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Décisions

CA Orléans, ch. civ., 2 décembre 2025, n° 23/02544

ORLÉANS

Arrêt

Autre

CA Orléans n° 23/02544

2 décembre 2025

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 02/12 /2025

Me Nelly GALLIER

la SCP MERLE-PION-ROUGELIN

ARRÊT du : 02 DECEMBRE 2025

N° : - 25

N° RG 23/02544 - N° Portalis DBVN-V-B7H-G4FW

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 6] en date du 11 Mai 2023

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265292960290940

S.A.S. GROUPEMENT ASSUR'HABITAT , Société par Actions simplifiée au capital de 5.000 €, immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le numéro B 795 014 117, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

[Localité 4]

ayant pour avocat postulant Me Nelly GALLIER, avocat au barreau de BLOIS, ayant pour avocat plaidant Me Elodie CARPENTIER, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265303023165127

Madame [S] [W]

née le 05 Janvier 1950 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Julie PION de la SCP MERLE-PION-ROUGELIN, avocat au barreau de MONTARGIS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 24 Octobre 2023.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 15 juillet 2025

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 13 Octobre 2025 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant Madame Nathalie LAUER, présidente de chambre et Monsieur Laurent SOUSA, conseiller, en charge du rapport, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.

Lors du délibéré, au cours duquel Madame Nathalie LAUER, présidente de chambre et Monsieur Laurent SOUSA, conseiller, ont rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:

Madame Nathalie LAUER, Présidente de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Monsieur Xavier GIRIEU, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement le 02 décembre 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [W] a confié à la société Groupement Assur'habitat divers travaux, notamment de traitement de façades, de remontées d'eau par capillarité et de réfection de joints de briques. Les travaux ont été réceptionnés avec réserves le 28 septembre 2018.

Le 26 février 2019, la société Groupement Assur'habitat a fait assigner Mme [W] devant le tribunal de grande instance de Montargis aux fins de paiement des factures impayées.

Suivant ordonnance du 13 février 2020, le juge de la mise en état a ordonné une expertise judiciaire. L'expert, M. [U], a déposé son rapport le 21 janvier 2021.

Par jugement du 11 mai 2023, le tribunal judiciaire de Montargis a :

- débouté Mme [W] de ses demandes de résolution judiciaire des bons de commandes passés avec la société Groupement Assur'habitat ;

- dit que la société Groupement Assur'habitat est entièrement responsable contractuellement des désordres et malfaçons constatés ;

- condamné la société Groupement Assur'habitat à payer à Mme [W] la somme de 2 800 euros au titre de ces travaux de reprise des joints de briques ;

- condamné la société Groupement Assur'habitat à payer à Mme [W] la somme de 4 325 euros TTC au titre des travaux de remontées d'eau ;

- condamné la société Groupement Assur'habitat à payer à Mme [W] la somme de 1 206,15 euros TTC au titre des travaux de remontées d'eau ;

- dit que l'indexation des sommes dues sera établie sur la base de coût de la construction selon l'indice de référence applicable au 19 janvier 2021 ;

- condamné la société Groupement Assur'habitat à payer à Mme [W] la somme de 600 euros à titre indemnitaire en réparation de son préjudice de jouissance ;

- condamné la société Groupement Assur'habitat à payer à Mme [W] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral ;

- débouté la société Groupement Assur'habitat de sa demande de compensation ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes non satisfaites ;

- condamné la société Groupement Assur'habitat, partie perdante aux entiers dépens de l'instance principale et de l'incident ayant abouti à l'ordonnance du 13 février 2020, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire avancé par Mme [W] et taxée à la somme de 4 465,66 euros ;

