Le Droit de la consommation, troisième tome du Traité de droit économique, expose, dans une perspective comparative, l’ensemble des règles européennes et françaises : publicité, pratiques commerciales déloyales, conditions de validité du contrat, clauses abusives, conformité des produits, vices cachés, sécurité des produits.

Droit de la consommation

En principe, seule une erreur excusable, dont l'appréciation incombe aux juges du fond , justifie l'annulation du contrat. Le nouvel article 1132 du Code civil, qui reconnaît l'erreur de droit ou de fait portant sur les qualités essentielles de la prestation ou du cocontractant tout en précisant que seule l'erreur inexcusable est exclusive de la nullité du contrat, consacre ce principe. En pratique, l'erreur inexcusable ou grossière a vocation à sanctionner la conduite fautive de l'errans (tenu en principe d'une obligation de se renseigner sur la chose vendue et d'en tirer les conséquences) et corollairement à préserver le cocontractant de bonne foi des conséquences injustes d'une annulation. Autrement dit, l'errans négligent ne peut s'en prendre qu'à lui-même . Ainsi, l'acheteur d'une voiture dont le certificat de contrôle technique, remis au moment de son achat, mentionne “ frappe à froid sur le châssis : contrôle impossible ”, ne peut invoquer ultérieurement une erreur sur la situation administrative de son véhicule . De même, l'erreur de l'acheteur sur le kilométrage réel du véhicule n'est pas excusable, lorsque, à deux reprises, préalablement à la vente, il a été mis en mesure de se rendre compte que le compteur affichait des miles et non des kilomètres . 

En vertu de l'adage “l'aléa chasse la lésion”, l'acceptation, au moment de la formation du contrat, d'un aléa sur une qualité essentielle de la chose vendue exclut toute allégation ultérieure d'une erreur, même en cas de dissipation de l'incertitude commune. Ainsi, lorsqu'un aléa sur l'authenticité de l'oeuvre a été accepté de part et d'autre et est entré dans le champ contractuel, aucune des deux parties - y compris le vendeur et ses ayants-cause - ne peut alléguer l'erreur en cas d'authentification certaine . L'acquéreur d'un cheval destiné à faire des concours de sauts d'obstacles, qualité entrée dans le champ contractuel, ne peut pas non plus se prévaloir d'une erreur excusable sur la substance du cheval, devenu inapte à la pratique sportive, dès lors qu'il n'ignorait pas, au moment de l'achat, le risque, même mineur, de boiterie, mis en évidence par le vétérinaire dans son rapport, et qu'il a par conséquent accepté un aléa sur l'état de santé de l'animal . De même, la personne qui achète un bien pour y faire des travaux soumis à l'obtention d'un permis de construire, sans conditionner la réitération  de la vente à l'obtention d'un tel permis, nonobstant cet aléa d'autant plus fort que le bien se trouve dans une zone de plan de prévention des risques naturels d'inondation, qui était annexé au compromis de vente, a accepté de prendre le risque de devenir propriétaire d'un bien qu'elle  ne pouvait transformer en logement, lequel exclut l'erreur relative à cette qualité . Bref, le doute entré dans le champ contractuel rend inexcusable toute méprise de l'errans. Cette solution est reprise à l'article 1133, in fine, du Code civil qui précise que “l'acceptation d'un aléa sur une qualité de la prestation exclut l'erreur relative à cette qualité”.

Le caractère excusable est apprécié in concreto par les juges compte tenu des capacités de l'errans , qui, au moment de contracter, doit avoir fait preuve d'un minimum de diligence. La Cour d'appel de Paris qualifie ainsi l'erreur de l'acheteur sur l'état du matériel fourni (qu'il croyait neuf) de grossière et d'inexcusable au regard de la clarté des documents contractuels, relatifs à son caractère reconditionné, qu'il a signés . L'acquéreur qui, parmi les factures d'un montant peu élevé transmises par le vendeur au moment de la vente, ne détecte pas la seule qui concerne le remplacement de certaines pièces du moteur, d'un montant de 2396,90 euro, de nature à attirer son attention sur l'usure réel du moteur, ne peut pas non plus prétendre avoir commis une erreur excusable sur l'état du moteur du véhicule acheté . 

Le manquement du vendeur professionnel à son obligation de renseignement peut être à l'origine d'une erreur sur les qualités essentielles de l'acheteur et la rendre excusable . En particulier, l'acheteur qui s'est procuré du matériel médical finalement considéré comme hors du commerce en l'absence de certification, a commis une erreur de droit essentielle et excusable justifiant la nullité du contrat, dès lors que la plaquette de présentation de l'appareil mentionne “Conformité CE” et qu'en l'absence d'élément lui permettant de douter de la pertinence de cette information, il n'avait pas à en vérifier l'exactitude . De même, l'acquéreur non professionnel d'un appartement de 13,49 mètres carrés, loué à un tiers, qui, à la suite de la visite du service communal d'hygiène et de santé, s'est avéré être d'une superficie inférieure à 9 mètres carrés, ce qui en application d'un règlement sanitaire départemental exclut toute possibilité de le mettre en location, a commis une erreur excusable sur l'habitabilité du logement, dès lors que le fait de se porter acquéreur implique de disposer de la pleine propriété du bien qui comprend la possibilité de le mettre en location, qualité essentielle de la chose vendue entrée dans le champ contractuel et déterminante du consentement de ce dernier, et qu'enfin, sont applicables les dispositions du règlement litigieux, certes antérieures et plus rigoureuses que celles du décret du 30 janvier 2002 sur les caractéristiques des logements décents, mais pas incompatibles avec celui-ci, dans la mesure où il ne les abroge pas .

Les juges du fond excusent généralement plus facilement l'erreur de l'acheteur profane , surtout lorsqu'il contracte avec un vendeur professionnel . L'erreur excusable de l'acheteur professionnel est cependant admise, mais seulement lorsque les circonstances le justifient . Ainsi, selon la Cour de cassation, le caractère inexcusable de l'erreur de l'acheteur ne peut résulter de son expertise en matière d'oeuvres d'art, dès lors que celui-ci n'était jamais intervenu au titre de la certification de la toile litigieuse . Dans une affaire où une vente d'engins agricoles entre professionnels a été annulée à la suite de l'erreur de l'acheteur sur la compatibilité du matériel acquis, la Haute juridiction a précisé qu'il incombe au vendeur d'apporter à son client, fût-il acheteur professionnel, l'information préalable essentielle sur l'absence de compatibilité des deux matériels acquis, lorsque ce renseignement porte sur un élément déterminant de la chose vendue . 

Enfin, les juges prennent aussi en considération l'incidence d'informations certifiées ou émanant de professionnels avertis , tiers à la vente, de nature à tromper l'errans qui, de ce fait, s'est dispensé de se renseigner . Selon la Haute juridiction, lorsque l'erreur est provoquée par le dol d'un tiers à la convention, elle ne peut entraîner la nullité du contrat que si elle porte sur une qualité essentielle de la prestation . 

Grenoble, 10 septembre 2013, LawLex201400000381JBJ ; Lyon, 23 octobre 2012, LawLex201400000501JBJ.

Montpellier, 10 mai 2012, LawLex201300000506JBJ : l'acheteur qui connait parfaitement le cheval vendu pour l'avoir entretenu et monté antérieurement à la vente alors qu'il était un employé du vendeur, n'est pas fondé à invoquer une erreur sur la race de l'animal, à plus forte raison lorsqu'il a été en possession du document d'accompagnement pour les rappels annuels des vaccins du cheval ; Douai, 10 octobre 2019, LawLex201900001239JBJ :  l'acheteur professionnel qui, après avoir fait l'acquisition de bouteilles de vins anciennes à une vente aux enchères publiques à la seule vue du descriptif du catalogue, soutient que l'aspect extérieur de celles-ci ne correspond pas à ce qu'il en attendait, se prévaut d'une erreur sur la substance qui doit être qualifiée d'inexcusable, dès lors que s'il s'était rendu à l'exposition préalable à la vente, il aurait pu se faire sa propre opinion sur les caractéristiques essentielles des bouteilles et leur état général, qu'en tant que négociant en vins et spiritueux, il ne peut ignorer l'absence de critère normatif quantitatif concernant le niveau de vin et la nécessaire part de subjectivité que revêt l'appréciation qualitative de l'aspect extérieur de bouteilles aussi anciennes et qu'enfin, il avait été avisé par les conditions générales de vente du fait que les indications du catalogue restaient soumises à son appréciation personnelle.

Metz, 15 décembre 2011, LawLex201200000750JBJ.

Paris, 25 janvier 2013, LawLex201300000503JBJ. La solution s'explique car l'erreur de l'acheteur a été provoquée par un présentation trompeuse, mais en vertu de l'adage “nul n'est censé ignorer la loi”, l'erreur de droit n'est, en principe, pas une cause de nullité de la convention, sauf à porter sur une qualité substantielle de la chose. 

 Cass. 3e civ., 3 mai 2018, LawLex201800001374JBJ, Contrats Conc. Consomm. 2018, n° 140, obs. LEVENEUR

V. Paris, 1er février 2007, LawLex200700000638JBJ, mettant en avant la qualité de non-professionnel de l'acheteur pour excuser son erreur quant à l'appréciation de l'emplacement de parking acheté, en réalité trop étroit pour garer son véhicule.

Besançon, 11 avril 2006, LawLex200700000643JBJ, à propos d'une erreur jugée excusable sur l'ancienneté d'un meuble commise par des acheteurs profanes ayant contracté avec une professionnelle renommée.

 Colmar, 27 avril 2010, LawLex201200000748JBJ, retenant que l'acheteur professionnel a commis une erreur inexcusable sur les caractéristiques techniques du chariot élévateur acquis dès lors qu'utilisant régulièrement ce type d'engin dans le cadre de son activité professionnelle, il avait toute compétence pour apprécier si le débattement du bras élévateur était compatible avec la configuration de son entrepôt ; Reims, 20 mars 2018, LawLex201800000472JBJ, estimant que l'acheteur professionnel qui croyait acheter une tempéreuse, dotée d'une fonction refroidissement, indispensable pour travailler le chocolat, alors qu'il a acheté en réalité une trempeuse, dépourvue de cette fonction, commet un erreur excusable dès lors que figurait sur l'appareil le mot températice, que l'annonce était intitulée “ tempéreuse à chocolat ” et non “ trempeuse à chocolat ” ou “ fontaine à chocolat ”, que les photos qui figuraient sur l'annonce ne faisaient pas clairement apparaître que le tableau de commandes était dépourvu de touche “ froid ” et qu'aucune explication ne permettait de suspecter l'absence de la fonction refroidissement, même si elle n'était pas évoquée explicitement.

Cass. civ. 1re, 14 décembre 2004, LawLex200500005875JBJ, JCP G, 2005, I, 141, obs. SÉRINET ; RTD civ. 2005, 123, obs. MESTRE et FAGÈS, aff. Claudel ; V. dans le même sens, Versailles, 23 janvier 2007, LawLex200700000636JBJ (cour d'appel de renvoi) ayant estimé que si l'acheteur était spécialisé en bronzes, bois sculptés et polychromes, il n'avait aucune expertise particulière en matière de peinture ; Paris, 19 octobre 2021, LawLex202100006013JBJ, estimant qu'une société de courtage en œuvres d’art qui a acquis deux dessins accompagnés de leurs certificats d’authenticité est fondée à demander l’annulation de la vente pour erreur sur les qualités essentielles, indépendamment de sa qualité de professionnelle, de l'appréciation de la faute du commissaire-priseur/vendeur et sans qu'il soit besoin de démontrer le défaut d'authenticité des œuvres, lorsque des écrits émanant des fondations des auteurs concernés contestent la validité des certificats en cause, faisant ainsi naître un doute sérieux sur l'authenticité des oeuvres qu'ils garantissent. 

Cass. com., 13 mars 2012, LawLex201200000977JBJ, Contrats Conc. Consom. 2012, n° 148 ; JCP G, 2012, n° 18, 561, obs. SERINET, à propos de l'achat de deux engin agricoles qui se sont avérés incompatibles.

Ces derniers engagent leur responsabilité délictuelle.

Paris, 22 août 2024, LawLex202400005780JBJ : l’acheteur profane qui a acquis les dessins litigieux, en étant convaincu que tout aléa quant à leur auteur était exclu et qu'il s'agissait d'oeuvres authentiques au regard des garanties apportées par le vendeur professionnel et des certificats d'authenticité accompagnant ces oeuvres, et à qui aucune erreur inexcusable ne peut être reprochée, est fondé à obtenir la nullité pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue des cinq ventes intervenues, dès lors qu'il existe un doute sur l'authenticité des dessins litigieux à la suite des déclarations de deux experts ayant désigné les œuvres comme des faux.

Lyon, 18 mai 2004, LawLex201400000571JBJ.

Cass. civ. 1re, 3 juillet 1996, LawLex200700000921JBJ, D. 1996, 323, obs. DELEBECQUE ; RTD civ. 1996, 895, obs. MESTRE.

Lyon, 23 octobre 2012, LawLex201400000501JBJ.

V. Cass. civ. 1re, 24 mars 1987, affaire Fragonard, LawLex201400000572JBJ, D. 1987, 489, obs. AUBERT ; JCP G, 1989, II, 21300, obs. VIEVILLE-MIRAVETE ; RTD civ. 1987, 743, obs. MESTRE.

Douai, 4 février 2013, LawLex201300000556JBJ.

Orléans, 7 novembre 2023, LawLex202300013603JBJ.

Cass. civ. 3e, 21 juin 1995, LawLex200500006056JBJ, Contrats Conc. Consom. 1995, 197, obs. LEVENEUR, excluant toute erreur fautive de l'acheteur, informé de l'existence d'une décharge publique sur la parcelle acquise, devenue inconstructible, dès lors qu'il n'était pas en mesure de connaître les anomalies contenues dans les profondeurs du terrain et leurs conséquences quant à sa constructibilité.

V. Paris, 19 décembre 2012, LawLex201300000505JBJ.

Grenoble, 10 septembre 2013, LawLex201400000381JBJ.

Erreur inexcusable.

GHESTIN, La réticence dolosive rend toujours excusable l'erreur provoquée", JCP G, 2011, 703 ; GHESTIN, La réticence dolosive rend toujours excusable l'erreur provoquée. Une règle de nature à induire en erreur ?, JCP G, 2012, 812 ; MOULY, La réticence dolosive suppose, mais ne rend pas excusable l'erreur de l'autre partie, JCP G, 2012, 981. 

362. Erreur inexcusable.