CA Orléans, ch. civ., 2 décembre 2025, n° 23/02621
ORLÉANS
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'ORLÉANS
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 02/12 /2025
la SCP GUILLAUMA - PESME - JENVRIN
Me Adeline JEANTET - COLLET
la SCP PACREAU COURCELLES
ARRÊT du : 02 DECEMBRE 2025
N° : - 25
N° RG 23/02621 - N° Portalis DBVN-V-B7H-G4K3
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 7] en date du 05 Octobre 2023
PARTIES EN CAUSE
APPELANT :
- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265292529099653
Monsieur [J] [N]
né le 14 Juillet 1974 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Christophe PESME de la SCP GUILLAUMA - PESME - JENVRIN, avocat au barreau d'ORLEANS
D'UNE PART
INTIMÉES :
- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265293370741590
S.A. AXA FRANCE IARD prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Adeline JEANTET - COLLET, avocat au barreau d'ORLEANS
- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265293400511569
Société SCG FLEURY, société civile au capital de 7 500.00 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés sous le numéro Orléans D 478 233 398,prise en la personne de son gérant domicilié es-qualité au siège,
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Michel-Louis COURCELLES de la SCP PACREAU COURCELLES, avocat au barreau d'ORLEANS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 06 Novembre 2023.
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 1er septembre 2025
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du 13 Octobre 2025 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant Madame Nathalie LAUER, présidente de chambre et Monsieur Laurent SOUSA, conseiller, en charge du rapport, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.
Lors du délibéré, au cours duquel Madame Nathalie LAUER, présidente de chambre et Monsieur Laurent SOUSA, conseiller, ont rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:
Madame Nathalie LAUER, Présidente de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Monsieur Xavier GIRIEU, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé publiquement le 02 décembre 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
***
FAITS ET PROCÉDURE
La société SCG Fleury a confié des travaux de réhabilitation d'un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 7] (45), consistant en la création de six appartements, à la société Vos Solutions Travaux (VST), assurée au titre de sa garantie décennale par la société Axa France Iard.
La société SCG Fleury a vendu un appartement à M. [O] qui l'a ensuite revendu à M. [N] le 2 juillet 2020.
À la suite de désordres, M. [N] a sollicité une expertise judiciaire qui a été ordonnée en référé le 15 octobre 2021. L'expert a déposé son rapport le 8 septembre 2022.
Le 26 janvier 2023, M. [N] a fait assigner à jour fixe la société SCG Fleury et la société Axa France Iard devant le tribunal judiciaire d'Orléans.
Par jugement du 5 octobre 2023, le tribunal judiciaire d'Orléans a :
- condamné la société Axa France Iard à payer à M. [N] les sommes de :
. 24 070,88 euros au titre de son préjudice matériel, ce montant actualisé en fonction de l'indice BT01 à compter du 8 septembre 2022 jusqu'à la date de prononcé de la présente décision ;
. 28 850 euros au titre de ses préjudices immatériels, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement, en application de l'article 1231-7 du code civil ;
- condamné la société Axa France Iard à payer à M. [N] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Axa France Iard à payer à la société SCG Fleury la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté toutes les autres demandes ;
- condamné la société Axa France Iard aux dépens, en ce compris le coût de l'expertise, dont distraction au profit de la SCP Guillauma & Pesme.
Par déclaration du 6 novembre 2023, M. [N] a interjeté appel du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande visant à voir condamner in solidum les sociétés Axa et SCG Fleury, ou l'une à défaut de l'autre, à lui verser les sommes de 48 089,75 euros au titre des travaux de reprise, cette somme indexée sur l'indice BT 01 à la date du dépôt du rapport d'expertise.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 14 août 2025, M. [N] demande à la cour de :
- le recevoir en son appel et le déclarer bien fondé ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a été débouté de sa demande visant à voir condamner in solidum les sociétés Axa et SCG Fleury, ou l'une à défaut de l'autre, à lui verser les sommes de 48 089,75 euros au titre des travaux de reprise, cette somme indexée sur l'indice BT 01 à la date du dépôt du rapport d'expertise ;
Statuant à nouveau sur ces dispositions :
- condamner in solidum les sociétés Axa et SCG Fleury, ou l'une à défaut de l'autre à verser à M. [N] la somme de 48 089,75 euros au titre des travaux de reprise, somme qui sera indexée sur l'indice BT 01 à la date du dépôt du rapport d'expertise ;
- confirmer le jugement sur les autres dispositions sauf à actualiser le préjudice de jouissance à la somme de 38 250 euros à la date de l'audience, sauf à parfaire à la date de l'arrêt ;
- condamner in solidum les sociétés Axa et SCG Fleury, ou l'une à défaut de l'autre à lui verser la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter les parties défenderesses de leurs demandes ;
- condamner les parties défenderesses, in solidum, aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de la SCP Guillauma & Pesme.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 24 août 2025, la société SCG Fleury demande à la cour de :
- déclarer M. [N] mal fondé en son appel ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a : condamné la société Axa France Iard à payer à M. [N] les sommes de 24 070,88 euros au titre de son préjudice matériel, ce montant actualisé en fonction de l'indice BT01 à compter du 8 septembre 2022 jusqu'à la date de prononcé de la présente décision, et de 28 850 euros au titre de ses préjudices immatériels, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement, en application de l'article 1231-7 du code civil ; condamné la société Axa France Iard à payer à M. [N] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; condamné la société Axa France Iard à payer à la société SCG Fleury la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; rejeté toutes les autres demandes ; condamné la société Axa France Iard aux dépens, en ce compris le coût de l'expertise, dont distraction au profit de la SCP Guillauma & Pesme ;
- débouter M. [N] de toutes demandes, fins et prétentions contraires, plus amples ou complémentaires.
