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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 9, 6 décembre 2023, n° 21/03597

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

MEYER

Conseillers :

MORILLO, CHRETIENNOT

CA Paris n° 21/03597

5 décembre 2023

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [Z] [D] a conclu des contrats de mission avec la société Adecco, société de travail temporaire, à compter du 10 juin 2011. Il a ensuite été mis à disposition de la société Visual par la société Adecco en qualité de conducteur de transports en commun, par 55 contrats de mission entre le 27 avril 2013 et le 8 novembre 2015'; il a été engagé par la société Adecco à compter du 9 novembre 2015, par contrat à durée indéterminée intérimaire. Dans le cadre de l'exécution de ce dernier contrat, il a continué à être missionné auprès de la société Visual, jusqu'au 30 avril 2016.

A partir de mai 2016, Monsieur [D] a fait l'objet de deux avertissements pour refus injustifiés de missions.

Son licenciement lui a été notifié le 3 juin 2016 pour faute grave, caractérisée par des refus injustifiés de missions malgré des avertissements.

Le 18 décembre 2017, Monsieur [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris et formé, à l'encontre des deux sociétés, une demande de requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée, des demandes afférentes, ainsi qu'à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 11 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Paris, statuant en formation de départage, a déclaré non prescrites les demandes de Monsieur [D] et':

- a condamné la société Adecco à payer à Monsieur [D] les sommes suivantes':

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 22'500 € ;

- indemnité compensatrice de préavis : 5'000 € ;

- indemnité de congés payés afférente : 500 € ;

- indemnité légale de licenciement : 2'579 € ;

- a requalifié en contrat à durée indéterminée la relation de travail avec les deux sociétés et condamné in solidum ces dernières à lui payer à Monsieur [D] les sommes suivantes':

- indemnité de requalification': 2'500'€';

- indemnité pour frais de procédure : 2'500 €';

- les dépens.

- le conseil a également dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal, avec capitalisation, ordonné à la société Adecco de rembourser aux organismes intéressés, les indemnités de chômage payées à Monsieur [D] dans la limite de six mois, a ordonné la remise de bulletins de salaire, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi, conformes et a débouté Monsieur [D] du surplus de ses demandes.

La société Adecco a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 12 avril 2021, en visant expressément les dispositions critiquées.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 novembre 2021, la société Adecco demande l'infirmation du jugement en ce qui concerne les condamnations prononcées, que les demandes de Monsieur [D] soient déclarées irrecevables et subsidiairement mal fondées, la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [D] de ses autres demandes et à titre subsidiaire, que les condamnations soient réduites à proportion d'une ancienneté de sept mois. Elle demande également le rejet de la demande de garantie formulée à titre subsidiaire par la société

Visual, ainsi que la condamnation de Monsieur [D] à lui verser une indemnité pour frais de procédure de 2'500 €.

Au soutien de ses demandes et en réplique à l'argumentation adverse, la société Adecco fait valoir que :

la demande de requalification des contrats de mission est prescrite';

à titre subsidiaire, cette demande n'est pas fondée';

le licenciement pour faute grave était justifié, les missions refusées à plusieurs reprises par Monsieur [D] étant conformes aux dispositions conventionnelles applicables';

l'ancienneté de Monsieur [D] retenue en première instance est erronée';

il ne justifie pas du préjudice allégué';

les dispositions relatives au prêt illicite de main d''uvre ne s'appliquent pas en cas de conclusion d'un contrat de travail temporaire';

la demande de garantie formée à titre subsidiaire par la société Visual n'est pas fondée.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 septembre 2023, la société Visual demande l'infirmation du jugement en ce qui concerne les condamnations prononcées, sa confirmation en ce qu'il a débouté Monsieur [D] de ses autres demandes, que les demandes de Monsieur [D] soient déclarées irrecevables ou mal fondées, à titre subsidiaire qu'il soit dit que la société Adecco devra la garantir à hauteur de 50 % des condamnations qui seraient prononces à son encontre. Elle demande également la condamnation de Monsieur [D] à lui verser une indemnité pour frais de procédure de

2'000 €.

