Livv
Décisions

Cass. crim., 3 décembre 2025, n° 25-80.671

COUR DE CASSATION

Autre

Cassation

Cass. crim. n° 25-80.671

3 décembre 2025

N° C 25-80.671 F-D
S 23-85.759
N° 01585

GM
3 DÉCEMBRE 2025

DECHEANCE - REJET
CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 3 DÉCEMBRE 2025

M. [I] [S] [W] [V] a formé des pourvois :

- contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 3 juillet 2023, qui a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure (pourvoi n° 25-80.671) ;

- contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre 5-4, en date du 18 novembre 2024, qui, pour arrestation, enlèvement, détention ou séquestration arbitraires, vol aggravé et association de malfaiteurs, en récidive, l'a condamné à dix ans d'emprisonnement, cinq ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, cinq ans d'interdiction de séjour, une confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils (pourvoi n° 23-85.759).

MM. [L] [T] et [E] [J] ont formé des pourvois contre l'arrêt susvisé du 18 novembre 2024, qui, pour les mêmes infractions, en récidive s'agissant du second, les a condamnés aux mêmes peines et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire a été produit pour M. [I] [S] [W] [V].

Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [I] [S] [W] [V], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 novembre 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte des arrêts attaqués et des pièces soumises à l'examen de la Cour de cassation ce qui suit.

2. Au cours d'une information conduite notamment contre lui, M. [I] [S] [W] [V] a saisi la chambre de l'instruction d'une demande d'annulation de pièces de la procédure, rejetée par arrêt du 3 juillet 2023.

3. M. [W] [V] a formé un pourvoi.

4. Par jugement en date du 23 février 2024, le tribunal correctionnel a déclaré MM. [W] [V], [E] [J] et [L] [T] coupables d'arrestation, enlèvement, séquestration, vol aggravé et association de malfaiteurs, la récidive étant retenue à l'encontre des deux premiers, les a condamnés chacun à dix ans d'emprisonnement, cinq ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, cinq ans d'interdiction de séjour, une confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.

5. Les trois prévenus ont relevé appel et le ministère public a formé appel incident.

Déchéance des pourvois formés par MM. [T] et [J]

6. MM. [T] et [J] n'ont pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par leur avocat, un mémoire exposant leurs moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de les déclarer déchus de leurs pourvois par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, présenté contre l'arrêt du 3 juillet 2023, et sur les quatrième, cinquième et sixième moyens, présentés contre l'arrêt du 18 novembre 2024

7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen, présenté contre l'arrêt du 3 juillet 2023

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité de la mise en place du dispositif de géolocalisation en temps réel de M. [W] [V] sur le véhicule immatriculé [Immatriculation 1] tiré du défaut d'autorisation du procureur de la République saisi au moment de cette mise en place, alors « qu'en cas de dessaisissement d'un parquet territorialement compétent au profit d'un parquet d'une juridiction interrégionale spécialisée, les opérations de géolocalisation autorisées par le premier ne peuvent être mises en place ou se poursuivre qu'après autorisation délivrée par le second ; que M. [W] [V] faisait valoir, à l'appui de sa requête en nullité, que le dispositif de géolocalisation en temps réel sur le véhicule immatriculé [Immatriculation 1], autorisé par le procureur de la République de Tarascon, avait été mis en place après dessaisissement du parquet de Tarascon au profit du parquet de la juridiction interrégionale spécialisée de Marseille, sans qu'aucune nouvelle autorisation n'ait été délivrée par ce dernier ; qu'en retenant, pour rejeter ce moyen de nullité, qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit qu'une nouvelle autorisation doive être délivrée par le procureur de la République territorialement compétent au moment de la pose du dispositif en cas de dessaisissement de parquet à parquet, la chambre de l'instruction a violé les articles 230-33 et 230-37 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

9. Pour écarter le moyen de nullité relatif à une opération de géolocalisation, l'arrêt attaqué énonce, à propos de l'absence d'une nouvelle autorisation à l'occasion de la saisine du procureur de la République du siège de la juridiction interrégionale spécialisée, qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit qu'une nouvelle autorisation doive être délivrée par le procureur de la République nouvellement saisi, en cas de dessaisissement de parquet à parquet, contrairement à ce que prescrit l'article 80-5 du code de procédure pénale en cas d'ouverture d'une information judiciaire.

10. Les juges ajoutent que la seule exigence posée par le législateur réside dans la nécessité que ces opérations soient réalisées sous le contrôle d'un magistrat conformément aux dispositions de l'article 230-37 du même code.

11. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen.

12. En effet, lorsque une autorité judiciaire se dessaisit au profit d'une autre d'une procédure en cours, les autorisations régulièrement données aux enquêteurs continuent de produire effet et les investigations en cours d'être conduites, sauf disposition contraire.

13. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Sur le deuxième moyen, présenté contre l'arrêt du 3 juillet 2023

Enoncé du moyen

14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité de la mise en place du dispositif de géolocalisation en temps réel de M. [W] [V] sur le véhicule immatriculé [Immatriculation 1] tiré de l'incertitude du lieu de la pose du dispositif, alors « que si la chambre de l'instruction peut fonder sa décision sur des actes ou pièces ne figurant pas au dossier déposé au greffe conformément aux prescriptions de l'article 197 du code de procédure pénale, c'est à la condition de les avoir préalablement soumis au débat contradictoire ; qu'en se fondant, pour rejeter le moyen de nullité tiré de l'incertitude du lieu de la pose du dispositif de géolocalisation, sur un plan de la ville de [Localité 3] qui ne figurait pas au dossier de la procédure et sur le résultat de ses recherches personnelles qui n'avaient pas été soumis à la discussion des parties, la chambre de l'instruction a violé les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire et 197 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

15. Pour écarter le moyen de nullité relatif à une opération de géolocalisation, l'arrêt attaqué énonce, à propos de l'incertitude alléguée quant au lieu de pose du dispositif, que l'avocat du requérant argue que l'[Adresse 2], désignée par le procès-verbal contesté comme ayant été le lieu de pose du dispositif, n'existe pas, et que l'éventualité que celui-ci ait été installé dans un lieu privé ne peut être écartée.

16. Les juges ajoutent qu'après vérification sur un plan de la ville de [Localité 3], il existe une [Adresse 4] mais pas d'impasse de ce nom, que cependant la voie à sens unique donnant accès à cette place peut être assimilée à une impasse, ce qui peut expliquer la mention figurant sur le procès-verbal querellé.

17. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu les textes invoqués par le moyen.

18. En effet, elle s'est référée à un document librement accessible, dont la consultation était induite par l'argument de la défense, qui s'était elle-même nécessairement reporté à un document semblable pour soutenir sa requête.

19. Par ailleurs, le moyen ne conteste pas les constatations faites à propos de la configuration des lieux en cause.

Mais sur le septième moyen, présenté contre l'arrêt du 18 novembre 2024

Enoncé du moyen

20. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement sur la confiscation des biens saisis, alors « qu'hormis le cas où la confiscation, qu'elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue le produit de l'infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé lorsqu'une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d'office lorsqu'il s'agit d'une confiscation de tout ou partie du patrimoine ; qu'il incombe au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature de ce bien ainsi que le fondement de la mesure ; qu'en s'abstenant purement et simplement de motiver la peine de confiscation qu'elle a prononcée, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la légalité de sa décision et a violé les articles 1er du protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :

21. Selon le premier de ces textes, la peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement. La confiscation porte alors sur les biens qui ont servi à commettre l'infraction, ou étaient destinés à la commettre, et sur ceux qui sont l'objet ou le produit de l'infraction, et ne peuvent être restitués. Si la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit, la confiscation peut porter sur tout ou partie des biens appartenant au condamné.

22. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

23. Pour ordonner la confiscation des scellés, l'arrêt attaqué énonce que la confiscation des biens saisis ordonnée en première instance, en l'absence de toute contestation en appel, sera confirmée.

24. En prononçant ainsi, sans préciser, pas plus que le jugement du tribunal correctionnel ne l'avait fait, la nature des objets confisqués, ni indiquer en quoi chacun d'eux avait servi, ou bien à commettre l'infraction, ou bien était destiné à la commettre, ou en constituait le produit, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ni mis la Cour de cassation en mesure d'en contrôler la légalité.

25. La cassation est, dès lors, encourue.

Portée et conséquences de la cassation

26. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la peine de confiscation prononcée contre M. [W] [V]. Les autres dispositions seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur les pourvois formés par MM. [L] [T] et [E] [J] :

CONSTATE la déchéance des pourvois ;

Sur les pourvois formés par M. [I] [S] [W] [V] :

REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt du 3 juillet 2023 ;

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 18 novembre 2024, mais en ses seules dispositions ayant trait à la peine de confiscation prononcée contre M. [W] [V], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille vingt-cinq.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site