À titre subsidiaire,
- condamner la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur décennal de la société Vos solutions travaux, en liquidation judiciaire, à la garantir intégralement et entièrement et la relever indemne de toute condamnation qui serait prononcée au profit de M. [N] en principal, actualisation, frais, intérêts et dépens ;
- débouter la société Axa France Iard de toutes demandes plus amples ou contraires ;
En tout état de cause,
- condamner M. [N], et à défaut tout succombant, à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 8 août 2025, la société Axa France Iard demande à la cour de :
- déclarer M. [N] mal fondé en son appel et l'en débouter ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a accordé à M. [N] la somme de 24 070,88 euros au titre de son préjudice matériel ;
- l'infirmer pour le surplus ;
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident ;
À titre principal,
- débouter M. [N] de sa demande au titre de son préjudice de jouissance ;
À titre subsidiaire,
- accorder à M. [N] une somme au titre de son préjudice de jouissance, limitée à la durée des travaux fixée a 3 semaines par l'expert judiciaire ;
- débouter M. [N] de sa demande au titre de son préjudice moral ;
- constater que la société SCG Fleury n'a pas souscrit d'assurance obligatoire dans le cadre de ses opérations de promotion immobilière ;
- condamner la société SCG Fleury solidairement avec elle à l'égard de M. [N] ;
- statuer ce que de droit sur les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.
MOTIFS
I- Sur les préjudices matériels
Moyens des parties
M. [N] soutient que s'agissant de l'humidité persistante, il est sollicité l'adoption des motifs du jugement ; que s'agissant des menuiseries en PVC, l'expert a relevé qu'il a été posé des menuiseries en PVC en lieu et place des menuiseries en bois prévues dans le devis ; que les règles d'urbanisme ne permettent pas l'emploi d'huisseries extérieures en PVC ; qu'il y a une impropriété à destination puisqu'elles doivent être remplacées afin de se mettre en conformité, non seulement avec le contrat mais également et surtout avec les règles d'urbanisme ; que la forme arrondie du haut des fenêtres ne permet pas de poser des grilles de ventilation dans les ouvrants de la baie ; que la seule solution alternative au remplacement des huisseries serait le percement des murs en moellons de la façade du logement ; que ce percement du mur et l'installation de deux grilles de ventilation disgracieuses ne sauraient lui être imposés, la réparation des dommages devant se concevoir sans atteinte à l'ouvrage existant ; que dès lors que ces fenêtres doivent être retirées, il est certain que le dommage est de nature décennale ; que le premier vendeur, la société SCG Fleury, est un professionnel de l'immobilier et est donc présumé avoir eu connaissance des vices dont se trouvait affecté l'immeuble ; que cette société a entrepris des travaux de rénovation de cet ensemble immobilier comprenant l'appartement litigieux, aux fins de revendre par lots et ne saurait se prévaloir de la clause de non-garantie des vices cachés ; que la société SCG Fleury a manifestement joué un rôle de maîtrise d'oeuvre et a fermé les yeux sur les approximations de la société Vos Solutions Travaux qu'elle avait elle-même mandatée ; qu'en réceptionnant sans réserve des fenêtres en PVC alors que les devis et factures prévoyaient des fenêtres bois, en conformité avec les règles d'urbanisme applicables, la SCG Fleury a commis une faute contractuelle, sinon délictuelle et doit être condamnée in solidum avec les autres parties défenderesses à réparer les préjudices subis ; que le coût total des travaux de reprise évalué par l'expert judiciaire s'établit donc à la somme de 48 089,75 euros TTC, à laquelle les sociétés Axa et SCG Fleury seront condamnées in solidum.
La société Axa France Iard fait valoir que l'expert a eu à se prononcer sur le remplacement des menuiseries anciennes existantes par des menuiseries neuves prévues initialement en bois et qui finalement se sont avérés être en PVC ; que le premier acquéreur, M. [O], n'a formé aucune objection à la réception de son lot qu'il a revendu, ensuite, à M. [N], après l'avoir visité et s'en est déclaré satisfait pour en verser le prix convenu ; qu'ainsi, le demandeur ne pouvait solliciter la condamnation solidaire des défendeurs à lui payer la somme extravagante de 21 835,34 euros TTC, suivant devis de la société Techni-Murs 45 puisque les menuiseries ne peuvent être considérées comme un vice caché ; qu'en effet, il appartenait au demandeur de démontrer que dans le cadre de l'acte de vente il était spécifiquement précisé que les menuiseries étaient en bois et non pas en PVC ; que ce prétendu vice ne saurait être indemnisé s'il n'entraîne pas de conséquences particulières, comme la réfection totale desdites menuiseries ; que l'expert n'a pas relevé que les menuiseries seraient impropres à la destination de l'immeuble ; qu'il n'existe aucun préjudice démontrable puisque ni la mairie, ni un quelconque organisme officiel n'ont engagé de procédure à l'encontre de M. [N], en le sommant de faire modifier les huisseries ; qu'en outre, une solution alternative, moins coûteuse mais toute aussi efficace, a été retenue par l'expert, à savoir la création de deux ventilations hautes dans le mur de façade, chiffrée à la somme de 5 424,14 euros TTC ; qu'en conséquence, il conviendra de débouter M. [N] de sa demande concernant les menuiseries extérieures à hauteur de 21 835,34 euros et de confirmer le jugement de ce chef.
