Le Droit de la consommation, troisième tome du Traité de droit économique, expose, dans une perspective comparative, l’ensemble des règles européennes et françaises : publicité, pratiques commerciales déloyales, conditions de validité du contrat, clauses abusives, conformité des produits, vices cachés, sécurité des produits.

Droit de la consommation

Le dol, en tant qu'erreur provoquée, a longtemps suivi le même régime que l'erreur qui ne justifie la nullité du contrat de vente qu'à condition d'être excusable. En pratique, celui qui néglige d'effectuer les vérifications élémentaires  ou qui méconnaît son obligation de se renseigner ne peut légitimement invoquer le dol, les juges étant particulièrement intransigeants avec la victime professionn …

Erreur excusable

Le dol, en tant qu'erreur provoquée, a longtemps suivi le même régime que l'erreur qui ne justifie la nullité du contrat de vente qu'à condition d'être excusable. En pratique, celui qui néglige d'effectuer les vérifications élémentaires  ou qui méconnaît son obligation de se renseigner ne peut légitimement invoquer le dol, les juges étant particulièrement intransigeants avec la victime professionnelle . Ce courant jurisprudentiel qui tendait à améliorer la sécurité juridique, considérait qu'on ne pouvait se tromper à propos de ce qui est évident et imposait, par conséquent, à chacun des cocontractants de veiller à ses propres intérêts. La solution était applicable, quelles que soient les manoeuvres dolosives employées, y compris en cas de silence. Ainsi, selon la Cour de cassation, l'erreur de l'acheteur sur le type du véhicule, objet de la vente, revêt un caractère inexcusable lorsqu'il a lui-même, en tant que professionnel de l'automobile, procédé à l'expertise visant à en déterminer le prix .

En application de cette jurisprudence, la Cour d'appel de Paris avait considéré que l'ignorance de la victime n'était ni admissible, ni même concevable, lorsque, dans le cadre d'une acquisition à titre professionnel, celle-ci avait non seulement une obligation particulière de se renseigner, mais aussi que des vérifications élémentaires auprès des cédants ou des services administratifs lui auraient facilement et aussitôt révélé l'exacte situation administrative de l'immeuble vendu . Censurant cette décision, la Haute juridiction a, en 2001, opéré un revirement : elle a estimé que l'obligation de se renseigner de l'acheteur professionnel n'excluait pas le dol par réticence, dont l'existence rend toujours excusable l'erreur provoquée . En d'autres termes, l'erreur grossière, même émanant d'un cocontractant professionnel, ne contrebalance pas le dol par réticence. Cette solution revêt une importance particulière puisqu'elle met fin à l'exigence du caractère excusable de l'erreur dans le cadre de la réticence dolosive et du dol en général. En effet, si en cas de silence dolosif, l'erreur inexcusable est indifférente, il en va de même a fortiori en présence de manoeuvres plus explicites, telles que le mensonge, l'artifice ou la tromperie. La Cour de cassation fait ainsi primer la bonne foi sur la sécurité juridique et l'effet obligatoire des conventions, au risque de nuire à l'équilibre des contrats en incitant à une intervention judiciaire grandissante. 

Cette jurisprudence s'inscrit également dans une tendance plus générale qui tend à protéger la partie présumée la plus faible, en l'occurrence, l'acheteur. A une cour d'appel qui avait considéré que la prétendue victime d'un dol n'est pas fondée à demander l'annulation du contrat, lorsque sa décision d'acquérir des statuettes a été motivée par l'intention frauduleuse de les revendre à un tiers à un prix bien supérieur à leur valeur, dès lors que nul ne peut invoquer sa propre turpitude , la Cour de cassation a rappelé que le principe nemo auditur ne s'applique pas en matière délictuelle et que l'acheteur victime des manoeuvres dolosives du vendeur, est fondé à demander l'annulation du contrat, même s'il a lui-même agi dans le but de réaliser un profit substantiel non justifié . 

