Le Droit de la consommation, troisième tome du Traité de droit économique, expose, dans une perspective comparative, l’ensemble des règles européennes et françaises : publicité, pratiques commerciales déloyales, conditions de validité du contrat, clauses abusives, conformité des produits, vices cachés, sécurité des produits.

Droit de la consommation

Après avoir posé un principe général d'interdiction des pratiques commerciales déloyales, l'article 5 de la directive répute déloyales les pratiques commerciales qui, cumulativement , sont contraires aux exigences de la diligence professionnelle  et altèrent ou sont susceptibles d'altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen . Le texte vise spécifiquement les deux cas les plus courants de pratiques commerciales déloyales : les pratiques commerciales trompeuses au sens des articles 6 et 7 et les pratiques commerciales agressives au sens des articles 8 et 9. Enfin, l'article 5 renvoie à l'annexe I de la directive, qui dresse une liste des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances, c'est-à-dire sans qu'il y ait lieu d'apprécier leur caractère trompeur ou agressif au regard des critères posés aux articles 6 à 9.

La Commission a, dans ses orientations pour la mise en oeuvre de la directive , établi une grille d'analyse qui décrit les différentes étapes de l'appréciation du caractère déloyal d'une pratique commerciale. Le juge national doit d'abord vérifier si la pratique concernée figure dans la liste de l'annexe I. Si tel est le cas, elle est interdite per se, sans autre condition. Dans le cas contraire, le juge doit examiner si la pratique remplit les critères de qualification des pratiques trompeuses ou agressives posés par les articles 6 à 9 et si elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur. En application de ce principe, une pratique commerciale qui n'est pas visée par l'annexe I ne peut pas faire l'objet d'une interdiction générale : la législation nationale doit permettre au juge de vérifier in concreto si elle présente un caractère trompeur ou agressif. Ainsi, la Cour de justice a déclaré contraires à la directive l'interdiction générale :

- des ventes couplées prévue par les lois belge  et polonaise  ;

- de certaines formes de loteries édictée par la loi allemande  ;

- des ventes avec primes posée par la loi autrichienne  ; 

- des annonces de réduction de prix pendant les périodes précédant les soldes saisonniers  ou lorsque le prix annoncé ne constitue pas une réelle réduction par rapport au prix habituellement pratiqué pendant une période continue d'un mois précédant immédiatement la date de début de la promotion  édictées par la loi belge ; 

- des ventes en liquidation réalisées sans autorisation préalable prévue par la loi autrichienne  ; 

- de la revente à perte établie par les lois belge  et espagnole .

L'article 3, paragraphe 9, de la directive prévoit toutefois une exception en faveur des services financiers et des biens immobiliers pour lesquels les États membres sont libres d'imposer des exigences plus restrictives. Dès lors, la disposition belge qui prévoit une interdiction générale des offres conjointes dont l'un des éléments est un service financier, n'a pas été jugée contraire au droit de l'Union .

Enfin, si les critères des articles 6 à 9 ne sont pas remplis, le juge doit, pour qualifier la pratique de déloyale, s'assurer qu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur. La question s'est posée de savoir si lors de la confrontation de la pratique aux critères des articles 6 à 9, le juge devait aussi vérifier sa conformité aux exigences de la diligence professionnelle et l'éventuelle altération du comportement économique du consommateur. Selon la Commission, il n'y a pas lieu de procéder à cette vérification dès lors qu'il y a violation automatique des exigences de la diligence professionnelle en cas d'action ou d'omission trompeuse ou de pratique commerciale agressive . La Cour de justice a consacré cette interprétation qu'elle estime seule de nature à préserver l'effet utile des articles 6 à 9 . En revanche, la preuve de l'altération du comportement économique du consommateur s'impose dans toutes les hypothèses, puisque cette condition est expressément reprise aux articles 6, 7 et 8 .

Selon la Cour de justice, la vente d'un ordinateur équipé de logiciels préinstallés sans possibilité pour le consommateur de se procurer le même modèle sans les logiciels, ne constitue pas, en tant que telle, une pratique commerciale déloyale au sens de l'article 5, paragraphe 2, de la directive 2005-29, à moins qu'une telle pratique soit contraire aux exigences de la diligence professionnelle et altère ou soit susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen par rapport à ce produit . Pour apprécier si une telle vente conjointe est conforme aux exigences de la diligence professionnelle, le juge doit rechercher si les consommateurs ont reçu une information correcte, si l'offre répond aux attentes d'une part importante de ceux-ci et s'ils ont la faculté de l'accepter dans tous ses éléments ou d'obtenir la révocation de la vente  . La Cour estime que lorsque le consommateur a été dûment informé, avant de procéder à l'achat, que le modèle d'ordinateur vendu n'était pas commercialisé sans logiciels préinstallés et qu'il était, de ce fait, libre de choisir un modèle d'une autre marque aux caractéristiques techniques comparables sans logiciels ou associé à d'autres logiciels, son aptitude à prendre une décision commerciale en connaissance de cause n'est pas sensiblement compromise .