- condamné la société Groupement Assur'habitat à payer à Mme [W] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 24 octobre 2023, la société Groupement Assur'habitat a interjeté appel de tous les chefs du jugement sauf en ce qu'il a condamné la société Groupement Assur'habitat à payer à Mme [W] la somme de 2 800 euros au titre des travaux de reprise des joints de briques, la somme de 4 325 euros TTC au titre des travaux de remontées d'eau et la somme de 1 206,15 euros TTC au titre des travaux de remontées d'eau.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 11 juillet 2025, la société Groupement Assur'habitat demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- confirmer le jugement, sauf à l'infirmer sur les chefs visés dans la déclaration d'appel ;

Statuant à nouveau :

- débouter Mme [W] de l'intégralité de ses demandes y compris celles formulées au titre de son appel incident ;

- condamner Mme [W] à lui payer la somme de 11 385 euros TTC au titre des travaux de reprise des joints de briques et de traitement de façade ;

- ordonner la compensation des sommes dues par elle au titre de la réfection des travaux de reprise des joints de brique et de traitement des remontées d'eau par capillarité (travaux de soubassement inclus) avec la somme de 11 385 euros TTC dont Mme [W] est débitrice ;

- réduire à la somme de 1 000 euros les demandes de Mme [W] au titre de ses préjudices moral et de jouissance ;

- ordonner la compensation des sommes dues par elle au titre du préjudice moral de Mme [W] avec la somme de 11 385 euros TTC dont Mme [W] est débitrice ;

- débouter Mme [W] de sa demande de remboursement des frais d'expertise judiciaire, ou à titre subsidiaire réduire le montant des frais d'expertise devant être remboursés par elle à la somme de 2 230,33 euros, le traitement hydrofuge des façades n'ayant fait l'objet d'aucun désordre et n'ayant pas été réglé par Mme [W] ;

- condamner Mme [W] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 10 avril 2024, Mme [W] demande à la cour de :

- dire et juger la société Groupement Assur'habitat particulièrement mal fondée en son appel ;

- débouter la société Groupement Assur'habitat de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions ;

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident et réformer la décision entreprise en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes de résolution judiciaire des bons de commandes n° TWA9418032ASS du 29 août 2018 et n° DRT941864 passée le 1er août 2018 relatifs aux travaux de traitement de façade Inovprotec gel passés avec la société Groupement Assur'habitat avec toutes conséquences de droit ;

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident s'agissant du quantum des réparations chiffrées par l'expert judiciaire et arbitrés par le tribunal au titre des travaux de traitement des remontées d'eau par capillarité, et des travaux de reprise des joints de briques ;

Statuant à nouveau,

- constater que les travaux objet de la facture n° FA161119 du 18 septembre 2018 doivent être intégralement repris s'agissant des joints de briques au pourtour des baies, et que la société Groupement Assur'habitat a manqué à son devoir d'information et de conseil s'agissant des travaux de traitement de façade par procédé Inovprotec gel qui s'avèrent inutiles et préjudiciables en faisant perdre le bénéfice de la garantie décennale de l'enduit ;

- prononcer la résolution de la commande n° TWA9418032ASS du 29 août 2018 relative aux travaux de traitement de façade Inovprotec gel pour manquement au devoir d'information et de conseil du professionnel ;

- débouter en conséquence la société Groupement Assur'habitat de ses demandes au titre de la facture n°FA161119 du 18 septembre 2018, ainsi que de l'ensemble de ses autres moyens, fins et conclusions ;

- la dire et juger recevable et bien fondée en ses demandes reconventionnelles ;

- prononcer la résolution de la commande n° DRT941864 passée le 1er août 2018 relative aux travaux de traitement de façade Inovprotec gel pour manquement au devoir d'information et de conseil du professionnel ;

- condamner la société Groupement Assur'habitat à lui rembourser la somme de 6 187,50 euros TTC qu'elle a engagé au titre des travaux de traitements hydrofuge des façades et payée selon facture FA161086 ;

- condamner la société Groupement Assur'habitat à lui rembourser la somme de 5 665 euros TTC réglée selon factures n° FA161086 et FA161087 du 23 août 2018 au titre des travaux de traitement des remontées d'eau par capillarité devant être intégralement repris ;

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus, y compris s'agissant des frais irrépétibles et dépens de première instance ;

