Le Droit de la consommation, troisième tome du Traité de droit économique, expose, dans une perspective comparative, l’ensemble des règles européennes et françaises : publicité, pratiques commerciales déloyales, conditions de validité du contrat, clauses abusives, conformité des produits, vices cachés, sécurité des produits.

Droit de la consommation

La loi de 1963 disposait que les agents verbalisateurs pouvaient se faire communiquer par les annonceurs tous documents afin d'étayer leur enquête. La loi de 1973 a encore renforcé les pouvoirs de l'Administration en l'autorisant à exiger de l'annonceur qu'il mette à sa disposition tous éléments propres à justifier les allégations, indications ou présentations publicitaires. Le texte, devenu l'art …

Preuve de l'infraction

SAINT-ESTEBEN et BRETZNER, La charge de la preuve en matière de publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur, D. 2006, 1610.

La loi de 1963 disposait que les agents verbalisateurs pouvaient se faire communiquer par les annonceurs tous documents afin d'étayer leur enquête. La loi de 1973 a encore renforcé les pouvoirs de l'Administration en l'autorisant à exiger de l'annonceur qu'il mette à sa disposition tous éléments propres à justifier les allégations, indications ou présentations publicitaires. Le texte, devenu l'article L. 121-2 du Code de la consommation, a été modifié par la loi du 3 janvier 2008 qui a transposé la directive 2005-29 du 11 mai 2005. Recodifié par l'ordonnance du 14 mars 2016 à l'article L. 512-15, il dispose désormais que les agents “peuvent exiger du responsable de la pratique la mise à leur disposition ou la communication de tous les éléments propres à justifier les allégations, indications ou présentations”. 

Quelle est la portée exacte de cette disposition ? Selon une partie de la doctrine, la loi a réalisé un renversement de la charge de la preuve en imposant à l'annonceur de justifier du contenu du message , dès lors qu'en droit pénal, il appartient en principe à la partie poursuivante de prouver les éléments constitutifs du délit. A cela s'ajoute que le refus de déférer aux demandes de pièces des agents de l'Administration constitue l'infraction spécifique de refus de communication sanctionnée par les articles L. 132-6 et L. 132-7 du Code de la consommation . Aussi, la Chambre criminelle a-t-elle posé le principe que le prévenu ne peut être condamné du chef de pratique trompeuse que si la partie poursuivante réussit à démontrer que l'infraction est constituée . Toutefois, une divergence d'interprétation s'est fait jour entre la Chambre criminelle et la Chambre commerciale de la Cour de cassation. Pour celle-ci, il revient à l'annonceur de prouver la véracité du message publicitaire  car les principes de la procédure pénale s'opposent à ce que l'on impose au prévenu de prouver l'existence des éléments constitutifs de l'infraction. En revanche, en matière civile, lorsqu'un concurrent intente une action en concurrence déloyale contre un annonceur, il doit établir la faute  et l'annonceur peut, pour sa défense, prouver l'exactitude des mentions contenues dans son message publicitaire . Ainsi, dans une affaire où, sur le fondement de la concurrence déloyale, il était reproché à une publicité d'alléguer la supériorité du fluor contenu dans une pâte dentaire par rapport à un autre type de fluor contenu dans le produit concurrent, la Cour d'appel de Paris a estimé qu'il appartenait au demandeur, en application du droit commun de la preuve, d'établir que le message publicitaire était trompeur, tout en précisant que cette règle de preuve ne privait pas l'annonceur de la faculté de justifier ses affirmations. La Chambre commerciale a approuvé l'arrêt dès lors que le demandeur avait apporté la preuve de l'existence d'un débat virulent au sein de la communauté scientifique sur cette question alors que l'auteur du message n'apportait aucun élément probant à l'appui de cette thèse . Plus récemment, elle a réitéré cette position : si la directive 2005-29 du 11 mai 2005 prévoit qu'il appartient au juge national de vérifier si une information fausse doit être qualifiée de pratique commerciale trompeuse, elle ne lui impose pas pour autant d'ordonner une mesure d'instruction ni ne dispense les parties de prouver les faits nécessaires au succès de leur prétention . Une entreprise dispose néanmoins d'un intérêt légitime à demander une expertise in futurum dans la perspective de l'exercice d'une action pour pratique commerciale trompeuse, lorsqu'à la suite de la diffusion d'une publicité télévisée par une enseigne concurrente, elle constate que les stocks de produits concernés sont très rapidement épuisés en magasins . Le demandeur peut également produire des rapports d'expertise, mais à condition que ceux-ci respectent les règles de l'art s'agissant des produits en cause et ne délaissent pas des facteurs déterminants susceptibles d'influer sur les conclusions de l'étude . Bien que la Chambre criminelle ait ultérieurement réaffirmé sa position , la solution ne semble pas aussi fermement établie que l'on pourrait le penser. Certains juges correctionnels continuent d'exiger que l'annonceur justifie ses allégations . Leurs décisions sont parfois même approuvées par la Haute juridiction, sans que celle-ci réponde clairement à l'argument des prévenus invoquant un renversement de la charge de la preuve . Dans les affaires où l'application de l'article L. 121-2 a été combinée avec les dispositions de l'ancien arrêté du 2 septembre 1977 relatif aux annonces de réduction de prix , il a été jugé que l'annonceur qui ne démontre pas la pratique effective du prix de référence allégué ou du prix conseillé engage sa responsabilité, puisqu'en vertu de l'arrêté, la charge de la preuve lui incombe .

En application de l'article L. 512-16 du Code de la consommation, pour le contrôle de la vente de biens et de la fourniture de services sur internet, les agents habilités sont autorisés à faire usage d'une identité d'emprunt. Conformément à ces dispositions, la Haute juridiction a énoncé que le recours par les enquêteurs à la méthode du client mystère n'est pas  déloyal, dès lors que ce procédé est utilisé sans provoquer l'infraction, et sans contournement ni détournement de procédure de nature à vicier la recherche de la preuve en portant atteinte à l'un des droits essentiels ou à l'une des garanties fondamentales de la personne  poursuivie .

Enfin, l'article L. 121-4, dans sa dernière version, qui dresse une liste de vingt-huit pratiques réputées trompeuses quelles que soient les circonstances, conduit lui aussi à renverser la charge de la preuve. Le texte condamne en effet une série de comportements ou de clauses qui sont a priori qualifiées de trompeuses, sans qu'il soit nécessaire de procéder à une appréciation sur le fondement des critères posés par les articles L. 121-2 et L. 121-3. Pour ces pratiques, la partie poursuivante est dispensée d'apporter la preuve de leur caractère trompeur. 

CALAIS-AULOY et TEMPLE, Droit de la consommation, Dalloz, 9e éd., 2015, 100.

Pour une application, V. Cass. crim., 29 janvier 2019, LawLex201900000169JBJ, Dr. pén. 2019, n° 51, obs. ROBERT ; LD mars 2019, 9, obs. VERTUT ; D. 2020, 626, obs. AUBRY.

Cass. crim., 18 mars 2008, LawLex200800000527JBJ.

V. not. Paris, 4 mars 1996, LawLex200300002165JBJ ; TGI Paris, 23 avril 1997, LawLex200300002233JBJ, Gaz. Pal. 17/19 mai 1998, 29, obs. GRELIER-LENAIN ; Paris, 8 octobre 1997, LawLex200300003281JBJ ; Paris, 5 décembre 1997, LawLex200300002189JBJ ; Grenoble, 22 juillet 1998, LawLex200300001978JBJ.

V. not. Cass. crim., 4 mai 1999, LawLex200300003400JBJ ; 17 mai 2011, LawLex201200001082JBJ ; 21 janvier 2014, LawLex201400000171JBJ.

Cass. crim., 6 février 2001, LawLex200300003254JBJ ; 20 mars 2001, LawLex200300004461JBJ.

Cass. crim., 27 juillet 2023, LawLex202300011307JBJ, RJDA 2023, n° 620.

Cass. crim., 28 octobre 1992, LawLex200300003861JBJ, RTD com. 1993, 729, obs. BOUZAT ; RJDA 1993, n° 354, approuvant Douai, 7 février 1990, LawLex200300001595JBJ.

Cass. com., 18 mai 1993, LawLex200200001642JBJ, D. 1994, Somm., 172, obs. GAVALDA et LUCAS de LEYSSAC ; Contrats Conc. Consom. 1993, n° 168, obs. RAYMOND ; JCP G, 1994, II, 22243, obs. DEKEUWER ; RJDA 1993, n° 760.

V. Colmar, 19 février 2014, LawLex201400001568JBJ : celui qui se prévaut du caractère trompeur d'une publicité dans le cadre d'une action en concurrence déloyale doit apporter la preuve de l'inexactitude des allégations de l'annonceur.

V. Versailles, 17 mai 2016, LawLex201600001005JBJ.

Cass. com., 25 avril 2001, LawLex200200000479JBJ, Contrats Conc. Consom. 2001, n° 147, obs. RAYMOND, approuvant Paris, 14 janvier 1998, LawLex200200000486JBJ et, dans la même affaire : T. com. Paris, 21 juin 1994, LawLex200200000481JBJ ; Paris, 10 novembre 1995, LawLex200200000487JBJ, approuvé par Cass. com., 24 février 1998, LawLex200200000485JBJ : il n'y a pas lieu d'ordonner la cessation du trouble prétendument causé par la diffusion d'une publicité lorsque l'annonceur a apporté des éléments de nature à établir la véracité de ses allégations.

Cass. com., 6 décembre 2016, LawLex201600002032JBJ.

Paris, 12 janvier 2018, LawLex201800000111JBJ.

Versailles, 10 janvier 2017, LawLex201700000110JBJ.

Droit de la consommation

179. Preuve de l'infraction(1)

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