Le Droit de la consommation, troisième tome du Traité de droit économique, expose, dans une perspective comparative, l’ensemble des règles européennes et françaises : publicité, pratiques commerciales déloyales, conditions de validité du contrat, clauses abusives, conformité des produits, vices cachés, sécurité des produits.

Droit de la consommation

L'action en responsabilité de la victime d'un produit défectueux est enfermée dans un double délai. 
1) Prescription triennale
L'article 1245-16 (ancien art. 1386-17) du Code civil dispose que “l'action en réparation fondée sur les dispositions du présent titre se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du dé …

Double délai de prescription

JOLY, La nouvelle génération des doubles délais extinctifs, D. 2001, chron., 1450 ; WINTGEN, La mise en œuvre de la technique du double délai de prescription extinctive, RDC 2007, 907. 

L'action en responsabilité de la victime d'un produit défectueux est enfermée dans un double délai. 

L'article 1245-16 (ancien art. 1386-17) du Code civil dispose que “l'action en réparation fondée sur les dispositions du présent titre se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur”. La prescription de l'action en responsabilité du fait des produits défectueux nécessite d'établir cumulativement que la date d'apparition de l'ensemble du dommage et de sa connaissance, la date de connaissance du défaut  du produit litigieux et la date de connaissance de l'identité du producteur sont antérieures de plus de trois ans à l'introduction de l'action en justice . La Cour de cassation considère toutefois qu'en cas de pathologie évolutive, qui rend impossible la fixation d'une  date de consolidation, permettant seule au demandeur de mesurer  l'étendue de son dommage, le délai de prescription triennale, fixé par  l'article 1245-16 du Code civil, ne peut commencer à courir . Par citation en justice, il faut entendre citation “au fond” . Le délai de trois ans prévu par ce texte est un délai de prescription classique, susceptible d'interruption  ou de suspension conformément au droit commun . L'action de la victime n'est donc recevable que si les conclusions au soutien de sa demande sont notifiées avant l'expiration de ce délai . Ce délai de trois ans doit cependant être combiné avec le délai de dix ans posé à l'article 1245-15 (ancien art. 1386-16) du Code civil.

L'article 1245-15 du Code civil, conformément à l'article 11 de la directive 85-374 , dispose que “sauf faute du producteur, la responsabilité de celui-ci, fondée sur les dispositions du présent titre, est éteinte dix ans après la mise en circulation du produit même qui a causé le dommage à moins que, durant cette période, la victime n'ait engagé une action en justice” . Ainsi, les mauvaises conditions de conservation d'une prothèse font de celle-ci un produit défectueux, mais ne caractérisent pas à elles seules une faute de nature à soustraire le producteur du bénéfice de la prescription de 10 ans prévue à l'article L. 1245-15, lorsqu'aucune action en justice n'a été mise en oeuvre au cours des dix années suivant la mise en circulation de ladite prothèse . Ce délai de forclusion est préfix . Selon la Cour de justice, la volonté du législateur de l'Union de contenir dans des limites temporelles particulières le régime de responsabilité sans faute institué par la directive prend en considération le fait que ce régime comporte, pour le producteur, une charge supérieure à celle d'un régime traditionnel de responsabilité, “et ce, afin de ne pas entraver le développement technologique et de préserver le caractère assurable des risques liés à cette responsabilité spécifique” . Pour les produits fabriqués en série, le délai de dix ans commence à courir non pas à la date de la mise en circulation du modèle du produit, mais à celle de la mise en circulation du produit à l'origine du dommage . 

Selon la jurisprudence, l'existence du double délai de prescription dans lequel est enfermée l'action en responsabilité du fait des produits défectueux exclut que le délai de cinq ans édicté à l'article L.110-4 du Code de commerce lui soit applicable .

Rennes, 23 mai 2018,  LawLex201800000790JBJ : la victime qui intente une action en réparation sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux neuf ans après avoir été avertie du fait que sa pathologie était sans doute due à la prise du médicament en cause, alors qu'à compter de ce jour-là, elle avait ou aurait dû avoir connaissance du défaut d'information qu'elle invoque en se reportant à la notice fourni avec le médicament, doit être déclarée forclose à agir ; Cass. civ. 1re, 27 novembre 2019,  LawLex201900001469JBJ, JCP G 2020, 53, obs. VINEY ; RCA 2020, n° 15, obs. BLOCH : l'action des plaignants à l'encontre d'un laboratoire ne saurait être déclarée prescrite dès lors que ce n'est qu'à l'issue des investigations mises en œuvre pour connaître l'origine des anomalies radiales et des malformations ophtalmologiques de leur enfant et après le dépôt du rapport d'expertise, soit le 22 mai 2011, qu'ils ont pu disposer des éléments leur permettant d'avoir connaissance du caractère défectueux de la Dépakine, dont la notice ne mentionnait pas l'existence de risques tératogènes, ainsi que de son implication dans le dommage, et, partant, agir sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux.

