CA Montpellier, ch. com., 2 décembre 2025, n° 24/02456
MONTPELLIER
Arrêt
Autre
ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 02 DECEMBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 24/02456 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QHOY
Décision déférée à la Cour :
Décision du 29 AVRIL 2024
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 2023012518
APPELANTE :
S.A.S. INOXIS
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentée par Me Amandine BOUVIER de la SARL ACTEA LEGAL +, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Monsieur [W] [P]
né le 19 Décembre 1983 à [Localité 10] (66)
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Adresse 6]
[Localité 8]
Représenté par Me Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER
S.A.R.L. INDUTEC prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 11]
[Adresse 6]
[Localité 8]
Représentée par Me Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER
S.A.R.L. PONDY prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 11]
[Adresse 6]
[Localité 8]
Représentée par Me Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 07 Octobre 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 OCTOBRE 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
M. Fabrice VETU, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Elodie CATOIRE
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Elodie CATOIRE, greffière.
FAITS ET PROCEDURE :
Le 15 janvier 2021, la SARL Inoxis, devenue Indutec, gérée par M. [W] [P], a cédé à la SASU Inoxis son fonds de commerce de vente d'appareils de systèmes de lavage automatique, vente de consommables et de produits de lavage pour les centres de lavage automatique, sis de à [Localité 8], au prix de 350 000 euros.
Aux termes de cet acte de cession de fonds de commerce, le cédant s'est engagé à ne pas concurrencer directement ou indirectement ou par personne interposée le cessionnaire et l'a garanti contre toute éviction.
Par ordonnance du 24 février 2022, le président du tribunal de commerce de Montpellier, saisi sur requête de la société Inoxis, a autorisé un commissaire justice à pénétrer dans les locaux de la société Indutec et de la SARL Pondy, également gérée par M. [W] [P], aux fins principalement de rechercher et constater sur leurs documents papiers ou électroniques tous clients communs.
Par ordonnance de référé du 21 avril 2022, le président du tribunal de commerce de Montpellier a rejeté les demandes des sociétés Indutec et Pondy tendant à voir rétracter l'ordonnance du 24 février 2022 et ordonner au commissaire de justice de restituer les documents prélevés lors de son intervention.
Par arrêt en date du 2 février 2023, la cour de céans, statuant sur l'appel formé par les sociétés Indutec et Pondy, a confirmé ladite ordonnance en toutes ses dispositions.
Par exploit du 20 janvier 2023, la SASU Inoxis a assigné les sociétés Indutec, Pondy et M. [W] [P] en paiement de dommages et intérêts pour violation de leurs obligations de non éviction et de non-rétablissement.
Par jugement contradictoire du 29 avril 2024, le tribunal de commerce de Montpellier a :
déclaré recevable l'action de la société Inoxis à l'encontre des société Pondy, Indutec et M. [W] [P] ;
débouté la société Inoxis de l'ensemble de ses demandes à leur encontre ;
débouté la société Pondy, Indutec et M. [W] [P] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;
et condamné la société Inoxis à payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par déclaration du 3 mai 2024, la SASU Inoxis a relevé appel de ce jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevable son action et a débouté les société Pondy, Indutec et M. [W] [P] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée.
Par conclusions du 15 juillet 2024, la SAS Inoxis demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1200, 1240, 1626 et 1630 du code civil, de :
déclarer son appel recevable et bien fondé ;
infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré recevable son action et a débouté les société Pondy, Indutec et M. [W] [P] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;
Statuant à nouveau,
juger que la société Indutec a violé directement et indirectement par l'intermédiaire de M. [W] [P] et de la société Pondy son obligation de la garantir contre toute éviction ;
les condamner in solidum en conséquence à lui payer la somme de 23 828,33 euros au titre du manque à gagner en raison de la violation de la garantie d'éviction ;
juger que la société Indutec a violé directement et indirectement par l'intermédiaire de M. [W] [P] et de la société Pondy son obligation de non-rétablissement ;
les condamner in solidum en conséquence à lui payer la somme de 306 000 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour violation de la clause de non-rétablissement ;
En tout état de cause,
et les condamner in solidum à payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers, dont distraction.
Par conclusions du 28 août 2025, formant appel incident, la SARL Indutec, la SARL Pondy et M. [W] [P], demandent à la cour, au visa des articles 1103, 1240 du code civil et de l'article 9 du code de procédure civile, de :
juger la société Inoxis infondée en toutes ses demandes et les rejeter ;
la débouter de son appel et confirmer le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
faire droit à leur appel incident et condamner la société Inoxis à leur payer la somme de 2 000 euros chacun à titre de dommages te intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;
et la condamner à payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est datée du 7 octobre 2025.
MOTIFS
Sur le périmètre de la cession et les garanties y attachées
Moyens des parties :
1. La SASU Inoxis fait valoir que l'article 2 de l'acte de cession stipule que le fonds cédé est un « fonds de commerce de vente d'appareils de système de lavage automatique, vente de consommable et de produits de lavage pour les centres de lavage automatique » ; que celui conservé par la SARL Inoxis, devenue la SARL Indutec n'exerce pas une activité distincte ; et que la publicité publiée dans le journal d'annonces légales en date du 2 février 2021 et l'annonce publiée au Bodacc le 7 février 2021, intéressant la cession du fonds de commerce de la SARL Indutec mentionnent clairement que le fonds de commerce, créé le 1er avril 2007, exerçant une activité de vente de système de lavage automobile, vente de consommables et de produits de lavage pour les centres de lavage automobile a été cédée.