Avant les modifications apportées par la directive 2019-2161 du 27 novembre 2019 , la Cour de justice avait souligné que la directive se bornait à prévoir, à son article 5, paragraphe 1, que les pratiques commerciales déloyales étaient “interdites” et laissait aux États membres une marge d'appréciation quant au choix des mesures nationales destinées à lutter contre ces pratiques. Il en résulte que, contrairement à un contrat contenant une clause abusive, un contrat prévoyant des clauses contraires à l'interdiction générale des pratiques commerciales déloyales n'est pas nécessairement invalide . Cette solution pourrait être remise en cause par la directive de 2019, qui insère un article 11 bis au sein de la directive 2005-29 pour introduire un nouveau type de sanction : la réparation des dommages subis par le consommateur et, le cas échéant, une réduction du prix ou la fin du contrat. L’objectif est d’assurer l’élimination complète des effets de la pratique pour le consommateur. De plus, pour les infractions de “grande ampleur” au sens de la directive 2017-2394, la directive 2019-2161 instaure une amende correspondant à au moins 4 % du chiffre d'affaires annuel du professionnel dans le ou les États membres concernés, et, en cas d’absence d'informations disponibles sur son chiffre d'affaires annuel, une amende d'un montant maximal de 2 millions d'euro. Les États membres sont autorisés à introduire des sanctions encore plus lourdes.

CJUE, 9 novembre 2010, aff. C-540-08, LawLex201000001231JBJ, Légipresse 2010, 414, note ANDRIEU et SAUPHANOR-BROUILLAUD ; Europe 2011, n° 30, obs. IDOT ; Contrats Conc. Consom. 2011, n° 21, obs. RAYMOND ; RDC 2011, 397, note ROCHFELD et PÉRÈS ; RTD eur. 2011, 630, note AUBERT de VINCELLES.

L'article 2, h), définit la notion de diligence professionnelle comme "le niveau de compétence spécialisée et de soins dont le professionnel est raisonnablement censé faire preuve vis-à-vis du consommateur, conformément aux pratiques de marché honnêtes et/ou au principe général de bonne foi dans son domaine d'activité".

CJUE, 17 janvier 2013, aff. C-206-11, LawLex201300000047JBJ, Europe 2013, n° 143, obs. BOUVERESSE ; D. 2013, 947, note SAUPHANOR-BROUILLAUD ; JDE 2013, 149, note BOCHON ; RJ com. 2013, 150, note LELOUP ; Communic. com. électr. juillet/août 2013, Chron. 7, n° 13, obs. BOULET et FROSSARD.

CJUE, 7 mars 2013, aff. C-343-12, LawLex201300000451JBJ, JCP G, 2013, Act. n° 396, obs. BERLIN ; Communic. com. électr. juillet/août 2013, Chron. 7, n° 12, obs. BOULET et FROSSARD ; RJDA 7/2013, 539, note FOURGOUX ; Concurrences 2/2013, 95, obs. DANY ; RLDA 2013, n° 4632, note LECOURT.

CJUE, 19 octobre 2017, aff. C-295-16, LawLex201700001686JBJ, LD novembre 2017, 8, obs. BOUFFARD ; AJ Contrat 2017, 539, obs. FORTUNATO ; Contrats Conc. Consom. 2017, n° 260, obs. BERNHEIM-DESVAUX ; LEDICO, décembre 2017, 1, obs. CHONE-GRIMALDI ; Gaz. Pal. 3 avril 2018, 22, obs. PIEDELIEVRE ; D. 2018, 586, obs. POILLOT ; D. 2018, 868, obs. FERRIER.

CJUE, 18 juillet 2013, aff. C-265-12, LawLex201300001165JBJ, RLDA 2013, n° 4786, obs. COMBET ; Europe 2013, n° 403, obs. GAZIN ;JDE 2013, 351, obs. LONGFILS ; D. 2014, 1299, obs. SAUPHANOR-BROUILLAUD.

CJUE, 19 septembre 2013, aff. C-435-11, LawLex201300001333JBJ, Europe 2013, n° 483, obs. MEISTER ; D. 2013, 2835, obs. JAKOULOFF ; JCP E, 2013, n° 1675, obs. MIORACCHINI-ZEIDENBERG ; RLDA 2013, n° 4869, obs. NICOD ; D. 2014, 1299, obs. SAUPHANOR-BROUILLAUD ; RJDA 2013, n° 1055. 

CJUE, 19 décembre 2013, aff. C-281-12, LawLex201300001864JBJ, Europe 2014, n° 100, obs. MEISTER, RDC 2014, 452, obs. OLLARD, au point 30 : "Dès lors que les pratiques commerciales trompeuses visées à l'article 6 de la directive 2005-29 constituent une catégorie spécifique des pratiques commerciales déloyales visées à l'article 5, paragraphe 2, de ladite directive, elles doivent nécessairement réunir l'ensemble des éléments constitutifs d'un tel caractère déloyal et, par conséquent, l'élément relatif à l'aptitude de la pratique à altérer substantiellement le comportement économique du consommateur, en l'amenant à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement".