La société SCG Fleury explique que la société VST avait mis en oeuvre des fenêtres en PVC, ce qui n'avait pas soulevé d'objection de sa part s'agissant de fenêtres neuves remplissant parfaitement leur office de menuiseries étanches ouvrant sur une cour intérieure ; que lorsqu'elle a vendu l'appartement à M. [O], ce dernier ne formula aucune objection sur le matériau dont les menuiseries étaient constituées ; que lorsque treize mois plus tard, M. [O] a vendu ce même appartement à M. [N], ce dernier ne formula également aucune objection à ce propos ; que la création de grilles d'aération percées dans un mur donnant sur l'extérieur a paru suffisant à l'expert pour installer les ventilations hautes nécessaires à un bon fonctionnement de la VMC de l'appartement ; qu'il n'existe aucune non-conformité au sens du droit de l'urbanisme ; que le PLUM ([Adresse 8]) indique seulement que les menuiseries des fenêtres et les volets et persiennes traditionnels doivent être conservés chaque fois que leur état le permet et restaurés si nécessaire ; que ces menuiseries en PVC, qui donnent sur une cour intérieure privative, et non sur la rue, présentent l'avantage de ne nécessiter aucun entretien et ne présentent aucun caractère inesthétique ; que toute action en conformité serait depuis longtemps forclose, suivant ce qui est stipulé à l'acte notarié ; qu'au surplus, le percement des murs pour réaliser les ventilations ne laisserait subsister aucun dommage ; que les premiers juges ont écarté les demandes fondées sur la garantie décennale et la garantie des vices cachés, tout en validant le coût de la création de ventilations hautes dans le mur de façade sur cour, avec l'ensemble des sujétions en découlant, et ce point n'est pas contesté ; que M. [N] n'apporte aucun élément nouveau de nature à justifier l'annulation ou l'infirmation de la décision entreprise ; que l'appelant ne justifie pas du bien-fondé de sa demande de condamnation in solidum formée à son encontre ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a validé à hauteur de 24 070,88 euros le préjudice matériel de M. [N], et de débouter ce dernier de toutes demandes plus amples ou contraires concernant l'évaluation des remèdes permettant de supprimer les dommages constatés en expertise.
Réponse de la cour
A titre liminaire, il y a lieu de relever que les parties ne contestent pas les désordres retenus par le tribunal dont la reprise a été évaluée à la somme de 24 070,88 euros à la charge de la société Axa France Iard.
S'agissant des menuiseries, l'appelant fonde sa demande à l'encontre de la société Axa France Iard sur la garantie décennale.
L'article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
L'expert judiciaire a indiqué que les menuiseries de l'appartement vendu à M. [N] ont été réalisées en PVC alors que le devis de la société VST prévoyait des menuiseries en bois. Il a également précisé que ces menuiseries ne comportent aucune ventilation mais que la forme arrondie du haut des fenêtres, qu'elles soient en bois ou en PVC, ne permet pas de poser des grilles de ventilation dans les ouvrants de la baie, imposant par conséquent de réaliser deux ventilations hautes dans le mur en moellons de la façade du logement.
Toutefois, l'expert judiciaire n'a pas constaté l'existence d'un désordre affectant les menuiseries en PVC qui assurent le clos et le couvert, de sorte que la non-conformité contractuelle alléguée ne peut relever de la garantie décennale.
L'appelant allègue toutefois que les menuiseries ne sont pas conformes aux règles d'urbanisme applicables, de sorte que la garantie décennale a vocation à s'appliquer.
L'acte de vente stipule dans la partie « périmètre de protection d'un monument historique » :
« Il est ici précisé que l'ensemble immobilier est situé dans le périmètre de protection d'un monument historique ou d'un immeuble classé ou inscrit. Par suite, le propriétaire ne peut faire de travaux en modi'ant l'aspect extérieur sans une autorisation spéciale ayant recueilli l'agrément de l'architecte départemental des monuments historiques ».
L'expert judiciaire a quant à lui indiqué : « La déclaration de travaux n'a pas fait l'objet de l'accord de l'architecte des bâtiments de France, car non obligatoire (hors sites et hors abords) ».
Il s'avère en effet que les menuiseries litigieuses ne sont pas situées en façade visible depuis la voie publique mais donnent sur une cour, de sorte que l'accord de l'architecte des bâtiments de France n'était pas nécessaire.
M. [N] n'établit pas l'existence d'une non-conformité des menuiseries aux règles d'urbanisme applicables, ni avoir fait l'objet d'une injonction de l'administration aux fins de démolition ou de mise en conformité.
En conséquence, la garantie décennale de l'entrepreneur assuré par la société Axa France Iard n'est pas applicable à la non-conformité alléguée des menuiseries.
À l'égard du vendeur, la société SCG Fleury, M. [N] fonde sa demande sur la garantie des vices cachés.
L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Ainsi que le tribunal l'a justement retenu, il ne résulte pas du rapport d'expertise judiciaire ni des pièces versées aux débats que les menuiseries seraient affectées de vices cachés les rendant impropres à leur usage ou diminuant leur usage, outre le fait que le matériau de fabrication des fenêtres en PVC était apparent et décelable par M. [N] lors de l'acquisition du bien.
En conséquence, la garantie des vices cachés n'est pas due par le vendeur. M. [N] sera donc débouté de sa demande de condamnation in solidum des sociétés Axa et SCG Fleury, à lui verser la somme de 48 089,75 euros au titre des travaux de reprise, comprenant l'indemnité allouée par le tribunal au titre des désordres relatifs à l'humidité e une indemnité au titre du remplacement des menuiseries.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Axa France Iard à payer à M. [N] la somme de 24 070,88 euros au titre de son préjudice matériel, ce montant actualisé en fonction de l'indice BT01 à compter du 8 septembre 2022 jusqu'à la date de prononcé du jugement.
II- Sur les préjudices immatériels
Moyens des parties
L'appelant soutient que l'expert judiciaire a relevé que l'humidité dans le logement provenant du sol rend son appartement impropre à sa destination ; qu'il se trouve très sévèrement impacté par ce litige et l'impossibilité de pouvoir habiter son logement, tant sur le plan familial que professionnel ; qu'il produit des certificats médicaux et attestations en ce sens ; qu'il est séparé de sa compagne et bénéficie d'un droit de visite et d'hébergement sur ses enfants qu'il ne peut recevoir décemment dans son logement, de sorte qu'il se voit contraint d'exercer ce droit en région parisienne, le plus souvent dans un hôtel ; que la base mensuelle de 600 euros par mois, telle qu'appréciée par les premiers juges devra être confirmée ; que le tribunal ayant arrêté le compte à la date du jugement, il y aura lieu d'actualiser le préjudice de jouissance à la date de l'arrêt et, a minima, à la date de l'audience devant la cour, soit une somme de 14 400 euros supplémentaire à laquelle la société Axa France Iard doit être condamnée ; qu'il sollicite en outre la confirmation du jugement en ce qu'il lui a alloué la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral.
