Contrats d'affaires

En principe, toute personne dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de l'article 1792 du Code civil peut être déchargée des responsabilités et garanties qui pèsent sur elle à l'expiration du délai de dix ans à compter de la réception (art. 1792-4-1 C. civ.). La réception a pour effet de couvrir les vices ou désordres apparents au jour où elle est intervenue, ce qui suppose une an …

Triple condition

En principe, toute personne dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de l'article 1792 du Code civil peut être déchargée des responsabilités et garanties qui pèsent sur elle à l'expiration du délai de dix ans à compter de la réception (art. 1792-4-1 C. civ.). La réception a pour effet de couvrir les vices ou désordres apparents au jour où elle est intervenue, ce qui suppose une antériorité du désordre. Cependant, selon la Cour de cassation, les juges ne peuvent retenir la qualité de vices apparents exclus de la garantie décennale, sans rechercher si les défauts affectant l'ouvrage ne s'étaient pas révélés postérieurement à la réception dans leur ampleur et leurs conséquences, et s'ils ne relevaient pas, de ce fait, de la garantie décennale des constructeurs . Ainsi, en application de la théorie des désordres évolutifs, les désordres apparus au cours du délai décennal, qui continuent de produire des conséquences dommageables postérieurement à l'expiration de ce délai, relèvent de la garantie décennale pour leur totalité, c'est-à-dire y compris pour la partie apparue hors délai . 

Néanmoins, cette théorie dérogeant au principe énoncé à l'article 1792-4-1, sa mise en oeuvre est soumise à la réunion de trois conditions cumulatives : 

- les désordres initiaux doivent avoir été judiciairement dénoncés avant l’expiration du délai de garantie ; 

- ils doivent présenter la condition de gravité de l'article 1792 du Code civil dans le délai décennal ;

- les nouveaux désordres doivent être l'aggravation, la suite ou la conséquence des désordres initiaux, et non pas des désordres nouveaux sans lien de causalité avec les précédents .

La réparation du sinistre initial doit impérativement avoir été demandée en justice avant l'expiration du délai d'épreuve de dix ans. Faute de quoi les nouveaux désordres, constatés au-delà de l'expiration du délai décennal, qui trouvent leur siège dans l'ouvrage où un désordre de même nature était survenu, ne peuvent être réparés . La dénonciation doit non seulement avoir lieu dans le délai de garantie, mais aussi être judiciaire, seule une action en justice ayant pour effet d'interrompre le délai de prescription .

Le désordre dénoncé doit présenter les conditions de gravité énoncées à l'article 1792 du Code civil . Autrement dit, il doit porter atteinte à la solidité de l'ouvrage ou le rendre impropre à sa destination . Constituent des désordres de nature évolutifs susceptibles d’entraîner une impropriété de l’ouvrage à sa destination, la présence de fissures dans le carrelage de l’ensemble des pièces accompagnées de désaffleurement provoquant un risque de coupure ainsi que des creux en ligne dans le carrelage, significatifs d’une contrainte importante imposée aux carreaux, alors que de nouvelles fissures sont apparues entre les deux réunions d'expertise espacées de six mois . En revanche, faute de gravité suffisante, les désordres qui consistent en des traces de taches sur la façade ne relèvent pas de la garantie décennale dès lors que la rétention n'équivaut pas à la pénétration ou l'infiltration d'eau dans les pièces à hauteur desquelles se situe le phénomène en façade et que l'impropriété, même à venir à plus ou moins long terme, de l'immeuble à sa destination n'est pas démontrée . Il en est de même de la dégradation des enduits , de l'oxydation de quelques armatures d'acier de pergolas de terrasses, de caractère purement esthétique , ou des défauts affectant un enduit de façade 

Le désordre évolutif doit représenter l'aggravation du désordre d'origine ou initial et non pas un désordre nouveau sans lien de causalité avec les précédents . Ainsi, ne caractérise pas une aggravation du désordre initial l'affaissement du plancher sans lien avec le gondolement du parquet dès lors que le premier désordre touche la structure de l'ouvrage alors que le second provient d'un défaut du matériau  ou des désordres affectant certaines villas comprises dans un ensemble dès lors que chaque villa doit être considérée isolément et indépendamment des autres et constitue un cas particulier et un ouvrage indépendant, en raison notamment du sol de fondation qui n'était jamais le même, et de la saison pendant laquelle le béton a été coulé . En revanche, le tassement du dallage constitue bien une aggravation du désordre atteignant les fondations d'un bâtiment . Il en est de même du bombement des cloisons de maisons affectés de vices de conception  , des désordres étendus à deux cent soixante-sept des garde-corps vitrés d'un bâtiment  , de l'absence de protection des seuils de porte consistant en une déchirure sur les seuils dont les conséquences s'aggraveront inéluctablement avec le temps , ou des désordres de couverture ayant entraîné des infiltrations . Même si le désordre nouveau se produit dans une partie différente de l'ouvrage, la Cour de cassation considère qu'il s'agit de l'aggravation du désordre initial s'étant réalisé dans une partie différente du bâtiment dès lors que l'origine est identique . Toutefois, l'identité d'origine ne suffit pas lorsque les désordres ont des causalités différentes .