Y ajoutant,

- condamner la société Groupement Assur'habitat à lui verser une indemnité d'un montant de 3 500 euros au fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel ;

- condamner la société Groupement Assur'habitat aux entiers dépens d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

I- Sur la résolution des contrats d'entreprise

Moyens des parties

Mme [W] soutient que pour rejeter la demande de résolution judiciaire, le tribunal a considéré, sans démonstration, que les manquements pourtant avérés de la société Groupement Assur'habitat ne revêtaient pas une gravité suffisante pour justifier une telle résolution ; que telle ne saurait être l'analyse de la cour au regard des énonciations de l'expertise judiciaire qui pointe non seulement des manquements qualitatifs mais également de graves manquements à l'obligation de conseil du professionnel vis-à-vis d'un client profane ; que les traitements de façade chiffrés au prix fort, dont l'efficacité est loin d'être établie, ne se justifiaient pas en tout état de cause compte-tenu du parfait état de l'enduit qui bénéficiait encore à l'époque de la garantie décennale, ce qui n'est plus le cas depuis cette intervention malheureuse ; que le caractère très récent de l'enduit n'a pu échapper au commercial à qui il appartenait de se renseigner sur sa date de réalisation afin de la conseiller utilement sur l'opportunité de procéder à un traitement de façade avant l'expiration de la garantie décennale ; qu'elle n'aurait à l'évidence pas passé cette commande si elle avait été normalement informée par son interlocuteur sur les tenants et aboutissants de ce traitement sur un enduit récent ; que c'est donc par une appréciation erronée que le tribunal a estimé que les manquements de la société Groupement Assur'habitat, qui ne se limitent pas à l'aspect purement technique de la prestation, n'avaient pas un caractère suffisant pour entraîner une résolution du contrat ; que du fait des manquements graves commis par la société Groupement Assur'habitat à ses obligations d'information et de conseil, la cour infirmera la décision entreprise et prononcera la résolution de la commande n° TWA9418032 du 29 août 2018 relative aux travaux de traitement de façade.

La société Groupement Assur'habitat réplique que le rapport d'expertise judiciaire n'a retenu aucun désordre sur les travaux de traitement de façade Inovprotect gel pour 90 m² et donc aucune reprise nécessaire ; que le jugement a débouté Mme [W] de sa demande de résolution judiciaire du contrat considérant que les désordres ou mauvaises exécutions des travaux ne revêtent pas une gravité suffisante justifiant la résolution du contrat ; que le tribunal n'a pas non plus retenu un défaut d'information ou de conseil, car Mme [W] n'en fait pas la démonstration ; que la sanction prévue par l'article 1112-1 du code civil relatif à la conclusion du contrat, est l'annulation du contrat et non sa résolution ; que Mme [W] ne démontre pas l'état de la façade antérieur à son intervention ni même la réalisation de travaux en 2012 ; que Mme [W] ne verse pas aux débats la facture relative aux travaux de ravalement qu'elle aurait fait réaliser par la société Blanchet-Chagourin mais simplement un devis daté du 28 avril 2012 qu'elle ne lui avait pas communiqué lors des bons de commande ; qu'elle produit l'état de la façade avant intervention sur lesquelles de nombreuses traces noirâtres apparaissent sur les façades des côtés et de l'arrière de l'habitation ; que l'expert ne conclut aucunement à un défaut de conseil et il n'est pas démontré que ces travaux n'étaient pas nécessaires ; que Mme [W] ne rapporte donc pas la preuve de l'inutilité de cette prestation ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [W] de sa demande de résolution judiciaire.