La société Axa France Iard réplique que M. [N] a toujours habité l'appartement et qu'il n'y a pas d'impossibilité pour le propriétaire d'en jouir de façon absolue, ni même de pouvoir l'utiliser dans des conditions normales d'habitabilité ; qu'il a été rappelé, lors des opérations d'expertise, que l'humidité pouvait être très facilement combattue par la simple ouverture des fenêtres, équivalente à la pose des grilles de ventilation ; que les attestations produites par M. [N] ne contredisent en rien l'analyse factuelle qu'il convient de faire à la lecture du rapport d'expertise ; que la cour ne pourra donc qu'infirmer le jugement en ce qu'il a accordé la somme de 23 850 euros à M. [N] au titre de son préjudice de jouissance ; que la cour ne pourra qu'infirmer le jugement au titre du préjudice moral, dès lors que les juridictions répressives n'accordent une telle somme que dans de rares cas et que la jurisprudence, au visa de l'article 1241 du code civil, autorise certes le principe d'une indemnisation pour préjudice moral lorsqu'il est certain, direct et personnel, mais ne saurait être surévalué ni même faire double emploi avec le préjudice de jouissance ; que les difficultés d'une séparation d'avec la mère de ses enfants, dont la cour et les parties n'ont pas à connaître, n'a aucune incidence avec l'absence d'ouverture de fenêtres durant l'occupation de M. [N] et la future mise en place de grilles d'aération ; qu'en l'absence de démonstration de l'existence d'un préjudice moral, la cour ne pourra qu'infirmer le jugement en ce qu'il a accordé à M. [N] la somme de 5 000 euros.
Réponse de la cour
En application de la garantie décennale mise en oeuvre au titre de l'humidité du logement, l'assureur de l'entrepreneur doit indemniser les préjudices immatériels causés à M. [N].
L'expert judiciaire a constaté la forte humidité régnant dans le logement de M. [N] avec un taux d'humidité supérieur à 75 % sur de nombreux murs. Les murs impactés par un taux d'humidité conséquent sont ceux en mitoyen avec le hall d'entrée, les façades Sud et Nord.
S'agissant de la cause des désordres, l'expert judiciaire a conclu :
« L'absence d'étanchéité au droit du trottoir béton et des jardinières contribue à humidifier fortement le pied de la façade. Le ravalement en ciment de la façade enferme l'humidité dans le mur jusqu'à saturation pour ressortir dans l'appartement de Monsieur [N] dont la ventilation des locaux n'est pas assurée et occasionne ainsi des dégradations par la formation de cloques sur les parois en plâtre.
L'absence de ventilation du logement associée aux remontées d'humidité par capillarité des parois génère un air vicié des locaux d'habitation et accentue les dommages constatés sur les parois porteuses du logement qui s'aggravent au fur et à mesure du temps qui passe.
Les travaux n'ont pas été conduits conformément aux documents contractuels et aux règles de l'art. Les désordres rendent l'ouvrage impropre à sa destination.
Les vices visibles sont apparus après la réception de chantier, au fur et à mesure du temps.
L'entreprise de peinture de la société VST « Vos Solutions Travaux » a réceptionné l'ouvrage et a peint les parois sans s'occuper du taux d'humidité important dans les murs et cloisons du rez-de-chaussée de l'immeuble. L'absence de ventilation du logement de Monsieur [N] a accentué le phénomène de désordres, mais n'en est pas la cause. Le chantier a été mené sans étude et diagnostic préalable pour assurer une mise en oeuvre des travaux corrects et professionnels en respectant les règles de l'art et d'hygiène élémentaire. La mauvaise ventilation des locaux assure des problèmes persistants d'humidité et de moisissures sur les murs et les plafonds et est néfaste pour la santé des habitants de l'appartement ».
Il résulte de ces éléments que la forte humidité régnant dans l'habitation de M. [N] résulte de remontées d'humidité par capillarité des parois génère un air vicié des locaux d'habitation, que l'absence de ventilation a contribué à aggraver. Il s'ensuit que l'assureur est mal-fondé à soutenir que la simple ouverture des fenêtres quotidiennement aurait suffi à éviter les dommages, dès lors que la cause du dommage ne réside pas dans le défaut de ventilation, simple facteur aggravant.
Il est certain que la forte humidité du logement a troublé la jouissance normale des lieux par M. [N] en raison des troubles associés tels que la nécessité d'aérer et de chauffer régulièrement les lieux et l'apparition de moisissures. M. [N] a subi ce préjudice pendant 5 années depuis l'acquisition de l'immeuble.
Il convient de réparer intégralement le préjudice de jouissance causé à M. [N] en lui allouant une somme de 15 000 euros, à laquelle la société Axa France Iard sera condamnée.
En outre, cette situation a été pour M. [N] une source de tracas et d'inquiétudes pour sa santé et pour son bien, de sorte qu'elle lui a causé un préjudice moral qui doit être réparé par l'allocation de la somme de 5 000 euros à laquelle la société Axa France Iard sera condamnée.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société Axa France Iard à payer à M. [N] la somme de 28 850 euros au titre de ses préjudices immatériels, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement, en application de l'article 1231-7 du code civil.
III- Sur les frais de procédure
Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.
