Contrats d'affaires

L'exceptio non adimpleti contractus est reconnue depuis longtemps par la jurisprudence : l'interdépendance des obligations réciproques résultant d'un contrat de louage d'ouvrage permet à l'une des parties de ne pas exécuter son obligation lorsque l'autre n'exécute pas la sienne . Codifiant cette solution jurisprudentielle, le nouvel article 1217 du Code civil permet à la partie envers laquelle l'e …

Exception d'inexécution.

L'exceptio non adimpleti contractus est reconnue depuis longtemps par la jurisprudence : l'interdépendance des obligations réciproques résultant d'un contrat de louage d'ouvrage permet à l'une des parties de ne pas exécuter son obligation lorsque l'autre n'exécute pas la sienne . Codifiant cette solution jurisprudentielle, le nouvel article 1217 du Code civil permet à la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement de “ refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation”. L'article 1219 précise qu'"une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave". L'article 1220 du Code civil va plus loin, ajoutant qu'"une partie peut suspendre l'exécution de son obligation dès lors qu'il est manifeste que son cocontractant ne s'exécutera pas à l'échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais".

La charge de la preuve de l'inexécution des obligations mises à la charge du débiteur, incombe au cocontractant qui se prévaut de l'exception d'inexécution, l'excipiens . Ainsi, c'est au propriétaire qui, aux termes d'un contrat d'entreprise, a confié son cheval à un entraîneur tenu d'une obligation de moyens d’user au mieux de ses connaissances et de son art pour améliorer les performances sportives du cheval, qu'il appartient d'apporter la preuve d'une faute de l'entraîneur, s'il souhaite invoquer l’exception d’inexécution pour refuser de payer le prix convenu,  et non à ce dernier d’établir qu'il a bien exécuté son obligation . De même, dans le cadre d'un contrat de construction, il appartient au maître d'ouvrage qui entend se prévaloir de l'exception d'inexécution pour s'opposer au paiement du solde du prix, d'établir, lorsqu'il a procédé à la réception, que l'inexécution qu'il allègue porte sur des prestations distinctes de celles qui font l'objet des réserves mentionnées au procès-verbal de réception . 

Concernant l'objet de la preuve, l'excipiens doit, non seulement établir une inexécution contractuelle, mais surtout le caractère suffisamment grave de cette inexécution . Selon la jurisprudence, une inexécution contractuelle  suffisamment grave est caractérisée soit par un manquement portant sur une  obligation essentielle du contrat, soit par le préjudice substantiel  subi par le créancier, soit encore par la mauvaise foi du débiteur ou par  sa conduite déloyale, l'appréciation de la gravité des manquements  contractuels concernés étant laissée à la discrétion des juges . La Haute juridiction a souligné que même si l'exception d'inexécution constitue un moyen de défense au fond qui peut être soulevé en cas d'inexécution totale ou partielle, par le débiteur, de ses obligations, le maître d'ouvrage n'est pas fondé à s'en prévaloir lorsque les prestations prévues au contrat ont été exécutées à l'exception de quelques travaux de parachèvement et de reprise et que, partant, ces travaux ne revêtent pas un caractère suffisamment grave pour la justifier . En revanche, un maître d’ouvrage est fondé à opposer une exception d’inexécution à une société qui a pour activité la conception et la réalisation de travaux d’imprimerie et de communication, dès lors que l'examen visuel des catalogues produits démontre que les défauts d'impression affectent environ 30 % des visuels, et que les défauts esthétiques et le rendu de moindre qualité des photos de certains produits, surtout dans le contexte compétitif d'un salon, révèlent le critère de gravité des manquements exigé par les dispositions de l'article 1219 du Code civil .

Comme l’exigeait déjà la jurisprudence, l'article 1219 du Code civil subordonne pour la mise en œuvre de l’exception d’inexécution une condition de proportionnalité . Aussi, pour accueillir l'exception d'inexécution, une cour d'appel ne peut-elle se contenter de relever que le maître de l’ouvrage a répondu à plusieurs appels de fonds avec retard alors qu'il a comme principale obligation de payer les fonds au fur et à mesure de l'avancement des travaux, selon l'échéancier prévu, sans rechercher si les défauts d'exécution par ce dernier en cours de chantier ne justifiaient pas ses refus de paiement ou ses retards dans le versement des sommes réclamées . 

