Contrat de bail, loyer, renouvellement ...

Baux commerciaux/Fonds de commerce

L’article L. 145-18, alinéa 1, du Code de commerce autorise le bailleur à refuser le renouvellement du bail pour construire ou reconstruire l'immeuble existant, à charge de payer au locataire évincé l'indemnité d'éviction. Toutefois, le bailleur peut, aux termes de l'alinéa 3, se soustraire au paiement de cette indemnité, s’il offre au preneur évincé un local correspondant à ses besoins et possibi …

Construction ou reconstruction

L’article L. 145-18, alinéa 1, du Code de commerce autorise le bailleur à refuser le renouvellement du bail pour construire ou reconstruire l'immeuble existant, à charge de payer au locataire évincé l'indemnité d'éviction. Toutefois, le bailleur peut, aux termes de l'alinéa 3, se soustraire au paiement de cette indemnité, s’il offre au preneur évincé un local correspondant à ses besoins et possibilités, situé à un emplacement équivalent. S’il est impératif, pour invoquer ces dispositions, que le bailleur soit le propriétaire des lieux, le texte ne déroge pas à la règle fondamentale, qui interdit de disposer de la chose d’autrui, et, en permettant au propriétaire de refuser le renouvellement du bail pour reconstruire l’immeuble, entend nécessairement que le propriétaire du terrain soit aussi le propriétaire des constructions élevées sur ce terrain . Le texte ne s’applique qu’aux travaux de construction ou reconstruction, à l’exclusion des travaux de réparation, d’entretien, de transformation ou d’aménagement. Il est nécessaire que la reconstruction soit totale, et non simplement partielle, ce qui implique une démolition de l’immeuble existant.

Le bailleur doit avoir, à la date du congé, l'intention de démolir l'immeuble pour le reconstruire . Tel n’est pas le cas lorsqu’il l’a vendu à une société de promoteurs . En revanche, les conditions d’application de l’article L. 145-18 sont réunies et la preuve de la mauvaise foi du bailleur n’est pas apportée lorsque l’immeuble loué au preneur doit être démoli pour permettre la construction d’ouvrages, prévus par une communauté d’agglomération, dans la perspective d’assurer le développement de la zone artisanale, notamment par la création d’un centre commercial, même si la conduite de l’opération est confiée à un promoteur immobilier, qui a obtenu les autorisations de construire, et au sein duquel le bailleur est associé-gérant .

Si, aux termes de l’article L. 145-18, alinéa 3, le bailleur peut se soustraire au paiement de l’indemnité d’éviction à la condition d’offrir au preneur évincé un local correspondant à ses besoins et possibilités, situé à un emplacement équivalent, encore faut-il, pour être satisfactoire, que cette offre comporte les éléments essentiels du fonds de commerce exploité par le preneur . Il en est ainsi lorsque, situés à proximité immédiate de son actuel magasin, ces locaux sont neufs et s’intègrent dans un ensemble d’autres commerces, en arc-de-cercle et apparemment avec élégance, sur le parking neuf du supermarché, et que, outre l’intérêt de leur modernité et de leur confort, ils présentent une superficie supérieure pour un même prix . Pour apprécier si le local de remplacement offert par le bailleur correspond ou non aux besoins et possibilités du preneur évincé, le juge doit se placer à la date du refus de renouvellement ou du congé, et non à celle de la sortie du preneur .