Réponse de la cour

L'article 1224 du code civil dispose que la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

En l'espèce, l'expert judiciaire a conclu :

- s'agissant du traitement de façade : les protections des ouvrages environnants n'ont pas été protégés et ce manque de préparation de l'ouvrage à traiter démontre que l'entreprise n'a pas pris les précautions de protections d'usage et qu'il y a bien eu des projections de produits corrosifs sur le débord de la toiture et sur les baies vitrées lors de la réalisation de cette prestation. Il y a ainsi eu un léger éclaircissement des parties bois, et s'agissant des baies vitrées, les projections ont nécessité un nettoyage ;

- s'agissant du traitement des remontées d'eau par capillarité : les percements réalisés qui doivent impérativement traverser le mur à 75/80 % avec une profondeur de trous de 300 à 320 mm n'ont pas été correctement réalisés rendant l'opération d'injection totalement inefficace. Sur le plan esthétique, une quinzaine de trous n'ont pas fait l'objet de rebouchage et pour les autres, une mauvaise exécution des rebouchages a été constatée ;

- s'agissant des reprises des joints de briques : il est apparu des traces de ciment sur les briques et le constat de salissures, démontrant un défaut de soin dans le nettoyage des joints.

L'expert a conclu de manière générale que les prestations ont bien été exécutées, mais qu'elles ont été « traitées avec très peu de professionnalisme, d'une part par ce que ce sont des sous-traitants inconnus, et d'autre part parce qu'il n'existe aucun contrôle de leurs travaux ».

En conséquence, il est établi que la société Groupement Assur'habitat a réalisé les prestations commandées, bien que celle-ci ont été défectueuses sur certains points. Le tribunal a donc justement retenu que ces défauts d'exécution ne présentaient pas un caractère de gravité tel que la résolution devait être encourue.

Mme [W] se prévaut d'un manquement de la société Groupement Assur'habitat à son obligation d'information et de conseil en se prévalant du rapport d'expertise indiquant que, s'agissant de la projection de la pulvérisation sur les façades, la société Groupement Assur'habitat « aurait dû se renseigner sur l'âge de l'enduit, et ne pas réaliser une telle application, qui a pour conséquence d'annuler la garantie décennale » pour l'enduit déjà en place.

Cependant, l'expert judiciaire n'a nullement constaté que l'enduit antérieur avait une fonction d'imperméabilisation, et les pièces produites par Mme [W] ne permettent pas de l'établir. En effet, si Mme [W] produit un devis d'une entreprise, en date du 28 avril 2012, sans produire la facture correspondante, qui mentionne un enduit d'imperméabilisation, il n'est pas mentionné le type de produit effectivement posé, de sorte qu'il n'est pas établi que l'enduit avait une fonction d'imperméabilisation, au regard des désordres constatés qui ont justifié de nouveaux travaux corroborant l'inefficacité de l'enduit posé.

Or, la garantie décennale n'a pas vocation à s'appliquer pour un enduit sans fonction d'imperméabilisation.

Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que le traitement de façade au gel Inovprotec par la société Groupement Assur'habitat consistait en une pulvérisation d'un gel hydrofuge incolore sur les enduits de façade, après avoir décapé celles-ci au nettoyeur haute-pression et après l'application d'un produit de type algicide, fongicide et anti-mousse et rinçage. L'expert a précisé que « l'application de ce gel sur les enduits de façade [a] pour but de masquer les imperfections sur l'enduit, les éventuelles microfissures, et de rendre cet enduit plus imperméable aux diverses in'ltrations possibles ».

Il est donc établi que le traitement proposé par la société Groupement Assur'habitat et accepté par Mme [W] présentait une utilité pour l'imperméabilisation des façades qui n'était pas optimale. Il n'appartenait donc pas à la société Groupement Assur'habitat de conseiller de ne pas faire réaliser les travaux d'imperméabilisation qu'elle voulait entreprendre, au profit d'une action sur le fondement de la garantie décennale à l'encontre de l'entreprise ayant posé l'enduit antérieur. La société Groupement Assur'habitat n'est en effet tenu à un devoir d'information et de conseil qu'au regard de sa seule prestation, et il ne peut être exigé d'elle qu'elle se livre à des conseils juridiques en lieu et place d'un avocat sur une action à intenter à l'encontre d'un autre entrepreneur, alors que Mme [W] avait le choix de faire procéder à de nouveaux travaux.

