Le Droit de la consommation, troisième tome du Traité de droit économique, expose, dans une perspective comparative, l’ensemble des règles européennes et françaises : publicité, pratiques commerciales déloyales, conditions de validité du contrat, clauses abusives, conformité des produits, vices cachés, sécurité des produits.

Droit de la consommation

La victime du dol peut, soit agir en réparation sur le fondement de la responsabilité délictuelle sans intenter une action en nullité du contrat notamment dans le cas où cette action serait rejetée ou prescrite , soit exercer cumulativement ces deux actions. Le domaine de l'action en réparation dans le cadre du dol ne cesse de s'étendre. Cette tendance devrait s'accentuer compte tenu d'un arrêt de …

Action en réparation

DESHAYHES, Le préjudice réparable en cas de dol dans la formation du contrat (suite), RDC 2014, 30.

La victime du dol peut, soit agir en réparation sur le fondement de la responsabilité délictuelle sans intenter une action en nullité du contrat notamment dans le cas où cette action serait rejetée ou prescrite , soit exercer cumulativement ces deux actions. Le domaine de l'action en réparation dans le cadre du dol ne cesse de s'étendre. Cette tendance devrait s'accentuer compte tenu d'un arrêt de la Cour de cassation, rendu en 2008, qui a retenu qu'une cour d'appel, qui n'était pas saisie par la victime d'un dol par réticence d'une demande en annulation de la vente, peut, sans avoir à se prononcer expressément sur le caractère intentionnel de la réticence constatée, constitutive également d'un manquement à l'obligation précontractuelle d'information du vendeur, allouer des dommages-intérêts à l'acquéreur en réparation de son préjudice . En effet, à la différence du dol, qui suppose nécessairement l'intention de tromper , la violation d'une obligation d'information peut être sanctionnée par des dommages et intérêts en l'absence de faute intentionnelle. Il est néanmoins surprenant que l'acquéreur puisse prétendre sur le fondement délictuel, à partir d'une faute non intentionnelle, à la réparation du préjudice résultant d'un “dol par réticence” qui, s'il avait agi en nullité sur le fondement de l'article 1139 (ancien art. 1116), n'aurait pas été établi, en l'absence d'intention de tromper . 

Dans le cadre de son action délictuelle, la victime pourra ainsi prétendre à une réfaction du prix de vente et à l'allocation de dommages et intérêts complémentaires, dont le mode et le montant relèvent de l'appréciation souveraine des juges du fond . Ces dommages et intérêts dits compensatoires, dans la mesure où ils visent à réparer une cause particulière de dommage, sont à distinguer des dommages et intérêts moratoires, en cas de retard dans les restitutions consécutives à l'annulation du contrat. Lorsque la victime agit cumulativement en nullité et en responsabilité délictuelle, l'auteur d'un dol pourra être condamné à payer des dommages et intérêts compensatoires, en plus des dommages et intérêts moratoires venant déjà sanctionner sa mauvaise foi . 

La victime pourra obtenir le remboursement, au titre de son préjudice matériel, des dépenses qu'elle justifie avoir exposées en liaison avec la vente dolosive de son véhicule, à savoir le coût de la carte grise, le coût de l'assurance et de son extension en cas de dépannage, le coût des réparations et les frais de taxis , ou des sommes déboursées en paiement de la location d'un box , l'indemnisation des réparations qu'elle a dû engager à cause des vices dont l'objet vendu était affecté et dont l'existence lui a sciemment été tue par le vendeur  ou bien celle de ses tracas , troubles de jouissance  ou préjudice moral . La victime d'un dol peut aussi réclamer réparation, au titre de son préjudice moral, des soucis endurés pour obtenir réparation des différentes pannes qui ont endommagé le véhicule, du fait qu'elle a dû emprunter plusieurs sortes de transports en commun, ce qui a multiplié ses temps de trajet par quatre - à des heures tardives où ce type de transport est plus rare et moins sûr - et perturbé sa vie familiale et personnelle . Selon la Cour d'appel de Montpellier, celui qui trompe sciemment son cocontractant sur la qualité de véhicule non accidenté de l'automobile vendue lui doit réparation des préjudices accessoires causés par l'annulation de la vente pour dol, liés à la privation de la possibilité de conserver le véhicule et à l'engagement d'une longue procédure judiciaire à l'étranger . En outre, le vendeur professionnel ne peut s'exonérer de toute responsabilité au moyen d'une clause par laquelle l'acheteur reconnaît avoir été averti du changement de moteur du véhicule acheté et s'engage à renoncer à toutes poursuites, dès lors que la renonciation du droit d'agir en justice, qui ne se présume pas, n'est valable que si l'acheteur a renoncé en connaissance de cause, c'est-à-dire en étant informé de l'ensemble des conséquences d'un remplacement du moteur . 