L’article L. 145-18, alinéa 4, prévoit une privation temporaire de jouissance et non une éviction temporaire du preneur, se référant ainsi au temps nécessaire au changement de locaux, prévu par l’alinéa 3, qu’il complète. Aussi, le propriétaire ne peut-il se soustraire au paiement de l’indemnité d’éviction que si, par l’acte du refus de renouvellement, il met un autre local existant à la disposition de son locataire. Tel n’est pas le cas s’il lui offre seulement un local qu’il se propose de construire et qui pourrait ne jamais être construit , ou lorsque le local proposé en remplacement n’existe pas au moment où le congé a été délivré, même si le bailleur a débuté la construction d’une nouvelle galerie marchande et a communiqué au preneur un plan des lieux et du local offert . Même en cas de relogement, le bailleur peut être tenu, le cas échéant, de verser au preneur “une indemnité compensatrice de sa privation temporaire de jouissance et de la moins-value de son fonds”, ce dernier étant en outre “remboursé de ses frais normaux de déménagement et d'emménagement” (art. L. 145-18, al. 4). La Cour de cassation estime que le preneur ne peut se voir privé des indemnités de réinstallation et de déménagement visées par ce texte au motif qu'il a refusé le local de remplacement offert par le bailleur dans la mesure où il avait chiffré les indemnités qu’il demandait si l'offre de réinstallation était reconnue satisfactoire . Cependant, s’il peut bénéficier des dispositions de l’alinéa 4, c’est à la condition d’occuper encore matériellement les lieux, et ce nonobstant toute décision judiciaire même passée en force de chose jugée .

Enfin, le bailleur, qui invoque les dispositions de l’article L. 145-18, doit, dans l'acte de refus de renouvellement ou dans le congé, viser les dispositions de son alinéa 3 et préciser les nouvelles conditions de location (art. L. 145-18, al. 4). Le preneur dispose alors d’un délai de trois mois pour, “soit faire connaître par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception son acceptation, soit saisir la juridiction compétente dans les conditions prévues à l'article L. 145-58”. Le silence du preneur vaut acceptation sauf si celui-ci a, avant l’offre d’un local équivalent, émanant du bailleur, saisi la juridiction d’une demande d’indemnité d’éviction .

Cass. com., 19 juin 1961, LawLex202300012142JBJ : en l’espèce, les constructions ne sont pas devenues la propriété du bailleur puisque le bail a écarté tout droit d’accession et qu’il ne prévoyait aucune option permettant, en fin de bail, soit de conserver les constructions, soit de les démolir.

Cass. 3e civ., 27 octobre 1993, LawLex202100003792JBJ, Bull. civ. III, n° 127 ; Gaz. Pal. 1994, 1, somm. 139, note BARBIER ; Loyers et copropr. 1994, comm. 294, obs. BRAULT et MUTELET ; Loyers et copropr. 1994, chron. 8.

Cass. com., 7 mars 1962, LawLex202300012145JBJ.

Cass. 3e civ., 9 décembre 1975, LawLex202300012143JBJ.

Cass. 3e civ., 12 juillet 1995, LawLex202200006415JBJ, Loyers et copropr. 1995, n° 527, qui casse l’arrêt d’appel qui retient, pour déclarer le congé valable, que l’article L. 145-18 du Code de commerce n’oblige pas le bailleur à justifier de la nécessité de reconstruire l'immeuble ou de produire un permis de construire à l'appui de cet acte, alors que ce dernier n’a eu aucune intention de reconstruire l’immeuble dès lors qu’il l’a vendu à une société de promoteurs.

Cass. 3e civ., 14 septembre 2010, LawLex202200002991JBJ, AJDI 2010, 803 ; RJDA 2011, n°118.

Paris, 31 janvier 2008, LawLex202300012144JBJ.

Cass. 3e civ., 7 décembre 1977, LawLex202200003168JBJ, Ann. loyers 1978, 640.

Cass. 3e civ., 6 janvier 1976, LawLex202200006579JBJ, Bull. civ. III, n° 2.

Cass. 3e civ., 14 janvier 2016, LawLex202200006417JBJ, D. 2016, 1613, obs. DUMONT-LEFRAND ; JCP G 2016, 123 ; JCP N 2016, act. 204 ; JCP E 2016, 1080 ; Rev. loyers 2016, 130, note CORNETTE ; Loyers et copropr. 2016, comm. 71.

Cass. 3e civ., 13 mars 2002, LawLex202200006416JBJ, Gaz. Pal. 2003, 1, jurispr. 458, note BARBIER ; Rev. loyers 2002, 353, obs. DE MAILLARD ; Loyers et copropr. 2002, comm. 207, obs. BRAULT.

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