Paris, 23 février 2016, LawLex201600000488JBJ ; V. déjà, Paris, 5 octobre 2004, LawLex200600001112JBJ ; Nancy, 8 février 2011, LawLex201200001840JBJ ; Chambery, 29 septembre 2009, LawLex201200001626JBJ ; Lyon, 1er avril 2010, LawLex201200001576JBJ.

CJCE, 2 décembre 2009, Aventis Pasteur (SA) c. OB, aff. C-358-08, LawLex200900003544JBJ, D. 2010, 624, obs. BORGHETTI ; JCP G, 1er mars 2010, 485, note CHRISTIANOS ; RLDA, 2010, nº 2786, note CLAVIÈRE-BONNAMOUR ; RLDA 2010/48, n° 2827, obs. TEMPLE ; Gaz. Pal. 7-8 juillet 2010, num. spec., 40, obs. NICOLELLA ; RTD eur. 2010, 717, obs. AUBERT de VINCELLES ; Europe, avril 2010, étude, 4, par BUSSEUIL ; JCP G, 2010, n° 456, obs. STOFFEL-MUNCK, précisant que l'article 11 de la directive 85-374 s'oppose à ce qu'une réglementation nationale autorisant la substitution d'une partie défenderesse à une autre en cours de procédure judiciaire soit appliquée de manière à permettre d'attraire, après l'expiration du délai qu'il fixe, un “producteur”, au sens de l'article 3 de cette directive, comme partie défenderesse à une procédure judiciaire intentée dans ce délai contre une autre personne que lui.

CJCE, 2 décembre 2009, Aventis Pasteur (SA) c. OB, aff. C-358-08, LawLex200900003544JBJ, D. 2010, 624, obs. BORGHETTI ; JCP G, 2010, 485, note CHRISTIANOS ; RLDA, 2010, nº 2786, note CLAVIÈRE-BONNAMOUR ; RLDA 2010/48, n° 2827, obs. TEMPLE ; Gaz. Pal. 7-8 juillet 2010, num. spec., 40, obs. NICOLELLA ; RTD eur. 2010, 717, obs. AUBERT de VINCELLES ; Europe, avril 2010, étude, 4, par BUSSEUIL ; JCP G, 2010, n° 456, obs. STOFFEL-MUNCK.

Dijon, 24 février 2011, LawLex201200001789JBJ.

Metz, 28 mai 2024, LawLex202400004049JBJ.

Cass. 1re civ., 5 juillet 2023, LawLex202300008940JBJ, D. 2024, 41, obs. BRUN.

Versailles, 29 janvier 2015, LawLex201600000575JBJ.

Aix-en-Provence, 5 novembre 2015, LawLex201600000567JBJ, retenant qu'en application de l'article 2240 du Code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription, de sorte que la reconnaissance par l'assureur du droit à indemnisation du préjudice corporel de la victime d'un produit défectueux a interrompu le cours du délai de prescription de trois ans prévu à l'article 1386-17 (devenu l'art. 1245-16) ; Douai, 25 octobre 2018, LawLex201800001651JBJ : même si la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit interrompt le délai de prescription, ni la mise en oeuvre d'une action de rappel par l'importateur et le distributeur d'un sèche-linge ayant pris feu, ni la présence des experts mandatés par les assureurs de l'importateur et du distributeur d'un sèche linge qui a pris feu, ne constituent une reconnaissance ferme, non équivoque et non assortie de réserves de leur responsabilité dans le sinistre incendie, de sorte que l'action de l'assureur de la victime doit être considérée comme prescrite ; Colmar, 3 mai 2019, LawLex201900000609JBJ : un courrier, par lequel l'assureur du fournisseur d'électricité propose une indemnisation et ne conteste que le montant des dommages imputables à la surtension, constitue une reconnaissance partielle du droit du créancier qui produit un effet interruptif de la prescription pour la totalité de la créance de l'action en responsabilité du fait des produits défectueux ; Versailles, 25 novembre 2020, LawLex202000003519JBJ : il résulte de l'application combinée des articles 1245-16 et 2240 du Code civil, que le courrier par lequel le fournisseur d'électricité demande à l'assureur de la victime de justifier par des éléments techniques sa réclamation sur les éléments électriques “ qui peuvent avoir été endommagés par une surtension [électrique] (prises, disjoncteurs...) ” , dans lequel il n'est fait aucune proposition d'indemnisation, n'emporte pas reconnaissance de sa responsabilité, ni interruption de la prescription de l'action en responsabilité du fait des produits défectueux ; Paris, 25 novembre 2020, LawLex202000003501JBJ : le paiement, par le fournisseur d'électricité, qui conteste toute responsabilité pour les dommages liés à l'incendie du domicile de la victime, des seuls dommages électriques survenus à la suite d'une surtension, ne saurait être assimilé à une renonciation à se prévaloir de la prescription de l'action.