CJUE, 7 septembre 2016, LawLex201600001380JBJ, JCP E 2016, 1538, obs. BAZIN ; LPA 10 octobre 2016, 6, obs. LEGRAND ; Communic. comm. électr. 2016, n° 81, obs. LOISEAU ; Contrats Conc. Consom. 2016, n° 243, obs. BERNHEIM-DESVAUX ; JCP E 2016, 2087 et RDC 2017, 52, obs. HUET ; Communic. Com. électr. octobre 2016, études, 9 et Gaz. Pal., 13 décembre 2016, 27, obs. PIEDELIEVRE ; Europe 2016, n° 423, obs. BOUVERESSE ; AJ Contrat 2016, 484, obs. AUBRY ; RLDA 2016, n° 6067, obs. TITONE et DARY ; RJDA 2017, n° 49.

CJUE, 7 septembre 2016, LawLex201600001380JBJ, préc.

L'article 2, e), définit l'altération substantielle du comportement économique des consommateurs comme "l'utilisation d'une pratique commerciale compromettant sensiblement l'aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l'amenant par conséquent à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement". La notion de décision commerciale est quant à elle définie, à l'article 2, k), comme "toute décision prise par un consommateur concernant l'opportunité, les modalités et les conditions relatives au fait d'acheter, de faire un paiement intégral ou partiel pour un produit, de conserver ou de se défaire d'un produit ou d'exercer un droit contractuel en rapport avec le produit; une telle décision peut amener le consommateur, soit à agir, soit à s'abstenir d'agir".

Dir. 2019-2161 du 27 novembre 2019, relative à la modernisation des règles de l’Union en matière de protection des consommateurs, JOUE 18 décembre 2019.

CJUE, 19 septembre 2018, Bankia SA c. Marí Merino et Pérez Gavilán, aff. C-109-17, LawLex201800001340JBJ, Europe 2018, 441, obs. MICHEL ; Gaz. Pal. 11 décembre 2018, 34, obs. PIEDELIEVRE ; D. 2019, 610 et 616, obs. POILLOT ; Contrats Conc. Consom. mai 2019, Chron. 3, obs. AUBERT de VINCELLES.

Orientations du 25 mai 2016 pour la mise en œuvre et l'application de la directive 2005-29-CE sur les pratiques commerciales déloyales, SWD(2016) 163 final, mettant à jour et remplaçant les Orientations du 3 décembre 2009, SEC(2009) 1666, pt 3.1.

CJCE, 23 avril 2009, aff. C-261-07, LawLex200900001482JBJ, Gaz. Pal. 18/19 novembre 2009, 30, obs. GREFFE ; Contrats Conc. Consom. juillet 2009, étude 8, par WILHELM et FERCHICHE ; RLDA 2009, n° 2418, note GRALL et CAMILLERI ; RTD com. 2009, 607, obs. BOULOC ; Europe 2009, n° 251, obs. MICHEL ; RDC 2009, 1458, note AUBERT de VINCELLES.

CJUE, 11 mars 2010, aff. C-522-08, LawLex201000000290JBJ, Europe 2010, n° 182, obs. IDOT ; Communic. com. électr. 2010, n° 63, obs. CHAGNY ; RTD eur. 2010, 715, obs. AUBERT de VINCELLES.

CJUE, 14 janvier 2010, aff. C-304-08, LawLex201000000014JBJ, Europe 2010, n° 120, obs. MEISTER ; Contrats Conc. Consom. 2010, n° 84, obs. RAYMOND ; JDE, 2010, n° 167, 77, obs. LONGFILS ; RLDA 2010/48, n° 2826, obs. GRALL et CAMILLERI ; RTD eur. 2010, 715, obs. AUBERT de VINCELLES ; Légipresse mars 2010, 43, note SAUPHANOR-BROUILLAUD et ANDRIEU.

CJUE, 9 novembre 2010, LawLex201000001231JBJ, préc.

CJUE, 30 juin 2011, aff. C-288-10, LawLex201100001259JBJ ; 15 décembre 2011, aff. C-126-11, LawLex201200002171JBJ.

CJUE, 10 juillet 2014, aff. C-421-12, LawLex201400002214JBJ, LPA 24 septembre 2014, 6, obs. PECNARD ET DUPERRAY ; Europe 2014, n° 412, obs. MEISTER ; JDE 2014, 380, obs. JACQUEMIN ; D. 2015, 589, obs. POILLOT ; Contrats Conc. Consom. avril 2015, étude, 8, par AUBERT de VINCELLES ; Dr. pén. mai 2015, Chron. 5, obs. BAZIN ; Concurrences 4/2014, 159, obs. FOURGOUX ; RJDA 2014, n° 805.

115. Régime juridique de la directive