Cass. com., 10 décembre 2025, n° 24-20.714
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
SARL
Défendeur :
Mme P, SCI du Roi René
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 23 juillet 2024), le 29 janvier 2016, la société SCI du Roi René (le bailleur) a donné à bail à Mme [M] aux droits de laquelle vient la société [Localité 4] (le preneur), un local commercial.
2. Le 7 novembre 2022, le preneur a été mis en redressement judiciaire, Mme [U] étant désignée mandataire judiciaire.
3. Le 23 mars 2023, le bailleur a saisi le juge-commissaire d'une requête aux fins de voir constater la résolution du bail commercial pour défaut de paiement de loyers échus postérieurement au jugement d'ouverture.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le preneur fait grief à l'arrêt de constater la résiliation de plein droit du bail alors « que le juge-commissaire saisi par le bailleur d'une demande de constatation de la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture, doit s'assurer, au jour où il statue, que des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture demeurent impayés ; que la société [Localité 4] faisait valoir que, dès lors qu'elle avait payé, depuis les 20 et 21 avril 2023, la totalité des loyers dus à la société du Roi René, le jugement qui, infirmant l'ordonnance rendue le 6 septembre 2023 par le juge-commissaire, avait constaté la résiliation du bail, devait être infirmé et la société du Roi René déboutée de ses prétentions ; que la cour d'appel a retenu que la société du Roi René avait saisi le juge-commissaire le 23 mars 2023, qu'à cette date, la société [Localité 4] était débitrice d'impayés postérieurs au jugement d'ouverture et que les paiements intervenus postérieurement au dépôt de la requête, soit les 20 et 21 avril 2023, étaient inopérants ; qu'en statuant ainsi cependant qu'elle ne pouvait constater la résiliation du bail si, au jour où elle statuait, la dette de loyers avait été apurée, fût-ce par des paiements intervenus après le dépôt de la requête saisissant le juge-commissaire, elle a violé les articles L. 622-14, 2° et R. 622-13 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 622-14, 2°, du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-14 du même code, et l'article R. 622-13, alinéa 2 de ce code, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article R. 631-20 du même code :
5. Il résulte de ces textes que le juge-commissaire, saisi par le bailleur d'une demande de constat de la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture, doit s'assurer, au jour où il statue, que des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture demeurent impayés.
6. Pour constater la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers et charges postérieurs au jugement d'ouverture du 7 novembre 2022, l'arrêt constate que le preneur n'a pas procédé au paiement des sommes afférentes dans le délai légal de trois mois suivant le jugement d'ouverture, que le dépôt de la requête est postérieur à ce délai et que les paiements intervenus postérieurement au dépôt de la requête sont inopérants.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le preneur avait régularisé l'arriéré réclamé au jour où le juge-commissaire avait statué, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement déféré, il constate la résiliation de plein droit du bail conclu entre la société SCI du Roi René et la société [Localité 4], pour défaut de paiement des loyers et charges postérieurs au jugement d'ouverture du 7 novembre 2022, fixe la date de cette résiliation à celle de la requête, condamne la société [Localité 4] aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile et la condamne à payer 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 23 juillet 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier autrement composée ;
Condamne la société SCI du Roi René aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société SCI du Roi René et la condamne à payer à la société [Localité 4] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le dix décembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.