Au soutien de ses demandes et en réplique à l'argumentation adverse, la société Visual développe une argumentation similaire à celle de la société Adecco, mais, à titre subsidiaire, reproche à cette dernière d'avoir manqué à son obligation de conseil à son égard.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 janvier 2022, Monsieur [D] demande l'infirmation partielle du jugement, que soit ordonnée la requalification en contrat à durée indéterminée à temps complet de sa relation de travail avec la société Visual à compter du 27 avril 2013, qu'il soit jugé que la rupture de ce contrat de travail intervenue le 30 avril 2016 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et demande en conséquence la condamnation de la société Visual à lui payer les sommes suivantes :

- rappel de 13ème mois : 5'835,06 € ;

- indemnité de congés payés afférente : 583,50 € ;

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 35'000 € ;

- indemnité légale de licenciement : 1'586,27€ ;

- indemnité compensatrice de préavis : 5'001,48€ ;

- indemnité de congés payés afférente : 500,14 € ;

- Monsieur [D] demande également que soit ordonnée à la société Visual la remise des documents de fin de contrat conformes, sous astreinte de 100'€ par jour de retard et par document

Il demande par ailleurs la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré recevable et bien fondée sa demande de requalification formée à l'encontre de la société Adecco, en ce qu'il a condamné cette dernière à lui payer une indemnité légale de licenciement de 2'579'€

et demande, en outre, la condamnation de cette dernière, in solidum avec la société Visual à lui payer les sommes suivantes :

- rappel de 13ème mois : 5'835,06 € ;

- indemnité de congés payés afférente : 583,50 € ;

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 35'000 € ;

- indemnité compensatrice de préavis : 5'001,48€ ;

- indemnité de congés payés afférente : 500,14 € ;

Dans l'hypothèse où la cour ne ferait pas droit à la demande de requalification, il forme les mêmes demandes, uniquement à l'encontre de la société Adecco, outre une demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement d'un montant de 2'500,74 €.

Il demande en outre que soit ordonnée à la société Adecco la remise des documents de fin de contrat conformes, sous astreinte de 100'€ par jour de retard et par document.

Enfin, il demande la condamnation in solidum des deux sociétés à lui payer 15'000 € de dommages et intérêts pour prêt illicite de main d''uvre et délit de marchandage, ainsi qu'à lui payer une indemnité pour frais de procédure de 5'000'€, outre les intérêts au taux légal, avec capitalisation .

Au soutien de ses demandes et en réplique à l'argumentation adverse, Monsieur [D] expose que :

sa demande de requalification n'est pas prescrite, puisqu'il a travaillé au sein de la société Visual jusqu'au 30 avril 2016';

cette demande, formée à l'encontre de société Visual, est fondée par le caractère permanent du poste qu'il occupait et sur l'illégalité et la non-justification des motifs de recours aux contrats de mission';

La requalification des contrats de mission intérimaire en contrat à durée indéterminée à l'égard de la société Visual a pour conséquence de rendre sans cause réelle et sérieuse la rupture de la relation contractuelle l'unissant à celle-ci';

il rapporte la preuve de son préjudice';

sa demande de requalification à l'encontre de la société Adecco est justifiée par l'absence de production de contrats de mission écrits entre le 27 avril 2013 et le 7 décembre 2014, puis par l'absence de mentions obligatoires sur les autres contrats et des délais de carence';

la procédure de licenciement est irrégulière';

son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse car l'employeur ne produit pas la preuve du prétendu manquement et les faits avaient déjà été sanctionnés disciplinairement';

les deux sociétés se sont rendues coupables de prêt illicite de main d''uvre et de délit de marchandage.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 septembre 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de requalification des contrats et lettres de mission à l'encontre de la société Visual

Il résulte des dispositions de l'article L.1471-1 du code du travail que l'action en requalification du contrat de mission en contrat à durée indéterminée obéit à la prescription de 2 ans prévue pour l'action portant sur l'exécution du contrat de travail. Si elle est fondée sur le motif de recours, le point de départ de cette action est constitué par le terme du contrat irrégulier, ou du dernier contrat en cas de contrats successifs. En revanche, le point de départ de cette action est constitué par la date de conclusion du contrat si cette action est fondée sur l'inobservation du formalisme régissant ce type de contrat.