Le manquement au devoir d'information et de conseil de la société Groupement Assur'habitat n'est donc pas démontré.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de résolution judiciaire des contrats formée par Mme [W].

II- Sur la demande en paiement des factures

Moyens des parties

La société Groupement Assur'habitat soutient que Mme [W] n'a toujours pas réglé les travaux portant sur les joints de brique pour une somme de 3 960 euros TTC bien que l'intimée ait obtenu sa condamnation à régler les travaux de reprise d'un montant de 2 800 euros ; que Mme [W] n'a également pas réglé le traitement de façade Inovprotec Gel d'un montant de 7 425 euros TTC pour lequel l'expert n'a relevé aucun désordre ; qu'il existe donc une somme totale impayée de 11 385 euros TTC ; qu'à l'issue de l'expertise, elle a accepté de régler le montant des travaux de reprise des joints de brique et de traitement des remontées d'eau par capillarité, ce qui a été entériné par le tribunal ; que toutefois, l'intimée persiste à ne pas régler la prestation de traitement de façade mais également celle relative à la réfection des joints de brique ; que Mme [W] n'a pas réglé la prestation initiale et bénéficie d'une indemnité pour reprise de cette prestation impayée, ce qui est contraire au principe de l'enrichissement sans cause posé par l'article 1303 du code civil ; que le jugement sera infirmé et la cour condamnera Mme [W] à lui régler la somme de 11 385 euros TTC.

Mme [W] fait valoir que, s'agissant des travaux de reprise des joints de briques, l'expert a relevé qu'aucun soin n'a été apporté à cette prestation qui oblige aujourd'hui, en plus de la reprise des joints par piochage et nouveau garnissage, au nettoyage complet des briques situées au pourtour des baies de la face avant de la maison ; que si le montant des travaux de reprise est aujourd'hui inférieur à ce qui a été facturé par la société Groupement Assur'habitat, ce n'est pas parce que qu'une partie de la prestation réalisée doit être considérée comme acceptable, mais bien uniquement parce qu'il a été ramené au juste prix du marché ; que pour autant, c'est bien la totalité des travaux qui est à reprendre correspondant à ce qui est facturé, sauf à créer les conditions d'un enrichissement sans cause au profit de la société Groupement Assur'habitat ; que la décision ayant arrêté le coût des travaux de reprise des joints de briques à 2 800 euros HT sera donc infirmée et la cour retiendra que le montant des reprises doit être fixé à 3 600 euros HT comme facturé par la société Groupement Assur'habitat qui doit assumer sa propre politique tarifaire ; qu'en conséquence, la société Groupement Assur'habitat sera purement et simplement déboutée de sa demande à hauteur de la somme de 3 600 euros HT, soit la somme de 3 960 euros TTC ; que s'agissant des travaux de traitement de façade Inovprotec gel, les conditions dans lesquelles les produits ont été appliqués, en très faible pulvérisation, très dilués et en période de vent, ne peuvent en aucun cas permettre une imprégnation suffisante des façades et donc garantir l'efficacité hydrofuge attendue selon les professionnels qu'elle a pu solliciter ; qu'il a pu être vérifié par un simple test en déversant une bouteille d'eau que la façade n'est pas plus déperlante aujourd'hui qu'avant ; qu'en outre, il était incompatible d'entreprendre dans le même temps le traitement des remontées par capillarité et l'imperméabilisation des murs extérieurs, cette dernière intervention étant de nature à entraver l'évacuation de l'humidité recherchée par la première ; que l'absence de chiffrage par l'expert d'une quelconque reprise tient donc uniquement au fait qu'il considère que cette prestation n'a pas lieu d'être reprise puisqu'elle n'avait même pas lieu d'être réalisée ; que l'expert judiciaire pointe clairement ici le manquement au devoir d'information et de conseil dû par tout professionnel ; que la société Groupement Assur'habitat a manqué gravement à ses obligations, car ces traitements de façade chiffrés au prix fort, dont l'efficacité est loin d'être établie, ne se justifiaient pas en tout état de cause compte tenu du parfait état de l'enduit qui bénéficiait encore à l'époque de la garantie décennale ; que la cour déboutera la société Groupement Assur'habitat de ses demandes relatives à ce poste de travaux au titre de la facture n° FA16119 litigieuse ; que la demande de compensation formulée en regard se vide de sa substance dès que du fait, d'une part de la résolution de la commande qui sera prononcée relativement aux travaux de traitement prétendument hydrofuge des façades et du fait, d'autre part, d'une évaluation conforme des travaux de reprises des joints de brique au prix facturé ; qu'elle ne doit donc rien au titre de la facture n° FA161119 impayée en date du 18 septembre 2018 et le seul mécanisme de compensation envisageable est celui qui conduit à l'annulation pure et simple de la créance dont se prévaut la société Groupement Assur'habitat ; que la cour déboutera par conséquent la société Groupement Assur'habitat de son appel sur ce point et de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions s'y rapportant.

