Cass. 2e civ., 30 septembre 1999, n° 96-17.769
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 19 juin 1996) et les productions, que M. et Mme Y... ont cédé à la Société bretonne de bâtiment (la société) les actions de la société Y... et cie, par un protocole d'accord accompagné d'un contrat de garantie de passif, ces deux conventions comprenant une clause compromissoire ; que la société, alléguant des déficits afférents à des contrats de chantiers signés antérieurement au protocole d'accord et une insuffisance des provisions concernant les risques encourus par ces contrats, a mis en oeuvre une procédure d'arbitrage ; que les époux Y... ont formé un recours en annulation contre la sentence arbitrale qui, notamment, les avait condamnés à payer une certaine somme à la société ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté le recours en annulation, alors, selon le moyen, que d'une part, même statuant comme amiable compositeur, l'arbitre doit se conformer à la mission qui lui a été conférée, telle que contractuellement fixée par le compromis d'arbitrage ;
qu'en l'espèce, il résultait dudit compromis et des prétentions des parties y insérées, que les époux Y... demandaient aux arbitres de procéder par eux-mêmes ou par voie d'expertise à toutes vérifications utiles permettant de dire dans quelle mesure exactement les pertes alléguées pouvaient leur être imputées ; que ces vérifications essentielles à une solution équitable du litige, constituaient l'essentiel de la mission donnée aux arbitres ; qu'en se bornant à relever que "l'objet du litige n'était pas de statuer sur une expertise", et en limitant le cadre de la mission des arbitres aux demandes chiffrées des parties, indépendamment des moyens les soutenant, la cour d'appel a violé les articles 1460, alinéa 2, 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'en entérinant le refus délibéré des arbitres, qui s'étaient permis de considérer comme "éléments d'un audit ne (rentrant) pas dans la cadre de la clause compromissoire" les vérifications demandées, de se conformer à leur mission, la cour d'appel a violé encore l'article 1484-3 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève que les mesures d'instruction en cause n'avaient été demandées que par les époux Y..., et retient que l'objet du litige soumis aux arbitres était de statuer d'une part sur une demande en paiement formée par la société au titre de la garantie de passif, d'autre part sur une demande des époux Y... en paiement de diverses sommes ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, hors de toute violation des textes visés au moyen, a retenu exactement que le tribunal arbitral n'avait pas méconnu la mission qui lui avait été conférée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen, pris en ses trois dernières branches :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir rejeté le recours en annulation, alors, selon le moyen, 1 ) que les arbitres sont tenus en vertu de l'article 1460, alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile de respecter les principes directeurs du procès, dont celui de la contradiction ; qu'ils ont ainsi l'obligation de mettre les parties en mesure de débattre contradictoirement ; qu'en considérant cette obligation comme satisfaite, malgré la constatation de la communication tardive de pièces et de l'absence de production de pièces déterminantes, la cour d'appel a violé ensemble les dispositions des articles 1484-4 , 1460, 15 et 16 du nouveau Code de procédure civile ; 2 ) que toute sentence arbitrale doit être motivée ; qu'en affirmant que cette exigence se trouvait satisfaite en l'espèce, chaque poste de créance alléguée ayant été examiné par les arbitres, sans s'arrêter aux conclusions des époux Y... dénonçant l'insuffisance de cet examen, limité à la constatation de "l'absence de pièces déterminantes", du caractère "insuffisamment étayé" des documents produits à l'appui de la demande et de "l'impossibilité de distinguer dans la perte subie la part provenant de ces prix tirés et celle provenant de la façon dont les chantiers ont été dirigés", la cour d'appel a violé l'article 1484-5 du nouveau Code de procédure civile, ensemble les articles 1480 et 1471 dudit Code ; 3 ) que l'indication de la date de la sentence est une formalité substantielle dont l'omission ou l'inexactitude avérée ne sont pas susceptibles d'être réparées ; qu'en refusant de sanctionner en l'espèce par la nullité de la sentence litigieuse la fausse date mentionnée sur celle-ci, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 1484-5 du nouveau Code de procédure civile, ensemble les articles 1480 et 1472 du même Code ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'annulation d'une sentence arbitrale sur le fondement de la violation du principe de la contradiction implique qu'il soit démontré que les éléments d'information utilisés par les arbitres n'ont pas été soumis au débat contradictoire entre les parties ; que la cour d'appel énonce qu'il ne ressort ni des énonciations de la sentence, ni des productions, que les arbitres s'étaient fondés sur les pièces litigieuses ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt a pu retenir que la sentence arbitrale était suffisamment motivée ;
Attendu, enfin, que l'arrêt énonce justement qu'une erreur de date ne peut être assimilée à une absence de date et peut donner lieu à une rectification d'erreur matérielle ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux Y... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, signé et prononcé en son audience publique du trente septembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf par M. Buffet, président de chambre, en qualité de conseiller ayant participé aux débats et délibéré conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du nouveau Code de procédure civile.