La Cour de cassation  a exclu que le vendeur, auteur du dol, puisse demander le bénéfice d'une indemnité d'occupation des lieux, en plus de la restitution de son bien consécutive à l'annulation du contrat de vente. La jouissance procurée par le bien avant l'annulation du contrat, n'est pas restituable au vendeur, ni en nature ni en valeur, dès lors que, n'ayant rétroactivement jamais existé, la vente ne saurait produire d'effets en raison de l'effet rétroactif de l'annulation de la vente. En revanche, ne se plaçant plus cette fois sur le terrain de l'effet rétroactif de l'annulation, mais sur celui de la responsabilité délictuelle, la Chambre mixte a précisé que “ la partie de bonne foi au contrat de vente annulé peut seule demander la condamnation de la partie fautive à réparer le préjudice qu'elle a subi en raison de la conclusion du contrat annulé ”. Par ailleurs, l'action en réparation ne peut être rejetée en vertu de l'adage “nul ne peut invoquer sa propre turpitude”, inapplicable en matière délictuelle . Ainsi, l'acheteur, victime de manoeuvres dolosives exercées par le vendeur dans le seul dessein de lui soutirer une somme d'argent importante, est fondé à demander l'annulation du contrat, même s'il a lui-même agi en croyant réaliser un profit substantiel non justifié. De la même manière que l'erreur inexcusable de la victime est indifférente , l'indignité de cette dernière importe peu. 

La question du préjudice réparable au titre de la perte d'une chance s'est posée lorsque la victime de la réticence dolosive choisit néanmoins de maintenir le contrat . Dans une telle hypothèse , la Cour de cassation considère que le préjudice réparable ne peut résulter que de “la perte d'une chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses ” dans le cadre du contrat maintenu. Il ne peut s'agir ni de la perte d'une chance d'obtenir les gains attendus d'une opération, qui ne se seraient jamais réalisés, qu'il y ait eu dol ou non, ni de celle de conclure un contrat plus avantageux avec autrui, dès lors que l'acheteur a fait le choix de ne pas demander l'annulation. En d'autres termes, le dommage hypothétique ne constitue pas un dommage réparable . 

Enfin, la victime pourra agir à l'encontre du tiers qui concourt à la réalisation du préjudice qu'elle a subi du fait des manoeuvres dolosives de son cocontractant. Ainsi, le notaire engage sa responsabilité lorsqu'il manque à ses obligations professionnelles - notamment celle de s'assurer de la régularité de la construction vendue -, et concourt à la survenance du dommage subi par l'acheteur du fait des manoeuvres dolosives des vendeurs  .

En vertu de l'article 2224 du Code civil, l'action en nullité comme l'action en réparation (sauf en cas de dommage corporel où le délai passe à dix ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer : art. 2226) se prescrivent par cinq ans, mais le point de départ de la prescription, dans l'un et l'autre cas, diffère : pour l'action en nullité, c'est à compter de la découverte de l'erreur (art. 1139) tandis que pour l'action en réparation, il s'agit du point de départ de droit commun (art. 2224), c'est-à-dire à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. V. Cass. civ. 1re, 9 juillet 2015, LawLex201500001683JBJ.

