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Cass. com., 3 décembre 2025, n° 24-19.602

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Champalaune

Rapporteur :

Mme Kerner-Menay

Avocat général :

M. Chaumont

Avocats :

Me Bertrand, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

CA Paris, du 30 mai 2024 n°21/08348

30 mai 2024

Faits et procédure

 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mai 2024), le 28 janvier 2016, Mme [V] [Z], Mme [N] [K] et M. [P] [M] (les consorts [Z] [M]) ont accepté le devis de la société les Pompes funèbres [Adresse 5] (la société PFB) pour la fourniture d'un cercueil, la mise en bière, le transport et l'inhumation de leur mère [L] [H] [E] [Z] au cimetière de [Localité 7] [Localité 6] au Portugal.

2. La prise en charge du cercueil au Portugal a été confiée à une entreprise portugaise payée directement par la société PFB, laquelle l'a déposé dans un caveau-chapelle exposé à l'air libre.

3. En mai 2019, les consorts [Z] [M] ont constaté une dégradation du cercueil et l'épanchement de fluides corporels sur le sol de la chapelle funéraire ayant nécessité un changement de cercueil et une nouvelle inhumation.

4. Les consorts [Z] [M] ont assigné la société PFB en indemnisation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième à cinquième branches

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La société PFB fait grief à l'arrêt de la condamner à payer aux consorts [Z] - [M] différentes sommes en réparation de leur préjudice matériel et moral, alors « que la non-conformité du bien vendu à l'usage recherché par l'acquéreur s'entend de l'impossibilité de ce bien à assurer l'usage qui en est communément admis, ou l'usage spécifiquement convenu entre les parties ; que le professionnel, s'il est tenu d'informer le consommateur des caractéristiques essentielles du bien fourni, n'a pas à informer son client de l'éventuelle inadéquation de ce bien à un usage qui n'est pas celui qui en est communément admis ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu'il résultait des dispositions du code général des collectivités territoriales et de l'article 6 de l'accord de Strasbourg du 26 octobre 1973 sur le transfert des corps décédés qu'un cercueil, même hermétique, doit être en matériau biodégradable et équipé d'une garniture étanche pour contenir les fluides corporels, et a estimé que "les sépultures hors-sol pour les cercueils sont tolérées en France"; que la cour d'appel a estimé que le cercueil fourni au mois de janvier 2016 par la société Pompes funèbres de [Adresse 5] aux consorts [Z] [M], lequel avait été conservé à l'air libre dans un caveau-chapelle au cimetière de [Localité 7] (Portugal), s'était détérioré à partir du mois de mai 2019, laissant s'écouler des fluides corporels, d'où elle a déduit que ce cercueil "hermétique et biodégradable conformément à la réglementation française et aux dispositions relatives au transport international, n'était manifestement pas étanche malgré l'utilisation d'un zinc ( ) puisqu'après seulement trois ans, des fluides corporels s'en sont échappés. L'étanchéité du cercueil hermétique n'étant pas assurée, il y a lieu de retenir que le cercueil vendu n'était pas conforme à l'usage auquel il était destiné, de sorte que la responsabilité de la société PFB est engagée" ; qu'elle a ajouté que "les consorts [Z] [M] soutiennent avoir informé la société PFB que le cercueil avait vocation à être installé dans un caveau-chapelle au Portugal et donc à être exposé à l'air libre, ce que cette dernière conteste. S'il ne résulte pas du devis ou du bon de commande que le cercueil ne serait pas déposé sous terre ou dans un caveau scellé mais serait simplement déposé à l'air libre à l'intérieur d'un caveau-chapelle, mode d'inhumation peut-être plus répandu au Portugal mais toléré en France, il appartenait en tout état de cause à la société PFB, professionnelle de l'organisation d'obsèques tenue à ce titre d'un devoir d'information et de conseil, de se renseigner sur les souhaits et les besoins de la famille du défunt et de vérifier que les produits proposés étaient conformes à la réglementation applicable et adaptés à la méthode de sépulture choisie"; qu'en statuant de la sorte, quand il résultait de ses constatations que le cercueil fourni, hermétique et en matériau biodégradable, était ainsi conforme aux normes applicables et aux spécifications convenues dans le contrat liant les parties, l'absence d'étanchéité constatée par l'arrêt s'expliquant par le fait que le cercueil avait été entreposé à l'air libre, et quand il incombait aux consorts [Z] [M] d'informer la société Pompes funèbres de [Adresse 5] de leur volonté de ne pas inhumer le cercueil de leur mère, l'entreprise de pompes funèbres n'étant pas tenue de s'enquérir du point de savoir si son client entend faire du cercueil un usage, à le supposer toléré par la législation française et portugaise, qui n'est pas celui qui en est communément admis, la cour d'appel a violé les articles 1134 (désormais 1103), 1603 et 1604 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que le vendeur professionnel est tenu, avant la vente, d'une obligation de conseil qui lui impose de se renseigner sur les besoins de l'acheteur afin d'être en mesure de l'informer sur l'adéquation entre le bien qui est proposé et l'usage qui en est prévu.

8. Après avoir retenu que le cercueil fourni n'était pas adapté au mode de sépulture choisi par la famille, la cour d'appel a énoncé, à bon droit, que la société PFB, chargée de l'organisation d'obsèques, était tenue d'un devoir d'information et de conseil comportant l'obligation de se renseigner sur le mode de sépulture envisagé par ses clients et l'adéquation des produits proposés.

9. Ayant ensuite constaté que cette société n'établissait pas s'être acquittée de cette obligation, la cour d'appel n'a pu qu'en déduire que sa responsabilité était engagée.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Pompes funèbres [Adresse 5] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Pompes funèbres [Adresse 5] et la condamne à payer à Mme [V] [Z], Mme [N] [K] et M. [P] [M] la somme globale de 3 000 euros ;

 Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le trois décembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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