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Cass. com., 3 décembre 2025, n° 23-23.997

COUR DE CASSATION

Autre

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Xylem Water Solutions Middle East Region FZCO (Sté), Environnement general hydraulique (SAS)

Défendeur :

Environnement general hydraulique (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocat général :

M. Lecaroz

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés

Cass. com. n° 23-23.997

2 décembre 2025

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 septembre 2023), la société Environnement general hydraulique (la société EGH), qui a une activité d'intermédiaire en commerce de machines hydrauliques, entretient, depuis sa création en 1997, une relation commerciale avec des sociétés du groupe Xylem pour la commercialisation des produits du groupe au Maghreb et en Afrique francophone, cette relation ayant revêtu plusieurs modalités juridiques intégrant une exclusivité.

2. La société Xylem a notifié à la société EGH la fin, à compter du 1er janvier 2020, de l'exclusivité dont cette dernière bénéficiait.

3. Reprochant à la société Xylem de rompre brutalement la relation commerciale en mettant fin à la relation d'exclusivité existant entre elles depuis vingt-trois ans, la société EGH l'a assignée en dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige.

Examen des moyens

Sur les moyens du pourvoi principal et le moyen, pris en ses deuxième à cinquième branches, du pourvoi incident

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société EGH fait grief à l'arrêt de limiter à 336 047 euros les dommages et intérêts qui lui ont été alloués et de rejeter le surplus de ses demandes, alors « que la durée du préavis suffisante pour mettre fin à une relation commerciale établie s'apprécie au terme d'une analyse concrète de la relation commerciale, tenant compte, outre de sa durée et du volume d'affaires réalisé, du secteur concerné, du temps nécessaire pour retrouver un autre partenaire, et de l'état de dépendance économique du fournisseur, cet état se définissant comme l'impossibilité pour celui-ci de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'il a nouées avec une autre entreprise ; qu'en se bornant à retenir, pour fixer à douze mois le préavis qui aurait dû précéder la rupture de l'exclusivité de la relation commerciale tissée entre la société Xylem et la société EGH, que celle-ci a construit son modèle économique sur la base d'une relation commerciale exclusive depuis 1997 et que la perte de ce droit impliquait pour celle-ci d'engager une réorganisation d'ensemble de son activité étant observé que près de 80 % de son chiffre d'affaires reposait sur la vente exclusive des produits Flygt. Si la société EGH a poursuivi sur les exercices 2020 et 2021 la vente des produits Flygt (pièce n° 35), elle justifie d'une importante chute de son chiffre d'affaires passant de 6 442 220 euros sur l'exercice clos au 31 décembre 2019, à 3 938 130 euros sur l'exercice clos au 31 décembre 2020, puis à 3 596 647 euros sur l'exercice clos au 31 décembre 2021. Elle expose sans être utilement contredite qu'en perdant ses droits exclusifs de vente elle n'a plus été en mesure de proposer à ses clients des prix compétitifs ni de leur vendre des produits concurrents qu'elle n'a pas vantés pendant 23 ans pour promouvoir les produits Flygt. Il en résulte que par la perte du droit exclusif de vendre les produits Flygt représentant plus de 80 % de son chiffre d'affaires, la société EGH a subi une modification substantielle de la relation commerciale établie depuis 1997", pour en conclure que, de l'ensemble de ces constatations, la cour en déduit que le délai de prévenance de la perte de l'exclusivité devait être d'un délai nécessaire mais suffisant de 12 mois", la cour d'appel a statué par des motifs impropres à établir qu'elle a pris en compte, pour déterminer la durée du préavis, l'état de dépendance économique de la société EGH qui était allégué par celle-ci et le temps nécessaire pour retrouver un partenaire lui offrant une solution économiques équivalente, fixé à 46 mois par la société EGH, et elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, que la durée de préavis suffisante s'apprécie au terme d'une analyse concrète de la relation commerciale, tenant notamment compte de l'état de dépendance économique du fournisseur, cet état se définissant comme l'impossibilité pour celui-ci de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'il a nouées avec une autre entreprise.

7. L'arrêt retient que la société EGH ayant construit son modèle économique sur la base d'une relation commerciale exclusive depuis 1997, la perte de cette exclusivité impliquait pour celle-ci d'engager une réorganisation d'ensemble de son activité, près de 80 % de son chiffre d'affaires reposant sur la vente exclusive des produits Flygt, que si la société EGH a poursuivi pendant les exercices 2020 et 2021 la vente des produits Flygt, elle justifie d'une importante chute de son chiffre d'affaires au cours de cette période, et qu'en perdant ses droits exclusifs de vente, elle n'a plus été en mesure de proposer à ses clients des prix compétitifs ni de leur vendre des produits concurrents qu'elle n'avait pas vantés pendant vingt-trois ans tandis qu'elle promouvait les produits Flygt. Il en déduit que le délai de prévenance de la perte de l'exclusivité devait être un délai nécessaire mais suffisant de douze mois et que le préavis effectif concernant la perte de l'exclusivité de la relation commerciale dont a bénéficié la société EGH n'ayant été que de six mois, l'insuffisance de préavis de six mois caractérise une rupture partielle et brutale de la relation commerciale établie de nature à engager la responsabilité de la société Xylem.

8. Sous couvert d'un grief infondé de manque de base légale, le moyen, qui manque en fait en tant qu'il soutient que la cour d'appel n'a pas pris en compte l'état de dépendance économique de la société EGH, dès lors qu'il se déduit des motifs susvisés qu'elle a bien retenu l'existence d'un tel état de dépendance, ne tend qu'à remettre en cause les appréciations souveraines de la cour d'appel quand à la durée du préavis nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Dit que chaque partie supportera les dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le trois décembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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