2. En conséquence de ces éléments, la SASU Inoxis plaide que la SARL Indutec ne peut légitimement poursuivre l'activité de vente de système de lavage automobile, vente de consommable et de produits de lavage pour les centres de lavage automobile sauf à violer les obligations contractuelles mises à sa charge en vertu de l'acte de cession de fonds de commerce.
3. La SASU Inoxis ajoute qu'en vertu de l'article 2.1 de l'acte de cession de fonds de commerce en date du 15 janvier 2021, la SARL Indutec lui a cédé à son fonds de commerce en ce compris « la clientèle et l'achalandage y attachés » et qu'elle s'est ainsi engagée à la garantir contre toute éviction quel que soit le lieu de situation dudit client, la clause de rétablissement ne se confondant pas avec cette garantie d'éviction.
4. La notion de « clientèle » retenue par le tribunal, faute de liste de clients annexés à l'acte de cession, serait donc trop restrictive, la SARL Indutec ayant continué à vendre aux clients cédés des appareils de système de lavage automatique, des pièces détachées et des consommables.
5. La SARL Indutec, la SARL Pondy et M. [W] [P] réponde que l'acte indiquait clairement que le cédant conservait, ce que l'acquéreur avait accepté, une activité qu'elle avait toujours eue au [Adresse 6], à [Localité 8].
6. Selon eux, cette activité, non concernée par la cession permettait légitimement à la SARL Indutec d'exploiter une activité concurrente de celle de la SASU Inoxis, qui plus est, sur les quatre-vingt-treize autres départements de France, puisque l'interdiction d'exploiter une activité directement concurrente ne portait que sur les départements de l'Aude, de l'Hérault et des Pyrénées-Orientales, et ce, durant une période de trois années.
7. Les appelants plaident encore qu'en conformité avec cette stipulation contractuelle, aucune liste de client n'avait été annexée à l'acte authentique de vente, ni même visée par les parties et qu'en tout état de cause, d'une part, aucun des clients cités par l'appelante n'était établi dans un des départements dans lesquels elle s'interdisait d'intervenir tandis que, d'autre part, pour certains d'entre eux, la prestation fournie ne rentrait pas dans le cadre de l'activité cédée.
Réponse de la cour :
8. L'acte authentique de cession du 15 janvier 2021 énonce sur les dispositions intéressant le litige :
« 2- DESIGNATION DU FONDS CEDE
Le fonds de commerce de vente d'appareils de systèmes de lavage automatique, vente de consommables et de produits de lavage pour les centres de lavage automatique sis à [Localité 9], [Adresse 4] et [Adresse 6], lui appartenant, et pour lequel il est immatriculé au registre du commerce et des sociétés de Montpellier sous le numéro 495 051 997.
Le code APE attaché à l'activité et le 4725A qui correspond à l'activité de commerce de détail et quincaillerie, peinture et verre en petite surface (moins de 400 m²) ainsi qu'il ressort d'un avis de situation au répertoire SIRENE dont copie est demeurée jointe et annexée aux présentes « annexe numéro 3 ».
2.1 ' Les éléments incorporels suivants :
- L'enseigne et le nom commercial INOXIS, le CEDANT s'engageant à modifier sa dénomination sociale dans les meilleurs délais, postérieurement à la cession,
- La clientèle et l'achalandage y attachés,
- Le bénéfice de tous marchés, traités et conventions afférentes à l'exploitation du fonds, sous réserve de l'acceptation des cocontractants, le cas échéant,
- Le droit de se dire successeur dans l'exploitation,
- Le droit au bail pour le temps restant à courir des locaux sis à [Localité 9], [Adresse 4], où le fonds est exploité, étant ici précisé que les locaux situés au [Adresse 6] seront conservés par le CEDANT,
- Les droits attachés au site internet : www.inoxis.fr,
- Le numéro de téléphone fixe : [XXXXXXXX01] sous réserve de l'agrément de l'opérateur. »
[']
« 2.3 ' Etablissement secondaire :
Il est ici précisé que le fondS objet des présentes constitue pour le cédant un établissement secondaire permanent, ayant une immatriculation et une activité distincte, une autonomie patrimoniale, et sa clientèle propre, l'établissement principal étant situé à [Localité 8], [Adresse 6].
Il est en outre précisé :
- qu'aucun élément touchant à l'établissement principal n'est pris en compte dans la détermination du chiffre d'affaires et du résultat de cet établissement,
- que les marchandises transitant figurent toutes dans sa comptabilité, et ne sont pas mis à disposition comme provenant de l'établissement principal,
- que les contrats traités avec les tiers le sont par cet établissement secondaire et non par l'établissement principal, et qu'il n'y a aucune activité de sous-traitance vis-à-vis de l'établissement principal.