Cass. 1re civ., 26 octobre 2022, LawLex202200009759JBJ : l'action engagée contre le loueur et son assureur sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, qui tend à l'indemnisation d'un préjudice corporel, interrompt le délai de prescription, même après une première interruption de ce délai par une procédure de référé introduite antérieurement sur le fondement de la responsabilité du fait des choses, dès lors que si en principe l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en va autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à la même finalité.

Aix-en-Provence, 7 mars 2012, LawLex201200001542JBJ ; Lyon, 16 décembre 2011, LawLex201600000612JBJ : l'action en responsabilité du fait d'un produit défectueux se prescrit à compter de la date à laquelle le demandeur a eu connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur, de sorte qu'elle est doit être considérée comme irrecevable lorsqu'elle a été intentée plus de trois ans après la réception du rapport d'expertise par lequel le demandeur a été informé du dommage et du défaut électrique de l'appareil à l'origine du sinistre ; Cass. civ. 2e, 13 juin 2019, LawLex201900000810JBJ : une cour d'appel ne peut déclarer l'action engagée contre l'assureur du fabricant du lave-linge litigieux sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux recevable au motif qu'elle n'est pas prescrite, alors même qu'aucune assignation ne lui a été délivrée ; Lyon, 21 décembre 2023, LawLex202400000095JBJ, estimant que l’action en responsabilité du fait des produits défectueux exercée au titre de la réparation d'un préjudice écologique et d'un préjudice moral consécutif, par une association de protection des animaux, à l’encontre de producteurs d’insecticides est prescrite, même si elle a été mise en  œuvre dans le délai-butoir de dix ans après la mise en circulation de l’insecticide litigieux, dès lors qu'elle a été engagée plus de trois ans après la date où l'association a eu connaissance de la manifestation  du préjudice écologique, lequel lui a été connu à compter des articles de revues scientifiques, traduits de l'anglais, datant d’avril, mai et  juillet 2014, qu’elle a versés au débat, et dont il résultait que l’insecticide en cause avait un impact négatif sur les populations d'oiseaux insectivores.

“Les États membres prévoient dans leur législation que les droits conférés à la victime en application de la présente directive s'éteignent à l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la date à laquelle le producteur a mis en circulation le produit, même qui a causé le dommage, à moins que durant cette période la victime n'ait engagé une procédure judiciaire contre celui-ci.”

Reims, 10 décembre 2019, LawLex201900001560JBJ : le fait que la vente du lave-linge litigieux soit intervenue, le 16 juillet 2001, ne permet pas d'établir une mise en circulation de celui-ci plus de 10 ans avant l'assignation en justice du producteur, le 12 mai 2011, et partant, la forclusion de l'action de la victime, au seul motif qu'on peut raisonnablement penser que ce produit aurait été commandé en amont par le fournisseur et aurait quitté les entrepôts du fabricant plus de deux mois auparavant. - V. dans le même sens, Montpellier, 20 octobre 2020, LawLex202000003002JBJ : le producteur n'établit pas que l'assignation du 26 avril 2017 serait tardive et partant, l'action forclose, dès lors qu'il se contente d'évoquer la fiche signalétique du lave-vaisselle indiquant qu'il a été produit au cours de la semaine 50 de l'année 2006, soit à la mi-décembre, puis de soutenir que ses produits fabriqués sont livrés dans la semaine qui suit pour conclure qu'il s'en est donc dessaisi “ début 2017 ” par sa mise en circulation, sans démontrer la date exacte de ce dessaisissement, ni qu'elle se situerait avant le 26 avril 2007.

CAA Nantes, 6 novembre 2020, LawLex202000003056JBJ, ajoutant qu'aucune faute tenant à un défaut d'information du caractère défectueux de la prothèse litigieuse n'est de nature à écarter l'application de la prescription décennale prévue à l'article L. 1245-15 du Code civil au bénéfice de son producteur, dès lors que celui-ci en avait averti l'AFSSAPS dès le mois d'août 2010 et qu'en vertu des dispositions alors en vigueur, il incombait à cette autorité d'en informer les professionnels de santé.

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683. Double délai de prescription(1)

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