Réponse de la cour

L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L'article 1353 du code civil dispose que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, il résulte du rapport d'expertise judiciaire que la société Groupement Assur'habitat a exécuté les prestations commandées par Mme [W]. Les factures afférentes lui ont été adressées, mais il demeure un solde restant dû de 11 385 euros TTC.

Mme [W] ne justifie pas du paiement de cette somme contractuellement due, mais soutient qu'au regard du prix excessif des prestations de la société Groupement Assur'habitat et du manquement de celle-ci à ses obligations, aucune somme ne reste due à ladite société.

Cependant, Mme [W] confond l'exécution du contrat conclu avec la société Groupement Assur'habitat qui lui impose de régler les prestations exécutées, avec la responsabilité contractuelle de celle-ci à raison des fautes commises dans l'exécution des travaux.

La victime d'un fait dommageable ne peut tout à la fois être indemnisée des conséquences des manquements de son cocontractant à ses obligations tout en la dispensant de payer le montant des travaux exécutés par celui-ci, puisque cela constitue la double réparation d'un même préjudice, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation ( 3e Civ., 14 mai 2020, pourvoi n° 19-16.278, 19-16.279 ; Com., 15 novembre 2017, pourvoi n° 16-19.406 ; 3e Civ., 14 janvier 2014, pourvoi n° 12-20.673).

Mme [W] n'est donc pas fondée à voir le solde des factures réduit à néant à raison de l'exécution défectueuse des travaux, ni même à solliciter du juge la réfaction du contrat qui viserait à voir réduire le coût des prestations de la société Groupement Assur'habitat pour lequel elle avait consenti, alors qu'elle disposait de la possibilité de faire jouer la concurrence pour la réalisation des travaux souhaités.

En conséquence, il convient de condamner Mme [W] à payer à la société Groupement Assur'habitat la somme de 11 385 euros TTC au titre du solde dû.

Il convient en outre d'ordonner la compensation de cette somme avec les indemnités fixées par le tribunal en réparation des préjudices causés à Mme [W], dès lors qu'il s'agit de créances réciproques certaines, liquides et exigibles. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté la société Groupement Assur'habitat de sa demande de compensation.

Par ailleurs, si dans les motifs de ses conclusions, Mme [W] sollicite une indemnité d'un montant supérieur à celle allouée par le jugement, cette demande ne figure pas dans le dispositif de ses conclusions, qui seul saisit la cour en application de l'article 954 du code civil. La cour n'est donc pas saisie de cette prétention.