M. [N] sera condamné aux dépens d'appel, et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées au regard des circonstances du litige.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement du tribunal judiciaire d'Orléans du 5 octobre 2023 en ce qu'il a condamné la société Axa France Iard à payer à M. [N] la somme de 28 850 euros au titre de ses préjudices immatériels, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement, en application de l'article 1231-7 du code civil ;
CONFIRME le jugement en ses autres dispositions critiquées ;
STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :
DÉBOUTE M. [N] de sa demande d'indemnité au titre du remplacement des menuiseries ;
CONDAMNE la société Axa France Iard à payer à M. [N] les sommes de :
- 15 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;
- 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
CONDAMNE M. [N] aux entiers dépens d'appel ;
REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Nathalie LAUER, Présidente de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 02/12 /2025
la SCP GUILLAUMA - PESME - JENVRIN
Me Adeline JEANTET - COLLET
la SCP PACREAU COURCELLES
ARRÊT du : 02 DECEMBRE 2025
N° : - 25
N° RG 23/02621 - N° Portalis DBVN-V-B7H-G4K3
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 7] en date du 05 Octobre 2023
PARTIES EN CAUSE
APPELANT :
- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265292529099653
Monsieur [J] [N]
né le 14 Juillet 1974 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Christophe PESME de la SCP GUILLAUMA - PESME - JENVRIN, avocat au barreau d'ORLEANS
D'UNE PART
INTIMÉES :
- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265293370741590
S.A. AXA FRANCE IARD prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Adeline JEANTET - COLLET, avocat au barreau d'ORLEANS
- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265293400511569
Société SCG FLEURY, société civile au capital de 7 500.00 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés sous le numéro Orléans D 478 233 398,prise en la personne de son gérant domicilié es-qualité au siège,
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Michel-Louis COURCELLES de la SCP PACREAU COURCELLES, avocat au barreau d'ORLEANS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 06 Novembre 2023.
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 1er septembre 2025
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du 13 Octobre 2025 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant Madame Nathalie LAUER, présidente de chambre et Monsieur Laurent SOUSA, conseiller, en charge du rapport, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.
Lors du délibéré, au cours duquel Madame Nathalie LAUER, présidente de chambre et Monsieur Laurent SOUSA, conseiller, ont rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:
Madame Nathalie LAUER, Présidente de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Monsieur Xavier GIRIEU, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé publiquement le 02 décembre 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
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FAITS ET PROCÉDURE
La société SCG Fleury a confié des travaux de réhabilitation d'un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 7] (45), consistant en la création de six appartements, à la société Vos Solutions Travaux (VST), assurée au titre de sa garantie décennale par la société Axa France Iard.
La société SCG Fleury a vendu un appartement à M. [O] qui l'a ensuite revendu à M. [N] le 2 juillet 2020.
À la suite de désordres, M. [N] a sollicité une expertise judiciaire qui a été ordonnée en référé le 15 octobre 2021. L'expert a déposé son rapport le 8 septembre 2022.
Le 26 janvier 2023, M. [N] a fait assigner à jour fixe la société SCG Fleury et la société Axa France Iard devant le tribunal judiciaire d'Orléans.
Par jugement du 5 octobre 2023, le tribunal judiciaire d'Orléans a :
- condamné la société Axa France Iard à payer à M. [N] les sommes de :
. 24 070,88 euros au titre de son préjudice matériel, ce montant actualisé en fonction de l'indice BT01 à compter du 8 septembre 2022 jusqu'à la date de prononcé de la présente décision ;
. 28 850 euros au titre de ses préjudices immatériels, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement, en application de l'article 1231-7 du code civil ;
- condamné la société Axa France Iard à payer à M. [N] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Axa France Iard à payer à la société SCG Fleury la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté toutes les autres demandes ;
- condamné la société Axa France Iard aux dépens, en ce compris le coût de l'expertise, dont distraction au profit de la SCP Guillauma & Pesme.
Par déclaration du 6 novembre 2023, M. [N] a interjeté appel du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande visant à voir condamner in solidum les sociétés Axa et SCG Fleury, ou l'une à défaut de l'autre, à lui verser les sommes de 48 089,75 euros au titre des travaux de reprise, cette somme indexée sur l'indice BT 01 à la date du dépôt du rapport d'expertise.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 14 août 2025, M. [N] demande à la cour de :
- le recevoir en son appel et le déclarer bien fondé ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a été débouté de sa demande visant à voir condamner in solidum les sociétés Axa et SCG Fleury, ou l'une à défaut de l'autre, à lui verser les sommes de 48 089,75 euros au titre des travaux de reprise, cette somme indexée sur l'indice BT 01 à la date du dépôt du rapport d'expertise ;
Statuant à nouveau sur ces dispositions :
- condamner in solidum les sociétés Axa et SCG Fleury, ou l'une à défaut de l'autre à verser à M. [N] la somme de 48 089,75 euros au titre des travaux de reprise, somme qui sera indexée sur l'indice BT 01 à la date du dépôt du rapport d'expertise ;
- confirmer le jugement sur les autres dispositions sauf à actualiser le préjudice de jouissance à la somme de 38 250 euros à la date de l'audience, sauf à parfaire à la date de l'arrêt ;
- condamner in solidum les sociétés Axa et SCG Fleury, ou l'une à défaut de l'autre à lui verser la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter les parties défenderesses de leurs demandes ;
- condamner les parties défenderesses, in solidum, aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de la SCP Guillauma & Pesme.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 24 août 2025, la société SCG Fleury demande à la cour de :
- déclarer M. [N] mal fondé en son appel ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a : condamné la société Axa France Iard à payer à M. [N] les sommes de 24 070,88 euros au titre de son préjudice matériel, ce montant actualisé en fonction de l'indice BT01 à compter du 8 septembre 2022 jusqu'à la date de prononcé de la présente décision, et de 28 850 euros au titre de ses préjudices immatériels, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement, en application de l'article 1231-7 du code civil ; condamné la société Axa France Iard à payer à M. [N] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; condamné la société Axa France Iard à payer à la société SCG Fleury la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; rejeté toutes les autres demandes ; condamné la société Axa France Iard aux dépens, en ce compris le coût de l'expertise, dont distraction au profit de la SCP Guillauma & Pesme ;
- débouter M. [N] de toutes demandes, fins et prétentions contraires, plus amples ou complémentaires.