Cass. com., 28 mai 2008, LawLex201400000772JBJ, JCP G, 2008, 218, obs. LABARTHE ; RDC 2008, 1118, obs. MAZEAUD, estimant qu'"ayant relevé que le silence gardé par le vendeur sur le projet de local constituait des manoeuvres dolosives dès lors que l'édification de ce local, qui privait les acquéreurs d'une large perspective sur la zone verte publique, constituait une donnée déterminante du consentement, telle que si l'acquéreur l'avait connue, il n'aurait certainement pas donné le même prix du bien à vendre, la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une demande tendant à l'annulation de la vente, a pu, sans avoir à se prononcer expressément sur le caractère intentionnel de la réticence qu'elle constatait et qui s'analysait aussi en un manquement à l'obligation précontractuelle d'information du vendeur, allouer des dommages-intérêts à l'acquéreur en réparation de son préjudice".

Cass. civ. 1re, 2 avril 1996, LawLex200500009087JBJ, ayant accordé une indemnité visant à réparer le préjudice de l'acheteur, suite à la possession pendant plus de trois ans d'un véhicule qu'il ne pouvait régulièrement immatriculer, ni céder. - V. aussi Basse-terre, 14 mars 1994, LawLex200600001572JBJ et Caen, 19 nov. 2008, LawLex201200001530JBJ.

TI Angers, 28 décembre 2006, LawLex200700000767JBJ, ayant pris en considération le préjudice matériel et psychologique subi par les locataires, du fait des manoeuvres dolosives de leur bailleur qui leur a loué une maison insalubre et dangereuse pour la santé. 

Versailles, 21 janvier 2010, LawLex201200001086JBJ.

Montpellier, 13 février 2014, LawLex201400000402JBJ.

Caen, 19 novembre 2008, LawLex201200001530JBJ.

Cass. Ch. Mixt., 9 juillet 2004, LawLex200600001739JBJ, JCP G, 2004, 154, obs. KESSLER ; Contrats Conc. Consom. 2004, n° 168, obs. LEVENEUR ; D. 2004, 2175, obs. TUAILLON ; JCP G, 2004, 173, obs. SERINET. - V. aussi Montpellier, 13 février 2014, LawLex201400000402JBJ, préc. : le contractant qui obtient l'annulation d'une vente pour dol n'est redevable d'aucune indemnité quelconque pour l'utilisation qu'il a pu faire du bien jusqu'à l'annulation rétroactive.

Cass. civ. 1re, 22 juin 2004, LawLex200500007325JBJ, LPA 22 juin 2005, 16, obs. CHARDEAUX.

Cass. civ. 1re 21 février 2001, LawLex200500005940JBJ, RTD civ. 2001, 353, obs. MESTRE et FAGÈS ; D. 2001, 2702, obs. MAZEAUD ; D. 2001, 3236, obs. AYNÈS ; D. 2002, 927, obs. CARON et TOURNAFOND ; JCP G, 2001, 3330, obs. CONSTANTIN ; JCP G, 2002, 10027, obs. JAMIN. 

GENICON, La réfaction pour dol existe-t-elle?, RDC 2012, 1180.