III- Sur les demandes reconventionnelles

Moyens des parties

Mme [W] soutient qu'elle a réglé une somme de 5 625 euros HT, soit 6 187,50 euros TTC, pour le traitement de façade Inovprotec gel ; que pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment tenant à l'inutilité manifeste d'une telle prestation et au manquement à ses devoirs d'information et de conseil commis par la société Groupement Assur'habitat, elle est fondée à solliciter la condamnation de celle-ci à lui rembourser la somme de 6 187,50 euros TTC qu'elle a engagée à ce titre sans la moindre plus-value apportée à son bien, avec indexation sur le coût de la construction selon l'indice de référence applicable au 19 janvier 2021, date du dépôt du rapport de l'expert ; que les travaux de traitement des remontées d'eau par capillarité ont été facturés pour un total de 5 665 euros TTC ; que l'expert judiciaire a pu constater que ce travail est inacceptable puisqu'il a été effectué en dépit de toutes les préconisations techniques et règles de l'art ; que si le montant des travaux de reprise estimé est aujourd'hui inférieur à ce qu'elle a déjà payé pour faire la même chose que ce qui était convenu au départ, c'est uniquement parce que les artisans locaux travaillent au juste prix ; que dès lors que la prestation doit être reprise dans sa totalité, son préjudice reste constitué par le prix qu'elle a effectivement réglé pour une prestation complètement inefficace, soit la somme de 5 665 euros TTC, sauf à créer les conditions d'un enrichissement sans cause pour la société Groupement Assur'habitat ; que la décision entreprise sera par conséquent infirmée de ce chef et la cour condamnera la société Groupement Assur'habitat à lui rembourser la somme de 5 665 euros TTC à ce titre, avec indexation sur le coût de la construction selon l'indice de référence applicable au 19 janvier 2021, date du dépôt du rapport de l'expert ; qu'à cela s'ajoute la prestation de reprise de l'enduit de soubassement non comprise dans le devis RTH afin de masquer les perforations disgracieuses rebouchées après injection du produit, que l'expert judiciaire a chiffré à la somme de 1 206,15 euros TTC ce coût que la société Groupement Assur'habitat devra assumer ; que le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point ; que cette condamnation devra également être indexée sur le coût de la construction selon l'indice de référence applicable au 19 janvier 2021, date du dépôt du rapport de l'expert ; que l'expert judiciaire retient un préjudice de jouissance lors de la reprise des joints de maçonnerie (joints de briques) en raison de la nécessité de mettre en place des protections sur l'ensemble des baies et ce pendant au moins 3 jours ; que ce préjudice de jouissance devra être indemnisé par le versement d'une somme de 600 euros à titre de dommages et intérêts, et le jugement sera confirmé sur ce point ; qu'au vu les tarifs pratiqués et la piètre qualité des travaux réalisés par la société Groupement Assur'habitat, elle a été abusée dans le cadre d'une démarche commerciale ; que cet abus a été rendu d'autant plus facile du fait de son âge, du handicap de son époux qui n'a donc pas été en mesure de s'opposer ou d'intervenir à ses côtés lors de l'exécution des travaux, ainsi que de sa méconnaissance la plus complète des procédés vendus à l'époque outre des tarifs habituellement constatés auprès de la concurrence ; que cette situation et les désagréments causés par la suite et ce depuis plus de trois années, a engendré un préjudice moral évident qui doit recevoir réparation ; que c'est par une juste appréciation des éléments, du contexte et de la situation des parties, que le tribunal a condamné la société Groupement Assur'habitat à lui verser une indemnité d'un montant de 2 000 euros au titre de son préjudice moral ; que le jugement sera confirmé de ce chef.

La société Groupement Assur'habitat réplique que Mme [W] ne peut obtenir le remboursement de travaux qu'elle n'a jamais réglés ; le quantum du préjudice moral n'est aucunement chiffré et n'est étayé par aucun élément factuel ; que l'âge des époux [W] ne peut à lui seul justifier un préjudice moral et l'âge ne saurait, à lui seul, démontrer l'existence d'un état de faiblesse ; qu'en outre, l'âge de Mme [W] lors de la conclusion du contrat, à savoir 68 ans, ne peut être considéré comme un âge avancé ; que Mme [W] ne démontre aucunement l'abus qu'elle tente de mettre en avant bien qu'elle a su parfaitement suivre les travaux, faire une vidéo du déroulement de ceux-ci et émettre des réserves ; que Mme [W] sollicite également la somme de 600 euros au titre d'un préjudice de jouissance, alors qu'il s'agit de réparations à effectuer sur l'extérieur de l'habitation durant une très courte période et qui n'engendrent aucune perte de jouissance pour les époux [W] ; que le jugement sera donc infirmé et il est demandé à la cour de réduire le montant des deux préjudices confondus à la somme de 1 000 euros qui sera compensée avec les sommes impayées auxquelles Mme [W] sera condamnée.