À titre subsidiaire,
- condamner la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur décennal de la société Vos solutions travaux, en liquidation judiciaire, à la garantir intégralement et entièrement et la relever indemne de toute condamnation qui serait prononcée au profit de M. [N] en principal, actualisation, frais, intérêts et dépens ;
- débouter la société Axa France Iard de toutes demandes plus amples ou contraires ;
En tout état de cause,
- condamner M. [N], et à défaut tout succombant, à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 8 août 2025, la société Axa France Iard demande à la cour de :
- déclarer M. [N] mal fondé en son appel et l'en débouter ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a accordé à M. [N] la somme de 24 070,88 euros au titre de son préjudice matériel ;
- l'infirmer pour le surplus ;
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident ;
À titre principal,
- débouter M. [N] de sa demande au titre de son préjudice de jouissance ;
À titre subsidiaire,
- accorder à M. [N] une somme au titre de son préjudice de jouissance, limitée à la durée des travaux fixée a 3 semaines par l'expert judiciaire ;
- débouter M. [N] de sa demande au titre de son préjudice moral ;
- constater que la société SCG Fleury n'a pas souscrit d'assurance obligatoire dans le cadre de ses opérations de promotion immobilière ;
- condamner la société SCG Fleury solidairement avec elle à l'égard de M. [N] ;
- statuer ce que de droit sur les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.
MOTIFS
I- Sur les préjudices matériels
Moyens des parties
M. [N] soutient que s'agissant de l'humidité persistante, il est sollicité l'adoption des motifs du jugement ; que s'agissant des menuiseries en PVC, l'expert a relevé qu'il a été posé des menuiseries en PVC en lieu et place des menuiseries en bois prévues dans le devis ; que les règles d'urbanisme ne permettent pas l'emploi d'huisseries extérieures en PVC ; qu'il y a une impropriété à destination puisqu'elles doivent être remplacées afin de se mettre en conformité, non seulement avec le contrat mais également et surtout avec les règles d'urbanisme ; que la forme arrondie du haut des fenêtres ne permet pas de poser des grilles de ventilation dans les ouvrants de la baie ; que la seule solution alternative au remplacement des huisseries serait le percement des murs en moellons de la façade du logement ; que ce percement du mur et l'installation de deux grilles de ventilation disgracieuses ne sauraient lui être imposés, la réparation des dommages devant se concevoir sans atteinte à l'ouvrage existant ; que dès lors que ces fenêtres doivent être retirées, il est certain que le dommage est de nature décennale ; que le premier vendeur, la société SCG Fleury, est un professionnel de l'immobilier et est donc présumé avoir eu connaissance des vices dont se trouvait affecté l'immeuble ; que cette société a entrepris des travaux de rénovation de cet ensemble immobilier comprenant l'appartement litigieux, aux fins de revendre par lots et ne saurait se prévaloir de la clause de non-garantie des vices cachés ; que la société SCG Fleury a manifestement joué un rôle de maîtrise d'oeuvre et a fermé les yeux sur les approximations de la société Vos Solutions Travaux qu'elle avait elle-même mandatée ; qu'en réceptionnant sans réserve des fenêtres en PVC alors que les devis et factures prévoyaient des fenêtres bois, en conformité avec les règles d'urbanisme applicables, la SCG Fleury a commis une faute contractuelle, sinon délictuelle et doit être condamnée in solidum avec les autres parties défenderesses à réparer les préjudices subis ; que le coût total des travaux de reprise évalué par l'expert judiciaire s'établit donc à la somme de 48 089,75 euros TTC, à laquelle les sociétés Axa et SCG Fleury seront condamnées in solidum.
La société Axa France Iard fait valoir que l'expert a eu à se prononcer sur le remplacement des menuiseries anciennes existantes par des menuiseries neuves prévues initialement en bois et qui finalement se sont avérés être en PVC ; que le premier acquéreur, M. [O], n'a formé aucune objection à la réception de son lot qu'il a revendu, ensuite, à M. [N], après l'avoir visité et s'en est déclaré satisfait pour en verser le prix convenu ; qu'ainsi, le demandeur ne pouvait solliciter la condamnation solidaire des défendeurs à lui payer la somme extravagante de 21 835,34 euros TTC, suivant devis de la société Techni-Murs 45 puisque les menuiseries ne peuvent être considérées comme un vice caché ; qu'en effet, il appartenait au demandeur de démontrer que dans le cadre de l'acte de vente il était spécifiquement précisé que les menuiseries étaient en bois et non pas en PVC ; que ce prétendu vice ne saurait être indemnisé s'il n'entraîne pas de conséquences particulières, comme la réfection totale desdites menuiseries ; que l'expert n'a pas relevé que les menuiseries seraient impropres à la destination de l'immeuble ; qu'il n'existe aucun préjudice démontrable puisque ni la mairie, ni un quelconque organisme officiel n'ont engagé de procédure à l'encontre de M. [N], en le sommant de faire modifier les huisseries ; qu'en outre, une solution alternative, moins coûteuse mais toute aussi efficace, a été retenue par l'expert, à savoir la création de deux ventilations hautes dans le mur de façade, chiffrée à la somme de 5 424,14 euros TTC ; qu'en conséquence, il conviendra de débouter M. [N] de sa demande concernant les menuiseries extérieures à hauteur de 21 835,34 euros et de confirmer le jugement de ce chef.