Cass. 3e civ., 22 octobre 2002, LawLex202200007879JBJ : en l'occurrence il s'agissait d'un local technique et d'une piscine qui s'enfonçaient progressivement dans le sol.

Cass. 3e civ., 16 mai 2001, LawLex202200007515JBJ ; Bordeaux, 18 juin 2020, LawLex202200008400JBJ ; 27 octobre 2022, LawLex202300000417JBJ.

Cass. 3e civ., 13 février 1991, LawLex202200007320JBJ.

Cass. 3e civ., 21 mai 2003, LawLex202200008038JBJ.

Poitiers, 15 novembre 2013, LawLex202200008399JBJ ; Cass. 3e civ., 11 mars 2015, LawLex202200007474JBJ.

Bordeaux, 27 octobre 2022, LawLex202300000417JBJ.

Cass. 3e civ., 4 novembre 2004, LawLex202200007462JBJ.

Poitiers, 15 novembre 2013, LawLex202200008399JBJ.

Cass. 3e civ., 8 octobre 2003, LawLex202200007403JBJ.

Cass. 3e civ., 29 janvier 2003, LawLex202200007873JBJ.

Cass. 3e civ., 16 mai 2001, LawLex202200007452JBJ.

Bordeaux, 27 octobre 2022, LawLex202300000417JBJ ; 18 juin 2020, LawLex202200008400JBJ ; Poitiers, 15 novembre 2013, LawLex202200008399JBJ.

Cass. 3e civ., 24 mars 2016, LawLex202400005618JBJ, qui retient que les désordres du dallage affectant la zone restaurant, apparus en 1999, résultant, comme ceux apparus en 1994 dans la zone cuisine et en 1998 dans la zone cafétéria, d'un remblai composé pour partie de mâchefer, en infraction aux règles de l'art et aux prévisions contractuelles, ces désordres trouvent leur siège dans un même ouvrage où un désordre de nature identique a été constaté avant l'expiration du délai de garantie décennale et ont la même origine que ce désordre.

Cass. 3e civ., 4 octobre 2018, LawLex202400005619JBJ.

Cass. 2e civ., 30 juin 2011, LawLex202200007468JBJ ; 18 janvier 2006, LawLex202200007991JBJ.

Cass. 3e civ., 18 novembre 1992, LawLex202200007473JBJ, pour des pavillons atteints des mêmes désordres mais non mentionnés dans l'assignation ; Cass. 2e civ., 30 juin 2011, LawLex202200007468JBJ, qui retient qu'une simple déclaration de sinistre n'a pas pour effet d'interrompre la prescription décennale.

Lyon, 28 février 2012, LawLex202200008135JBJ ; Cass. 3e civ., 12 février 2008, LawLex202200007484JBJ.

Cass. 3e civ., 23 octobre 2002, LawLex202200008033JBJ, qui estime qu'une cour d'appel ne peut relever que les fissurations des murs intérieurs et extérieurs d'une maison ayant pour origine une mauvaise adaptation des fondations au sol sont, en raison de leur importance et de leur caractère évolutif, soumis à garantie décennale, sans constater que les désordres portaient atteinte à la solidité de l'immeuble ou le rendaient impropre à sa destination ; 28 février 1996, LawLex202200007960JBJ, qui considère que dès lors que des désordres constatés lors de la réception ne se sont révélés dans leur gravité que postérieurement, et sont la conséquence d'un vice caché, et que ces insuffisances compromettent la stabilité de l'immeuble et sont de nature à le rendre, à terme plus ou moins bref, impropre à sa destination, leur réparation relève de la garantie décennale des constructeurs.

Rennes, 10 novembre 2022, LawLex202300001897JBJ.

Cass. 3e civ., 29 janvier 2003, LawLex202200004091JBJ.

Cass. 3e civ., 19 juin 1996, LawLex202200008039JBJ.

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