Réponse de la cour

Aucun moyen ne tend à l'infirmation du chef du jugement ayant dit que la société Groupement Assur'habitat est entièrement responsable contractuellement des désordres et malfaçons constatés, de sorte qu'il sera confirmé.

La responsabilité contractuelle de la société Groupement Assur'habitat étant engagée, elle est tenue d'indemniser l'entier préjudice subi par Mme [W] sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit.

La société Groupement Assur'habitat ne critique que le quantum alloué au titre du préjudice moral et du préjudice de jouissance.

Le tribunal a justement relevé que Mme [W], âgée de 68 ans, a commandé des travaux à la société Groupement Assur'habitat en 2018, qui a sous-traité la totalité des travaux en s'abstenant de surveiller le chantier, ce qui a conduit aux travaux défectueux relevés par l'expert. Mme [W] a remarqué dès la fin des travaux un certain nombre de désordres et a émis des réserves sans que la société Groupement Assur'habitat ne propose des solutions acceptables, préférant la faire assigner en paiement. Une expertise judiciaire a en outre été nécessaire pour voir engager la responsabilité de la société Groupement Assur'habitat, rallongeant la période de tracas subis par Mme [W] en raison du litige avec cette entreprise qui était tenue d'une obligation de résultat. Au regard du préjudice moral causé par ces tracas, le tribunal a intégralement réparé le dommage causé en allouant à Mme [W] une somme de 2 000 euros. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Les travaux de reprise, aux termes du rapport d'expertise judiciaire, vont nécessiter au moins trois jours, au cours desquels Mme [W], retraitée, ne pourrait pas jouir paisiblement de son domicile, en raison des nuisances causées par les travaux de reprise. Le tribunal a intégralement réparé le dommage causé en allouant à Mme [W] une somme de 600 euros. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Mme [W] sollicite en outre le remboursement de travaux commandés et exécutés par la société Groupement Assurabilité, mais ainsi qu'il a été précédemment exposé, elle ne peut à la fois solliciter une indemnité pour effectuer les travaux de reprise, et se voir dispenser du paiement des prestations exécutées par la société Groupement Assur'habitat. Mme [W] sera donc déboutée de ses demandes de remboursement des prestations exécutées par la société Groupement Assur'habitat. Le jugement qui a omis de statuer sur ces demandes sera complété en ce sens.

IV- Sur les frais de procédure

Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens incluant le coût de l'expertise judiciaire et les frais irrépétibles. En effet, la réticence de la société Groupement Assur'habitat à reconnaître sa responsabilité dans les désordres retenus par les premiers juges, ont conduit à voir ordonner une expertise judiciaire dont le coût doit donc être intégralement supporté par ladite société.

Mme [W] sera condamnée aux dépens d'appel et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Montargis rendu le 11 mai 2023 en ce qu'il a débouté la société Groupement Assur'habitat de sa demande de compensation ;

CONFIRME le jugement en ses autres dispositions critiquées ;

STATUANT À NOUVEAU sur le chef infirmé et Y AJOUTANT :

CONDAMNE Mme [W] à payer à la société Groupement Assur'habitat la somme de 11 385 euros TTC ;

ORDONNE la compensation de cette somme avec les indemnités fixées par le jugement au profit de Mme [W] ;

DÉBOUTE Mme [W] de ses demandes de remboursement du coût de prestations commandées et réalisées par la société Groupement Assur'habitat

CONDAMNE Mme [W] aux entiers dépens d'appel ;

REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Nathalie LAUER, Présidente de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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