Cass. com., 3 décembre 2025, n° 24-17.537
COUR DE CASSATION
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Valgo SAS
Défendeur :
Recyclage de l'Epine SAS
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
Mme Comte
Avocats :
SAS Boucard-Capron-Maman, SARL Cabinet François Pinet
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 18 avril 2024), après avoir résilié unilatéralement, pour manquement grave de la société Valgo, le contrat à durée déterminée qui la liait à celle-ci, la société Recyclage de l'Epine l'a assignée en paiement de la part du prix correspondant à la partie non exécutée de sa prestation par suite de cette résiliation.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen, en tant qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société Valgo au paiement d'une facture, majorée des intérêts et pénalités de retard
3. Les motifs critiqués ne fondent pas le chef de dispositif attaqué. Le moyen est donc inopérant.
Sur le second moyen, en tant qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société Valgo au paiement de dommages et intérêts
Enoncé du moyen
4. La société Valgo fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Recyclage de l'Epine la somme de 428 376,96 euros de dommages et intérêts au titre de l'indemnisation de la perte de chance qu'elle a subie, alors « que les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé ; qu'il en résulte que le seul préjudice indemnisable résultant de la résiliation d‘un contrat s'évalue en considération de la marge brute escomptée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que les dommages et intérêts dus par la société Valgo consistaient en la perte de chance subie par la société Recyclage de l'Epine d'avoir pu mener le chantier à son terme et d'avoir pu obtenir le paiement intégral de sa prestation, fixée à 90 % du solde du marché, soit 475 974,40 x 90 % = 428 376,96 euros ; qu'en se déterminant ainsi, quand le seul préjudice indemnisable subi par la société Recyclage de l'Epine ne pouvait s'évaluer qu'en fonction de la perte de la marge qu'elle aurait pu réaliser en poursuivant les relations contractuelles, la cour d'appel a violé l'article 1231-2 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1231-2 du code civil et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
5. Selon ce texte, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé.
6. Il résulte de ce texte et de ce principe que, dans l'hypothèse d'une résiliation anticipée d'un contrat à durée déterminée, le prix n'est dû qu'en cas d'exécution de la prestation convenue. Il appartient au juge d'évaluer le préjudice résultant de cette résiliation.
7. Pour condamner la société Valgo à payer à la société Recyclage de l'Epine une certaine somme à titre de dommages et intérêts, l'arrêt retient que le préjudice causé à la société Recyclage de l'Epine par la résiliation du contrat aux torts de la société Valgo consiste en la perte de chance de mener le chantier à son terme et d'obtenir le paiement intégral de sa prestation. Il relève ensuite que le contrat a trouvé son terme cinq mois avant la date de livraison souhaitée et qu'aucun élément ne permet de contester qu'à la date de sa résiliation, la société Recyclage de l'Epine aurait été en mesure d'achever intégralement sa prestation lui ouvrant droit au paiement de l'intégralité du solde du marché. Il en déduit que la perte de chance de la société Recyclage de l'Epine d'obtenir le paiement intégral du solde du marché est de 90 %.
8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations qu'en raison de la résiliation du contrat, la société Recyclage de l'Epine n'avait pas eu à engager les frais qu'elle aurait supporté si le marché était parvenu à son terme, de sorte que le préjudice subi du fait de la résiliation anticipée du contrat ne pouvait être la perte de chance d'obtenir le paiement intégral du solde du marché, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe à la somme de 428 376,96 euros le montant des dommages et intérêts au paiement desquels la société Valgo est condamnée, l'arrêt rendu le 18 avril 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen autrement composée ;
Condamne la société Recyclage de l'Epine aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Recyclage de l'Epine et la condamne à payer à la société Valgo la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le trois décembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.