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Cass. com., 3 décembre 2025, n° 24-16.029

COUR DE CASSATION

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Conimast international SAS

Défendeur :

Etudequipe SAS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Bellino

Avocats :

SARL Cabinet Munier-Apaire, Me Soltner

CA Paris, du 29 févr. 2024 n°21/00870

29 février 2024

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 février 2024), le 1er octobre 1996, la société Conimast international (la société Conimast) et la société Etudequipe ont conclu un contrat d'agence commerciale aux termes duquel la première a confié à la seconde la commercialisation, en son nom et pour son compte, de poteaux d'éclairage public dans la région Île-de-France et dans le département de l'Oise.

2. Par lettre du 15 juin 2018, la société Etudequipe a mis fin au contrat. La société Conimast en a pris acte par lettre du 29 juin 2018.

3. Par lettre du 7 mars 2019, la société Conimast a mis en demeure la société Etudequipe de mettre un terme à ses relations avec la société Valmont, au motif que ce nouveau partenariat contrevenait à la clause de non-concurrence à laquelle elle était assujettie.

4. La société Etudequipe a assigné la société Conimast en indemnisation de la rupture du contrat d'agence commerciale et des préjudices subis. A titre reconventionnel, la société Conimast a demandé la cessation par la société Etudequipe de toute relation avec la société Valmont et la réparation des préjudices causés par la violation de la clause de non-concurrence post-contractuelle

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

6. La société Etudequipe fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Conimast la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié à la désorganisation de son réseau commercial, alors « que la violation d'une clause de non-concurrence par l'un des contractants n'ouvre droit à indemnisation que s'il en est résulté pour l'autre partie un préjudice en lien de causalité avec ce manquement ; qu'en l'espèce, la société Etudequipe exposait que la société Conimast ne rapportait pas la preuve d'une désorganisation de son réseau ni ne versait aux débats aucune pièce étayant l'existence d'un préjudice ou son quantum ; que pour condamner la société Etudequipe à payer à la société Conimast une somme de 50 000 euros, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'il était établi que la société Etudequipe n'avait pas respecté la clause de non-concurrence durant la majeure partie de la période d'interdiction, que la société Conimast avait ainsi été privée de son droit de ne pas subir la concurrence de son ancien partenaire commercial, dont l'ancrage sur le secteur était ancien et sa connaissance de la clientèle étendue, et qu'il en était résulté nécessairement un trouble commercial pour la société Conimast, qu'il convenait d'indemniser ; qu'en statuant de la sorte, sans établir que la violation de la clause de non-concurrence reprochée à la société Etudequipe avait effectivement causé à la société Conimast un trouble commercial, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

7. Il résulte de ce texte que le créancier d'une obligation de non-concurrence qui invoque son inexécution par le débiteur doit établir le principe et l'étendue du préjudice dont il demande réparation.

8. Pour condamner la société Etudequipe à verser à la société Conimast la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié à la désorganisation de son réseau commercial, l'arrêt retient que la société Etudequipe n'a pas respecté la clause de non-concurrence durant la majeure partie de la période d'interdiction, puisque, si le procès-verbal de constat d'huissier de justice est en date du 15 février 2019, il induit la conclusion d'un contrat d'agence commerciale antérieur avec la société Valmont, et que la société Etudequipe ne justifie pas avoir cessé ses agissements malgré la mise en demeure du 7 mars 2019. L'arrêt ajoute que la société Conimast a ainsi été privée de son droit de ne pas subir la concurrence de son ancien partenaire commercial, dont l'ancrage sur le secteur était ancien et la connaissance de la clientèle étendue. Il en déduit qu'il en est résulté nécessairement un trouble commercial pour la société Conimast qu'il convient d'indemniser à hauteur de 50 000 euros.

9. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la violation de la clause de non-concurrence avait effectivement causé à la société Conimast un préjudice tenant à la désorganisation de son réseau commercial, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Etudequipe à verser à la société Conimast international la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié à la désorganisation de son réseau commercial et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 29 février 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Conimast international aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Conimast international et la condamne à payer à la société Etudequipe la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le trois décembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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