S'agissant de missions effectuées en application d'un contrat à durée indéterminée intérimaire, l'accord du 10 juillet 2013 portant sur la sécurisation des parcours professionnels des salariés intérimaires, étendu par arrêté du 22 février 2014, prévoit en son annexe que, pendant les missions du salarié ayant conclu un contrat à durée indéterminée intérimaire, les articles suivants du code du travail s'appliquent': L.1251-5 à L.1251-8 relatifs aux cas de recours, L.1251-36 et L.1251-37 relatifs au délai de carence, L.1251-42 relatif à la conclusion d'un contrat de mise à disposition, L. 1251-43 relatif au contenu du contrat de mise à disposition, L.1251-39 à L.1251-41 relatifs à la requalification en contrat à durée indéterminée dans l'entreprise utilisatrice. Autrement dit, les conditions de validité des lettres de mission sont les mêmes que celles des contrats de mission. Ces dispositions conventionnelles ont d'ailleurs été, par la suite, reprises par l'article L.1251-58-4 du code du travail.

Par conséquent, le fait que Monsieur [D] et la société Adecco ont conclu un contrat à durée indéterminée intérimaire à compter du 9 novembre 2015 est sans effet sur l'application des règles régissant la validité des contrats de mission, aux lettres de mission établies après cette date.

En l'espèce, la date de la dernière lettre de mission auprès de la société Visual étant le 30 avril 2016, l'action de Monsieur [D], engagée le 15 décembre 2017 devant le conseil de prud'hommes et fondée sur le caractère permanent du poste occupé et l'absence de justification des motifs de recours, n'était pas prescrite.

Le jugement, bien que fondé sur d'autres motifs, qui sont inopérants, doit donc être confirmé sur ce point.

Sur le fond, aux termes de l'article L.1221-2 du code du travail, le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail.

Aux termes de l'article L. 1251-6 du code du travail, un contrat de mission peut être conclu pour remplacer un salarié absent ou encore en cas d'accroissement temporaire d'activité de l'entreprise.

Il résulte des dispositions de l'article 1315 alinéa 2 du code civil qu'il appartient à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité de ces motifs.

Aux termes de l'article L.1251-5 du code du travail, un contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Aux termes de l'article L.1251-40 du code du travail, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

En l'espèce, les contrats de missions et lettre de missions étaient motivés, soit par des accroissement temporaires d'activité, soit par le remplacement de salariés absents.

Or, la société Visual ne produit aucune pièce de nature à établir la réalité de ces motifs.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a requalifié en contrat à durée indéterminée la relation de travail conclue entre Monsieur [D] et la société Visual.

Sur les conséquences de la requalification à l'égard de la société Visual

En conséquence de la requalification, Monsieur [D] e st fondé à percevoir l'indemnité de requalification prévue par l'article L. 1251-41 du code de travail, au moins égale à un mois de salaire, soit en l'espèce la somme de 2'500 euros.

Par ailleurs, du fait de la requalification des contrats de mission conclus auprès de la société Visual, les parties sont réputées avoir conclu un contrat à durée indéterminée, ce dont il résulte qu'il est fondé à demander l'application des dispositions de l'article 26 de l'accord du 18 avril 2002 annexé à la convention collective des transports routiers, prévoyant le paiement d'une prime de treizième mois.

Au vu de ses calculs qui sont exacts, il est fondé à obtenir, de la part de la société Visual, paiement d'une prime de treizième mois de 5'835,06 € et le jugement doit donc être infirmée en ce qu'il a implicitement rejeté cette demande.

En revanche, cette prime ne constituant pas la contrepartie d'un travail effectif, ne donne pas lieu à congés payés afférents.

Par ailleurs, en conséquence de la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée, la rupture des relations, intervenue le 30 avril 2016 du fait de la fin des missions auprès de la société Visual, constitue un licenciement, qui est dépourvu de cause réelle et sérieuse, faute de lettre de licenciement conforme aux dispositions de l'article L. 1232-1 du code du travail.

A la date de la rupture, Monsieur [D] avait plus de deux années d'ancienneté et est donc fondé à percevoir une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire sur le fondement des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, soit la somme de 5'000 euros, ainsi que l'indemnité de congés payés afférente, soit 500 euros.

Monsieur [D] est également fondé à percevoir une indemnité de licenciement sur le fondement des dispositions des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, à hauteur de sa demande, soit 1'586,06 euros.

L'entreprise comptant plus de dix salariés, Monsieur [D], qui avait plus de deux ans d'ancienneté, a droit à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction alors applicable au litige, et qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.

Au moment de la rupture, Monsieur [D], âgé de 57 ans, comptait 3 ans d'ancienneté. Il ne rapporte pas la preuve d'un préjudice supérieur au minimum légal, du fait de La conclusion d'un contrat à durée indéterminée intérimaire avec la société Adecco, intervenue en novembre 2015

En dernier lieu, il percevait un salaire mensuel brut de 2'500 euros.

Il est donc fondé à percevoir une indemnité de 15'000 euros.

Sur le fondement de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient de condamner l'employeur à rembourser les éventuelles indemnités de chômage dans la limite d'un mois.

Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté implicitement ces demandes.

Sur la demande de garantie formée par la société Visual à l'encontre de la société Adecco

Au soutien de cette demande, la société Visual fait valoir que la société Adecco aurait manqué à son obligation de conseil à son égard, en s'abstenant de l'informer des conséquences liées à l'engagement de Monsieur [D] en contrats de mission successifs, puis en contrat à durée indéterminée.

Cependant, la requalification étant fondée sur l'absence de preuve des motifs de recours aux contrats de mission, laquelle incombe à l'entreprise utilisatrice, la société Visual ne rapporte pas la réalité du manquement au devoir de conseil allégué.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a implicitement rejeté la demande en garantie.

Sur la demande de requalification des contrats et lettres de mission à l'encontre de la société Adecco

Les dispositions précitées de l'article L.1251-40 du code du travail n'excluent pas que le salarié puisse obtenir la requalification de son contrat auprès de l'entreprise de travail temporaire, lorsque celle-ci n'a pas respecté les conditions à défaut desquelles toutes opérations de main d''uvre est interdite.

En l'espèce, Monsieur [D] fonde sa demande de requalification à l'encontre de la société Adecco, d'une part sur l'absence de mention de sa qualification professionnelle et de celle des salariés remplacés et d'autre part sur l'inobservation des délais de carence.

Il résulte des développements qui précèdent que, s'agissant d'une demande fondée sur l'inobservation des règles relatives au formalisme, le point de départ du délai de prescription applicable de deux ans, est constitué par les dates de conclusions des contrats ou lettres de mission en cause.

Or, tous les éléments de fait invoqués par Monsieur [D] au soutien de sa demande, sont anciens de plus de deux an par rapport au 18 décembre 2017, date de saisine du conseil de prud'hommes.

Par conséquent, l'action en requalification formée à l'encontre de la société Adecco est prescrite et le jugement doit donc être infirmé sur ce point.

Sur le licenciement

Il résulte des dispositions de l'article L.1232-1 du code du travail, qu'un employeur ne peut prononcer un licenciement pour des faits qui ont précédemment fait l'objet d'une sanction disciplinaire. Cependant, l'employeur peut, au soutien d'un licenciement, invoquer des faits précédemment sanctionnés si des faits de même nature se sont ensuite poursuivis ou réitérés. Par ailleurs, un employeur ne peut plus sanctionner un salarié pour des faits dont il avait connaissance au moment où il avait prononcé une précédente sanction disciplinaire et qu'il n'avait alors pas sanctionnés.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 3 juin 2016, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, reproche à Monsieur [D] d'avoir refusé des missions à quatre reprises, les 2, 9, 13 et 18 mai 2016, refus ayant donné lieu à des avertissements des 9 et 18 mai 2016.

Cette lettre ne vise aucun fait nouveau par rapport à celui ayant fait l'objet de l'avertissement du 18 mai.

A cette dernière date, l'employeur avait donc épuisé son pouvoir disciplinaire, ce dont il résulte que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi que l'a estimé le conseil de prud'hommes, bien que sous une autre motivation.

Aux termes de l'article 2.1 de l'accord précité du 10 juillet 2013, pour le calcul de l'ancienneté de l'intérimaire en contrat à durée indéterminée servant à déterminer l'accès aux dispositifs conventionnels de la branche et de l'entreprise, il sera tenu compte à la fois de l'ancienneté acquise au titre des périodes d'emploi en contrat à durée indéterminée et de celle acquise au titre des périodes d'emploi en contrat de travail temporaire.