Le cessionnaire déclare être parfaitement informé de la situation et faire son affaire personnelle. »
9. L'extrait k-bis joint en annexe de l'acte de cession de fonds fait état de deux établissements appartenant à la SARL Inoxis :
- Le premier, situé[Adresse 11]r, [Adresse 6] dont l'activité est la vente de système de lavage automobile, vente de consommable et de produits de lavage pour les centres de lavage automobile et qui a été créé le 1er avril 2007 sous la rubrique « Renseignements relatifs à l'activité et à l'établissement principal ;
- Le second situé [Adresse 11], [Localité 5] ' [Localité 2] dont l'activité est le négoce et entretien de matériel de lavage créé le 1er octobre 2019 répertorié dans l'extrait au titre des « Renseignement relatifs à l'autre établissement dans le ressort ».
10. Enfin, la publication dans le journal d'annonces légales en date du 2 février 2021 et l'annonce parue au BODACC le 7 février 2021, concernant la cession du fonds de commerce de la SARL Indutec mentionnent que l'activité du fonds vendu concerne la vente d'appareils de système de lavage automatique, vente de consommables et de produits de lavage (Pièces 16.1 et 16.2).
11. Ainsi, aux termes de l'acte de cession et du certificat d'insertion au Bodacc, le fonds vendu était un fonds de commerce de vente d'appareils de systèmes de lavage automatique, vente de consommables et de produits de lavage pour les centres de lavage automatique, devant être exploité au [Adresse 4], sur la commune de [Localité 8], le cédant conservant des locaux au 571 de la même adresse afin d'exploiter un fonds de commerce ayant une activité distincte, possédant une autonomie patrimoniale et une clientèle propre.
12. Au regard des mêmes productions, la seule activité distincte de l'activité cédée, susceptible d'être exercée au [Adresse 6] était donc celle de négoce et d'entretien de matériel de lavage (cf. Pièce n°15 des intimés et, notamment, sa partie concernant les renseignements relatifs à l'autre établissement dans le ressort) et non pas, comme le soutiennent les intimés, « l'activité de fabrications ['] exercée en étroite collaboration avec la SARL Pondy », étant précisé que cette dernière société n'est jamais intervenue à l'acte de cession du fonds de commerce et que son existence n'y est pas mentionnée.
13. Or, en dépit des mentions contenues à l'acte de cession et du certificat d'insertion au Bodacc, il est mentionné à l'extrait Kbis, à jour au 4 janvier 2023 (pièce n°1 des intimés), que la SARL Indutec exerce l'activité de vente d'appareils de systèmes de lavage automatique, vente de consommables et de produits de lavage pour les centres de lavage automatique, [Adresse 11] au numéro 571, en contradiction avec la clause 2.3 relative à l'établissement secondaire.
14. Il s'ensuit que la situation actuelle des parties est la suivante : la SARL Inoxis, devenue la SARL Indutec, a cédé un fonds de commerce de vente d'appareils de systèmes de lavage automatique, vente de consommables et de produits de lavage pour les centres de lavage automatique à la SASU Inoxis afin qu'elle exerce cette activité, sis [Adresse 4] mais qu' en réalité, elle a continué à exploiter un fonds exerçant une activité identique au n° 571 de la même rue, en dépit de ses déclarations et de son engagement à l'article 2.3 de l'acte de cession.
15. La SARL Inductec n'exerce pas en conséquence d'activité distincte de celle qui lui a été vendue, ajoute la cour, en dépit des mentions de l'acte authentique de cession du fonds de commerce, alors que ce cédant ne pouvait pas poursuivre l'activité de vente de système de lavage automobile, vente de consommables et de produits de lavage pour les centres de lavage automobile.
16. Au regard de cette situation, la SASU Inoxis se prévaut exactement de la violation par la SARL Inductec, d'une part, via son gérant et la SARL Pondy, qui exerce « toutes activités de découpe de métaux et d'emboutissage » au [Adresse 6], de son obligation de la garantir contre toute éviction et, d'autre part, de son obligation de non-rétablissement.
Sur la garantie d'éviction
17. L'acte de cession prévoit à la charge du cédant, à l'article 11.2, une garantie d'éviction, dans le cas où l'éviction résulte de sa faute ou de sa fraude. Selon cet article, l'éviction pourra toujours se résoudre par des dommages et intérêts ou restitution du prix, au choix du cessionnaire. A ce titre, le cédant s'oblige à garantir, conformément aux articles 1644 et 1645 du code civil, l'entière exactitude des énonciations de l'acte relatives à l'origine de propriété, aux charges et inscriptions grevant le fonds, aux chiffres d'affaires et résultats d'exploitation. Il s'engage à tenir informé le cessionnaire de ses affaires et à le présenter comme son successeur à ses fournisseurs, ses prestataires de services et à sa clientèle.
18. Enfin, l'article 11.2 précise que l'interdiction de se rétablir et d'établir ne dispense pas le cédant du respect des exigences de l'article 1628 du code civil dont le contenu est rappelé et que, par suite, ce cédant ne peut être déchargé de l'obligation légale de garantie qui est d'ordre public, les man'uvres permettant la reprise ou la conservation de la clientèle et amenant une concurrence déloyale ne pouvant être limitée dans le temps.
19. La SASU Inoxis ne reproche pas au cédant d'avoir manqué à l'une quelconque, des obligations énumérées à l'article 11.2 lui permettant de se prévaloir de la garantie d'éviction mais se prévaut exactement de la vente par la SARL Inductec, aux clients cédés, d'appareil de système de lavage automatique, des pièces détachées et des consommables et se fonde, pour asseoir cette prétention, sur « une extraction du logiciel de gestion cédé avec le fonds de commerce » (sa pièce n°17).
20. Il n'y a pas lieu d'annexer une liste des clients cédés à l'acte de cession du fonds de commerce pour caractériser l'existence d'un détournement de clientèle, contrairement à ce que soutiennent les intimés, reprenant la motivation des premiers juges. La preuve d'un tel fait peut, en effet, être rapportée par tous moyens légalement admissibles entre commerçants.
21. Cependant, l'éviction, qui interdit au vendeur du fonds de commerce d'accomplir tout acte de nature à détourner la clientèle et susceptible de constituer un acte de concurrence déloyale doit être prouvée.
22. Or, en l'espèce, la faute de concurrence déloyale alléguée n'est pas établie par les productions.
23. En effet, les factures émises par la société Pondy, gérées par M. [W] [P], sont, soit au nom de sociétés implantées hors départements interdits, soit au nom de sociétés implantées dans ceux-ci, mais concernent des prestations étrangères à l'activité cédée, s'agissant de prestations de « découpe laser avec fourniture de matière », à l'exception de trois factures en date des 21 mai et 6 septembre 2021, émises au nom des sociétés Saint Jean Lavage, Planet Lavage et Pasy pour des ventes de marchandises (motoréducteurs gauche et droit, monnayeur et capteur inductif) et main d''uvre.
24. Or, la société Indutec démontre, en produisant des attestations des gérants des sociétés destinataires de ces factures, que la facture de la société Pasy concerne la réparation d'un capteur de porte cassé et diverses soudures, nécessitées par un acte de vandalisme, sans lien avec l'activité cédée et que les deux autres factures sont le fruit de l'impossibilité de la société Inoxis de satisfaire à la demande de ses clients, qu'elle a, elle-même, adressés à la société Pondy.
25. Par ailleurs, seules deux factures, en date du 30 décembre 2021, au nom de la société Jascar et de la société Wilson-Wash, ont été émises par le cédant auprès de sociétés implantées dans l'Hérault et l'Aude mais elles appartiennent à M. [W] [P] et ne peuvent ainsi, à défaut de démonstration contraire, être rattachées à la clientèle cédée.
26. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur la clause de non-rétablissement
27. L'acte de cession prévoit également à la charge du cédant, toujours en son article 11.2, une interdiction de se rétablir et d'établir, à savoir qu'il s'interdit la faculté :
- de créer, acquérir, exploiter, prendre à bail ou faire valoir, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, aucun fonds similaire en tout ou partie à celui présentement cédé,
- de donner à bail pour une activité identique à l'activité principale cédée ;
- de s'intéresser directement ou indirectement ou par personne interposée, et même en tant qu'associé ou actionnaire de droit ou de fait, même à titre de simple commanditaire, ou de gérant, dirigeant social, salarié ou préposé, fût-ce à titre accessoire, à une activité concurrente ou similaire en tout ou partie à celle exercée par lui dans le fonds présentement cédé.
28. Cette interdiction s'exerce à compter du jour de l'entrée en jouissance dans les départements 11, 34 et 66 et ce pendant trois ans. En cas d'infraction, il est stipulé que le cédant sera de plein droit redevable d'une indemnité forfaitaire de mille euros (1 000 euros) par jour de contravention, le cessionnaire se réservant en outre le droit de demander à la juridiction compétente d'ordonner la cessation immédiate de ladite infraction.
29. Pour rappel, en dépit de la clause interdisant au cédant d'exploiter, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, un fonds similaire en tout ou partie à celui cédé, la SARL Indutec a immédiatement, au regard de son extrait K-bis, démarré une activité identique au [Adresse 6], violant ainsi la clause de non-rétablissement.
30. Toutefois, cette interdiction d'exploiter un fonds identique durant trois années, notamment dans le département de l'Hérault, est sans lien de causalité avec le préjudice invoqué, dont la cour a indiqué qu'il n'était pas établi par l'appelante (points 22 à 26 notamment).
31. En effet, il est prévu un système d'indemnisation en relation avec le nombre de jours d'exploitation alors que l'appelante se prévaut du nombre de jours courant entre la première facture adressée à l'un de ses clients (30 mars 2021) et la dernière (31 décembre 2021), ce qui représenterait une somme de 306 000 euros (306 jours x 1 000 euros).
32. Faute d'avoir prouvé l'existence d'une faute du cédant de détournement de clientèle, la SARL Inoxis ne prouve pas l'existence d'un dommage.
En définitive, jugement déféré sera confirmé par substitution des présents motifs à ceux des premiers.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
35. La SARL Indutec, la SARL Pondy et M. [W] [P] sollicitent des dommages et intérêts pour procédure abusive sans articuler aucun moyen sur ce point.
36. Les intimés seront déboutés de cette prétention.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute la SARL Indutec, la SARL Pondy et M. [W] [P] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne la SASU Inoxis aux dépens,
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SASU Inoxis, et la condamne à payer à la SARL Indutec, à la SARL Pondy et à M. [W] [P], ensemble, la somme de 3 000 euros.
La greffière La présidente
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 02 DECEMBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 24/02456 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QHOY
Décision déférée à la Cour :
Décision du 29 AVRIL 2024
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 2023012518
APPELANTE :
S.A.S. INOXIS
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentée par Me Amandine BOUVIER de la SARL ACTEA LEGAL +, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Monsieur [W] [P]
né le 19 Décembre 1983 à [Localité 10] (66)
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Adresse 6]
[Localité 8]
Représenté par Me Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER
S.A.R.L. INDUTEC prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 11]
[Adresse 6]
[Localité 8]
Représentée par Me Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER
S.A.R.L. PONDY prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 11]
[Adresse 6]
[Localité 8]
Représentée par Me Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 07 Octobre 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 OCTOBRE 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
M. Fabrice VETU, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Elodie CATOIRE
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Elodie CATOIRE, greffière.
FAITS ET PROCEDURE :
Le 15 janvier 2021, la SARL Inoxis, devenue Indutec, gérée par M. [W] [P], a cédé à la SASU Inoxis son fonds de commerce de vente d'appareils de systèmes de lavage automatique, vente de consommables et de produits de lavage pour les centres de lavage automatique, sis de à [Localité 8], au prix de 350 000 euros.
Aux termes de cet acte de cession de fonds de commerce, le cédant s'est engagé à ne pas concurrencer directement ou indirectement ou par personne interposée le cessionnaire et l'a garanti contre toute éviction.
Par ordonnance du 24 février 2022, le président du tribunal de commerce de Montpellier, saisi sur requête de la société Inoxis, a autorisé un commissaire justice à pénétrer dans les locaux de la société Indutec et de la SARL Pondy, également gérée par M. [W] [P], aux fins principalement de rechercher et constater sur leurs documents papiers ou électroniques tous clients communs.
Par ordonnance de référé du 21 avril 2022, le président du tribunal de commerce de Montpellier a rejeté les demandes des sociétés Indutec et Pondy tendant à voir rétracter l'ordonnance du 24 février 2022 et ordonner au commissaire de justice de restituer les documents prélevés lors de son intervention.
Par arrêt en date du 2 février 2023, la cour de céans, statuant sur l'appel formé par les sociétés Indutec et Pondy, a confirmé ladite ordonnance en toutes ses dispositions.
Par exploit du 20 janvier 2023, la SASU Inoxis a assigné les sociétés Indutec, Pondy et M. [W] [P] en paiement de dommages et intérêts pour violation de leurs obligations de non éviction et de non-rétablissement.
Par jugement contradictoire du 29 avril 2024, le tribunal de commerce de Montpellier a :
déclaré recevable l'action de la société Inoxis à l'encontre des société Pondy, Indutec et M. [W] [P] ;
débouté la société Inoxis de l'ensemble de ses demandes à leur encontre ;
débouté la société Pondy, Indutec et M. [W] [P] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;
et condamné la société Inoxis à payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par déclaration du 3 mai 2024, la SASU Inoxis a relevé appel de ce jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevable son action et a débouté les société Pondy, Indutec et M. [W] [P] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée.
Par conclusions du 15 juillet 2024, la SAS Inoxis demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1200, 1240, 1626 et 1630 du code civil, de :
déclarer son appel recevable et bien fondé ;
infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré recevable son action et a débouté les société Pondy, Indutec et M. [W] [P] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;
Statuant à nouveau,
juger que la société Indutec a violé directement et indirectement par l'intermédiaire de M. [W] [P] et de la société Pondy son obligation de la garantir contre toute éviction ;
les condamner in solidum en conséquence à lui payer la somme de 23 828,33 euros au titre du manque à gagner en raison de la violation de la garantie d'éviction ;
juger que la société Indutec a violé directement et indirectement par l'intermédiaire de M. [W] [P] et de la société Pondy son obligation de non-rétablissement ;
les condamner in solidum en conséquence à lui payer la somme de 306 000 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour violation de la clause de non-rétablissement ;
En tout état de cause,
et les condamner in solidum à payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers, dont distraction.
Par conclusions du 28 août 2025, formant appel incident, la SARL Indutec, la SARL Pondy et M. [W] [P], demandent à la cour, au visa des articles 1103, 1240 du code civil et de l'article 9 du code de procédure civile, de :
juger la société Inoxis infondée en toutes ses demandes et les rejeter ;
la débouter de son appel et confirmer le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
faire droit à leur appel incident et condamner la société Inoxis à leur payer la somme de 2 000 euros chacun à titre de dommages te intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;
et la condamner à payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est datée du 7 octobre 2025.
MOTIFS
Sur le périmètre de la cession et les garanties y attachées
Moyens des parties :
1. La SASU Inoxis fait valoir que l'article 2 de l'acte de cession stipule que le fonds cédé est un « fonds de commerce de vente d'appareils de système de lavage automatique, vente de consommable et de produits de lavage pour les centres de lavage automatique » ; que celui conservé par la SARL Inoxis, devenue la SARL Indutec n'exerce pas une activité distincte ; et que la publicité publiée dans le journal d'annonces légales en date du 2 février 2021 et l'annonce publiée au Bodacc le 7 février 2021, intéressant la cession du fonds de commerce de la SARL Indutec mentionnent clairement que le fonds de commerce, créé le 1er avril 2007, exerçant une activité de vente de système de lavage automobile, vente de consommables et de produits de lavage pour les centres de lavage automobile a été cédée.
2. En conséquence de ces éléments, la SASU Inoxis plaide que la SARL Indutec ne peut légitimement poursuivre l'activité de vente de système de lavage automobile, vente de consommable et de produits de lavage pour les centres de lavage automobile sauf à violer les obligations contractuelles mises à sa charge en vertu de l'acte de cession de fonds de commerce.
3. La SASU Inoxis ajoute qu'en vertu de l'article 2.1 de l'acte de cession de fonds de commerce en date du 15 janvier 2021, la SARL Indutec lui a cédé à son fonds de commerce en ce compris « la clientèle et l'achalandage y attachés » et qu'elle s'est ainsi engagée à la garantir contre toute éviction quel que soit le lieu de situation dudit client, la clause de rétablissement ne se confondant pas avec cette garantie d'éviction.
4. La notion de « clientèle » retenue par le tribunal, faute de liste de clients annexés à l'acte de cession, serait donc trop restrictive, la SARL Indutec ayant continué à vendre aux clients cédés des appareils de système de lavage automatique, des pièces détachées et des consommables.
5. La SARL Indutec, la SARL Pondy et M. [W] [P] réponde que l'acte indiquait clairement que le cédant conservait, ce que l'acquéreur avait accepté, une activité qu'elle avait toujours eue au [Adresse 6], à [Localité 8].
6. Selon eux, cette activité, non concernée par la cession permettait légitimement à la SARL Indutec d'exploiter une activité concurrente de celle de la SASU Inoxis, qui plus est, sur les quatre-vingt-treize autres départements de France, puisque l'interdiction d'exploiter une activité directement concurrente ne portait que sur les départements de l'Aude, de l'Hérault et des Pyrénées-Orientales, et ce, durant une période de trois années.
7. Les appelants plaident encore qu'en conformité avec cette stipulation contractuelle, aucune liste de client n'avait été annexée à l'acte authentique de vente, ni même visée par les parties et qu'en tout état de cause, d'une part, aucun des clients cités par l'appelante n'était établi dans un des départements dans lesquels elle s'interdisait d'intervenir tandis que, d'autre part, pour certains d'entre eux, la prestation fournie ne rentrait pas dans le cadre de l'activité cédée.
Réponse de la cour :
8. L'acte authentique de cession du 15 janvier 2021 énonce sur les dispositions intéressant le litige :
« 2- DESIGNATION DU FONDS CEDE
Le fonds de commerce de vente d'appareils de systèmes de lavage automatique, vente de consommables et de produits de lavage pour les centres de lavage automatique sis à [Localité 9], [Adresse 4] et [Adresse 6], lui appartenant, et pour lequel il est immatriculé au registre du commerce et des sociétés de Montpellier sous le numéro 495 051 997.
Le code APE attaché à l'activité et le 4725A qui correspond à l'activité de commerce de détail et quincaillerie, peinture et verre en petite surface (moins de 400 m²) ainsi qu'il ressort d'un avis de situation au répertoire SIRENE dont copie est demeurée jointe et annexée aux présentes « annexe numéro 3 ».
2.1 ' Les éléments incorporels suivants :
- L'enseigne et le nom commercial INOXIS, le CEDANT s'engageant à modifier sa dénomination sociale dans les meilleurs délais, postérieurement à la cession,
- La clientèle et l'achalandage y attachés,
- Le bénéfice de tous marchés, traités et conventions afférentes à l'exploitation du fonds, sous réserve de l'acceptation des cocontractants, le cas échéant,
- Le droit de se dire successeur dans l'exploitation,
- Le droit au bail pour le temps restant à courir des locaux sis à [Localité 9], [Adresse 4], où le fonds est exploité, étant ici précisé que les locaux situés au [Adresse 6] seront conservés par le CEDANT,
- Les droits attachés au site internet : www.inoxis.fr,
- Le numéro de téléphone fixe : [XXXXXXXX01] sous réserve de l'agrément de l'opérateur. »
[']
« 2.3 ' Etablissement secondaire :
Il est ici précisé que le fondS objet des présentes constitue pour le cédant un établissement secondaire permanent, ayant une immatriculation et une activité distincte, une autonomie patrimoniale, et sa clientèle propre, l'établissement principal étant situé à [Localité 8], [Adresse 6].
Il est en outre précisé :
- qu'aucun élément touchant à l'établissement principal n'est pris en compte dans la détermination du chiffre d'affaires et du résultat de cet établissement,
- que les marchandises transitant figurent toutes dans sa comptabilité, et ne sont pas mis à disposition comme provenant de l'établissement principal,
- que les contrats traités avec les tiers le sont par cet établissement secondaire et non par l'établissement principal, et qu'il n'y a aucune activité de sous-traitance vis-à-vis de l'établissement principal.
Le cessionnaire déclare être parfaitement informé de la situation et faire son affaire personnelle. »
9. L'extrait k-bis joint en annexe de l'acte de cession de fonds fait état de deux établissements appartenant à la SARL Inoxis :
- Le premier, situé[Adresse 11]r, [Adresse 6] dont l'activité est la vente de système de lavage automobile, vente de consommable et de produits de lavage pour les centres de lavage automobile et qui a été créé le 1er avril 2007 sous la rubrique « Renseignements relatifs à l'activité et à l'établissement principal ;
- Le second situé [Adresse 11], [Localité 5] ' [Localité 2] dont l'activité est le négoce et entretien de matériel de lavage créé le 1er octobre 2019 répertorié dans l'extrait au titre des « Renseignement relatifs à l'autre établissement dans le ressort ».
10. Enfin, la publication dans le journal d'annonces légales en date du 2 février 2021 et l'annonce parue au BODACC le 7 février 2021, concernant la cession du fonds de commerce de la SARL Indutec mentionnent que l'activité du fonds vendu concerne la vente d'appareils de système de lavage automatique, vente de consommables et de produits de lavage (Pièces 16.1 et 16.2).
11. Ainsi, aux termes de l'acte de cession et du certificat d'insertion au Bodacc, le fonds vendu était un fonds de commerce de vente d'appareils de systèmes de lavage automatique, vente de consommables et de produits de lavage pour les centres de lavage automatique, devant être exploité au [Adresse 4], sur la commune de [Localité 8], le cédant conservant des locaux au 571 de la même adresse afin d'exploiter un fonds de commerce ayant une activité distincte, possédant une autonomie patrimoniale et une clientèle propre.
12. Au regard des mêmes productions, la seule activité distincte de l'activité cédée, susceptible d'être exercée au [Adresse 6] était donc celle de négoce et d'entretien de matériel de lavage (cf. Pièce n°15 des intimés et, notamment, sa partie concernant les renseignements relatifs à l'autre établissement dans le ressort) et non pas, comme le soutiennent les intimés, « l'activité de fabrications ['] exercée en étroite collaboration avec la SARL Pondy », étant précisé que cette dernière société n'est jamais intervenue à l'acte de cession du fonds de commerce et que son existence n'y est pas mentionnée.
13. Or, en dépit des mentions contenues à l'acte de cession et du certificat d'insertion au Bodacc, il est mentionné à l'extrait Kbis, à jour au 4 janvier 2023 (pièce n°1 des intimés), que la SARL Indutec exerce l'activité de vente d'appareils de systèmes de lavage automatique, vente de consommables et de produits de lavage pour les centres de lavage automatique, [Adresse 11] au numéro 571, en contradiction avec la clause 2.3 relative à l'établissement secondaire.
14. Il s'ensuit que la situation actuelle des parties est la suivante : la SARL Inoxis, devenue la SARL Indutec, a cédé un fonds de commerce de vente d'appareils de systèmes de lavage automatique, vente de consommables et de produits de lavage pour les centres de lavage automatique à la SASU Inoxis afin qu'elle exerce cette activité, sis [Adresse 4] mais qu' en réalité, elle a continué à exploiter un fonds exerçant une activité identique au n° 571 de la même rue, en dépit de ses déclarations et de son engagement à l'article 2.3 de l'acte de cession.
15. La SARL Inductec n'exerce pas en conséquence d'activité distincte de celle qui lui a été vendue, ajoute la cour, en dépit des mentions de l'acte authentique de cession du fonds de commerce, alors que ce cédant ne pouvait pas poursuivre l'activité de vente de système de lavage automobile, vente de consommables et de produits de lavage pour les centres de lavage automobile.
16. Au regard de cette situation, la SASU Inoxis se prévaut exactement de la violation par la SARL Inductec, d'une part, via son gérant et la SARL Pondy, qui exerce « toutes activités de découpe de métaux et d'emboutissage » au [Adresse 6], de son obligation de la garantir contre toute éviction et, d'autre part, de son obligation de non-rétablissement.
Sur la garantie d'éviction
17. L'acte de cession prévoit à la charge du cédant, à l'article 11.2, une garantie d'éviction, dans le cas où l'éviction résulte de sa faute ou de sa fraude. Selon cet article, l'éviction pourra toujours se résoudre par des dommages et intérêts ou restitution du prix, au choix du cessionnaire. A ce titre, le cédant s'oblige à garantir, conformément aux articles 1644 et 1645 du code civil, l'entière exactitude des énonciations de l'acte relatives à l'origine de propriété, aux charges et inscriptions grevant le fonds, aux chiffres d'affaires et résultats d'exploitation. Il s'engage à tenir informé le cessionnaire de ses affaires et à le présenter comme son successeur à ses fournisseurs, ses prestataires de services et à sa clientèle.
18. Enfin, l'article 11.2 précise que l'interdiction de se rétablir et d'établir ne dispense pas le cédant du respect des exigences de l'article 1628 du code civil dont le contenu est rappelé et que, par suite, ce cédant ne peut être déchargé de l'obligation légale de garantie qui est d'ordre public, les man'uvres permettant la reprise ou la conservation de la clientèle et amenant une concurrence déloyale ne pouvant être limitée dans le temps.
19. La SASU Inoxis ne reproche pas au cédant d'avoir manqué à l'une quelconque, des obligations énumérées à l'article 11.2 lui permettant de se prévaloir de la garantie d'éviction mais se prévaut exactement de la vente par la SARL Inductec, aux clients cédés, d'appareil de système de lavage automatique, des pièces détachées et des consommables et se fonde, pour asseoir cette prétention, sur « une extraction du logiciel de gestion cédé avec le fonds de commerce » (sa pièce n°17).
