Contrats d'affaires

La recevabilité des modes de preuve du contrat d'entreprise nécessite de déterminer sa nature civile ou commerciale à l'égard du défendeur à l'action . S'il revêt un caractère commercial à l'égard de ce dernier, le contrat d'entreprise peut être prouvé par tous moyens . S'il revêt un caractère civil, la liberté de la preuve vaudra, comme en matière commerciale où tous les modes de preuve sont admi …

Recevabilité de la preuve.

La recevabilité des modes de preuve du contrat d'entreprise nécessite de déterminer sa nature civile ou commerciale à l'égard du défendeur à l'action . S'il revêt un caractère commercial à l'égard de ce dernier, le contrat d'entreprise peut être prouvé par tous moyens . S'il revêt un caractère civil, la liberté de la preuve vaudra, comme en matière commerciale où tous les modes de preuve sont admis, dès lors que le montant du contrat est inférieur à 1 500 euro en vertu de l'article 1358 du Code civil . Par exception à ce principe, un contrat d'entreprise excédant ce plafond sera soumis au régime de la preuve littérale en application de l'article 1359 , sauf en cas d'impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit  ou s'il existe un commencement de preuve par écrit .

Dans un premier temps, la première Chambre civile de la Cour de cassation avait pourtant admis la liberté de la preuve s'agissant d'un contrat d'architecte excédant le plafond de 1500 euro : elle a jugé que la mission d’un architecte qui, ayant réalisé des esquisses en vue de la construction d’un immeuble, a livré un travail important à la suite des démarches répétées de son client, caractérise un contrat de louage d’ouvrage, dont l’existence peut être prouvée par tous moyens . Elle a ensuite opéré un revirement de jurisprudence en retenant qu'en l'absence d'écrit ou de commencement de preuve par écrit, l'exécution de plans types de mobiliers destinés à la modernisation des magasins au vu et au su du maître d'ouvrage ne constitue pas un mode de preuve suffisant pour établir l'existence d'un contrat d'entreprise .

Ce faisant, elle s'est alignée sur la position de la troisième Chambre civile qui a toujours exigé un écrit pour établir l'existence d'un contrat d'entreprise dont le montant est supérieur à 1500 euro. Ainsi, selon la troisième Chambre civile, il ne peut être fait droit à la demande de paiement des travaux d'un entrepreneur au vu de la production d'une facture établie par celui-ci, fût-elle extrêmement détaillée tant au niveau des travaux réalisés, de leur coût unitaire que du nombre d'heures effectuées, sans que soit constatée l'existence d'un écrit ou d'un commencement de preuve par écrit émanant de la partie adverse . Doit donc être censuré l'arrêt de la cour d'appel qui condamne une société à payer le prix de travaux réclamé en exécution de contrats d'entreprise aux motifs que, s'agissant de prouver un contrat d'entreprise, il n'est nul besoin d'un écrit et que la preuve des marchés passés entre les parties est établie par l'exécution des travaux, les paiements d'acomptes et l'assistance d'un représentant du maître d'ouvrage à la réception . En outre, ni la présomption résultant du silence du maître d'ouvrage devant les réclamations de l'architecte, ni l'aveu extra-judiciaire que représente le paiement d'acomptes, ne constituent un mode de preuve admissible pour établir l'existence d'un accord sur le mode de calcul particulier des honoraires de l'architecte .

La chambre commerciale de la Cour de cassation adopte la même solution, affirmant que l'existence d'un contrat d'entreprise ne peut être déduite de la seule réalisation de travaux, sans qu'il soit fait état de l'existence d'un écrit préconstitué ou d'un commencement de preuve par écrit établissant l'existence d'une créance .