La société SCG Fleury explique que la société VST avait mis en oeuvre des fenêtres en PVC, ce qui n'avait pas soulevé d'objection de sa part s'agissant de fenêtres neuves remplissant parfaitement leur office de menuiseries étanches ouvrant sur une cour intérieure ; que lorsqu'elle a vendu l'appartement à M. [O], ce dernier ne formula aucune objection sur le matériau dont les menuiseries étaient constituées ; que lorsque treize mois plus tard, M. [O] a vendu ce même appartement à M. [N], ce dernier ne formula également aucune objection à ce propos ; que la création de grilles d'aération percées dans un mur donnant sur l'extérieur a paru suffisant à l'expert pour installer les ventilations hautes nécessaires à un bon fonctionnement de la VMC de l'appartement ; qu'il n'existe aucune non-conformité au sens du droit de l'urbanisme ; que le PLUM ([Adresse 8]) indique seulement que les menuiseries des fenêtres et les volets et persiennes traditionnels doivent être conservés chaque fois que leur état le permet et restaurés si nécessaire ; que ces menuiseries en PVC, qui donnent sur une cour intérieure privative, et non sur la rue, présentent l'avantage de ne nécessiter aucun entretien et ne présentent aucun caractère inesthétique ; que toute action en conformité serait depuis longtemps forclose, suivant ce qui est stipulé à l'acte notarié ; qu'au surplus, le percement des murs pour réaliser les ventilations ne laisserait subsister aucun dommage ; que les premiers juges ont écarté les demandes fondées sur la garantie décennale et la garantie des vices cachés, tout en validant le coût de la création de ventilations hautes dans le mur de façade sur cour, avec l'ensemble des sujétions en découlant, et ce point n'est pas contesté ; que M. [N] n'apporte aucun élément nouveau de nature à justifier l'annulation ou l'infirmation de la décision entreprise ; que l'appelant ne justifie pas du bien-fondé de sa demande de condamnation in solidum formée à son encontre ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a validé à hauteur de 24 070,88 euros le préjudice matériel de M. [N], et de débouter ce dernier de toutes demandes plus amples ou contraires concernant l'évaluation des remèdes permettant de supprimer les dommages constatés en expertise.
Réponse de la cour
A titre liminaire, il y a lieu de relever que les parties ne contestent pas les désordres retenus par le tribunal dont la reprise a été évaluée à la somme de 24 070,88 euros à la charge de la société Axa France Iard.
S'agissant des menuiseries, l'appelant fonde sa demande à l'encontre de la société Axa France Iard sur la garantie décennale.
L'article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
L'expert judiciaire a indiqué que les menuiseries de l'appartement vendu à M. [N] ont été réalisées en PVC alors que le devis de la société VST prévoyait des menuiseries en bois. Il a également précisé que ces menuiseries ne comportent aucune ventilation mais que la forme arrondie du haut des fenêtres, qu'elles soient en bois ou en PVC, ne permet pas de poser des grilles de ventilation dans les ouvrants de la baie, imposant par conséquent de réaliser deux ventilations hautes dans le mur en moellons de la façade du logement.
Toutefois, l'expert judiciaire n'a pas constaté l'existence d'un désordre affectant les menuiseries en PVC qui assurent le clos et le couvert, de sorte que la non-conformité contractuelle alléguée ne peut relever de la garantie décennale.
L'appelant allègue toutefois que les menuiseries ne sont pas conformes aux règles d'urbanisme applicables, de sorte que la garantie décennale a vocation à s'appliquer.
L'acte de vente stipule dans la partie « périmètre de protection d'un monument historique » :
« Il est ici précisé que l'ensemble immobilier est situé dans le périmètre de protection d'un monument historique ou d'un immeuble classé ou inscrit. Par suite, le propriétaire ne peut faire de travaux en modi'ant l'aspect extérieur sans une autorisation spéciale ayant recueilli l'agrément de l'architecte départemental des monuments historiques ».
L'expert judiciaire a quant à lui indiqué : « La déclaration de travaux n'a pas fait l'objet de l'accord de l'architecte des bâtiments de France, car non obligatoire (hors sites et hors abords) ».
Il s'avère en effet que les menuiseries litigieuses ne sont pas situées en façade visible depuis la voie publique mais donnent sur une cour, de sorte que l'accord de l'architecte des bâtiments de France n'était pas nécessaire.
M. [N] n'établit pas l'existence d'une non-conformité des menuiseries aux règles d'urbanisme applicables, ni avoir fait l'objet d'une injonction de l'administration aux fins de démolition ou de mise en conformité.
En conséquence, la garantie décennale de l'entrepreneur assuré par la société Axa France Iard n'est pas applicable à la non-conformité alléguée des menuiseries.
À l'égard du vendeur, la société SCG Fleury, M. [N] fonde sa demande sur la garantie des vices cachés.
L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Ainsi que le tribunal l'a justement retenu, il ne résulte pas du rapport d'expertise judiciaire ni des pièces versées aux débats que les menuiseries seraient affectées de vices cachés les rendant impropres à leur usage ou diminuant leur usage, outre le fait que le matériau de fabrication des fenêtres en PVC était apparent et décelable par M. [N] lors de l'acquisition du bien.
En conséquence, la garantie des vices cachés n'est pas due par le vendeur. M. [N] sera donc débouté de sa demande de condamnation in solidum des sociétés Axa et SCG Fleury, à lui verser la somme de 48 089,75 euros au titre des travaux de reprise, comprenant l'indemnité allouée par le tribunal au titre des désordres relatifs à l'humidité e une indemnité au titre du remplacement des menuiseries.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Axa France Iard à payer à M. [N] la somme de 24 070,88 euros au titre de son préjudice matériel, ce montant actualisé en fonction de l'indice BT01 à compter du 8 septembre 2022 jusqu'à la date de prononcé du jugement.
II- Sur les préjudices immatériels
Moyens des parties
L'appelant soutient que l'expert judiciaire a relevé que l'humidité dans le logement provenant du sol rend son appartement impropre à sa destination ; qu'il se trouve très sévèrement impacté par ce litige et l'impossibilité de pouvoir habiter son logement, tant sur le plan familial que professionnel ; qu'il produit des certificats médicaux et attestations en ce sens ; qu'il est séparé de sa compagne et bénéficie d'un droit de visite et d'hébergement sur ses enfants qu'il ne peut recevoir décemment dans son logement, de sorte qu'il se voit contraint d'exercer ce droit en région parisienne, le plus souvent dans un hôtel ; que la base mensuelle de 600 euros par mois, telle qu'appréciée par les premiers juges devra être confirmée ; que le tribunal ayant arrêté le compte à la date du jugement, il y aura lieu d'actualiser le préjudice de jouissance à la date de l'arrêt et, a minima, à la date de l'audience devant la cour, soit une somme de 14 400 euros supplémentaire à laquelle la société Axa France Iard doit être condamnée ; qu'il sollicite en outre la confirmation du jugement en ce qu'il lui a alloué la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral.
