du code de procédure civile n'est soumise à aucune condition de forme, est indépendante juridiquement du contrat principal qui la contient, directement ou par référence. Son existence et son efficacité s'apprécient, sous réserve des règles impératives du droit français et de l'ordre public international, d'après la commune volonté des parties, qui seule investit l'arbitre de son pouvoir juridictionnel, sans qu'il soit nécessaire de se référer à une loi étatique.
37. Il y a lieu à cet effet de rechercher la commune volonté des parties à la lumière :
- du principe d'interprétation de bonne foi des conventions, qui implique de ne pas permettre à l'une d'elles de se soustraire à des engagements librement consentis mais exprimés de manière maladroite ou confuse et
- du principe d'effet utile, selon lequel lorsque les parties insèrent une clause d'arbitrage dans leur contrat, il y a lieu de présumer que leur intention a été d'établir un mécanisme efficace pour le règlement des différends.
38. Il en résulte que la référence opérée à titre subsidiaire par la société Soyl à la Convention de [Localité 8] sur les contrats de vente internationale de marchandises est inopérante.
39. Les sociétés Soyl et Novial s'accordent, d'une part, sur le fait qu'elles sont en relation courante d'affaires depuis 2015 pour l'achat de tourteaux de soja par la société Novial à la société Soyl, anciennement dénommée Colzagro, et, d'autre part, sur le fait que tous les contrats de vente sont conclus par l'intermédiaire d'un courtier en matières premières agricoles, la société Courtagrain, qui émet, pour chaque vente, une confirmation de commande écrite reprenant les termes de l'offre verbale faite par la société Soyl et actant son acceptation par la société Novial. Elles reconnaissent que cette confirmation de commande vaut contrat de vente entre elles et n'invoquent aucun autre échange préalable entre elles susceptible de caractériser la conclusion du contrat de vente de tourteaux de soja.
40. Les onze contrats de vente objets du litige ont été conclus selon ce mécanisme contractuel et ont fait l'objet de confirmations de commande émises par la société Courtagrain, sur papier à son entête, entre le 12 novembre 2021 et le 7 mars 2022 (pièce n°16 de la demanderesse et pièce n°2 des défenderesses).
41. Chaque confirmation de commande contient une mention pré-imprimée en bas de page libellée comme suit : « Toutes contestations pouvant survenir entre les contractants ou les contractants et nous-mêmes, à l'occasion de la présente affaire, seront de conventions expresses soumises à l'arbitrage de la chambre arbitrale Internationale de [Localité 7] ([Adresse 3]) qui statuera en dernier ressort conformément à son règlement que les parties déclarent connaître et accepter ».
42. Elle est suivie de la stipulation d'une clause de réserve de propriété.
43. Contrairement à ce que soutient la société Soyl, ces mentions pré-imprimées faisant partie du document commercial type utilisé par la société Courtagrain pour effectuer les confirmations de commande pour le compte de l'acheteur ne constituent pas des conditions générales. Aucune mention des confirmations de commande ne permet de retenir cette qualification qui ne peut se déduire du caractère systématique et standardisé de ces mentions pré-imprimées.
44. Il s'agit de clauses spécifiques, notamment d'une clause compromissoire stipulée de façon expresse et autonome.
45. Bien que rédigée en plus petits caractères que le reste du texte des confirmations de commande, cette clause compromissoire est lisible et immédiatement identifiable puisque stipulée de façon séparée et isolée à la fin du document émis par la société Courtagrain.
46. Cette clause compromissoire fait donc partie intégrante des stipulations particulières des confirmations de commande qui traduisent l'échange de consentement intervenu entre les sociétés Soyl et Novial.
47. La société Soyl ne justifie pas avoir refusé cette stipulation au cours de la relation d'affaires courante entretenue avec la société Novial, par l'intermédiaire de la société Courtagrain, ni avoir émis des réserves quant à son champ d'application alors qu'elle prévoit une application tant dans la relation entre l'acheteur ou le vendeur et le courtier que dans la relation entre l'acheteur et le vendeur eux-mêmes.
48. Ces confirmations de commande détaillent la quantité de marchandise vendue, sa nature et sa qualité, son conditionnement, son prix, la date et les modalités de paiement, la ou les dates de livraison, le mode de transport et l'identification de la partie qui a la charge de l'organiser. Elles constituent donc les conditions particulières des contrats de vente conclus entre les sociétés Soyl et Novial.
49. Elles contiennent également une clause intitulée « Conditions » qui opère au premier chef un renvoi par référence à « Liprobel numéro 7 » avant d'énoncer plusieurs autres spécifications relatives à la marchandise, sa certification, son transport et les dates de livraison prévue à terme.
50. Liprobel n° 7 contient en première page un contrat de vente type, dont les différentes rubriques sont à compléter au cas par cas afin de matérialiser les termes de l'accord intervenu entre le vendeur et l'acheteur, puis la stipulation de quinze articles formant des « Conditions générales de vente pour huiles - graisses - schrots - tourteaux - produits apparentés et dérivés » (pièce n° 26 de la demanderesse et pièce n° 9 de la défenderesse).