Aux termes de l'article 1362 du Code civil, s'analyse en un commencement de preuve par écrit tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu'il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué. Mais pour valoir preuve du contrat d'entreprise, le commencement de preuve par écrit doit être complété par des éléments extrinsèques . Selon la Haute juridiction, constitue un commencement de preuve par écrit, qui suffit à prouver l'existence du contrat d'entreprise, le compte de campagne, qui émane de la partie à qui le paiement des travaux d'impression de documents électoraux est réclamé, dans lequel figure une facture non contestée attestant de leur réalité, lorsqu'il est complété par l'élément extrinsèque résultant de l'exécution desdits travaux . Il en va de même d'un courrier transmettant à l'entrepreneur un chèque correspondant au solde des travaux lorsqu'il est corroboré par un procès-verbal d'huissier constatant la bonne exécution des travaux . 

Par ailleurs, même si la preuve du contrat d'entreprise est en principe littérale lorsqu'il porte sur un montant excédant 1500 euro, elle peut, par exception, être apportée par tous moyens lorsque l'une des parties n'a pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique en application de l'article 1360. La preuve de cette impossibilité de se constituer un écrit est difficile à apporter. Selon la Cour d'appel de Paris, elle ne saurait, en tout cas, résulter du fait que les parties au contrat d'entreprise ont entretenu des liens affectifs et de confiance dans le cadre d'une relation de concubinage .

Enfin, lorsque l'existence d'un contrat entre les parties et son objet ne sont pas contestés, les juges admettent le recours à la preuve par témoin ou par présomption pour interpréter le contrat ou en déterminer l'étendue .

Pour une application de ce principe, V. Cass. 1re civ., 19 juin 2008, LawLex202200003816JBJ, rappelant que l'à l'égard des commerçants, la preuve peut être rapportée par tous moyens de telle sorte qu'une lettre versée aux débats par un photographe indépendant et émanant de la partie adverse, une société, dans le cadre d’un litige relatif à la cession de droits de reproduction photographique, constitue un commencement de preuve par écrit suffisant à démontrer l’existence vraisemblable d’une convention éventuelle entre les parties.

Cass. 3e civ., 23 janvier 1969, LawLex202200003922JBJ.

Cass. com., 7 février 2006, LawLex202200008843JBJ.

Cass. com., 7 février 2006, LawLex202200008843JBJ ; V. en ce sens : Montpellier, 1er juillet 2021, LawLex202200008836JBJ, relevant que la preuve d'un contrat d'entreprise peut être apportée par un  commencement de preuve par écrit, tel qu'un courrier recommandé signé du client contestant le montant des travaux dans lequel celui-ci évoque la  validation d'une facturation des travaux, à hauteur de 3.800 euro  devant témoin dans l'attente d'un devis définitif, complété par une  lettre ultérieure dans laquelle il fait référence à un devis de 3.919 euro TTC convenu entre les parties, dont il joint une copie.

Riom, 26 septembre 2023, LawLex202400006522JBJ.

Paris, 6 février 2020, LawLex202200008840JBJ.

Cass. 3e civ., 17 juillet 1972, LawLex202200003848JBJ.

C. civ., art. 1358 : “Hors les cas où la loi en dispose autrement, la preuve peut être apportée par tout moyen”.

C. civ., art. 1359 : “L'acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique. Il ne peut être prouvé outre ou contre un écrit établissant un acte juridique, même si la somme ou la valeur n'excède pas ce montant, que par un autre écrit sous signature privée ou authentique (…)”.

C. civ., art. 1360 : “Les règles prévues à l'article précédent reçoivent exception en cas d'impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit, s'il est d'usage de ne pas établir un écrit, ou lorsque l'écrit a été perdu par force majeure”.

C. civ., art. 1361 : “Il peut être suppléé à l'écrit par l'aveu judiciaire, le serment décisoire ou un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve”.

Cass. 1re civ., 17 décembre 1964, LawLex202200003924JBJ.

Cass. 1re civ., 24 mars 1987, LawLex202200008845JBJ.

Cass. 3e civ., 21 juillet 1999, LawLex202200008842JBJ, censurant une Cour d'appel pour avoir fait à une demande de paiement de travaux, sans constater l'existence d'un écrit ou d'un commencement de preuve par écrit.

Cass. 3e civ., 21 février 1990, LawLex202200008838JBJ

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297. Recevabilité de la preuve.

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