Enfin, l'excipiens n'est pas fondé à soulever l'exception d'inexécution si sa créance est éteinte, tel étant le cas d'une créance, née d'un contrat d'entreprise, qui n'aurait pas été déclarée au passif d'une procédure collective. Ainsi, une cour d’appel ne peut retenir, pour accueillir l'exception d'inexécution soulevée par le maître d'ouvrage à l'encontre de l'entrepreneur soumis à une procédure collective, que ce dernier n'a pas réalisé une installation en état de fonctionnement, sans constater que le maître d'ouvrage a produit sa créance de dommages-intérêts au passif de la procédure collective, alors que cette créance trouve son origine antérieurement à l'ouverture de la procédure et que l'obligation de faire incombant à l'entrepreneur défaillant ne peut se résoudre qu'en dommages-intérêts . De même, la société, maître d'ouvrage, qui n'a pas déclaré au passif de la procédure collective de l'entrepreneur avec lequel elle avait passé un marché de travaux la créance née de ce marché, dont elle invoque la compensation avec une autre créance cédée par l'entrepreneur à la banque, ne saurait opposer l'exception d'inexécution à l'établissement bancaire, dès lors que le débiteur cédé ne dispose pas à l'égard de cette dernière de plus de droits qu'à l'égard du cédant .

Pour un exemple récent, V. Bordeaux, 16 septembre 2021, LawLex202200004527JBJ, relevant que, lorsque le garagiste a manqué à son obligation de réparation, le propriétaire du véhicule est fondé à lui opposer l’inexécution de cette obligation pour refuser le paiement d'une réparation inutile.

Chambéry, 2 avril 2024, LawLex202400006037JBJ, précisant qu'il appartient à celui qui invoque une exception d'inexécution et entend rechercher la responsabilité contractuelle de la partie adverse, sur le fondement de l'article 1231-1 du Code civil, d'y apporter la preuve d'un manquement de son contractant à ses obligations, qui lui aurait causé un préjudice.

Cass. com., 2 mai 1990, LawLex202200004105JBJ.

Cass. com., 25 novembre 1997, LawLex202300003091JBJ. – V. aussi Cass. 3e civ., 2 mars 2004, LawLex202300003104JBJ, relevant que la société qui prétend se prévaloir d'une créance pour malfaçons pour opposer l'exception d'inexécution à la demande du liquidateur judiciaire tendant au versement de la retenue de garantie, doit déclarer sa créance au passif et de se soumettre à la procédure de vérification des créances, sous peine de voir déclarer sa créance éteinte et toute compensation impossible.

Angers, 9 février 2010, LawLex202200004510JBJ.

Bordeaux, 16 novembre 2023, LawLex202400007364JBJ, relevant que lorsqu'un devis est accepté par le maître de l'ouvrage, c'est à la partie qui conteste la réalisation des travaux prévus dans ce document d'apporter la preuve que ceux-ci n'ont été que partiellement exécutés, sauf si l'entrepreneur a lui-même reconnu qu'il devait reprendre les travaux ou si les travaux avaient fait l'objet de réserves à la réception.

Bordeaux, 16 novembre 2023, LawLex202400007364JBJ, précisant que l’exception d'inexécution joue non seulement en cas d'inexécution totale des obligations du débiteur, mais aussi en cas d'inexécution partielle, dès lors que l'inexécution est suffisamment grave pour que la partie adverse puisse suspendre l'exécution de sa propre obligation ; Paris, 10 janvier, 2024, LawLex202400007363JBJ, relevant qu'un entrepreneur est fondé à opposer l'exception d'inexécution et cesser ainsi l'exécution de ses travaux en cas de retard ou de refus injustifié de paiement des situations par le maître d'ouvrage.

Pau, 21 novembre 2023, LawLex202400006797JBJ.

Cass., 1re civ., 12 janvier 2012, LawLex202200004121JBJ.- V. en ce sens, Douai, 18 janvier 2024, LawLex202400007362JBJ, relevant que des désordres nouveaux non réservés à la  réception qui portent sur une gouttière coudée et une erreur de  dimensionnement d'un lanterneau constituent des manquements contractuels  qui ne sont pas suffisamment graves pour fonder l'inexécution soulevée  par le maître d'ouvrage et justifier son refus de paiement du solde des  travaux.

Toulouse, 24 septembre 2024, LawLex202400006956JBJ. 

Bordeaux, 16 novembre 2023, LawLex202400007364JBJ, précisant qu'il doit exister un rapport de proportionnalité entre la sanction prise par une partie et les manquements reprochés à l'autre partie, l'obligation inexécutée ne devant pas être secondaire par rapport à l'obligation essentielle du contrat dont voudrait se dégager le cocontractant.

Cass. 3e civ., 21 mai 2003, LawLex202200006731JBJ.

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321. Exception d'inexécution.

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