En l'espèce, Monsieur [D] ayant pour la première fois contracté des contrats de mission avec la société Adecco le 6 juin 2011, son ancienneté doit être fixée à cette date.

A la date de la rupture, Monsieur [D] avait plus de deux années d'ancienneté et est donc fondé à percevoir une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire sur le fondement des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, soit la somme de 5'000 euros, ainsi que l'indemnité de congés payés afférente, soit 500 euros.

Monsieur [D] est également fondé à percevoir une indemnité de licenciement sur le fondement des dispositions des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, à hauteur de sa demande, soit 2'579 euros.

L'entreprise comptant plus de dix salariés, Monsieur [D], qui avait plus de deux ans d'ancienneté, a droit à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction alors applicable au litige, et qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.

Au moment de la rupture, Monsieur [D], âgé de 57 ans, comptait près de 5 ans d'ancienneté. Il ne produit pas d'élément relatif à sa situation professionnelle à la suite de la rupture du contrat de travail.

En dernier lieu, il percevait un salaire mensuel brut de 2'500 euros.

Au vu de cette situation, et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle il convient d'évaluer son préjudice à 15'000 euros. Le jugement doit donc être infirmé en ce qui concerne le montant retenu.

Sur le fondement de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient de condamner l'employeur à rembourser les indemnités de chômage dans la limite de un mois, infirmant le jugement sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour prêt illicite de main d''uvre et délit de marchandage

Monsieur [D] ne rapportant pas la preuve d'un préjudice que lui auraient causé ces manquements allégués, le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a débouté de cette demande.

Sur les autres demandes

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la remise d'un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi, conformes, et ce, sans que le prononcé d'une astreinte apparaisse nécessaire.

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de confirmer les dispositions du jugement en ce qui concerne les intérêts au taux légal et leur capitalisation.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a':

- déclaré recevables les demandes de Monsieur [Z] [D] à l'encontre de la société Visual';

- requalifié en contrat à durée indéterminée la relation de travail entre Monsieur [Z] [D] et la société Visual';

- condamné la société Visual à payer à Monsieur [Z] [D] une indemnité de requalification'de 2'500'€';

- condamné la société Adecco à payer à Monsieur [Z] [D] les sommes suivantes':

- indemnité compensatrice de préavis : 5'000 € ;

- indemnité de congés payés afférente : 500 € ;

- indemnité légale de licenciement : 2'579 € ;

- ordonné à la société Adecco la remise de bulletins de salaire, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi, conformes';

- condamné in solidum les deux sociétés aux dépens de première instance';

- débouté Monsieur [Z] [D] de ses demandes suivantes':

- demande d'indemnité de congés payés afférente au treizième mois';

- demande de dommages et intérêts pour prêt illicite de main d''uvre et délit de marchandage';

- débouté la société Visual de sa demande en garantie formée à l'encontre de la société Adecco

Infirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les points infirmés ;

- déclare prescrite la demande de requalification et les demandes afférentes formées par Monsieur [Z] [D] à l'encontre de la société Adecco';

- condamne la société Visual à payer à Monsieur [Z] [D] les sommes suivantes':

- prime de 13ème mois : 5'835,06 € ;

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 15'000 € ;

- indemnité légale de licenciement : 1'586,27€ ;

- indemnité compensatrice de préavis : 5'000 € ;

- indemnité de congés payés afférente : 500 € ;

- ordonne à la société Visual de rembourser aux organismes intéressés, les indemnités de chômage éventuellement payées à Monsieur [D] dans la limite de un mois';

- ordonne à la société Visual la remise de bulletins de salaire, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi, conformes';

- condamne la société Adecco à payer à Monsieur [Z] [D] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 15'000 € ;

- ordonne à la société Visual de rembourser aux organismes intéressés, les indemnités de chômage éventuellement payées à Monsieur [D] dans la limite de un mois';

Dit que les condamnations au paiement, des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'indemnité de requalification porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2018 et dit que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

Déboute Monsieur [D] du surplus de ses demandes ;

Déboute les deux sociétés de leurs demandes d'indemnités pour frais de procédure formées en cause d'appel ;

Condamne in solidum les sociétés Adecco et Visual aux dépens d'appel.

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