Depuis lors, les juges ont, à maintes reprises, refusé de prendre en considération le caractère inexcusable de l'erreur de la victime du dol. Ainsi, l'acheteur victime de la réticence dolosive du vendeur qui lui a caché que l'immeuble acquis avait été infesté par des termites et traité à deux reprises, est fondé à demander l'annulation de la vente dès lors que la présence de trous d'injections en partie dissimulés par le mobilier resté en place n'était pas de nature, en sa qualité de profane, à le renseigner sur l'existence des traitements antérieurs . L'ignorance des locataires quant à l'insalubrité du logement loué est excusable dès lors que la visite des locaux effectuée au mois de juin ne pouvait manifestement pas leur permettre de se rendre compte de l'efficacité du chauffage et de l'isolation, et que le bailleur leur a dissimulé les difficultés tenant à la ventilation et au système d'assainissement . Il ne peut sérieusement être reproché à un simple amateur même éclairé, de ne pas avoir comparé les éléments apparents d'identification du véhicule et les affirmations du vendeur portées sur l'annonce publicitaire et la facture à des éléments secondaires non apparents tels que le numéro de série, la date de création du type du véhicule, les sensations ressenties lors de deux essais sur route, le prix, voire la mention “Clio” et non pas “Clio Williams” ou la puissance fiscale de 9 CV au lieu de 10, portés sur la carte grise . Cependant, parfois l'erreur vraiment trop grossière continue d'être qualifiée par les juges d'erreur inexcusable. Ainsi, la Cour d'appel de Paris a récemment retenu que même s'il était indiqué sur Internet que le véhicule en cause était de première main et qu'il n'aurait parcouru que 105 600 km, les acheteurs ne pouvaient sérieusement prétendre avoir été trompés sur son état exact, dès lors qu'ils avaient eu accès aux documents administratifs permettant de constater l'existence de nombreux vendeurs successifs et avaient accepté un kilométrage non garanti . La plaignante, qui a acquis un véhicule par enchères sur internet sur la foi de trois photographies publicitaires communiquées par le vendeur,  n’est pas non plus fondée à invoquer le dol de ce dernier dans la présentation de ces publicités, lorsque la mauvaise qualité des photos est si manifeste qu’elle ne peut caractériser en soi l’existence de manœuvres ou mensonges et qu’elle révèle, au contraire, suffisamment le risque qu’elle a pris, en se fiant à trois photos peu claires, de découvrir les défauts de carrosserie du véhicule après son achat . De même, l'acheteur, qui, par négligence, alors que le vendeur lui avait remis le procès-verbal de contrôle technique du véhicule, qui lui aurais permis d'en connaître l'état réel, en a pris connaissance seulement après la vente, ne peut demander la  nullité du contrat pour réticence dolosive .

Le nouvel article 1139 du Code civil dispose que “l'erreur qui résulte d'un dol est toujours excusable”, semblant ainsi conférer à cette règle un caractère absolu. 

Paris, 19 janvier 1996, LawLex200500007523JBJ, retenant que deux professionnels de l'immobilier ont commis une erreur inexcusable privant d'effet leur action en nullité de la vente pour dol, dès lors qu'ils ont acquis une parcelle en vue d'édifier un ensemble d'immeubles sans vérifier les prescriptions du plan d'occupation des sols, accessible à tous, qui mentionnait l'inconstructilibilité du terrain. 

 Paris, 19 janvier 1996, LawLex200500007523JBJ, préc. ; V. aussi Pau, 18 juin 2013, LawLex201400000428JBJ. 

Paris, 29 mars 2013, LawLex201400000406JBJ.

Pau, 6 février 2024, LawLex202400001358JBJ.

Limoges, 8 février 2023, LawLex202300002404JBJ.- V. dans le même sens, Angers, 13 juin 2023, LawLex202300008136JBJ, relevant que dès lors qu'il était avisé, avant la vente, de l'absence de comptabilisation de l'activité réelle du tracteur d'occasion qu'il se proposait d'acquérir, l'acheteur n'est pas fondé à invoquer la réticence  dolosive du vendeur sur ce point, le fait de déterminer si le véhicule avait été utilisé 2 000 heures, ou plus, étant indifférent, dès lors que le non-fonctionnement de l'instrument de mesure lui étant connu, il pouvait se  convaincre seul de l'importance de l'usage d'un tel tracteur au cours  d'une période plus que trentenaire.

Cass. civ. 1re, 14 mai 1996, LawLex200500009090JBJ. 

Aix-en-Provence, 20 mai 1998, LawLex200500005940JBJ.

Cass. civ. 3e, 21 février 2001, LawLex200500005940JBJ, RTD civ. 2001, 353, obs. MESTRE et FAGÈS ; D. 2001, 2702, obs. MAZEAUD ; D. 2001, 3236, obs. AYNÈS ; D. 2002, 927, obs. CARON et TOURNAFOND ; JCP G, 2001, 3330, obs. CONSTANTIN ; JCP G, 2002, 10027, obs. JAMIN. 

Montpellier, 18 septembre 2001, LawLex200500007390JBJ.

Cass. civ. 1re, 22 juin 2004, LawLex200500007325JBJ, LPA 22 juin 2005, 16, obs. CHARDEAUX.

Cass. civ. 3e, 14 mars 2006, LawLex200600001986JBJ, Contrats Conc. Consom. 2006, n° 126, obs. LEVENEUR.

TI Angers, 18 décembre 2006, LawLex200700000767JBJ.

Pau, 18 juin 2013, LawLex201400000428JBJ.

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