La société Axa France Iard réplique que M. [N] a toujours habité l'appartement et qu'il n'y a pas d'impossibilité pour le propriétaire d'en jouir de façon absolue, ni même de pouvoir l'utiliser dans des conditions normales d'habitabilité ; qu'il a été rappelé, lors des opérations d'expertise, que l'humidité pouvait être très facilement combattue par la simple ouverture des fenêtres, équivalente à la pose des grilles de ventilation ; que les attestations produites par M. [N] ne contredisent en rien l'analyse factuelle qu'il convient de faire à la lecture du rapport d'expertise ; que la cour ne pourra donc qu'infirmer le jugement en ce qu'il a accordé la somme de 23 850 euros à M. [N] au titre de son préjudice de jouissance ; que la cour ne pourra qu'infirmer le jugement au titre du préjudice moral, dès lors que les juridictions répressives n'accordent une telle somme que dans de rares cas et que la jurisprudence, au visa de l'article 1241 du code civil, autorise certes le principe d'une indemnisation pour préjudice moral lorsqu'il est certain, direct et personnel, mais ne saurait être surévalué ni même faire double emploi avec le préjudice de jouissance ; que les difficultés d'une séparation d'avec la mère de ses enfants, dont la cour et les parties n'ont pas à connaître, n'a aucune incidence avec l'absence d'ouverture de fenêtres durant l'occupation de M. [N] et la future mise en place de grilles d'aération ; qu'en l'absence de démonstration de l'existence d'un préjudice moral, la cour ne pourra qu'infirmer le jugement en ce qu'il a accordé à M. [N] la somme de 5 000 euros.
Réponse de la cour
En application de la garantie décennale mise en oeuvre au titre de l'humidité du logement, l'assureur de l'entrepreneur doit indemniser les préjudices immatériels causés à M. [N].
L'expert judiciaire a constaté la forte humidité régnant dans le logement de M. [N] avec un taux d'humidité supérieur à 75 % sur de nombreux murs. Les murs impactés par un taux d'humidité conséquent sont ceux en mitoyen avec le hall d'entrée, les façades Sud et Nord.
S'agissant de la cause des désordres, l'expert judiciaire a conclu :
« L'absence d'étanchéité au droit du trottoir béton et des jardinières contribue à humidifier fortement le pied de la façade. Le ravalement en ciment de la façade enferme l'humidité dans le mur jusqu'à saturation pour ressortir dans l'appartement de Monsieur [N] dont la ventilation des locaux n'est pas assurée et occasionne ainsi des dégradations par la formation de cloques sur les parois en plâtre.
L'absence de ventilation du logement associée aux remontées d'humidité par capillarité des parois génère un air vicié des locaux d'habitation et accentue les dommages constatés sur les parois porteuses du logement qui s'aggravent au fur et à mesure du temps qui passe.
Les travaux n'ont pas été conduits conformément aux documents contractuels et aux règles de l'art. Les désordres rendent l'ouvrage impropre à sa destination.
Les vices visibles sont apparus après la réception de chantier, au fur et à mesure du temps.
L'entreprise de peinture de la société VST « Vos Solutions Travaux » a réceptionné l'ouvrage et a peint les parois sans s'occuper du taux d'humidité important dans les murs et cloisons du rez-de-chaussée de l'immeuble. L'absence de ventilation du logement de Monsieur [N] a accentué le phénomène de désordres, mais n'en est pas la cause. Le chantier a été mené sans étude et diagnostic préalable pour assurer une mise en oeuvre des travaux corrects et professionnels en respectant les règles de l'art et d'hygiène élémentaire. La mauvaise ventilation des locaux assure des problèmes persistants d'humidité et de moisissures sur les murs et les plafonds et est néfaste pour la santé des habitants de l'appartement ».
Il résulte de ces éléments que la forte humidité régnant dans l'habitation de M. [N] résulte de remontées d'humidité par capillarité des parois génère un air vicié des locaux d'habitation, que l'absence de ventilation a contribué à aggraver. Il s'ensuit que l'assureur est mal-fondé à soutenir que la simple ouverture des fenêtres quotidiennement aurait suffi à éviter les dommages, dès lors que la cause du dommage ne réside pas dans le défaut de ventilation, simple facteur aggravant.
Il est certain que la forte humidité du logement a troublé la jouissance normale des lieux par M. [N] en raison des troubles associés tels que la nécessité d'aérer et de chauffer régulièrement les lieux et l'apparition de moisissures. M. [N] a subi ce préjudice pendant 5 années depuis l'acquisition de l'immeuble.
Il convient de réparer intégralement le préjudice de jouissance causé à M. [N] en lui allouant une somme de 15 000 euros, à laquelle la société Axa France Iard sera condamnée.
En outre, cette situation a été pour M. [N] une source de tracas et d'inquiétudes pour sa santé et pour son bien, de sorte qu'elle lui a causé un préjudice moral qui doit être réparé par l'allocation de la somme de 5 000 euros à laquelle la société Axa France Iard sera condamnée.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société Axa France Iard à payer à M. [N] la somme de 28 850 euros au titre de ses préjudices immatériels, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement, en application de l'article 1231-7 du code civil.
III- Sur les frais de procédure
Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.
M. [N] sera condamné aux dépens d'appel, et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées au regard des circonstances du litige.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement du tribunal judiciaire d'Orléans du 5 octobre 2023 en ce qu'il a condamné la société Axa France Iard à payer à M. [N] la somme de 28 850 euros au titre de ses préjudices immatériels, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement, en application de l'article 1231-7 du code civil ;
CONFIRME le jugement en ses autres dispositions critiquées ;
STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :
DÉBOUTE M. [N] de sa demande d'indemnité au titre du remplacement des menuiseries ;
CONDAMNE la société Axa France Iard à payer à M. [N] les sommes de :
- 15 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;
- 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
CONDAMNE M. [N] aux entiers dépens d'appel ;
REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Nathalie LAUER, Présidente de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT