Contrat de bail, loyer, renouvellement ...

Baux commerciaux

L’article L. 145-38, alinéa 3, du Code de commerce prévoit un déplafonnement du loyer révisé lorsqu’est apportée la preuve d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité, qui a entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative. L’article L. 145-47, alinéa 3, du même code précise par ailleurs que dans le cadre d’une déspécialisation partielle, “lors de l …

Modification matérielle des facteurs locaux de commercialité

L’article L. 145-38, alinéa 3, du Code de commerce prévoit un déplafonnement du loyer révisé lorsqu’est apportée la preuve d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité, qui a entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative. L’article L. 145-47, alinéa 3, du même code précise par ailleurs que dans le cadre d’une déspécialisation partielle, “lors de la première révision triennale suivant la notification visée à l'alinéa précédent, il peut, par dérogation aux dispositions de l'article L. 145-38, être tenu compte, pour la fixation du loyer, des activités commerciales adjointes, si celles-ci ont entraîné par elles-mêmes une modification de la valeur locative des lieux loués”.

Le déplafonnement du loyer révisé est soumis à certaines conditions qui tiennent, d’une part, à l’existence, entre la date d’effet du loyer du bail initial ou renouvelé, ou du loyer précédemment révisé et celle de la demande en révision, d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant eu une incidence sur l'activité exercée par le preneur, et d’autre part, à la constatation, pendant la période de référence, d’une variation de plus de 10 % de la valeur locative en raison de cette modification . Lorsque les conditions du déplafonnement sont remplies, le loyer révisé doit être déplafonné et fixé à la valeur locative quel que soit le sens de la variation, même si celle-ci est inférieure au loyer en vigueur . A l’inverse, en l’absence de modification des facteurs locaux de commercialité, le loyer révisé ne peut évoluer que dans la limite de la variation indiciaire conformément à l’indice applicable au contrat de location, sans pouvoir excéder la valeur locative, sauf si celle-ci est d’un montant compris entre celui du loyer en cours et le plafond résultant de la variation indiciaire .

Pour être prise en considération, il est impératif que la modification des facteurs locaux de commercialité soit intervenue entre la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer et la date de demande en révision . Ainsi, il ne peut être tenu compte de la création et la mise en service d’une ligne de tramway qui a eu lieu avant la date de renouvellement du bail, même si les effets de cette création se poursuivent dans le temps .

Il appartient aux juges du fond de constater l'évolution des facteurs locaux de commercialité , ces derniers devant relever les éléments qui établissent la modification de ces facteurs et dire en quoi ils ont entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative des lieux loués . La modification des facteurs locaux de commercialité s’apprécie différemment selon que l’on se place sous l’angle de la simple révision du loyer ou sous celui de la fixation du bail renouvelé. Dans ce dernier cas, il n'est pas exigé que la modification, qui n’est pas nécessairement matérielle, entraîne une variation de plus de 10 % de la valeur locative. Elle doit simplement présenter un caractère notable (art. L. 145-34 C. com.).

Selon l’article R. 145-6 du Code de commerce, “les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présentent, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire”, cette liste n'étant pas limitative.

La modification est nécessairement extérieure aux locaux ou au bail. Il ne peut être pris en considération les éléments relatifs aux caractéristiques des locaux ou aux obligations des parties. La modification doit être matérielle et présenter un caractère local. Aussi ne doit-elle porter que sur des éléments concrets et existants et s'entend-elle de la transformation des facteurs locaux de commercialité et non de leur évolution quantitative . Ainsi, une baisse de la fréquentation touristique, dont il n'est nullement démontré ni même allégué qu'elle soit survenue dans la zone de chalandise concernée, ne constitue pas une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité, laquelle ne comprend pas non plus une éventuelle baisse du chiffre d’affaires .

Constituent une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité, la transformation d’une rue en voie piétonne , une opération de requalification urbaine importante, appuyée par la mise en place du tramway et se concrétisant par une réhabilitation des immeubles haussmanniens bordant la voie , l’implantation d’un complexe de cinéma , ou encore l’état d’un quartier où de nombreux commerces sont fermés et des locaux restés vacants . En revanche, il n’en va pas ainsi de la libération de la tarification du prix de location des places de stationnement , des difficultés rencontrées par d'autres entreprises, situées dans le même secteur géographique  ou de la renégociation des loyers d'entreprises concurrentes . 

La modification matérielle, locale et exceptionnelle des facteurs locaux de commercialité doit en outre avoir une influence sur le commerce considéré . Il appartient aux juges du fond de rechercher, au besoin d'office , et d’apprécier concrètement et objectivement l’intérêt de la modification pour l'activité commerciale exercée dans les locaux loués . Ainsi, la conversion d’une ancienne friche commerciale par l’installation d'enseignes de la distribution et par l’implantation d’une borne de vélos en libre-service ne constitue pas une modification des facteurs locaux de commercialité présentant un intérêt particulier pour l'agence immobilière du preneur . Il n'y a pas non plus d'influence sur l'activité du preneur, qui a pignon sur rue, lorsque sa clientèle est recrutée soit par démarchage à domicile, dans des centres commerciaux ou dans des foires et salons, soit par annonce dans la presse, soit par parrainage, soit à l’intérieur des points de vente, mais que ce dernier mode représente un faible pourcentage du recrutement total .

Pour qu'il en soit tenu compte, la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité doit avoir entraîné par elle-même une variation de la valeur locative supérieure à 10 % , dont le demandeur en révision est tenu d’apporter la preuve . Dès lors, doit être débouté de sa demande de fixation du loyer à la valeur locative, le demandeur en révision qui ne démontre pas l'existence d'un lien de causalité entre la modification matérielle et la variation de plus de 10 % de la valeur locative des lieux loués . La variation de la valeur locative doit être appréciée en comparant, d’une part, la valeur locative à la date de prise d'effet du bail ou de la dernière révision amiable ou judiciaire, qui peut être différente du loyer contractuellement fixé et d’autre part, la valeur locative à la date de la demande en révision . Les juges du fond ne sont pas tenus d'ordonner une expertise pour palier la carence du demandeur qui n’apporte aucune justification à l'appui de sa demande . La Cour d’appel de Paris a jugé qu’un preneur, qui se borne simplement à des considérations d'ordre général sur la baisse des prix concernant le marché locatif, n'apporte aucun élément tendant à prouver l’existence d'une modification matérielle ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % .

Enfin, une évolution négative des facteurs locaux profite au preneur qui peut demander un déplafonnement du loyer révisé à la baisse, alors qu’une évolution positive profitera au bailleur qui pourra solliciter un loyer supérieur à la variation indiciaire, mais dans ce dernier cas, la hausse du loyer est encadrée. En effet, la loi 2014-626 du 18 juin 2014  a complété l’article L. 145-38, alinéa 3, du Code de commerce qui dispose désormais que dans le cas où la preuve de la modification est apportée, “ la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente ”. Le texte, qui est applicable aux baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014 , présente un caractère d’ordre public .

Cass. 3e civ., 24 mai 2017, LawLex202200000088JBJ, Gaz. Pal. 11 juill. 2017, 65, note. BARBIER.

Cass. 3e civ., 16 décembre 1998, LawLex202100005694JBJ, Bull. civ. III, n° 246 ; D. 1999, 31 ; AJDI 1999, 324, obs. BLATTER ; RDI 1999, 323, obs. DERRUPPE ; JCP G 1999, IV, 1225 ; RJDA 2/99, n° 150 ; 24 mai 2017, LawLex202200000088JBJ, préc.

Aix-en-Provence, 16 février 2016, LawLex202300008373JBJ, préc.

Poitiers, 20 octobre 2020, LawLex202300008374JBJ.

Cass. 3e civ., 26 septembre 2001, LawLex202300008375JBJ, Administrer janv. 2002, 28.

Bordeaux, 25 février 2019, LawLex202300008377JBJ.

Cass. 3e civ., 25 octobre 2018, LawLex202100006301JBJ, D. actu. 23 nov. 2018, obs. GHIGLINO ; D. 2018, Actu. 2134 ; RTD com. 2019, 335, obs. MONEGER ; JCP E 2018, n° 1600 ; RJDA 2019, n°3 ; Comm. com. électr. 2016, chron. 12, obs. MARMAYOU.

Cass. 3e civ., 21 janvier 2014, LawLex202300006731JBJ, sur l'absence d'effet de la modification, par la restructuration et la réhabilitation de l'hyper centre-ville sur l'activité considérée.

Cass. 3e civ., 27 janvier 1999, LawLex202300006728JBJ, Bull. civ. III, n° 21 ; D. Aff. 1999, 548 ; Defrénois 1999, 493 ; 7 avril 2004, LawLex202300006732JBJ, Bull. civ. III, n° 71 ; D. 2004, 1311, obs. ROUQUET ; AJDI 2004, 719, obs. DUMONT ; RJDA 7/04, n° 796 ; Gaz. Pal. 2004, Somm. 38 ; Loyers et copropr. 2004, 130, comm. BRAULT.

Douai, 6 juillet 2017, LawLex202100006465JBJ, Loyers et copropr. 2017, comm. 211, obs. CHAVANCE.

Douai, 6 juillet 2017, LawLex202100006465JBJ, préc.

Cass. 3e civ., 6 février 2008, LawLex202200000135JBJ, Bull. civ. III, n° 23 ; D. 2008, 479, obs. ROUQUET ; AJDI 2008, 345, obs. BLATTER ; AJDI 2008, 383, obs. DENIZOT ; Gaz. Pal. 8 juill. 2008, 16, note BRAULT ; Loyers et copropr. 2008, comm. 59, obs. BRAULT ; Rev. Administrer avr. 2008, 30, obs. BARBIER ; Rev. Administrer avr. 2008, 33, obs. LIPMAN-W. BOCCARA.

Cass. 3e civ., 28 septembre 2004, LawLex202300008396JBJ.

Cass. 3e civ., 6 février 1973, LawLex202300008397JBJ.

Cass. 3e civ., 18 février 2003, LawLex202300008405JBJ. – V. aussi Riom, 27 janvier 2021, LawLex202200000138JBJ, qui refuse que le loyer révisé soit fixé au-delà de la variation de l’indice dès lors que, si les facteurs locaux de commercialité ont connu, durant la période de trois ans ayant précédé la demande de révision, une modification certaine avec l’installation, dans la zone commerciale où sont implantés les locaux loués, de nouveaux commerces de grande surface, qui ont indiscutablement augmenté la circulation automobile de clients potentiels, il n'est pas certain que ces modifications matérielles aient provoqué par elles-mêmes une augmentation de la valeur locative supérieure à 10 %.

Paris, 26 mai 1999, LawLex202300008404JBJ.

Cass. 3e civ., 22 janvier 1997, LawLex202200000085JBJ, Bull. civ. III, n° 19 ; AJPI 1997, 476, note BLATTER ; JCP G 1997, IV, n° 537 ; JCP N 1997, II, 770 ; JCP E 1997, pan. 84 ; RJDA 1997, n° 333 ; Gaz. Pal. Rec. 10-11 sept. 1997, 29, note BARBIER ; Loyers et copropr. 1997, comm. 204, obs. BRAULT et MUTELET.

L. 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, JO  du 19 juin 2014, art. 11.

L. 2014-626 du 18 juin 2014, art. 21, II.

L’article L. 145-15 du Code de commerce répute non écrits, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec aux dispositions de l’article L. 145-38 du même code.

Montpellier, 5 novembre 1997, n° 95/0001767, pour une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité devant intervenir entre la date fixant le point de départ du bail commercial et celle du mémoire tendant à la révision triennale du loyer.

Aix-en-Provence, 28 novembre 2019, LawLex202200000062JBJ ; 16 février 2016, LawLex202300008373JBJ.

Cass. 3e civ., 1er avril 2003, LawLex202300008361JBJ.

Cass. 3e civ., 1er février 2012, LawLex202300008362JBJ, JCP E 2013, 1430, n° 21, obs. MONEGER ; RJDA 2012, n° 566 ; Loyers et copropr. 2012, comm. 109, obs. BRAULT ; Administrer avr. 2012, 28, note BARBIER.

Aix-en-Provence, 13 décembre 2016, LawLex202300008371JBJ, Loyers et copropr. 2017, comm. 67, obs. BRAULT : en l’espèce, l’implantation de nouvelles enseignes dans un secteur à la notoriété acquise et fortement marchand constitue une évolution, mais pas une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité.

Versailles, 12 décembre 2019, LawLex202000001848JBJ, RTD civ. 2020, 363, obs. BARBIER ; GPL 7 avr. 2020, 36, note HOUTCIEFF ; Loyers et copropr. 2020, alerte 22.

Versailles, 27 avril 1989, LawLex202300008372JBJ.

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