Cass. civ. 1re, 25 mars 2010, LawLex201400000720JBJ, RTD civ. 2010, 322, obs. FAGÈS, suivi dans la même affaire de Cass. com., 10 juillet 2012, LawLex201400000721JBJ, JCP G, 2012, 1151, obs. GHESTIN ; RDC 2013, 91, obs. DESHAYES ; D. 2012, 2772, obs. CAFFIN-MOI ; LPA, 11 octobre 2012, 17, obs. HOUTCIEFF ; Rev. Lamy dr. civ. 2012, 97, obs. LE GALLOU ; JCP G, 2012, 1151, obs. SERINET. Dans cette affaire de cession d'actions d'une société de location longue durée de matériel informatique, ayant donné lieu à deux arrêts de la Cour de cassation, la première Chambre civile a retenu que le préjudice du cessionnaire à qui la cédante avait dissimulé l'existence de contre-lettres permettant à certains locataires d'acquérir le matériel loué à un prix résiduel avantageux en fin de contrat, qui fait malgré tout le choix de ne pas demander l'annulation du contrat, ne pouvait résulter que de " la perte d'une chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses " et non comme l'avaient estimé les juges du fonds, de la perte d'une chance d'obtenir les gains attendus qu'interdisaient en tout état de cause les contre-lettres litigieuses, même si elles n'avaient pas été dissimulées. La cour de renvoi ayant considéré que " cette perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses " pouvait être entendue au sens de perte d'une chance de conclure un contrat plus avantageux avec autrui, la Chambre commerciale est venue la censurer, rappelant simplement que l'acquéreur " ayant fait le choix de ne pas demander l'annulation du contrat, son préjudice réparable correspondait uniquement à la perte d'une chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses ". Autrement dit, la perte de chance de contracter ne s'applique qu'au contrat que la victime a choisi de maintenir, et non à la possibilité de conclure un contrat plus avantageux avec un tiers. - V. encore, Cass. com., 21 juin 2016, LawLex201600001219JBJ, AJCA 2016, 386, obs. BORIES.

V. Cass. com, 28 juin 2005, LawLex200600002444JBJ, Rev. Lamy dr. civ. 2005, n° 810, obs. LE GALLOU ; Communic. comm. électr. 2005, n° 158, obs. STOFFEL-MUNCK ; D. 2006, 2774, obs. CHAUVEL ; RTD civ. 2005, 590, obs. MESTRE et FAGÈS ; Aix-en-Provence, 30 octobre 2012, LawLex201400000447JBJ ; Cass. civ. 2e, 25 juin 2015, LawLex201500001017JBJ. 

V. Cass. com., 24 septembre 2013, LawLex201300001407JBJ, RDC 2014, 30, obs. DESHAYES. Dans cette affaire de cession d'actions dans laquelle la victime d'une reticence dolosive préférant le maintien du contrat à son annulation, réclamait des dommages-intérêts au titre de la survalorisation du prix de cession résulant de la réticence dolosive du cédant, la Chambre commerciale, approuvant les juges du fond qui avaient rejeter la demande de réparation aux motifs que "la manœuvre consistant à masquer les négociations n'a[vait] (...) eu en définitive aucune incidence sur la valeur des parts cédées", a retenu que "le dommage allégué [...] était inexistant, dès lors qu'il n'était pas démontré que le prix était excessif au moment où les parties en sont convenues".

Paris, 14 novembre 2006, LawLex200700000765JBJ.

V. not. LARDEUX, L'absorption du dol par la responsabilité civile, RDC 2013, 1179, à propos notamment de Cass. civ. 1re, 28 mai 2008, LawLex201400000772JBJ, JCP G, 2008, 218, obs. LABARTHE ; RDC 2008, 1118, obs. MAZEAUD, sur le fait que lorsque la victime d'un dol incident ne demande pas l'annulation et agit en réparation, les juges peuvent se contenter de la méconnaissance d'un obligation d'information, en dehors de tout élément intentionnel (requis pourtant en matière de dol), pour octroyer des dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1240 (ancien art. 1382) du Code civil.

Cass. com., 7 janvier 1997, LawLex200500005014JBJ.

 Cass. com. 4 janvier 2000, LawLex200500009091JBJ, Contrats Conc. Consom. 2000, n° 79, obs. LEVENEUR : la condamnation du vendeur, auteur des manoeuvres dolosives, à régler les intérêts légaux sur le prix de la vente à compter du jour du paiement ainsi qu'à des dommages et intérêts en réparation, notamment, des intérêts des emprunts souscrits par l'acquéreur, ne répare pas deux fois le même préjudice, mais vise à indemniser l'acheteur de l'indisponibilité de la somme indûment versée et du dommage causé par le dol.

Versailles, 10 juin 2010, LawLex201200001423JBJ.

Colmar, 7 sept. 2006, LawLex200700000758JBJ.

Orléans, 18 décembre 2006, LawLex200700000763JBJ, ayant accordé une indemnité compensant les tracas et désagréments causés à l'acheteur par l'échec de son projet d'acquisition.

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