51. L'article 13 de ces Conditions générales de vente contient une convention d'arbitrage stipulée dans les termes suivants : « Tout litige entre parties, en ce compris les intermédiaires, concernant l'interprétation, l'application ou l'exécution des présentes conditions ou des contrats soumis à ces conditions, sera tranché par la Arbitrage-en Verzoeningskamer Fegra vzw selon le règlement de cette Chambre en vigueur lors de la naissance du litige ».
52. La société Soyl soutient que Liprobel n° 7 forment les conditions particulières des contrats de vente conclus avec la société Novial en raison de la référence qui y est faite dans la clause « Conditions » des confirmations de commande émises par la société Courtagrain qui contient des stipulations régissant les modalités d'exécution des contrats de vente, non rattachables à des conditions générales de vente.
53. Cependant, le renvoi à Liprobel n° 7 opéré dans la clause « Conditions » des confirmations de vente est dépourvu d'ambiguïté en ce qu'il identifie expressément des conditions générales de vente d'usage dans le commerce de produits oléagineux, connues des différents opérateurs.
54. Cette référence générale opérée dans la même clause que d'autres spécifications plus particulières n'est pas susceptible de modifier la nature de Liprobel n° 7, à savoir un contrat-type dont les différentes rubriques ne valent que pour autant qu'elles sont reprises par les parties dans le contrat de vente qu'elles concluent effectivement et des conditions générales de vente sur lesquelles priment les conditions particulières du contrat de vente conclu entre les parties.
55. Si le contrat-type Liprobel n° 7 prévoit, dans le texte proforma susceptible de donner le cadre du contrat de vente à venir entre le vendeur et l'acheteur, que « Ce contrat sera accepté explicitement par les parties comme convention d'arbitrage », il apparaît que cette stipulation n'a pas été reprise dans les onze confirmations de commande émises par la société Courtagrain qui n'adoptent que partiellement les termes du contrat-type Liprobel n°7 et que cela a été accepté par les parties qui ont conclu et exécuté les contrats de vente en cause sur la base des confirmations de commande de la société Courtagrain sans contestation ni réserve.
56. En outre, l'article 1.1 des Conditions générales de vente Liprobel n° 7 stipule que :
« Sauf convention contraire expresse et écrite, les présentes conditions générales s'appliquent à toutes les ventes et prévalent sur toutes autres dispositions ou conditions qui seraient reprises sur les correspondances ou documents commerciaux émanant des acheteurs. »
57. La clause compromissoire désignant la Chambre arbitrale internationale de [Localité 7] stipulée dans les confirmations de commande émises par la société Courtagrain est contraire à la convention d'arbitrage stipulée à l'article 13 des Conditions générales de vente Liprobel n° 7 qui donne compétence à la « Arbitrage-en Verzoeningskamer Fegra vzw ».
58. Stipulée de façon expresse et écrite dans les conditions particulières des contrats de vente en cause, elle exprime la volonté réelle des parties de prévoir un arbitrage auprès de la Chambre arbitrale internationale de [Localité 7] par dérogation à l'arbitrage Fegra prévu dans les Conditions générales de vente Liprobel n° 7 et prévaut donc sur la convention d'arbitrage stipulée dans ces dernières dont aucune stipulation ne permet de retenir que la clause d'arbitrage Fegra soit indissociable de leur application.
59. En l'état de l'intention des parties ainsi expressément exprimée, le moyen selon lequel le choix d'un arbitrage devant la « Arbitrage-en Verzoeningskamer Fegra vzw » serait plus cohérent car cette institution d'arbitrage est spécialisée dans les litiges relatifs aux ventes des matières premières agricoles régies par les Conditions générales de vente Liprobel n°7, dont les tourteaux de soja, est inopérant.
60. Par suite, la demande d'annulation de la sentence arbitrale du 11 juillet 2024 formée par la société Soyl sur le fondement de l'article 1520, 1° du code de procédure civile sera rejetée.
B. Sur les frais du procès
61. La société Soyl dont le recours est rejeté, sera condamnée aux dépens en application des dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile et sera déboutée pour ce motif de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
62. Elle sera en outre condamnée à payer aux sociétés Novial et Axa France IARD la somme globale de 5 000,00 euros en application du même article.
IV/ DISPOSITIF
Par ces motifs, la cour :
1) Rejette le recours en annulation de la sentence sur la compétence rendue le 11 juillet 2024 par le tribunal arbitral constitué sous l'égide du règlement de la Chambre arbitrale internationale de Paris dans l'affaire CAIP n° 3405 ;
2) Condamne la société anonyme de droit belge Soyl aux dépens ;
3) Déboute la société anonyme de droit belge Soyl de ses demandes formées au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile ;
4) Condamne la société anonyme de droit belge Soyl à payer à la société par actions simplifiée Novial et à la société anonyme Axa France IARD la somme globale de cinq mille euros (5000,00 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile.