Cass. com., 30 juin 2015, n° 14-19.119
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Odent et Poulet, SCP Vincent et Ohl
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 23 avril 2014), que la société Lamotte distribution (la société LMD), mise en redressement judiciaire le 22 novembre 2010, a mis en oeuvre une procédure d'arbitrage pour rechercher la responsabilité d'un de ses fournisseurs, la société CSF, sur le fondement de l'article L. 650-1 du code de commerce ; que par sentence du 27 décembre 2011, un tribunal arbitral a fait droit à la demande, condamné la société CSF à verser à la société LMD des dommages-intérêts et ordonné la compensation de cette créance avec celle déclarée par la société CSF, sur le fondement du contrat d'approvisionnement, au passif du redressement judiciaire de la société LMD ; que la société CSF a formé un recours en annulation ;
Attendu que la société CSF fait grief à l'arrêt de rejeter son recours alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de disproportion des garanties prises, que si les concours consentis sont en eux-mêmes fautifs ; que la société CSF avait critiqué la sentence arbitrale rendue en faisant valoir devant la cour d'appel que, saisi d'une demande fondée sur ces dispositions, le tribunal arbitral s'était borné à constater, pour la condamner, qu'elle avait accordé un « soutien illicite et abusif » par imprudence à la société LMD, sans avoir cependant constaté qu'elle ait commis une fraude, une immixtion caractérisée comme le lui reprochait la société LMD, ou pris une garantie disproportionnée, de sorte qu'il s'était ainsi soustrait à l'application d'une règle d'ordre public de protection ; que, pour écarter cette critique, la cour d'appel a retenu qu'il ne s'agissait pas d'une règle d'ordre public s'imposant au juge arbitral ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 650-1 du code de commerce et L. 1492, 5° du code de procédure civile ;
2°/ que les dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce ont précisément pour objet d'établir un principe d'irresponsabilité des créanciers et de le protéger en n'admettant de dérogation que dans trois hypothèses légalement définies ; que la solution retenue par un tribunal arbitral, lors même qu'il choisirait de ne pas se fonder sur les dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce, ne peut donc consister à retenir la responsabilité d'un créancier sur le seul constat d'une faute d'imprudence dans l'octroi d'un crédit, sans qu'ait été constatée l'existence d'un des cas d'ouverture possible de responsabilité de ce créancier ; qu'en se déterminant dès lors comme elle l'a fait, pour rejeter le recours en annulation partielle formé par la société CSF, sans rechercher si, à défaut de se fonder sur les dispositions de ce texte, le tribunal avait apporté une solution qui était conforme aux principes qu'il établissait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 650-1 du code de commerce et L. 1492, 5° du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'annulation d'une sentence arbitrale n'est encourue sur le fondement de l'article 1492, 5° du code de procédure civile que lorsque la solution donnée au litige heurte l'ordre public, le juge de l'annulation n'ayant pas le pouvoir de contrôler le contenu de la motivation de la sentence ni de procéder à sa révision au fond ; que sous le couvert d'un moyen tiré de la violation de l'ordre public, le recours ne tend qu'à remettre en cause la pertinence du raisonnement juridique par lequel les arbitres, statuant comme amiables compositeurs et en dernier ressort, se sont prononcés sur la responsabilité de la société CSF sur le fondement de l'article L. 650-1 du code de commerce ; que, par ce motif de pur droit, substitué, après avertissement délivré aux parties, à celui justement critiqué par la première branche, l'arrêt se trouve légalement justifié ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société CSF aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille quinze.