20. Il n'y a pas lieu d'annexer une liste des clients cédés à l'acte de cession du fonds de commerce pour caractériser l'existence d'un détournement de clientèle, contrairement à ce que soutiennent les intimés, reprenant la motivation des premiers juges. La preuve d'un tel fait peut, en effet, être rapportée par tous moyens légalement admissibles entre commerçants.
21. Cependant, l'éviction, qui interdit au vendeur du fonds de commerce d'accomplir tout acte de nature à détourner la clientèle et susceptible de constituer un acte de concurrence déloyale doit être prouvée.
22. Or, en l'espèce, la faute de concurrence déloyale alléguée n'est pas établie par les productions.
23. En effet, les factures émises par la société Pondy, gérées par M. [W] [P], sont, soit au nom de sociétés implantées hors départements interdits, soit au nom de sociétés implantées dans ceux-ci, mais concernent des prestations étrangères à l'activité cédée, s'agissant de prestations de « découpe laser avec fourniture de matière », à l'exception de trois factures en date des 21 mai et 6 septembre 2021, émises au nom des sociétés Saint Jean Lavage, Planet Lavage et Pasy pour des ventes de marchandises (motoréducteurs gauche et droit, monnayeur et capteur inductif) et main d''uvre.
24. Or, la société Indutec démontre, en produisant des attestations des gérants des sociétés destinataires de ces factures, que la facture de la société Pasy concerne la réparation d'un capteur de porte cassé et diverses soudures, nécessitées par un acte de vandalisme, sans lien avec l'activité cédée et que les deux autres factures sont le fruit de l'impossibilité de la société Inoxis de satisfaire à la demande de ses clients, qu'elle a, elle-même, adressés à la société Pondy.
25. Par ailleurs, seules deux factures, en date du 30 décembre 2021, au nom de la société Jascar et de la société Wilson-Wash, ont été émises par le cédant auprès de sociétés implantées dans l'Hérault et l'Aude mais elles appartiennent à M. [W] [P] et ne peuvent ainsi, à défaut de démonstration contraire, être rattachées à la clientèle cédée.
26. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur la clause de non-rétablissement
27. L'acte de cession prévoit également à la charge du cédant, toujours en son article 11.2, une interdiction de se rétablir et d'établir, à savoir qu'il s'interdit la faculté :
- de créer, acquérir, exploiter, prendre à bail ou faire valoir, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, aucun fonds similaire en tout ou partie à celui présentement cédé,
- de donner à bail pour une activité identique à l'activité principale cédée ;
- de s'intéresser directement ou indirectement ou par personne interposée, et même en tant qu'associé ou actionnaire de droit ou de fait, même à titre de simple commanditaire, ou de gérant, dirigeant social, salarié ou préposé, fût-ce à titre accessoire, à une activité concurrente ou similaire en tout ou partie à celle exercée par lui dans le fonds présentement cédé.
28. Cette interdiction s'exerce à compter du jour de l'entrée en jouissance dans les départements 11, 34 et 66 et ce pendant trois ans. En cas d'infraction, il est stipulé que le cédant sera de plein droit redevable d'une indemnité forfaitaire de mille euros (1 000 euros) par jour de contravention, le cessionnaire se réservant en outre le droit de demander à la juridiction compétente d'ordonner la cessation immédiate de ladite infraction.
29. Pour rappel, en dépit de la clause interdisant au cédant d'exploiter, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, un fonds similaire en tout ou partie à celui cédé, la SARL Indutec a immédiatement, au regard de son extrait K-bis, démarré une activité identique au [Adresse 6], violant ainsi la clause de non-rétablissement.
30. Toutefois, cette interdiction d'exploiter un fonds identique durant trois années, notamment dans le département de l'Hérault, est sans lien de causalité avec le préjudice invoqué, dont la cour a indiqué qu'il n'était pas établi par l'appelante (points 22 à 26 notamment).
31. En effet, il est prévu un système d'indemnisation en relation avec le nombre de jours d'exploitation alors que l'appelante se prévaut du nombre de jours courant entre la première facture adressée à l'un de ses clients (30 mars 2021) et la dernière (31 décembre 2021), ce qui représenterait une somme de 306 000 euros (306 jours x 1 000 euros).
32. Faute d'avoir prouvé l'existence d'une faute du cédant de détournement de clientèle, la SARL Inoxis ne prouve pas l'existence d'un dommage.
En définitive, jugement déféré sera confirmé par substitution des présents motifs à ceux des premiers.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
35. La SARL Indutec, la SARL Pondy et M. [W] [P] sollicitent des dommages et intérêts pour procédure abusive sans articuler aucun moyen sur ce point.
36. Les intimés seront déboutés de cette prétention.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute la SARL Indutec, la SARL Pondy et M. [W] [P] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne la SASU Inoxis aux dépens,
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SASU Inoxis, et la condamne à payer à la SARL Indutec, à la SARL Pondy et à M. [W] [P], ensemble, la somme de 3 000 euros.
La greffière La présidente